Intervention de Colette Mélot

Réunion du 2 avril 2019 à 14h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 21 et 22 mars 2019

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État – à mon tour, je vous adresse mes félicitations et mes meilleurs vœux de réussite –, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, tel un feuilleton qui n’en finirait pas, les rebondissements se sont succédé depuis le Conseil européen des 21 et 22 mars dernier sur des sujets pourtant essentiels pour l’Union européenne.

Premier point tout d’abord, et surtout : le Brexit.

Les Européens n’ont pas cédé aux pressions britanniques et ont décidé de remettre la balle dans le camp de Theresa May alors qu’elle demandait un report au 30 juin. C’est une bonne chose.

Les Vingt-Sept ont proposé la date du 12 avril en cas de no deal, bien plus cohérente juridiquement, et du 22 mai en cas d’adoption de l’accord. Un choix qui protège aussi bien les intérêts européens que les intérêts britanniques.

Les parlementaires britanniques en ont, pourtant, décidé tout autrement en reprenant la main avec une série de votes indicatifs sur la forme que doit prendre le Brexit, votes qui n’ont rien donné et qui conduisent de plus en plus à ce qui ressemble à une voie sans issue, allant jusqu’à la démission désespérée de Theresa May ! Mais qui pour la remplacer ? Nous ne le savons pas.

Permettez-moi de commencer à douter du comportement de ces élus qui n’agissent pas à la hauteur de leurs responsabilités, en mettant en danger leur pays, leurs concitoyens, leurs entreprises, mais aussi leurs partenaires historiques et économiques.

Repousser la date du Brexit, sans véritable raison et sans explication donnée aux citoyens européens, n’enverra pas un bon signal et risque, au contraire, de renforcer les sentiments d’éloignement et d’incompréhension tant décriés par certains.

À quelques semaines d’une échéance électorale primordiale pour l’Europe, cela ne peut être accepté.

Les 27 États membres sont et doivent rester plus que jamais fermes et unis face à cette situation édifiante.

L’Europe doit garder la main sur ce calendrier pour qu’il ne vienne pas perturber la bonne tenue de la campagne des élections européennes, mais également l’installation du futur Parlement européen, qui aura beaucoup à faire pour l’avenir de nos territoires.

C’est maintenant aux dirigeants britanniques de s’expliquer devant leurs citoyens et électeurs. La décision du Conseil européen est donc une façon de mettre le Royaume-Uni devant ses responsabilités et doit, même si nous pouvons le regretter, s’appliquer le 12 avril en cas de no deal.

Deuxième point : les décisions concernant les relations de l’Union européenne avec la Chine, qu’il convient de saluer.

J’avais alerté Nathalie Loiseau à ce sujet lors de notre débat préalable au Conseil européen et il semble que les États membres aient pris la mesure de l’urgence de faire front uni face à cette puissance économique mondiale.

Sans céder aux sirènes du protectionnisme, le Conseil européen a décidé de multiplier les mécanismes pour répondre à la concurrence étrangère jugée déloyale.

C’est un sujet stratégique fondamental pour les États membres européens, qui doivent plus que jamais parler d’une seule voix.

C’est chose faite puisque le premier acte concret de cette nouvelle politique pourrait être l’adoption d’un nouvel instrument destiné à assurer la réciprocité entre l’Union européenne et la Chine dans l’attribution des marchés publics. Il s’agit là d’un enjeu considérable puisque ces derniers pèsent 2 400 milliards d’euros, soit plus de 16 % du produit intérieur brut européen.

Cela s’est aussi traduit, très rapidement, dans les faits, lors de la visite du Président chinois Xi Jinping la semaine dernière en France, accueilli par un front uni composé de la France, de l’Allemagne et de la Commission européenne.

C’est cette politique coordonnée et unie entre les États membres qui doit prévaloir face à des intérêts politiques de court terme. L’Europe devra rester vigilante et passer les mêmes messages lors du sommet Union européenne-Chine le 9 avril prochain.

Troisième point : la lutte contre la désinformation.

Je note l’appel du Conseil pour renforcer les efforts coordonnés visant à s’attaquer aux aspects intérieurs et extérieurs de la désinformation et à protéger les élections européennes et nationales dans l’ensemble de l’Union européenne. Le renforcement de sa résilience face aux menaces extérieures est essentiel. Les élections européennes en seront le prochain test, et j’espère qu’il sera positif.

Quatrième point, enfin : même si beaucoup reste à faire, je salue les conclusions du Conseil visant à mettre en place une véritable politique industrielle européenne. Je serai attentive au document que présentera la Commission européenne d’ici à la fin de l’année concernant sa vision à long terme pour l’avenir industriel de l’Union européenne et les mesures concrètes assorties, destinées à la mettre en œuvre.

Des pistes pour une politique industrielle modernisée ont d’ailleurs déjà été présentées par un groupe de réflexion interne à la Commission, en misant notamment sur le soutien aux projets de technologies avancées et la protection des entreprises européennes. Il faudra s’en inspirer.

Il semblerait aussi opportun de réfléchir à la pertinence d’une révision de la politique européenne de concurrence pour que des situations comme celle que nous avons connue avec Alstom et Siemens ne se reproduisent plus. Un nouvel équilibre doit être trouvé entre ouverture et protection du marché européen.

Ces décisions du Conseil européen des 21 et 22 mars dernier sont donc stratégiques pour l’avenir de l’Union européenne, pour maintenir sa cohérence et pour la protéger au mieux des potentielles menaces extérieures. Gageons que les engagements pris seront suivis d’effets concrets.

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