Intervention de Guy-Dominique Kennel

Réunion du 2 avril 2019 à 21h30
Collectivité européenne d'alsace — Discussion générale

Photo de Guy-Dominique KennelGuy-Dominique Kennel :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi un instant de revenir en 2013. Nous proposions alors de créer une vraie région Alsace, regroupant les compétences de la région et des deux départements, avec des conseillers territoriaux pour élus. C’eût été, j’en suis persuadé, la meilleure formule pour notre territoire et pour bien d’autres.

Malheureusement, le référendum ne fut pas concluant. Ce fut pour moi un échec douloureux ! Mais rien n’étant jamais définitif, l’espoir revint le 22 janvier 2018, par le biais de la lettre de mission du Premier ministre demandant au préfet, M. Jean-Luc Marx, de mener une réflexion sur l’évolution des deux départements alsaciens.

Espoir donc à la lecture du rapport très fouillé de M. Jean-Luc Marx, dont je vous livre quelques extraits. Premièrement : « l’Alsace s’est forgé une identité propre au cœur de l’Europe ». Deuxièmement : « Depuis la création, au 1er janvier 2016, de la région Grand Est, il n’existe plus de collectivité territoriale d’Alsace. » Troisièmement : « Au-delà des interrogations sur l’avenir administratif du territoire, le “désir d’Alsace” dépasse le registre institutionnel. » Quatrièmement, et c’est le point qui me semble le plus important : « une simple addition des deux départements serait mal comprise […] un véritable projet de territoire […] pourrait se traduire par l’attribution de compétences nouvelles. »

Espoir encore, madame la ministre, lorsque, à la suite de ce rapport, vous avez organisé, avec vos services, de multiples réunions, aussi bien dans votre ministère qu’à l’occasion de nombreux déplacements en Alsace, ce dont je vous sais gré ! Vous connaissez par ailleurs la sympathie que je vous porte depuis bien longtemps.

Espoir enfin, lorsque vous annonciez la volonté du Gouvernement de conclure cette démarche par une déclaration commune suivie d’un projet de loi.

Mais l’espoir a rapidement cédé la place au doute le 29 octobre 2018, à la lecture de la déclaration de Matignon, que j’ai qualifiée le soir même, de « légère, voire transparente » ; elle reporte l’essentiel en 2021.

J’ai également des doutes sur la volonté du Gouvernement d’aller au-delà de la fusion des deux départements et de répondre réellement au fort et légitime « désir d’Alsace ».

Finalement, à la lecture du projet de loi dont nous allons débattre, le doute a disparu, au profit, malheureusement, de la déception !

Je ne m’attarderai pas sur la dénomination de cette nouvelle collectivité, dite européenne, car transfrontalière. La France étant européenne, toutes les collectivités le sont !

Oui, déception quant à la notion de chef de file à propos de l’action transfrontalière. Vous la bridez par de nombreux critères, à tel point que la nouvelle collectivité organisera peut-être, mais n’aura aucune compétence à décider. Gérer les fonds européens, par exemple, eût été une réelle compétence à lui confier.

Déception encore, en constatant que le seul et réel transfert de compétence proposé est en réalité un transfert de charge à moyen et long termes. Je veux parler des routes nationales et des autoroutes non concédées. La charge nette est d’au moins 50 millions d’euros, compensation déduite. Belle opération de générosité de l’État à son propre égard !

Déception aussi quant aux autres compétences évoquées dans le projet de loi. Elles ne sont ni nouvelles ni renforcées, puisqu’elles existent déjà et sont exercées par ailleurs, qu’il s’agisse de la politique en matière de bilinguisme, du tourisme ou du sport.

Déception enfin de constater que trop de mesures seront prises par voie d’ordonnance, alors qu’elles pourraient être utilement précisées dans la loi.

Madame la ministre, j’ai salué votre qualité d’écoute. Je vous exhorte à entendre pareillement la demande des Alsaciens en répondant positivement aux amendements de la commission des lois. Je salue d’ailleurs notre excellente collègue Agnès Canayer, rapporteur sur ce texte.

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