Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 2 avril 2019 à 14h30
Collectivité européenne d'alsace — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Cependant, il ne doit pas cacher le cœur de nos débats, à savoir les nouvelles compétences de l’Alsace définies par le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.

Comme tout compromis, ce texte suscite de vives insatisfactions, tant de la part d’une partie des Alsaciens, qui souhaitent aller beaucoup plus loin, demandant même la sortie de la région Grand Est, voire la création d’une collectivité à statut particulier, que de celle des autres élus de la région Grand Est ou même du reste du territoire français qui réclament les mêmes avantages.

De plus, il ne résout en rien les difficultés provoquées par les deux réformes successives du redécoupage des régions et de la redéfinition des compétences régionales et départementales par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe.

Cependant, même insatisfaisant, ce projet de loi est attendu par de nombreux élus alsaciens, car il donne du contenu à cette entité « Alsace » qu’ils appellent de leurs vœux les plus chers et dont ils ont très majoritairement décidé la création.

Et si ce texte concerne principalement l’Alsace, il ne peut être déconnecté de la nécessaire évolution des lois de décentralisation, dont l’acte III est promis après la fin du grand débat national, ni de l’introduction dans la Constitution du futur droit à la différenciation, applicable à tous les départements français.

La nouvelle Alsace doit être considérée comme une expérimentation dans la perspective des futures réformes des lois de décentralisation, applicables à tous les départements. La mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, conduite par le sénateur Mathieu Darnaud, y travaille.

En conséquence, mes chers collègues, je vous propose d’accepter le compromis négocié par les élus alsaciens et le Gouvernement et largement amélioré par le Sénat, afin non seulement de renforcer les compétences de la nouvelle Alsace et de lui donner les véritables moyens juridiques, humains et surtout financiers pour les exercer, mais aussi d’expérimenter de nouvelles dispositions en Alsace qui auraient vocation à nourrir le débat général sur l’organisation territoriale de notre pays et à s’étendre aux départements qui le souhaitent et de sécuriser, dans la loi, les dispositions électorales initialement prévues par ordonnance.

Concernant les compétences de l’Alsace, le texte initial prévoyait le transfert a minima de prérogatives dans quatre domaines – coopération transfrontalière, bilinguisme, tourisme, routes nationales et autoroutes non concédées. Ces compétences ont une importance toute particulière en Alsace en raison des spécificités locales.

La situation frontalière de l’Alsace et les liens privilégiés avec l’Allemagne justifient le développement d’une coopération transfrontalière affermie, notamment en matière de mobilité, d’échanges linguistiques, de coopération sanitaire et culturelle.

Sans remettre en cause les compétences de la région, la commission des lois a souhaité donner à la collectivité les véritables moyens pour les exercer.

Chef de file, l’Alsace élaborera un schéma de coopération transfrontalière respectueux du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.

Elle pourra bénéficier de délégations des autres collectivités pour la réalisation des projets transfrontaliers, notamment en matière de déplacements.

Afin de garantir son effectivité, le Sénat a autorisé les EPCI à déléguer tout ou partie de leur compétence à la nouvelle collectivité. Ces délégations seront essentielles pour mener à bien les projets de coopération transfrontalière en matière de transport et de mobilité des deux côtés de la frontière.

Le développement des langues régionales et de l’apprentissage de l’allemand est primordial pour le développement économique et l’attractivité de l’Alsace frontalière. Ainsi, la collectivité alsacienne pourra organiser dans les établissements scolaires, sur le temps périscolaire, des activités complémentaires d’enseignement des langues et cultures régionales. De plus, elle pourra recruter un vivier d’enseignants germanophones et les mettre à disposition de l’éducation nationale pour favoriser l’ouverture de classes bilingues.

Bien qu’inscrites dans la loi, ces dispositions restent programmatiques. Afin de les amplifier, la commission des lois a adopté les amendements de nos collègues alsaciens Reichardt, Kennel, Kern et Danesi visant à confier à l’Alsace le chef de filât en matière de promotion des langues régionales et à étendre sa compétence à la formation des enseignants et à l’ouverture des classes bilingues ou d’immersion.

Elle a, par ailleurs, introduit un article supplémentaire autorisant l’Alsace, comme toutes les collectivités, à créer des chaînes de télévision locales pour promouvoir les langues régionales.

Avec plus de 20 millions de visiteurs chaque année, le tourisme constitue en Alsace un secteur économique majeur, pourvoyeur de nombreux emplois. L’enjeu de l’attractivité est donc au cœur des politiques locales et régionales.

Conformément à la déclaration commune de Matignon, le Sénat a densifié la compétence du département d’Alsace en matière de promotion de l’attractivité de son territoire et prévu la création d’un conseil de développement tel que souhaité par le sénateur Kennel.

Le transfert des 300 kilomètres de routes nationales et autoroutes non concédées à l’Alsace ne constitue pas véritablement une nouvelle compétence, puisque les départements gèrent déjà la majorité des voiries. L’innovation réside dans le transfert – pour la première fois – d’autoroutes à un département, ce qui se justifie par la nécessité de réguler le trafic provenant d’Allemagne, où la LKW-Maut, la taxe sur les camions, favorise le déport de plus de 1 000 camions par jour sur les routes alsaciennes parallèles.

Cependant, les conditions du transfert, telles que prévues par le texte initial, doivent être clarifiées, afin de donner à la nouvelle collectivité les véritables moyens pour endiguer la circulation des camions.

Des moyens juridiques, tout d’abord, afin d’accorder l’ensemble des pouvoirs de police de la circulation au président du conseil départemental, en créant une nouvelle catégorie d’autoroutes départementales, soumises aux règles applicables à la voirie départementale, et dont le déclassement pourra être décidé par le conseil départemental et sera nécessaire avant tout transfert à l’eurométropole de Strasbourg.

La sécurisation du transfert des personnels affectés à la gestion et à l’entretien des voiries concernées est nécessaire pour éviter de se retrouver dans la situation de 2004, encore mal digérée par nombre de départements.

Enfin, il convient de renforcer les garanties financières, afin de s’assurer que, conformément à l’article 72-2 de la Constitution, le transfert de charges est réellement compensé par des ressources équivalentes.

L’article 6 du projet de loi prévoit que les ressources attribuées sont équivalentes aux dépenses consacrées, à la date du transfert, diminuées du montant d’éventuelles réductions brutes de charges ou augmentation des ressources liées au transfert.

En outre, il affirme que la compensation des charges transférées est égale à la moyenne calculée, pour l’investissement, sur les cinq années précédentes et, pour le fonctionnement, sur les trois années. Le Sénat a ajouté que cette moyenne ne pourra être inférieure aux montants de 2018, toujours dans le souci de sécuriser le transfert des moyens financiers.

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