Intervention de Serge Vinçon

Réunion du 21 décembre 2004 à 16h30
Turquie — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Serge VinçonSerge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Conseil européen vient de décider d'ouvrir, le 3 octobre prochain, un long cycle de négociations pouvant conduire à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Dans la forme, la position défendue par le chef de l'Etat et le Gouvernement respecte nos règles institutionnelles ; sur le fond, elle est fidèle aux engagements pris sur cette question depuis des années par notre pays.

L'importance de l'enjeu et les strictes conditions posées à la Turquie, le principe d'une appréciation par étapes des progrès accomplis pour, éventuellement, poursuivre le processus, justifieront une information complète et régulière du Parlement. La décision finale sera, le moment venu, soumise à l'approbation des Français, comme vous venez de le rappeler, monsieur le Premier ministre.

Une démarche longue et délicate est ainsi lancée. Il s'agira de préparer l'Union européenne à accueillir, éventuellement, un grand pays dont on connaît le dynamisme démographique, économique et culturel, un pays qui a engagé de profondes réformes qui traduisent un désir d'Europe déjà ancien, reconnu d'ailleurs par la Communauté européenne il y a plus de quarante ans.

L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne conforterait cette dernière comme pôle économique et démographique à l'heure où, comme le rappelait le Président de la République, il lui faudra composer avec les grands ensembles indien ou chinois qui structurent déjà la mondialisation en cours. Une telle adhésion renforcerait sans doute aussi l'aspect « grand marché » de l'Union européenne que certains, contrairement à nous, en Europe ou hors d'Europe, entendent faire primer sur toute autre ambition.

Tout l'enjeu est donc de savoir si cette adhésion renforcerait ou non le projet européen dans ce qui fait son originalité, à savoir l'appartenance à une communauté de destin et l'ambition d'une Europe-puissance. Il s'agit là d'un débat légitime. Il est important de poser clairement les enjeux d'une décision qui est aussi un pari sur l'avenir. On peut l'aborder à travers trois exigences : d'abord, éviter les arguments du repli ou du rejet ; ensuite, ne pas cacher les motifs légitimes d'inquiétude ; et, enfin, définir les défis qu'il nous faut relever dès à présent.

Tout d'abord, il faut écarter les arguments du repli. Parmi ceux-ci figure celui de la géographie, fondé sur l'appartenance de l'essentiel du territoire turc au continent asiatique. Cet argument a été de facto réfuté dès 1963, quand la vocation européenne de la Turquie fut consacrée par la signature de l'accord d'association.

De la même manière, gardons-nous de recourir à l'argument religieux, qui doit être utilisé avec la plus grande prudence. La Turquie a effectué depuis longtemps une révolution laïque, unique dans la région. Cet argument ne saurait jouer contre l'adhésion, pas plus d'ailleurs qu'il ne doit être avancé comme un gage donné au monde musulman et qui serait alors déterminant en faveur de cette même adhésion.

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