Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 2 avril 2019 à 14h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 21 et 22 mars 2019

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Une décennie plus tard, la stratégie globale apparaît plus évidente. Le plan continue de se déployer, puisque – les précédents orateurs l’ont rappelé – les routes de la soie viennent de gagner, via notamment le port de Trieste, un nouveau partenaire : l’Italie, membre fondateur de l’Union européenne.

En outre, dans les pays d’Europe centrale et orientale, les PECO, la présence chinoise s’est affirmée dans l’économie. De nombreux projets en cours et des forums économiques sont régulièrement organisés entre la Chine et les PECO. De plus, en matière politique, un dialogue de haut niveau a été instauré au format « 16+1 » : finalement, quel échec pour l’Europe de voir les PECO s’en remettre aux États-Unis et à l’OTAN pour leur sécurité, et à la Chine pour leur prospérité économique !

Par ailleurs, la Chine a constitué un véritable réseau d’organisations influentes à Bruxelles. Ces dernières agissent comme autant de leviers venant soutenir son effort diplomatique et sa stratégie de soft power.

En tant qu’Européens, il nous faut donc être lucides dans l’analyse des événements et solidaires dans la réponse à y apporter. Je rappelle que l’Union européenne est le premier partenaire commercial de la Chine et que 80 % des échanges commerciaux se font par voie maritime.

Certes, des occasions sont à saisir : l’Union européenne devrait potentiellement profiter de cette augmentation des échanges dans les décennies qui viennent, à condition que cela fonctionne dans les deux sens, ce qui – vous le savez – n’est pas totalement le cas aujourd’hui. Quant aux investissements chinois, ils sont en hausse en Europe, tandis que les investissements européens se sont réduits d’un quart en Chine. Il y a donc des rééquilibrages à faire.

Puisque les routes maritimes, terrestres et ferroviaires vers la Chine existent désormais, quelle stratégie globale entendons-nous mettre en place pour favoriser l’export de produits européens dans ces conteneurs repartant vers l’Asie ? Quelles stratégies d’influence avons-nous en Chine ? Comment la France se donne-t-elle les moyens d’agir, quand d’autres pays semblent plus avancés ?

De plus, si les investissements étrangers sont les bienvenus, les États ne doivent pas totalement se dessaisir de leurs infrastructures stratégiques. Une fois ces dernières cédées, tout retour en arrière serait difficile. Ainsi, quelles solutions communes envisage-t-on pour éviter ces situations déstabilisatrices ? Sommes-nous véritablement prêts ? Les subventions et le rôle des entreprises d’État chinoises, la pression exercée pour transférer nos technologies suscitent également des interrogations.

Une chose est sûre : sans vision ni solidarité communes, l’émergence de la Chine en Europe, loin d’être une chance, ne sera qu’un coin supplémentaire venant disloquer une Union européenne déjà mal en point. L’Union européenne ne devra pas se laisser instrumentaliser par Washington dans sa guerre commerciale avec Pékin.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à nous de voir si nous souhaitons être acteur du monde ou seulement spectateur de la compétition sino-américaine du XXIe siècle !

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