Pour ma part, je trouve absurde d’opposer solidarité avec les territoires et compétitivité. L’une ne va pas sans l’autre, et il suffit de regarder le chemin parcouru par l’Espagne, le Portugal ou la Grèce pour se convaincre que l’aide apportée par l’Europe au développement, entre autres, d’infrastructures de transport n’a pas été, en définitive, une si mauvaise chose. L’Espagne, notre grand voisin, est, je le rappelle, notre deuxième partenaire commercial.
Vous m’excuserez de citer un exemple que je connais bien dans mon département, mais chacun d’entre nous, dans le sien, pourrait évoquer des cas similaires : la première phase du désenclavement du bassin d’Alès, par la construction d’une 2x2 voies grâce à des fonds structurels, a permis à l’industrie de gagner en compétitivité et a attiré de nouvelles activités, notamment dans les services.
Depuis maintenant plus de vingt ans, les conservateurs et libéraux n’ont eu de cesse que de vouloir modifier cette politique de cohésion, qui est une politique de solidarité, pour aller vers une politique de compétitivité. Mes chers collègues, l’idée qui circule actuellement – j’en parle aujourd’hui parce que, s’il est bon que nous parlions de la PAC, il ne faudrait pas que celle-ci nous fasse oublier les fonds structurels – et qu’avait déjà avancée la Commission européenne en mai 2018 serait de créer une enveloppe dédiée aux 19 membres de la monnaie unique au sein du fonds de soutien pour les réformes structurelles qu’elle a proposé en mai 2018. Ce fonds contient d’ailleurs déjà une ligne réservée aux pays hors zone euro.
Trois pistes de financement sont évoquées par la Commission, et c’est là que cela devient intéressant : l’utilisation des 25 milliards d’euros déjà prévus pour ce fonds de soutien aux réformes structurelles ; le « refléchage » d’une partie des fonds européens prévus pour les 27 membres de l’Union européenne ; ou encore un prêt garanti par le budget européen.
Ce projet a été discuté le 28 février et le 1er mars derniers par des représentants des ministères des finances des 19 pays, en même temps que la proposition franco-allemande sur le sujet. Dans ce document, les deux capitales conviennent de placer, comme le voulait Berlin, le budget de la zone euro au sein du cadre financier pluriannuel. Paris a obtenu, de son côté, que la gouvernance de cet instrument soit régie par un accord intergouvernemental.
Le compromis contente les deux parties sur la nature des projets à cofinancer : ils seront liés aux recommandations de réformes – point cher à l’Allemagne, vous le savez – et d’investissements – point important pour la France –, identifiées lors du semestre européen.
Donc, si la proposition de la Commission européenne est approuvée, cela valide le principe d’une porosité des fonds vers les réformes structurelles qui seraient financées dans le cadre d’un budget de la zone euro.
Je tiens à vous alerter tout particulièrement sur ce point, car, si on conjugue la conditionnalité des aides version allemande et Commission européenne à la création d’une enveloppe dédiée pour les pays de la zone euro, les fonds européens tels que nous les connaissons dans nos régions vont disparaître. Le groupe Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen propose d’ailleurs le maintien et le développement de cette politique, si utile à nos territoires.
De plus, le refus clair du Parlement européen, il y a quelques semaines, de l’application du principe de macro-conditionnalité doit être entendu et pris en compte. Nous l’avons déjà dit ici, voilà près d’un an, il n’est pas acceptable que la Commission européenne puisse intervenir au niveau des régions lorsqu’un État membre ne respecte pas les règles du pacte de stabilité et de croissance. Si nous validons dans le dur ce lien, cela ira irrémédiablement à l’encontre du développement de nos territoires, à l’échelle européenne.
Madame la secrétaire d’État, la conditionnalité des aides, c’est faire payer aux citoyens européens les éventuelles turpitudes de leurs dirigeants, pour lesquels ils n’ont pas toujours voté.
Pouvez-vous nous indiquer de manière claire et précise, si cela est aujourd’hui possible, quelle est la position du Gouvernement sur l’avenir des fonds structurels européens ? Je tiens à vous alerter : la politique de cohésion est menacée, car ces fonds risquent d’être supprimés ; et l’on n’en parle pas. Le groupe socialiste et républicain se battra pour son maintien et son développement et, j’en suis sûr, sera rejoint par beaucoup d’autres groupes et nombre de nos collègues au sein de notre assemblée.