Intervention de Frédéric Doré

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 mars 2019 à 9h30
Situation au venezuela et ses conséquences internationales — Audition conjointe de Mme Paula Vasquez chargée de recherche au cnrs et de M. Frédéric Doré directeur des amériques et des caraïbes au ministère de l'europe et des affaires étrangères

Frédéric Doré :

Une des questions portait sur la reconnaissance de Juan Guaido : n'a-t-elle pas été trop rapide ? Cette reconnaissance a suivi un processus par étapes.

Nous avons d'abord considéré que l'élection présidentielle du 20 mai 2018 n'avait pas respecté les standards démocratiques. De ce fait, le mandat présidentiel de Nicolas Maduro n'était pour nous pas légitime. Ensuite, avant de reconnaître Juan Guaido comme Président en charge pour mettre en oeuvre un processus électoral, nous avions donné huit jours à Nicolas Maduro pour convoquer de nouvelles élections. Or ce dernier n'a pas donné suite à nos sollicitations.

Autre constat, l'Assemblée nationale, qui est pour nous la seule institution légitimement élue au Venezuela, a proclamé Juan Guaido Président par intérim. Tous ces constats ont conduit la France à le reconnaître à son tour comme Président par intérim en charge d'organiser des élections démocratiques. Nous attendons donc une élection présidentielle démocratique, et Juan Guaido nous paraît être la personne la plus légitime pour y parvenir.

Concernant le dialogue, le groupe de contact international qui a été initié par l'Union européenne présente l'atout d'être en mesure de parler à la fois avec les membres du régime et avec l'opposition pour faire avancer le processus électoral et l'aide humanitaire. En outre, ce groupe comprend un pays allié du régime, un pays membre du groupe de Lima, et d'autres plus neutres comme l'Uruguay, ce qui est le gage d'une prise en compte de la complexité de la situation.

À ce stade, le groupe de contact n'a pas pour objectif d'opérer une médiation. Il souhaite examiner les moyens de favoriser une solution politique avec les États de la région et les acteurs vénézuéliens.

J'en viens à une éventuelle intervention américaine.

Dès l'été 2017, le Président Trump a agité la menace d'une intervention militaire en disant que toutes les options étaient sur la table. La stratégie américaine est celle de la pression maximale, mais le 25 février, le groupe de Lima a formellement exclu le recours à la force.

La diplomatie pétrolière entre le Venezuela et Cuba est un élément essentiel de la relation entre ces deux États, puisque le Venezuela continue à fournir du pétrole à Cuba, ainsi qu'à beaucoup d'États de la région dans le cadre du programme PetroCaribe. Cuba a, pour sa part, envoyé au Venezuela des médecins depuis la période chaviste, d'où la grande proximité politique entre les deux pays.

La Chine est un soutien du régime et ses intérêts économiques au Venezuela sont très importants, mais il est difficile de prédire son positionnement à terme en fonction des évolutions de la crise. La France entretient un dialogue avec tous les pays de la région, qui sont les principaux concernés, mais également avec les États-Unis, la Russie et la Chine. Le poids de l'Église catholique est effectivement important au Venezuela - je m'exprime sous le contrôle de Mme Vasquez -, mais ses échecs dans la négociation doivent être pris en compte pour apprécier la position de l'Église.

L'Union européenne, associée au groupe de contact, tente d'être plus présente au Venezuela sur le plan humanitaire. Elle doit travailler avec l'ONU et a noué des contacts à cette fin. Nous ne souhaitons pas politiser l'aide humanitaire, qui doit répondre aux principes du droit humanitaire international, et ce dans un souci d'efficacité des ONG sur place.

Les intérêts français sont plus forts dans d'autres régions du monde, mais cela ne nous empêche pas d'agir au Venezuela. Au-delà des réactions qu'appelle la remise en cause des droits de l'homme et des libertés au Venezuela, il faut considérer la forte présence politique et économique française en Amérique latine, notamment au Brésil et au Mexique et la proximité de la Guyane Et le dossier du Venezuela est central pour les autres pays de la région et pour l'ensemble du continent américain. La France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, doit y accorder une attention particulière.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion