Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, que je salue tout particulièrement et à qui j’adresse tous mes vœux de réussite – nous en avons besoin –, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, le dernier Conseil européen a été quelque peu mouvementé en raison des rebondissements liés au Brexit. En outre, le contexte des prochaines élections européennes conduit, par définition, à ce que les dossiers n’avancent que modérément.
Plusieurs sujets intéressant la commission des finances ont pu toutefois être abordés à l’occasion du Conseil européen du mois de mars.
Tout d’abord, celui-ci a approuvé les recommandations du Conseil sur la politique économique de la zone euro dans le cadre du semestre européen. Pour rappel, la croissance devrait malheureusement marquer le pas en 2019, en s’établissant à 1, 3 % au sein de la zone euro, à la suite du ralentissement déjà observé en 2018 en raison, en particulier, de la faiblesse de la demande mondiale et des incertitudes liées au Brexit.
Dans le cadre du semestre européen, le Gouvernement devrait nous communiquer sous quinzaine le programme de stabilité et le programme national de réformes, qui feront l’objet d’un débat en séance publique.
Avec les mesures adoptées en fin d’année – nous nous en souvenons particulièrement au Sénat – et les dispositifs annoncés qui restent encore à ce jour non financés – je pense à la suppression de la taxe d’habitation –, la commission des finances sera particulièrement attentive aux orientations budgétaires prévues par le Gouvernement pour 2019 et les années suivantes.
Ensuite, pour renouer durablement avec la croissance, le Conseil européen a insisté sur le nécessaire renforcement du marché unique, invitant la Commission européenne à présenter un plan d’action d’ici à 2020.
Dans ses conclusions, le Conseil européen a lié la nécessité de supprimer les verrous du marché unique et celle d’aboutir à une fiscalité juste, appliquée au sein de l’Union européenne.
Sur ce dernier point, au-delà des simples déclarations d’intention, force est de constater que la plupart des dossiers fiscaux sont bloqués au Conseil. Je pense notamment à l’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés.
La seule issue pourrait être le passage à la majorité qualifiée en matière fiscale, mais une telle évolution nécessite l’unanimité. À ce propos, je m’étonne que, dans le cadre du grand débat, certains, y compris au plus haut niveau, avancent l’idée d’une TVA à taux zéro, alors que c’est strictement impossible, sauf à y revenir par la règle de l’unanimité.
Certaines mesures sont carrément enterrées. Je pense notamment à la taxation des services numériques au niveau européen.
S’il est donc ambitieux, l’agenda de la Commission européenne s’annonce toutefois délicat à mettre en œuvre pour aboutir à des mesures concrètes.
Par ailleurs, le Conseil européen a posé les jalons du mandat de la prochaine Commission européenne en matière de compétitivité et de politique commerciale.
En effet, après l’échec de la fusion entre Siemens et Alstom, les États membres questionnent les fondements du droit européen de la concurrence au regard des ambitions industrielles de l’Union européenne.
Le Conseil européen a ainsi invité la Commission à présenter des « actions concrètes » d’ici à la fin de l’année, même si les ingrédients de la concurrence européenne demeurent : concurrence loyale, mais aussi protection des consommateurs et des intérêts stratégiques de long terme de l’Union européenne.
En matière de politique commerciale, le Conseil européen a proposé de relancer les discussions sur la réciprocité de l’ouverture des marchés publics. L’unité des États membres sur cette question semble toutefois mise à l’épreuve, comme le prouve l’adhésion de l’Italie au projet des « nouvelles routes de la soie » avec la Chine.
Enfin, l’interminable épisode du Brexit a encore une fois occupé le devant de la scène, en attendant, peut-être avant quelques jours, d’éventuels rebondissements de la part du Parlement britannique.
Les 27 États membres ont octroyé un court délai supplémentaire au Royaume-Uni pour adopter l’accord de retrait. Toutefois, en dépit des efforts de Theresa May, le Parlement britannique n’a pas encore réussi à s’accorder sur une voie alternative, comme le montre son vote d’hier soir. Les États membres se préparent, sans doute à regret, à une sortie possible sans accord.
Le Brexit conduirait à une perte pour le budget de l’Union européenne, si le Royaume-Uni ne respectait pas son engagement de s’acquitter des 50 milliards d’euros pour le règlement financier de ce « divorce ».
Cette situation pourrait ainsi raviver les tensions entre les États membres qui ne partagent pas les mêmes points de vue sur l’évolution du budget de l’Union.
Madame la secrétaire d’État, quelles sont les hypothèses budgétaires envisagées pour répondre à cette difficulté, alors que la participation de la France au budget de l’Union européenne s’élève déjà à plus de 20 milliards d’euros ? Comment comblerions-nous l’engagement financier du Royaume-Uni ? Quel regard porte le gouvernement français sur le Brexit et l’hypothèse de plus en plus attendue ou redoutée, malheureusement, d’une sortie sans accord de l’Union européenne ?