Madame la secrétaire d’État, permettez-moi tout d’abord de vous adresser mes félicitations pour votre nomination, comme l’ont fait mes collègues.
Il est difficile, cet après-midi, d’échapper au Brexit. Je me limiterai à quelques observations rapides.
Premièrement, sommes-nous prêts en cas de no deal ? Vous l’avez affirmé avec conviction, madame la secrétaire d’État ; pour ma part, je serai peut-être un peu plus prudent. Nous avons, certes, autorisé la prise de cinq ordonnances, mais cela ne suffit pas à garantir le caractère exhaustif et l’efficacité des mesures, d’autant qu’une frontière a, par définition, pour caractéristique d’être gérée à deux. Nous ne pourrons être prêts pour ce rendez-vous que si nos homologues britanniques le sont également.
Vous savez aussi, madame la secrétaire d’État, que le degré de préparation de nos entreprises reste aussi en discussion. Nombre d’entre elles ont d’ailleurs perdu légitimement – c’était une réussite de l’Union européenne – les savoir-faire liés à la gestion des frontières douanières.
Deuxièmement, le modèle parlementaire britannique souffre, alors que son ancienneté et sa solidité ont fait notre admiration, ainsi que celle des pères de notre Constitution.
Les commentaires sévères sur nos collègues britanniques abondent. Je ne les partage pas. D’une part, leurs difficultés montrent a contrario la force, la pertinence de ce qui a été bâti au cours des décennies par et avec l’Union européenne. D’autre part, partout en Europe, et pas simplement au Royaume-Uni, il est devenu difficile de passer des accords, de faire des concessions, de trouver des compromis. Cette idée selon laquelle le peuple souverain aurait une réponse simple à des questions complexes et que seule la déconnexion de la démocratie représentative ne lui permettrait pas de prendre les bonnes décisions est, vous le savez, ravageuse, des États-Unis à l’ensemble de l’Europe.
Nos propres difficultés, mes chers collègues, à mettre fin à la crise des « gilets jaunes », à mener nos arbitrages, à trouver des accords qui puissent être acceptés par toutes les parties de notre « archipel social » – si vous me permettez cette formule – démontrent qu’un modèle européen historique de prise de décision est attaqué.
Exprimé autrement : les difficultés des Britanniques sont le reflet de nos propres difficultés, et réciproquement.
Troisièmement, le Brexit vampirise la réflexion, l’énergie et l’action de l’Union européenne. Nous avons à préparer un nouveau mandat européen, une nouvelle Commission, nous avons relancé une dynamique européenne, une Europe de la souveraineté partagée. Aussi, madame la secrétaire d’État, à l’approche du sommet prévu le 10 avril et au regard de celui qui vient de se dérouler et dont vous nous avez rendu compte, je veux insister sur le point suivant : il y a tant de sujets passionnants à traiter, à améliorer, à construire que celui du Brexit doit-être certes traité, mais sans qu’il nous hypnotise.
Je dois dire que j’ai apprécié votre souci d’élargir le regard et que vous ayez indiqué que le travail continuait pendant le Brexit avec l’avenir du marché unique, avec les questions d’orientation stratégique sur le climat ou les progrès dans la lutte contre la désinformation. Vous avez mis également en perspective le prochain sommet, majeur, de Sibiu.
De la même manière, je remercie mes collègues pour le souffle qu’ils ont donné à ces questions : M. le président Cambon, qui a traité des questions de défense, M. le rapporteur général, qui a évoqué les perspectives financières, et M. Reichardt, qui a notamment traité de la Chine et des questions numériques.