Notre mouvement de scoutisme laïc est né en 1911. Il appartient à la Fédération du scoutisme français et à l'Organisation mondiale du mouvement scout. Il dispose de l'agrément de jeunesse et d'éducation populaire et est reconnu d'utilité publique. Comme les SGDF, il applique la méthode scoute dans le cadre des activités proposées. Les EEDF comptent 30 000 membres, dont 4 000 adultes, et 110 salariés, mais seulement la moitié des jeunes inscrits suivent les activités du mouvement ; les autres utilisent nos infrastructures.
Le sujet qui préoccupe votre mission d'information concerne trois aspects de notre mouvement : les adultes en lien direct avec des mineurs, le « programme des jeunes », c'est-à-dire la déclinaison pédagogique de nos propositions éducatives, et notre organisation structurelle. Le problème des infractions sexuelles sur mineurs dans le scoutisme a été posé dès 2002 au niveau mondial, entraînant la définition d'une politique de protection des enfants et de lutte contre la maltraitance. En pratique, toutefois, les approches divergent selon les pays : les pays anglo-saxons disposent depuis longtemps de règles très strictes tandis que, dans d'autres États, le sujet n'est pas même évoqué. Nous avons donc été invités à décliner cette politique selon notre contexte national, au travers d'actions éducatives pour sensibiliser les mineurs et de formation des adultes. Nous devrions finaliser un document dans les prochaines semaines. Déjà, dans le cadre des formations dispensées à nos éducateurs, nous disposons de supports consacrés à cette question.
Les agressions sexuelles sur mineurs ont majoritairement lieu dans les familles, à l'école ou dans les associations qui les accueillent. Notre mouvement, comme d'autres, représente donc une structure à risque. Notre modèle organisationnel, fondé sur un travail collectif auprès des enfants, limite toutefois les passages à l'acte dans la mesure où la présence de plusieurs adultes constitue un contrôle social pour un éventuel agresseur. Depuis ma prise de fonction en 2015, je n'ai eu connaissance que d'un seul cas.
En revanche, on constate une progression préoccupante du nombre d'agressions entre mineurs.
Nous nous appuyons également sur la téléprocédure des accueils de mineurs (TAM) pour toutes nos activités, mais nous n'en maîtrisons pas la réactivité. Nous pourrions donc être dans l'ignorance d'un accident qui se serait produit après la déclaration. C'est selon nous un point à améliorer.
Enfin, la réglementation sur la protection des données personnelles interdisant le transfert de fichiers, si nous prenons une décision à l'encontre d'une personne, du fait d'une pratique préoccupante ou d'une suspicion d'agression, nous ne pouvons en informer d'autres acteurs, alors même que, nous le savons, certains individus passent d'association en association.
Mme Claire Verdier, présidente de l'Association des guides et scouts d'Europe (AGSE). - Plus que jamais convaincus de la nécessité d'offrir une maison sûre aux enfants qui nous sont confiés, nous vous remercions de nous associer à vos travaux.
Deuxième mouvement de scoutisme français en termes d'effectif, l'AGSE est un mouvement d'éducation populaire, bénéficiant de l'agrément gouvernemental depuis 1970. Elle est membre de l'Union internationale des guides et scouts d'Europe, regroupant des associations dans vingt-et-un pays en Europe et Amérique du Nord.
Nous reprenons la méthode scout conçue par Robert Baden-Powell, visant au développement équilibré de toutes les dimensions de la personne humaine, par la réalisation de cinq buts : l'épanouissement de la personnalité, le développement de la santé physique et morale, l'acquisition du sens du concret, l'acquisition du sens du service et l'approfondissement du sens de Dieu.
Nous proposons une méthode éducative moderne, dont les caractéristiques sont : la confiance accordée au jeune, qui se manifeste par des responsabilités réelles ; la vie scout dans le cadre de petits groupes autonomes, selon trois tranches d'âge ; une éducation différenciée des garçons et des filles ; la vie dans la nature ; l'engagement dans la cité.
À ce jour, l'AGSE compte 33 000 membres répartis, sur tout le territoire, en 1 300 unités confiées à 5 000 chefs. Les activités de scoutisme représentent environ 70 000 journées par an, auxquelles s'ajoutent 10 000 journées pour les 1 200 camps organisés chaque été.
Déclarées comme accueils collectifs de mineurs, toutes ces activités sont contrôlées via l'outil TAM. Nous veillons à ce que tous les intervenants présents sur un camp et en contact avec des mineurs soient déclarés, même pour un temps de présence d'une seule journée. Le numéro de téléphone 119 « enfance en danger », ainsi que les numéros d'urgence de notre association sont affichés dans les camps.
Nous organisons 90 camps de formation par an, permettant de former 1 700 chefs, et 450 conseillers religieux, choisis en accord avec leur évêque ou leur supérieur, accompagnent notre oeuvre d'éducation.
Dans pratiquement tous les cas, la direction des unités est confiée à de jeunes adultes bénévoles et majeurs. Ils sont choisis par d'autres responsables, plus âgés, qui les rencontrent personnellement avant et tout au long de leur service. L'entretien initial porte sur l'adhésion à la pédagogie des scouts d'Europe, l'engagement à se former et la cohérence de vie avec les principes du scoutisme européen.
La protection de l'enfance a toujours été une de nos priorités éducatives. L'actualité médiatique n'a fait qu'accentuer notre vigilance. C'est avec appréhension et humilité que nous évoquons la question de la pédophilie, forme parmi les plus abouties de la négation des valeurs animant notre mouvement.
La formation des chefs et cheftaines, articulée autour d'une formation initiale et d'une formation continue, est un point clé de notre pédagogie. L'une des sessions théoriques dispensées porte sur la protection de l'enfance. Cette formation est complétée, dans l'année, par des formations locales au profit de l'ensemble de la hiérarchie, traitant de points particuliers comme l'éducation à la vie affective et sexuelle en lien avec la pédagogie scoute.
En cas de suspicion de maltraitance, nous procédons immédiatement à une mise à l'écart de la personne impliquée, pouvant aller jusqu'à la suspension, voire la radiation du mouvement. Nous accompagnons les familles, effectuons un signalement auprès des autorités compétentes et, éventuellement, nous pouvons nous constituer partie civile, et ce, dans le respect constant de la présomption d'innocence.
L'actualité récente nous a conduits à nous réinterroger sur la meilleure réponse à apporter, notamment face à de nouvelles problématiques. Nous nous sommes dotés d'une commission spécifiquement consacrée à la pédophilie, la commission Saint-Nicolas, ayant pour vocation d'améliorer nos procédures et méthodes en matière de prévention des abus sexuels et d'accompagner les personnes concernées. Lieu d'écoute et de conseil, cette instance pourra être saisie à tout moment, par toute personne ayant été victime d'abus dans le cadre de notre mouvement ou informée de telles pratiques. Elle travaille sur une charte, qui sera présentée à tout parent inscrivant son enfant dans notre mouvement et approuvée par tout encadrant.
Pour conclure, une interrogation et une réflexion. Il arrive que certains prédateurs quittent un mouvement et tentent d'en rejoindre un autre : comment partager l'information pour que ces individus ne puissent pas, à travers un tel nomadisme, continuer à commettre leurs forfaits ? Par ailleurs, nos enfants sont soumis à un déferlement pornographique et les moyens techniques actuels leur permettent d'accéder à ce type de contenus où qu'ils soient, y compris pendant les activités de scoutisme. Nous devons coordonner nos efforts en la matière.
Le risque zéro n'existe pas, mais nous sommes déterminés à faire en sorte que l'AGSE demeure une maison sûre pour les enfants !