Intervention de Catherine Fournier

Réunion du 2 avril 2019 à 14h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 21 et 22 mars 2019

Photo de Catherine FournierCatherine Fournier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui le 2 avril 2019. Le Royaume-Uni devait sortir de l’Union européenne le 29 mars dernier. Or il en est toujours membre ; mais jusqu’à quand, et sous quelle forme ?

Lors du Conseil européen des 21 et 22 mars 2019, les chefs d’État européens ont demandé aux dirigeants britanniques de se prononcer avant le 12 avril. Il s’agit bien de leur demander de faire face et de confirmer leur seule et entière responsabilité dans la décision.

Madame la secrétaire d’État, je tiens, en conséquence, à vous alerter sur l’impact économique, social et humain de cette absence de décision. Notre territoire des Hauts-de-France, et plus spécifiquement le Pas-de-Calais, dont je suis l’élue, sera la victime toute désignée d’un Brexit dur. C’est sur cet enjeu que je centrerai mon propos, en complément de l’intervention de mon collègue Philippe Bonnecarrère.

De nombreuses entreprises sont dépendantes de leurs échanges avec le Royaume-Uni. Pour illustrer l’importance de ces relations, nous pourrions évoquer les 31 milliards d’euros d’excédents que dégagent les exportations françaises vers le Royaume-Uni, et qui représentent 7 % du total de nos exportations.

Pour ce qui concerne le secteur halieutique, 30 % de la pêche française se fait dans les eaux territoriales britanniques. Quant aux Britanniques, ils importent 42 % de leurs produits alimentaires depuis l’Union européenne. Mais, à l’heure actuelle, l’impréparation du côté britannique est telle que certains commencent à constituer des stocks pour anticiper les difficultés d’approvisionnement.

Côté français, notre gouvernement a pris par ordonnances des mesures pour anticiper le no deal et les entreprises ont été invitées à se préparer à leur échelle. Mais sont-elles réellement prêtes ?

Le rétablissement des frontières douanières engendrerait des formalités administratives supplémentaires, un temps de passage portuaire accru, une désorganisation des chaînes logistiques et un coût supplémentaire, qu’il s’agisse du personnel ou de la formation.

Les PME, les industriels, les transporteurs, la filière automobile ou encore la filière médicamenteuse sont très inquiets. C’est ce que leurs représentants ont exprimé ici lors de notre colloque du 20 mars dernier, que le président Gérard Larcher – je l’en remercie de nouveau – a bien voulu parrainer.

Le maintien régulé des flux commerciaux, financiers et humains entre le Royaume-Uni et le continent européen, la pérennité des voies commerciales existantes sont cruciaux pour limiter les effets du Brexit sur l’activité économique et la mobilité de nos concitoyens.

Depuis le 4 mars dernier, les agents des douanes français se sont mis en grève pour nous alerter quant aux effectifs nécessaires aux missions liées au Brexit et demander une revalorisation de leurs conditions de travail.

Que cela soit bien clair pour tout le monde : les difficultés actuelles de blocages routiers côté français ne préfigurent en rien les possibles complications liées à la sortie du Royaume-Uni. Ce sont les Britanniques importateurs qui seront chargés de contrôler les flux entrants : ainsi, ils devront faire face, sur leur territoire, à de tels engorgements.

Par le dynamisme de son port et du tunnel sous la Manche, liaison la plus rapide entre nos deux pays, le Calaisis – je suis même tentée de dire la côte d’Opale – est un lieu exceptionnel de passage vers le Royaume-Uni. Toutefois, cette réussite a une contrepartie. Elle engendre des flux importants et calibrés, mais le territoire souffre d’un engorgement rapide, étant donné sa position d’entonnoir. Il est indispensable qu’il soit géré comme une exception, afin que les flux restent continus. Sans accompagnement de l’État, sans décision forte, nous prendrions le risque d’une dégradation de son image comme de son activité économique et d’un grave impact écologique du fait de files de camions en attente prolongée. D’ailleurs – on le sait –, cet affaiblissement se ferait au bénéfice d’un transfert vers les ports du Benelux.

Dans le cadre du Brexit, des mesures de contingence sont prêtes. Mais quand les déclencher ? Comment embaucher quand on ne sait pas quelle sera l’activité demain ? Comment organiser le temps de travail ? Combien investir quand la vision est obstruée ?

Madame la secrétaire d’État, nous le savons, vous venez de prendre vos fonctions – nous vous accueillons d’ailleurs avec plaisir –, ce dans un moment crucial pour l’avenir de l’Union européenne et de notre pays.

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