Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a un an, je présentais le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Cette réforme répondait à une ambition forte : remettre sur pied notre système ferroviaire et lui donner les moyens de jouer pleinement son rôle de colonne vertébrale de nos transports. C’était une étape essentielle dans la refonte de notre politique de mobilité voulue par le Président de la République et le Premier ministre ; je me souviens que le Sénat avait été au rendez-vous.
Trente ans après la LOTI, le projet de loi d’orientation des mobilités que j’ai l’honneur de présenter devant la Haute Assemblée est une deuxième étape.
Les exigences de cette refondation n’ont pas changé : exigence d’efficacité, d’abord, pour remettre en état notre système de transport aujourd’hui menacé par des décennies de sous-investissement ; exigence de justice sociale et territoriale, ensuite, afin qu’aucun de nos concitoyens, dans aucun de nos territoires, ne soit entravé dans sa mobilité et assigné à résidence ; exigence environnementale, enfin, avec la ferme volonté d’accélérer notre transition vers une mobilité plus durable, plus sobre et plus propre.
Au terme du grand débat national, cette triple exigence résonne aujourd’hui avec une particulière acuité.
Sur les ronds-points, dans les cahiers de doléances, au cours des réunions d’initiatives locales ou au travers des contributions se sont exprimées des colères, des attentes, des propositions. Ce sont celles auxquelles font face les élus locaux depuis des années. Ce sont celles que j’ai entendues dans le cadre du grand débat en Côte-d’Or, dans le Tarn, dans le Morbihan ou ailleurs, et je les partage. Ce sont celles d’une France à deux vitesses : d’une France qui a offert toujours plus de vitesse aux uns et la galère de trains trop lents, trop bondés ou trop rares aux d’autres ; d’une France où il faut presque autant de temps pour rejoindre Bordeaux depuis Massas à seulement quarante kilomètres que depuis Paris par le TGV ; d’une France dans laquelle l’absence d’alternative à la voiture individuelle enferme celles et ceux qui sont trop jeunes, trop âgés ou qui n’ont tout simplement pas ou plus les moyens d’avoir une voiture.
La crise des « gilets jaunes » a rappelé sans détour ce diagnostic, reflet des fractures sociales et territoriales qui minent notre pays depuis des décennies.
Le projet de loi que je vous propose entend être une réponse structurelle à ces fractures. Il est le fruit d’un dialogue exigeant, constructif et sincère depuis bientôt deux ans avec les collectivités, les associations et les entreprises pour apporter des solutions concrètes et efficaces à chacun de nos concitoyens. Ce dialogue, engagé à l’occasion des Assises nationales de la mobilité, n’a eu de cesse de se poursuivre à chaque étape de la construction du texte.
Au-delà de la méthode, qui me semble la bonne, ce dialogue était indispensable, car, en matière de mobilité, ce n’est pas l’État seul, et encore moins depuis Paris, qui est l’échelon compétent ou le plus pertinent.
Ce n’est pas l’État qui conçoit des solutions avec des véhicules en libre-service à Charleville-Mézières et ses alentours, c’est Ardenne Métropole.
Ce n’est pas l’État qui s’assure que les offres de mobilité à l’échelle de la Bretagne sont bien coordonnées, c’est la région.
Ce n’est pas l’État qui propose la meilleure solution aux salariés d’une zone d’activité en Cœur de Beauce, c’est la communauté de communes en liaison avec les employeurs.
C’est l’une des attentes qui s’est exprimée avec force dans le cadre du grand débat, à savoir plus de proximité dans les décisions et l’action publiques. Ce n’est pas pour autant moins d’État qui nous est demandé et que je vous propose, car son rôle est fondamental dans cette nouvelle architecture. Il revient à l’État de fixer un cap clair ; à l’État de donner les outils et les moyens pour apporter les meilleures réponses au meilleur niveau ; à l’État de lever les freins pour libérer l’innovation ; à l’État de rendre crédibles ses engagements.
C’est dans cette logique que s’inscrit le projet de loi que je vous propose. Dans ce contexte, la première mission du législateur est de veiller à ce qu’il y ait à chaque niveau un interlocuteur identifié.
Aujourd’hui, il existe des « zones blanches » de la mobilité. Cette faille structurelle a des conséquences très directes pour nos concitoyens. Dans 80 % du territoire, il n’y a pas de solution proposée par une autorité organisatrice « dédiée » à la mobilité. Cette situation n’est plus acceptable. C’est pourquoi la loi a pour objectif prioritaire de simplifier l’exercice de la compétence mobilité par les collectivités, notamment par les communautés de communes, afin que celles-ci puissent mettre en place des solutions de proximité, simples et adaptées aux besoins. La commission a souhaité ajouter un délai de six mois pour cette prise de compétence. Je n’y suis pas opposée, dès lors que les collectivités concernées sont d’accord. En effet, je rappelle que les mesures contenues dans le volet « gouvernance » ont toutes été prises en étroite concertation avec les collectivités et leurs associations. Il me semble donc important de maintenir les grands équilibres trouvés dans la concertation.
Le bon niveau de réponse aux questions de mobilité, c’est le bassin de mobilité, avec un rôle de coordination de la région.
Vous avez proposé la mise en place de contrats opérationnels de mobilité et le renforcement de la concertation entre la région et les collectivités. J’y suis bien évidemment favorable, puisque c’est la même logique qui soutient la création du comité des partenaires pour associer les usagers et les employeurs à la définition des offres.
Répondre au plus près des besoins, c’est aussi se donner les moyens d’apporter des réponses spécifiques à nos concitoyens les plus fragiles. Le projet de loi prévoit donc la possibilité, pour les autorités organisatrices, d’apporter des aides et des services spécifiques à ces publics, avec un souci de coordination avec tous les acteurs qui les accompagnent. C’est dans cette logique que je vous propose la mise en place de plans d’action communs en faveur de la mobilité solidaire, élaborés à l’échelle d’un bassin de mobilité, pour permettre à chacun d’accéder plus facilement à l’emploi, à la formation ou aux services publics.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai eu l’occasion de le dire, ce projet de loi est une boîte à outils, pensée avec et pour les collectivités ainsi que tous les acteurs de la mobilité. À cet égard, je veux vous rassurer : cette boîte contient bien des outils, mais aussi des financements existants ou à venir pour les rendre opérants.