Une mission a été confiée au préfet de région Jean-Luc Marx en janvier 2018 pour mener une concertation sur la question institutionnelle alsacienne, sous deux réserves : que la région Grand Est conserve son intégrité et que les grands équilibres actuels régissant les répartitions de compétences entre collectivités soient respectés.
Le préfet a proposé d’opérer un rapprochement des deux départements au sein d’un nouveau département, lequel se verrait confier, dans le cadre du droit à la différenciation prévu dans la révision constitutionnelle, des compétences complémentaires essentielles au vu de son caractère transfrontalier très marqué.
J’ai ensuite été missionnée par le Premier ministre pour faire aboutir la création de cette nouvelle collectivité. Je me suis rendue à de nombreuses reprises sur le terrain, et j’ai travaillé en lien étroit avec mes collègues du Gouvernement, Élisabeth Borne et Jean-Michel Blanquer, que je remercie vivement. Une déclaration commune engageant le Gouvernement, les deux conseils départementaux, ainsi que la région Grand Est a été conclue et signée le 29 octobre par le Premier ministre et les exécutifs des collectivités. Elle prévoit une réponse appropriée pour l’Alsace et trouve une part de sa traduction dans le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
La constitution de la Collectivité européenne d’Alsace se matérialisera par plusieurs étapes.
Première étape, le regroupement des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin en un seul département. Après que les deux conseils départementaux ont délibéré favorablement, le 4 février dernier – à l’unanimité dans le Haut-Rhin et avec six voix contre dans le Bas-Rhin –, pour demander ce regroupement, le décret du 27 février 2019 a procédé à ce dernier pour constituer la Collectivité européenne d’Alsace.
Deuxième étape, l’ajout – c’est l’objet du projet de loi que je vous présente aujourd’hui – de compétences particulières en matière de coopération transfrontalière, de bilinguisme, de tourisme et de transports.
Troisième étape, le développement des politiques culturelles, économiques ou sportives dont les orientations étaient fixées dans la déclaration commune. Ces politiques font l’objet d’un travail approfondi avec les services déconcentrés de l’État et les autres échelons de collectivités concernées, et elles se traduiront, pour la plupart, dans des actes réglementaires.
Le projet de loi s’attache à donner à l’Alsace des compétences suffisamment justifiées par ses spécificités pour que le cadre constitutionnel actuel permette de les attribuer de façon pérenne et circonscrite à ce territoire.
Il comporte des articles relatifs aux compétences – il s’agit des articles 1er, 2 et 3 –, aux modalités relatives au personnel – articles 4 et 5 –, aux modalités de compensation des transferts – article 6 –, aux dispositions transitoires nécessaires au bon fonctionnement de la Collectivité européenne d’Alsace – articles 7 et 8 –, aux ordonnances qui seront nécessaires pour garantir le bon fonctionnement de cette collectivité, et aux ordonnances spécifiquement relatives au transfert des routes et permettant d’instaurer des « contributions spécifiques versées par les usagers concernés » aux termes de l’article 10.
Au 1er janvier 2021, la Collectivité européenne d’Alsace exercera le socle classique des compétences départementales auquel s’ajouteront quatre types de compétences.
Il s’agira, en premier lieu, de compétences en matière transfrontalière. Le projet de loi institue ainsi le principe d’un chef de filât de la collectivité, sur son territoire exclusivement, en matière de coopération transfrontalière. La collectivité pourra de ce fait organiser l’action collective, sans restreindre la capacité d’action des autres collectivités intéressées. Elle sera également chargée d’établir un schéma alsacien de coopération transfrontalière, non prescriptif, en association avec l’ensemble des collectivités et des acteurs concernés. Elle aura, enfin, la capacité, en parfaite cohérence avec la stratégie régionale, de décliner un volet opérationnel sur les projets structurants en matière, par exemple, de santé, de mobilités, de formation professionnelle. Elle pourra ainsi se voir déléguer, par l’État, la région ou des établissements publics de coopération intercommunale, des compétences pour la mise en œuvre des projets mentionnés dans le schéma alsacien de coopération transfrontalière. Ce système de délégation ad hoc est valable pour toutes les collectivités concernées.
Il s’agira, en deuxième lieu, de compétences en matière de bilinguisme, pour renforcer ce vecteur culturel et ce facteur de mobilité professionnelle que constitue la langue allemande ; les Alsaciens ont beaucoup insisté sur la mobilité professionnelle.