Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 2 avril 2019 à 14h30
Collectivité européenne d'alsace — Discussion générale

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Non ! La vraie solution permettant de concilier différenciation territoriale et unité nationale consiste à revenir à notre tradition administrative, qui a toujours su garantir la place des petites nations locales dans la grande nation : revenir, donc, sur un découpage régional dont personne ne veut, parce qu’il est incompatible avec les réalités des territoires, et revenir sur la répartition bureaucratique des compétences entre régions et départements, sur la suppression de la compétence générale des départements, sur les boursouflures qui ont complexifié la gestion locale en augmentant la dépense publique au lieu de la faire baisser – on attend toujours les 20 milliards d’euros d’économies qui avaient été annoncés !

Contrairement à ce qui se colporte, le jacobinisme français n’est pas qu’un centralisme : c’est un étrange mélange de centralisme et de liberté locale qui fait de la France le pays où l’échelon territorial de proximité, la commune, dispose de l’autonomie la plus grande. À ceux qui en doutent, je conseille d’aller voir ce qui se passe en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis d’Amérique. Pierre Grémion l’a montré il y a bien longtemps : dans le système administratif classique, le préfet et son administration ne sont pas que la courroie de transmission de l’État central ; ils sont aussi les porte-parole des territoires et de leurs élus auprès de l’État, État qui, à la différence de sa version libérale actuelle, disposait alors, dans ledit système, de moyens d’intervention financiers et d’ingénierie.

Les lois de décentralisation de 1982 et 1983, puis celles qui sont relatives à la coopération intercommunale volontaire de projet, à partir de 1992, viendront renforcer ce « pouvoir périphérique », pour reprendre l’expression de Pierre Grémion. C’est cet édifice administratif solide et efficace que les réformes des quinquennats Sarkozy, Hollande et Macron ont voulu démonter, alors que c’est le contraire qu’il aurait fallu faire.

En l’espèce, respecter la spécificité alsacienne passe non pas par la création d’une collectivité à usage particulier, mais par un redécoupage régional permettant de garantir un tel respect, ce qui est déjà possible dans l’état actuel de la législation. J’ai cru d’ailleurs comprendre que telle était aussi la position de bon nombre de collègues alsaciens.

Selon Jérôme Fourquet, la France serait devenue un archipel d’îles et d’îlots sans liens entre eux, une nation multiple et divisée, autant dire autre chose qu’une nation.

N’entendant pas participer à cette entreprise de destruction de l’unité nationale, le groupe CRCE votera contre ce projet de loi ni fait ni à faire, mais bien révélateur des intentions de ses auteurs.

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