Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, nous attendions ce projet de loi d’orientation des mobilités, dit LOM, depuis un certain temps, comme nos concitoyens, préoccupés par les problématiques d’accès aux infrastructures routières, ferroviaires ou maritimes. Madame la ministre, ils attendent du Gouvernement, et par la force des choses de nous, la mise en œuvre d’une politique volontariste pour un meilleur aménagement du territoire. Cet objectif nous oblige.
Malheureusement, le texte initial ne plaçait pas cette préoccupation au sommet des priorités du projet de loi et, comme ce fut le cas d’ailleurs avec la réforme de la SNCF, il aura fallu attendre que le Sénat s’investisse pour que la question de l’aménagement, et plus précisément celle du désenclavement des territoires, en devienne l’objet principal.
Je salue le travail réalisé en ce sens dans un esprit constructif et exigeant par les rapporteurs, Françoise Gatel, Benoît Huré et, tout particulièrement, Didier Mandelli et l’équipe qui l’a accompagné.
Ce projet de loi comporte cinq titres, mais l’un d’entre eux a fait l’objet d’une attention particulière de la part de notre commission : celui relatif à la programmation des investissements de l’État dans les infrastructures de transport. Cette programmation s’appuie essentiellement sur le rapport du comité d’orientation des infrastructures publié en février 2018, qui présentait trois scénarios en matière de priorités d’investissements.
Madame la ministre, vous avez opté pour le scénario n° 2. Je ne souhaite pas m’attarder sur les difficultés de financement clairement identifiées et corrigées par notre commission, qui a prévu des ressources crédibles et pérennes pour financer cette réforme. Toutefois, je veux vous dire que le choix de ce scénario est, de mon point de vue, la plus importante marque de renonciation à l’ambition initiale du texte, à savoir « offrir à nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire, des solutions de déplacement à la hauteur de leurs attentes et des enjeux d’aujourd’hui », comme l’indique la première phrase de l’exposé des motifs.
En effet, en optant pour le deuxième scénario plutôt que pour le troisième, le Gouvernement fait le choix d’enterrer des projets qui, pourtant, permettraient tout à fait de réduire le fossé entre les habitants des métropoles et des centres urbains connectés, efficacement reliés aux pôles économiques, et nos concitoyens exclus de l’accès aux réseaux et aux offres de transport.
L’un de ces projets me tient particulièrement à cœur : celui de la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, la POCL. Né en 2007 et toujours inscrit dans le Grenelle de l’environnement, ce projet, comme d’autres, ne cesse de faire l’objet d’une procrastination étatique. Son utilité a pourtant été démontrée par la commission Mobilité 21, selon laquelle il présente « la double caractéristique de répondre à la saturation prévisible de la LGV Paris-Lyon, mais aussi de mieux connecter les territoires du centre de la France au réseau de la grande vitesse ».
Madame la ministre, souhaiter la réalisation d’une LGV ne relève pas d’un caprice : c’est une infrastructure qui permet de mettre en œuvre des politiques de développement local de grande envergure et ainsi de replacer les territoires concernés sur les rails de la modernité. Voyez le développement qu’ont connu Lyon, Strasbourg, Reims, Rennes ou Bordeaux !
Je suis conscient des problèmes posés par le financement et la dette, mais, comme dans une entreprise performante, nous devons définir des perspectives à long terme – quinze ou vingt ans –, ainsi que le faisait autrefois la Datar, la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale. À l’instar d’une entreprise, un pays qui n’investit plus est un pays qui se meurt. §Il ne faut pas confondre dette de fonctionnement et dette d’investissement. Nous avons besoin d’un cap et nous devons donner de l’espérance aux territoires oubliés.
Nous sommes d’accord pour privilégier la rénovation et la modernisation des lignes existantes, à l’image de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT, mais le projet de loi est muet sur le calendrier des travaux nécessaires à ce titre, de même que sur les plus petites lignes. Ainsi, on n’y trouve pas un mot, pas une note de bas de page sur la ligne Paris-Bourges-Montluçon, alors que son état, comme d’ailleurs celui de bien d’autres, est très dégradé à cause des reports successifs d’investissements.
En ce sens, je me réjouis que nous ayons pu, avec l’appui du rapporteur, insérer dans le projet de loi, sans pour autant revenir, madame la ministre, sur votre préférence pour le scénario n° 2, une programmation qui n’abandonne pas des projets inscrits dans le scénario n° 3.
Au fond, nous n’avons qu’un seul désir : que l’État renoue avec ce que l’on appelait, dans l’ancien monde, l’« âge d’or de l’État aménageur » !