Intervention de Jean Bizet

Réunion du 2 avril 2019 à 14h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 21 et 22 mars 2019 — Conclusion du débat

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, merci de vos diverses contributions à ce débat très éclairant, à la suite d’une réunion du Conseil européen qui a commencé à tracer la feuille de route de la future commission européenne, sur deux sujets majeurs, que je me permettrai de développer : la stratégie industrielle de l’Union et la révision des règles européennes de concurrence.

D’une part, le Conseil européen a invité la Commission à présenter, d’ici à la fin de l’année, une vision à long terme pour l’avenir industriel de l’Union européenne. Il l’a également priée d’élaborer, d’ici à mars 2020, un plan d’action à long terme visant à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique. Le Conseil européen demande, à cet égard, de mettre l’accent sur l’économie de services, notamment de données, d’approfondir l’union des marchés de capitaux et l’union de l’énergie – deux thèmes indissociables de la puissance de l’Union – et, enfin, d’assurer une fiscalité juste et efficace.

Ces demandes du Conseil européen se situent dans une perspective plus globale, qui tend à conforter l’Europe comme une vraie puissance économique : cette stratégie d’ensemble intègre non seulement une politique industrielle volontariste et le marché unique, mais aussi l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, qui fait encore, depuis une vingtaine d’années, profondément défaut, une politique numérique tournée vers l’avenir, et une politique commerciale ambitieuse garantissant concurrence loyale et réciprocité. Cette stratégie prometteuse me semble pouvoir constituer un socle valable pour la refondation de l’Union, à mener après les élections européennes.

D’autre part, dans ses conclusions, le Conseil européen affirme la nécessité « d’assurer une concurrence loyale », non seulement « au sein du marché unique » mais aussi « au niveau mondial », et « aussi bien pour protéger les consommateurs que pour favoriser la croissance économique et la compétitivité, conformément aux intérêts stratégiques à long terme de l’Union. » Ces conclusions ont même été complétées pour préciser que l’Union européenne continuera d’adapter son cadre réglementaire « aux nouvelles évolutions technologiques et sur le marché mondial ».

Le Conseil européen a également appelé la Commission à déterminer, avant la fin de l’année, les moyens de combler les lacunes du droit de l’Union européenne, afin de remédier, enfin, aux distorsions de concurrence induites par les entreprises étrangères lourdement subventionnées par leur État. Il a aussi évoqué la nécessité de revoir l’encadrement des aides d’État dans un sens propice à l’innovation.

Les règles européennes de concurrence méritent effectivement un réexamen – le Sénat travaille depuis plusieurs années sur cette question en particulier. Ces règles, héritées de l’origine de la construction européenne, à l’heure où il s’agissait d’éviter les monopoles et ententes sur le charbon et l’acier, paraissent aujourd’hui totalement décalées. Le refus opposé par la Commission à la fusion Alstom-Siemens a ranimé le débat. La commissaire à la concurrence a appliqué, je le sais, les règles applicables en la matière, mais ce sont justement ces règles, précisément élaborées à l’échelon du Conseil, qui ne sont plus d’actualité.

Dans leur manifeste conjoint pour l’industrie, du 19 février dernier, les ministres français et allemand de l’économie envisagent l’introduction d’un pouvoir d’évocation du Conseil. L’usage d’un tel pouvoir concerne bien plus l’Allemagne que la France. Cela rendrait possible, dans certains cas, une révision des décisions de la Commission en matière de concurrence.

Le Sénat doit contribuer à cette réflexion essentielle ; c’est pourquoi la commission des affaires européennes vient de confier au groupe de suivi sur la stratégie industrielle de l’Union européenne, qu’elle a créé avec la commission des affaires économiques, le soin d’explorer la manière d’adapter les règles de concurrence, au service de l’ambition industrielle européenne.

Cette ambition ne pourra pas se concrétiser si nous ne nous engageons pas davantage dans la numérisation de l’économie, qu’un certain nombre de collègues ont évoquée avec le dossier relatif à Huawei et à la 5G. La première approche de l’Union européenne est satisfaisante, mais je ne vois pas les clefs de sécurité, que nous appelons de nos vœux, permettant de fermer les « portes dérobées » qui nous mettraient dans une situation délicate en matière de souveraineté numérique.

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