Intervention de Hubert Haenel

Réunion du 21 décembre 2004 à 16h30
Turquie — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Hubert HaenelHubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne :

En même temps, cette irruption des opinions publiques a révélé l'ampleur des réticences et des inquiétudes que provoquait la candidature turque dans de nombreux pays membres, dont le nôtre.

Ainsi, le 17 décembre dernier, le Conseil européen avait à faire un travail de conciliation. Il lui fallait, dans la lignée de ses délibérations précédentes, encourager la Turquie à poursuivre son rapprochement avec l'Union. Il lui fallait aussi donner aux citoyens l'assurance qu'il ne s'agissait, en aucun cas, d'accepter que le projet européen puisse être dénaturé. Il lui fallait, enfin, alerter la Turquie sur la nécessité d'une plus grande connaissance et d'une meilleure compréhension réciproques entre partenaires de la négociation.

Je crois que le Conseil européen a réussi ce travail de conciliation.

Bien sûr, les inquiétudes des opinions publiques, en France comme dans d'autres pays membres, ne vont pas disparaître. Mais je crois qu'elles peuvent être beaucoup atténuées par un examen plus attentif des termes de la question telle qu'elle se pose désormais à l'Europe.

Qu'on me permette, tout d'abord, de rappeler une évidence : les principes d'égalité et de non-discrimination sont des principes de base de la construction européenne. On ne peut accepter ou rejeter une candidature de manière arbitraire. Qui peut aujourd'hui prendre la responsabilité de dire à la Turquie : non et jamais ! Les conditions posées à la Turquie doivent être celles qui s'appliquent à tout autre pays posant sa candidature à l'Union.

Or, pour que des négociations d'adhésion puissent s'ouvrir, il n'y a que deux conditions essentielles : tout d'abord, le pays candidat doit être un pays « européen » ; ensuite, ce pays doit être sur la « bonne pente » afin de pouvoir remplir intégralement les critères politiques, économiques, administratifs qui sont exigés pour l'adhésion à l'Union.

Examinons donc ces deux conditions essentielles.

La Turquie est-elle un pays « européen » ? C'est sans doute un sujet dont on pourrait débattre à l'infini si l'on donnait au mot « européen » un contenu historique, ou « culturel », au sens que les Allemands donnent à ce terme. Mais les traités entendent le mot « européen » dans un sens beaucoup plus restreint et plus précis : est « européen » un Etat qui a une partie au moins de son territoire en Europe. C'est la raison pour laquelle, par exemple, la Commission a refusé d'examiner la candidature du Maroc. La réponse aurait été la même si un pays comme le Canada, qui pourtant partage à l'évidence les valeurs européennes, avait posé sa candidature.

Au sens des traités, la Turquie est donc un pays européen, même si la grande majorité de son territoire est située hors d'Europe. D'ailleurs, nul n'a contesté le caractère « européen » de la Turquie lorsqu'elle a adhéré, dès 1949, au Conseil de l'Europe, et je dirai, en souriant, que nul non plus ne veut l'exclure, à ma connaissance, de la Coupe européenne de football !

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