Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « à en croire certains esprits bornés – c’est le qualificatif qui leur convient –, l’humanité serait renfermée dans un cercle de Popilius qu’elle ne saurait franchir, et condamnée à végéter sur ce globe sans jamais pouvoir s’élancer dans les espaces planétaires ! Il n’en est rien ! On va aller à la lune, on ira aux planètes, on ira aux étoiles, comme on va aujourd’hui de Liverpool à New York, facilement, rapidement, sûrement, et l’océan atmosphérique sera bientôt traversé comme les océans de la lune ! » Voilà ce qu’écrivait Jules Verne au XIXe siècle.
En 2019, dans notre pays, nous nous interrogeons encore, certes, sur la réalité des voyages planétaires, mais bien davantage sur les trajets, les déplacements et les mobilités du quotidien. Cette question, je l’évoquais il y a encore quelques jours à Anor. Outre que cette charmante commune de l’Avesnois a la particularité d’être le point culminant du département du Nord, ses 3 300 habitants rencontrent aujourd’hui bien des difficultés dans leurs mobilités du quotidien, qu’il s’agisse de l’emploi, de la santé, des loisirs ou encore de la vie familiale. Anor n’est, hélas ! pas un cas isolé dans notre pays et témoigne bien des difficultés auxquelles se heurtent nos concitoyens, par trop souvent « assignés à résidence ».
« Mobilité, mobilités », nous disent depuis plusieurs semaines nos concitoyens ; il n’est pas une seule rencontre qui se soit tenue dans le cadre du grand débat national dans laquelle ce thème ait été abordé, que l’on soit en ville ou à la campagne. En effet, le besoin de mobilité est réel : le besoin de mobilité partagée, de mobilité fiscalement et socialement juste, mais aussi et surtout le besoin d’une mobilité pensée à l’aune des enjeux climatiques. Nos concitoyens veulent pouvoir vivre la mobilité, mais une mobilité qui soit pensée, organisée, accessible, pratique et aussi de plus en plus propre.
Dès lors, oui, un projet de loi d’orientation des mobilités prend sens dans la France de 2019 ! Nous commençons l’examen d’un texte qui – nous l’espérons tous, quelles que soient nos convictions respectives – doit faire date et ouvrir des perspectives positives pour nos concitoyens. Le Sénat a œuvré dans ce sens. Qu’il me soit permis de féliciter notre rapporteur, Didier Mandelli, pour la qualité du travail mené dans un souci permanent d’associer tous les commissaires à ce texte.
La physionomie de ce projet de loi a évolué depuis son passage en commission. Ainsi, priorité est désormais donnée à l’épineuse question des infrastructures et de la trajectoire financière que notre pays entend donner à nos infrastructures. Il s’agit là d’un préalable nécessaire à toute mobilité et à la réduction des fractures territoriales et sociales.
On doit évidemment évoquer les nouvelles infrastructures, mais aussi et surtout l’entretien et la remise à niveau du patrimoine existant, alpha et oméga de toute mobilité réussie, qu’elle soit pédestre, cyclable ou automobile. Ne nous trompons pas de combat en pointant du doigt l’automobile, cette bagnole devenue le mal du siècle, mais appelée demain à un nouvel avenir dans le cadre de ce que nous sommes nombreux ici à appeler de nos vœux : la fin du moteur thermique et le recours aux énergies décarbonées.
La question des infrastructures est essentielle, tout comme la question de la gouvernance et l’assurance qu’il n’y ait plus, demain, de « zones blanches » de mobilités.
Permettre aux collectivités territoriales de se saisir pleinement de la compétence mobilité, c’est la garantie pour nos concitoyens de pouvoir se déplacer d’un point A à un point B, et là est l’essentiel. Encore faut-il, pour ce faire, que les collectivités en aient les moyens et que ces chantiers soient menés dans des délais que nous qualifierons de raisonnables, au regard des renouvellements qui interviendront notamment en 2020.
En matière de mobilités, il nous faut aller vers l’idéal et comprendre le réel ; je sais, madame la ministre, que ce point de vue est aussi le vôtre. Nous aurons l’occasion d’évoquer ce sujet à l’occasion de nos débats, mais nous partageons tous ici la même envie : donner aux collectivités les moyens de réussir la révolution, les révolutions des mobilités. N’ayons pas peur des mots : nous parlons d’une véritable révolution des usages et de révolution climatique en tentant de lutter efficacement contre la pollution de l’air.
Avec la loi d’orientation des mobilités, nous disposerons demain d’une boîte à outils qui doit permettre, avant toute modélisation, d’expérimenter des modes de transport dont on a parfois tendance à penser, à tort, qu’ils ne sont pas faits pour nous, qu’ils ne sont pas adaptés aux contraintes du monde moderne.
Mes chers collègues, à ce titre, permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur le vélo, comme l’ont fait les orateurs qui m’ont précédé. Il nous faut mettre le paquet pour faire vivre l’ambitieux plan Vélo et affirmer sans ambages qu’il s’agit là d’un vrai moyen de transport. En effet, contrairement à des idées trop souvent reçues, le vélo du quotidien n’est pas réservé aux habitants de plats pays ou aux citadins. La pratique du vélo, et notamment du vélo à assistance électrique, doit être encouragée au travers de diverses mesures. Je pense non seulement à certaines dispositions de ce texte, mais aussi à plusieurs amendements déposés, ou encore à des initiatives comme celle que je vais proposer ici et maintenant.
Monsieur le président du Sénat, équipons notre maison, le Sénat, d’une flotte de vélos à assistance électrique. Ils pourront être utilisés par les collaborateurs et par nous, sénateurs, qui avons à nous rendre, par exemple, dans différents ministères, notamment le vôtre, madame la ministre.