Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à la suite du discours prononcé par le Président de la République à Rennes en juillet 2017, nous pouvions comprendre la pause demandée en matière de grands chantiers d’infrastructures.
Les gouvernements successifs avaient honoré les engagements pris au fil du temps et des majorités à l’égard des métropoles, afin de réaliser la France de la grande vitesse. Il ne faut pas le regretter, car, outre le temps gagné sur ces dessertes, c’est aussi pour la France la possibilité d’exporter un savoir-faire reconnu.
Il n’en demeure pas moins que, durant la même période, c’est l’ensemble du réseau qui a pâti d’un sous-investissement. S’agissant de la route, la crise de 2008 a eu un fort impact sur l’allocation des budgets aux collectivités, conduisant à une réduction sensible de leur investissement dans le domaine routier.
Madame la ministre, l’ambition que vous portez a eu du mal à émerger au travers de ce projet de loi d’orientation des mobilités. Nous pensions sincèrement que ce texte serait une grande loi-cadre prenant en compte toutes les mobilités sans exception et que les différents modes seraient traités ensuite dans des textes dédiés. Or vous avez fait le choix de déconnecter nombre de thématiques : le ferroviaire l’an dernier, le plan Vélo ensuite, l’aérien bientôt peut-être… De plus, votre volontarisme a été mis à l’épreuve des arbitrages de Bercy et de Matignon.
Le texte présente quelques lacunes et ne nous semble pas totalement satisfaisant, notamment en ce qui concerne la question prégnante des financements.
Nous regrettons à cet égard que notre proposition d’un grand emprunt n’ait pas été acceptée. Pour l’heure, il est en effet fondamental d’investir, non seulement pour entretenir et renouveler nos infrastructures, mais aussi pour accélérer la réalisation d’un bon nombre d’entre elles dans les territoires.
Par ailleurs, la question de la contribution financière des poids lourds, notamment des poids lourds étrangers qui empruntent nos axes routiers, aurait mérité d’être traitée dans ce texte. Notre groupe avait proposé d’instaurer une redevance kilométrique, afin de les mettre à contribution. Espérons que l’Eurovignette ne tardera pas à être mise en place.
Nous nous inquiétons également des conséquences de l’ouverture à la concurrence de la RATP pour les salariés qui doivent bénéficier, selon l’expression consacrée, d’un « sac à dos social ». Encore faut-il en vérifier le contenu ! Nous y serons attentifs.
Nous regrettons beaucoup l’allongement à soixante-douze heures du délai de préavis de grève dans les transports publics, qui relève davantage du dogme que de la réalité vécue par les usagers franciliens. De toute évidence, lorsqu’on les interroge, ceux-ci nous indiquent être bien plus régulièrement gênés par les pannes et les retards dus à la vétusté du réseau que par d’éventuels mouvements sociaux. Avec un tel amendement, dans le contexte particulier du moment, il sera difficile de nous convaincre que l’on ne porte pas atteinte au droit de grève.
Il en est de même de l’amendement voté à l’article 2, qui n’a d’autre objectif que de réduire de 50 % la participation des employeurs, sous couvert de favoriser le télétravail. En réalité, cette mesure a pour conséquence de priver l’autorité organisatrice de la mobilité de recettes.
Au-delà de ces points, c’est avec une certaine gourmandise que le Sénat s’est attelé à la tâche, notamment sa commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, dont je veux saluer le président, ainsi que le rapporteur, notre collègue Didier Mandelli. C’est avec la même objectivité, madame la ministre, que je tiens à rappeler votre disponibilité, votre écoute et votre sens de la concertation.
Nous avons réussi à éviter que l’examen de la LOM ne se transforme en une succession de plaidoyers, tous légitimes, pour défendre, ici, un tronçon d’autoroutes, là, une voie de chemin de fer, ailleurs, la modernisation d’une écluse.
Pour autant, le travail de nos collègues a permis un certain nombre d’avancées, sur lesquelles je veux rapidement revenir.
Ainsi, le Conseil d’orientation des infrastructures est pérennisé. La proposition émise par notre groupe en commission concernant le transfert de la gestion de certaines lignes ferroviaires nationales aux régions a également été intégrée au texte. La sanctuarisation des ressources de l’Afitf avec l’affectation de l’intégralité du produit de la hausse de la TICPE est aussi à saluer.
L’introduction de nouveaux moyens de financement pour les collectivités nous semble pertinente. Il en est ainsi du versement mobilité réduit à 0, 3 % pour les autorités organisatrices de la mobilité qui n’organisent pas de services de transport régulier, ou encore du mécanisme de solidarité pour les territoires ruraux dont le versement mobilité aurait un rendement trop faible, qui repose sur la TICPE. Ce sont autant de dispositions qui vont dans le bon sens.
Nous approuvons aussi la suppression de la mesure qui instituait une charte facultative pour les travailleurs des plateformes numériques de mise en relation, que j’avais qualifiée de Canada Dry. On peut comprendre que ces personnes ne souhaitent pas forcément être salariées, mais elles doivent au moins se voir offrir des garanties en matière de protection.
Il est agréable de noter la prise en compte des spécificités et des enjeux portés par nos collègues ultramarins sur les problématiques maritimes et de continuité territoriale.
Nous nous réjouissons également de la consécration comme une priorité de la nécessité de développer le transport fluvial et de mener une politique volontariste en la matière, même si l’inscription du canal Seine-Nord Europe dans la loi ne lève pas les incertitudes liées à son financement. Nous avons accueilli avec satisfaction les propos du Président de la République devant les élus des Hauts-de-France vendredi dernier.
Au sujet de ces infrastructures majeures que sont le canal Seine-Nord Europe et le Lyon-Turin, je rappelle que le Premier ministre et vous-même avez réaffirmé qu’elles faisaient l’objet d’engagements internationaux et que la France honorerait sa signature.
(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Par conséquent, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur le projet de loi d’orientation des mobilités !