Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mes chers collègues, un Français sur quatre a déjà été contraint de refuser un emploi ou une formation en raison d’un manque de solutions de mobilité.
La mobilité se trouve à la croisée de nombreuses thématiques et problématiques, qui en font un sujet si primordial : perspectives d’emploi, innovations numériques, protection de l’environnement ou encore respect des données. Trente-six ans après la dernière grande loi d’organisation des transports, il était temps de revenir sur les transformations majeures affectant ce secteur et de se tourner vers les formidables opportunités qu’elles nous offrent.
Une autre donnée illustre bien les enjeux sous-jacents à cette réflexion : près de quatre Français sur dix estiment n’avoir aucune alternative à la voiture. Le premier des défis est le manque de solutions de mobilité, aujourd’hui vécu comme une source d’inégalités et d’injustices entre les citoyens comme de fractures entre les territoires. Cela donne le sentiment d’une assignation à résidence à une population sans autre réponse que la dépendance à la voiture individuelle.
Le groupe Union Centriste partage pleinement les objectifs de ce projet de loi. Trente-six ans plus tard, il fallait de nouveau penser un système de mobilité qui ne soit plus un frein à l’autonomie des personnes, à la cohésion des territoires, au développement économique et au retour à l’emploi.
Le groupe Union Centriste se réjouit que ce projet de loi ait d’abord été examiné en première lecture, ici, au Sénat, car les politiques de la mobilité reflètent les diversités, les spécificités ainsi que les très nombreuses opportunités de nos territoires, que nous défendons chaque jour dans cette institution.
Nous sommes également satisfaits de l’ampleur des apports du Sénat à ce projet de loi, dont les améliorations traduisent trois principales priorités.
La première, c’est la prise en compte de la ruralité.
Je le disais, le désenclavement des territoires passe par une refonte de notre système de mobilités. Si le projet de loi qui nous était présenté traduisait une approche classique par mode de transport, le Sénat a su défendre une approche multimodale et par territoire. Désormais, l’ensemble des territoires disposent d’une autorité organisatrice de la mobilité, contre 20 % d’entre eux auparavant. C’est assurément par une prise en compte accrue de la ruralité ainsi que des réalités territoriales que le texte s’enrichit. Désormais, l’application du mécanisme de péréquation verticale en cas de faible rendement du versement mobilité se fera par la prise en compte de la densité de la population.
L’intégration de l’objectif de désenclavement à l’horizon 2025 se double de mesures concrètes visant à définir des solutions alternatives à la voiture, via, par exemple, l’ouverture du transport scolaire en milieu rural à des personnes âgées isolées ou fragiles, grâce à notre collègue Michèle Vullien, ou encore la possibilité de décaler les horaires d’entrée et de sortie des établissements scolaires pour optimiser ce transport.
La deuxième priorité est en réalité une urgence : la transition énergétique.
Le secteur des transports représentait 33 % de la consommation d’énergie finale en France en 2015. Il était également le principal émetteur de CO2, avec 39 % des émissions totales de gaz à effet de serre.
Au vu de la version initiale du projet de loi, le Gouvernement semblait pourtant accepter que le transport fasse partie des secteurs qui rencontrent le plus de difficultés à atteindre les objectifs pour la croissance verte.
Pour y remédier, nous saluons l’ajout aux objectifs de la programmation des infrastructures de la lutte contre le changement climatique et la pollution atmosphérique ainsi que l’inscription de la diminution des émissions de gaz à effet de serre parmi les objectifs de la programmation des investissements dans les transports.
Le soutien à la filière hydrogène, la possibilité donnée aux collectivités d’augmenter la taxe de séjour qui s’applique aux navires de croisière les plus polluants, ou encore la faculté accordée aux communes de créer des voies et des stationnements réservés à certains véhicules en fonction de leurs émissions de polluants sont autant de mesures pragmatiques et conformes aux ambitions de la France en matière de transition énergétique.
Troisième priorité, enfin, et surtout, nous jugeons impérieux de disposer de garanties en termes de financement.
Nous avons déjà maintes fois fait part, madame la ministre, de nos inquiétudes quant à l’absence de financement des mesures de développement des mobilités sur le territoire ; nous regrettons cependant l’absence de réponse claire du Gouvernement. Dès 2020, ce sont pourtant 500 millions d’euros qui manqueront pour assurer la programmation pluriannuelle des infrastructures de transport.
Je félicite, à ce titre, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de son travail exemplaire. Son rapporteur, en particulier, a introduit des modifications importantes dans le texte pour sanctuariser les ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’Afitf, en exigeant que celle-ci dispose de ressources pérennes.
De même, en gravant dans la loi le principe de l’affectation intégrale à l’Afitf du produit de l’augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, votée en 2014, la commission rétablit la cohérence et l’ambition de base en fléchant les recettes supplémentaires au financement des infrastructures routières et non à celui du budget de l’État.
Madame la ministre, au-delà de ces trois principales priorités, nous regrettons que, par manque de pédagogie, certaines ambitions de l’avant-projet de loi, qui allaient pourtant dans le bon sens, n’aient pas été discutées au Sénat, notamment l’expérimentation de micropéages urbains. Cette mesure illustrait pourtant le passage d’une logique coercitive à une logique incitative en termes de mobilités, se traduisant par le recours aux expérimentations de nouvelles mobilités.
De telles expérimentations bénéficieraient d’ailleurs pleinement d’une prise de décision décentralisée. À ce titre, nous sommes prêts à défendre un droit à la différenciation que notre pays et nos territoires attendent pour répondre aux besoins d’innovation et faire l’expérience de réformes grandeur nature. Ce n’était certes pas l’objet de ce texte, mais, alors qu’est examiné en ce moment même le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, cette question apparaît, pour le groupe Union Centriste, comme son corollaire, qui permettrait un nouvel approfondissement de la décentralisation.