Intervention de Jacques Baudot

Réunion du 21 décembre 2004 à 16h30
Turquie — Débat sur une déclaration du gouvernement suite

Photo de Jacques BaudotJacques Baudot :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai peut-être moins optimiste ou moins lyrique que mon collègue Jacques Blanc.

La Turquie comme l'Europe n'ont ni intérêt ni vocation à cette adhésion. Je m'en explique.

La Turquie n'est pas en Europe, ni historiquement, ni géographiquement, ni culturellement : 95 % de son territoire est situé en Asie ; elle possède des frontières avec huit pays, frontières qu'il faudra sécuriser.

Sa situation géographique et surtout géopolitique est l'une des plus complexes de la région. La Turquie est écartelée entre sa politique étrangère, sa fidélité aux Etats-Unis, sa volonté non unanime de rejoindre l'Union européenne - on dit que les Turcs sont unanimes à ce sujet, mais je n'en sais rien - ses zones de tensions avec le monde grec et kurde et sa coopération avec ses voisins arabes et caucasiens, autant de lignes de fracture qui divisent.

La Turquie compte plus de soixante-dix peuples, cinquante langues, autant de religions et de sectes. Tous ces groupes ethniques bénéficieront de la nationalité turque et deviendront des Européens.

Intégrer un nouveau pays dans le « club européen » implique d'accepter ses tensions internes et externes, ainsi que ses choix diplomatiques et géopolitiques.

La Turquie ne respecte pas les droits fondamentaux : refus de reconnaître le génocide arménien, occupation militaire de Chypre, pratique de la torture, traitements inhumains, surtout vis-à-vis des femmes.

A qui pourrait-on faire croire que l'officialisation du turc comme langue européenne officielle, ainsi que le prévoit le rapport Brock publié au début de l'année 2004, le vote des crédits de pré-adhésion - qui représentent un milliard d'euros sur plusieurs années et que le Sénat a votés -, ou l'ouverture des négociations puissent ne pas déboucher sur l'adhésion ? Il faut être lucide !

La Turquie dominera arithmétiquement dans toutes les instances communautaires. La question financière relative à cette adhésion est « un casse-tête budgétaire en perspective », comme le titrait le journal Les Echos voilà quelques jours. De l'aveu même de la Commission européenne, le calcul est purement hypothétique. Le Centre pour les études européennes chiffre la facture annuelle à 20 milliards d'euros à compter de 2020, soit 4 euros par mois pour chaque ressortissant de l'Union européenne, et ce pendant vingt-cinq ans.

Je ne parlerai pas des délocalisations, qui seront inévitables. Le salaire horaire est de 1, 5 euro en Turquie, alors qu'il est de 25 euros en France. La protection des salariés est inexistante.

Madame le ministre monsieur le ministre, nous avons pris bonne note des promesses de M. le Président Jacques Chirac à Bruxelles : « C'est à la Turquie de s'adapter à l'Europe et non l'inverse. Le Parlement français sera consulté en permanence. »

Le Président de la République a prouvé, s'il en était besoin, qu'il était un homme d'Etat. Il faut savoir reconnaître son attitude courageuse à contre-courant.

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