Séance en hémicycle du 2 avril 2019 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Philippe François, qui fut sénateur de la Seine-et-Marne, de 1983 à 2004.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean Louis Masson.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les débats qui ont eu lieu sont tout de même très instructifs.

Comme je l’ai indiqué, pour beaucoup d’élus régionaux, le Grand Est, c’est un fromage ! Chacun y fait son trou et le défend ! Le fait que les élus du Grand Est défendent cette région serait, nous a-t-on expliqué, la preuve que tout va bien et qu’il ne faut pas créer de région Alsace de plein exercice. Je ne suis pas surpris : c’est la théorie du fromage ! Les gens ont fait leur trou. Chacun voit midi à sa porte, c’est-à-dire les bénéfices financiers, personnels, matériels ou politiques qu’il peut en tirer.

J’observe que le président de la région Grand Est, par exemple, a totalement retourné sa veste, affirmant aujourd’hui le contraire de ce qu’il disait hier ! On peut tout de même s’interroger… Une chance pour lui qu’il n’existe pas de nationalité alsacienne ; il en serait certainement déchu pour haute trahison ! Car son attitude est une véritable trahison au regard de ses déclarations passées. Hier, il expliquait qu’il fallait se battre jusqu’à la mort pour sauver la région Alsace, que sa disparition serait une catastrophe, et il appelait à signer la pétition qu’il avait lancée en ce sens. À présent que la soupe est un peu meilleure, il fait exactement le contraire !

En fait, nous sommes face à des personnes qui manquent non seulement de rationalité, mais aussi tout simplement d’honnêteté. L’honnêteté, ce n’est pas de dénoncer des problèmes un jour et de changer d’avis le lendemain quand on voit qu’on peut tirer un avantage personnel ou politique de la situation.

Mme Catherine Troendlé s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

À un moment donné, il faudra, me semble-t-il, apporter des clarifications. Et cela ne concerna pas seulement les élus alsaciens. En tant qu’élu lorrain, je puis vous dire que nous aussi, nous souffrons de cette aberration qu’est la région Grand Est !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Nous sommes victimes d’une absence totale de proximité. Je pense qu’il faut vraiment changer de braquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à mon sens, pour bien comprendre l’esprit et même la raison d’être du texte que nous propose aujourd’hui le Gouvernement, il est indispensable de revenir au début de l’histoire – certains diraient au péché originel –, c’est-à-dire à la nouvelle carte des régions issue de la loi du 16 janvier 2015.

Ceux qui avaient déjà la chance de siéger au sein de notre hémicycle à l’époque se rappellent des débats enflammés qui ont eu lieu tout en long de la navette parlementaire ; l’Assemblée nationale a adopté en dernier ressort ce texte polémique. Je tiens à le rappeler, au mois de décembre 2014, lors de l’examen en nouvelle lecture de ce dernier au Sénat, nous avions majoritairement adopté une carte préservant la région Alsace.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Si la voix du Sénat avait été entendue, nous ne serions probablement pas aujourd’hui réunis pour examiner un projet de loi visant à créer une Collectivité européenne d’Alsace.

Comme nombre de mes collègues, alsaciens ou non, je regrette ce découpage. Selon ses promoteurs, la réforme devait permettre des économies considérables ; certains parlaient de 10 milliards d’euros, d’autres de 55 milliards d’euros. Ces économies, nous les attendons toujours ! Malheureusement, dans de nombreuses régions, on constate plutôt une augmentation des dépenses !

Trois ans après l’entrée en vigueur du texte, je ne suis toujours pas à l’aise avec cette nouvelle région Grand Est, qui est trop vaste et, surtout, dépourvue d’affectio societatis.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

C’est pour ces raisons que nous souhaitons donner une réalité juridique, législative, à un fort « désir d’Alsace », exprimé par une très large majorité d’Alsaciens, 84 % selon les derniers sondages. Ce « désir d’Alsace » a été très bien observé et compris par Mme la ministre, Jacqueline Gourault, que je tiens à remercier de son excellent travail.

Ainsi que cela a été rappelé, ce désir aurait pu prendre plusieurs formes. Le Gouvernement a choisi ce qu’on pourrait appeler une fusion de départements améliorée, aboutissant à la création d’une collectivité dénommée « Collectivité européenne d’Alsace ». Ce choix me conduit à formuler un regret. Je regrette que nous n’ayons pas pu aller plus loin et aboutir à la création d’une collectivité à statut particulier. À mes yeux, cela aurait été la meilleure solution.

Pour autant, même si j’aurais donc préféré aller plus loin, je reconnais, associant mon collègue Jean-Marie Bockel à cette remarque, l’intérêt du compromis auquel nous sommes parvenus avec le Gouvernement. Ce compromis a abouti à la signature à l’hôtel Matignon, le 29 octobre 2018, d’une déclaration commune en faveur de la création d’une Collectivité européenne d’Alsace. J’apporte donc mon soutien au projet de loi qui nous est proposé aujourd’hui.

Ce soutien ne m’empêche pas de formuler certaines réserves à l’égard du texte initial déposé sur le bureau du Sénat. Les travaux de la commission des lois ont permis de lever la plupart de ces réserves. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de notre rapporteur, Agnès Canayer, qui, sans être alsacienne – personne n’est parfait !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Je souhaite évoquer les avancées les plus importantes adoptées par la commission.

Le nouvel article 2 bis prévoit que la Collectivité européenne d’Alsace pourrait à titre expérimental se voir déléguer par la région l’octroi de tout ou partie des aides aux entreprises. Tout département pourrait d’ailleurs demander à bénéficier de la même expérimentation. Après l’adoption d’une disposition similaire dans le cadre de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, adoptée le 13 juin 2018, c’est la deuxième fois que le Sénat tente de rectifier une orientation néfaste de la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe. Selon Mme la rapporteur, cette dernière a « réduit à peau de chagrin les compétences économiques des départements au détriment de la proximité souvent nécessaire en la matière ». Sans dessaisir la région, un tel mécanisme permettra d’introduire de la souplesse dans les politiques locales de développement économique.

À l’article 3, c’est à juste titre que la commission des lois a attribué le pouvoir de police de la circulation sur les autoroutes non concédées au président de la collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Il était effectivement nécessaire de clarifier les règles applicables aux autoroutes transférées.

Enfin, il n’était pas souhaitable que les règles relatives à la composition du collège électoral concourant à l’élection des sénateurs du Bas-Rhin et du Haut-Rhin intègrent le champ de l’habilitation prévue à l’article 9. Je me félicite que la commission ait adopté mon amendement sur ce point et que la rapporteur ait introduit, à l’article 8, la répartition des conseillers départementaux et régionaux élus dans la section correspondante entre les collèges appelés à élire les sénateurs du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Je termine mon intervention en évoquant l’aspect le plus symbolique et le plus sensible du débat : le nom de la collectivité. « Collectivité européenne d’Alsace » : voilà l’intitulé figurant à la fois dans la déclaration commune signée à Matignon le 29 octobre 2018, dans le décret du 27 février 2019 portant regroupement des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin – je précise que c’est la fusion des deux conseils départementaux, et non des deux départements – et dans le présent projet de loi.

Pour un Alsacien comme moi, comment défendre un autre intitulé aujourd’hui ? C’est celui sur lequel est fondé l’accord qui est l’objet même du projet de loi que nous examinons.

Contre l’avis du rapporteur, nos collègues du groupe socialiste et républicain ont fait adopter un amendement prévoyant la création d’un « département d’Alsace ». Pour nous, il s’agit d’une remise en cause du projet que nous défendons. Je regrette que cette modification ait été intégrée au texte de la commission, même si je suis d’accord pour dire que toutes les collectivités françaises ont une mission européenne. Je soutiendrai donc sans réserve les amendements visant à rétablir l’intitulé : « Collectivité européenne d’Alsace ».

Malgré ce dernier aspect, je tiens une fois encore à saluer la qualité du travail réalisé par la commission des lois. À l’exception du nom de la collectivité, le texte qu’elle nous propose aujourd’hui est enrichi, sans que soient remis en cause les équilibres initiaux défendus par le Gouvernement.

C’est donc avec fierté que je vous appelle tous, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi créant la Collectivité européenne d’Alsace. Merci fer euere Unterstetz ! Merci pour votre soutien !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

« La dénomination “Collectivité européenne d’Alsace” a disparu ; vive le département d’Alsace ! » C’est ainsi que pourrait s’intituler la chronique d’une mort annoncée.

Non, nous ne voulons pas d’un simple « département d’Alsace », qui ne correspond pas au mandat que les Alsaciens nous ont confié ! Le « désir d’Alsace », porté par les deux présidents des conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, a conduit le Gouvernement à exprimer une volonté d’accompagnement qui nous semblait pourtant claire. Mais était-elle aussi explicite et aussi volontariste ? J’ai encore la faiblesse de le croire.

L’accord signé à l’hôtel de Matignon, arraché aux forceps au Gouvernement, a créé la Collectivité européenne d’Alsace, le 29 octobre dernier. Cette collectivité doit être dotée de compétences élargies, supradépartementales, dans les domaines dans lesquels l’Alsace excelle ou doit se renforcer, comme la coopération transfrontalière, le tourisme, le bilinguisme ou la mobilité. Fin de l’acte Ier.

Il nous fallait attendre les deux délibérations concordantes des conseils départementaux, puis le décret en Conseil d’État, et enfin le texte de loi ; c’est chose faite. Fin de l’acte II.

Mes chers collègues, nous allons écrire ensemble l’acte III d’un événement historique qui pourrait se terminer en drame ou en espoir pour les Alsaciens, les citoyens et les élus, tous unis pour défendre le même objectif.

Mais loin de moi une démarche de repli ! Nous voulons assurément que l’expérience alsacienne puisse être transposable, pour ce qui concerne certaines de ses compétences élargies et renforcées, à d’autres territoires.

Je ne reviendrai pas sur les sondages, les pétitions, les mobilisations ou les délibérations prises en conseil municipal. Toutes ces actions ont conduit à construire et à réitérer le désir d’Alsace. Des milliers d’Alsaciens se sont exprimés.

À cet appel, nous devons répondre par une action construite, institutionnelle et efficiente dans les domaines qui ont été déclinés dans l’accord de Matignon.

À cet instant, je veux remercier tout particulièrement Mme la rapporteur, Agnès Canayer, de son écoute, de sa grande disponibilité et de son souci permanent d’accompagner ce texte jusqu’à la fin du parcours législatif dans les meilleures conditions possible. Je la remercie également d’avoir repris à son compte quelques-uns de mes amendements.

Le texte de loi est un premier pas dans la bonne direction. Mais il ne va évidemment pas assez loin.

Les coopérations transfrontalières doivent être renforcées. Je proposerai donc un amendement tendant à ce que la collectivité soit chargée d’organiser les modalités de mise en œuvre du schéma alsacien de coopération transfrontalière.

En matière de mobilité, l’Alsace doit pouvoir se battre à armes égales avec l’Allemagne contre le trafic insupportable des poids lourds, notamment en instaurant des contributions spécifiques qui pèseront sur les usagers des routes concernées.

De plus, le texte doit prévoir la prise en charge par l’État des éventuels surcoûts des opérations de travaux inscrites au contrat de plan État-région 2015-2020 et transférées à la collectivité en 2021.

S’agissant du tourisme, de nouvelles prérogatives sont nécessaires. Je pense notamment à la possibilité donnée à la collectivité de coordonner sur son territoire la politique du tourisme.

Enfin, si deux collectivités vont fusionner pour devenir une collectivité unique, originale, il n’est nullement question de fusion des deux entités administratives, même si le Gouvernement a exprimé un engagement en ce sens. Je vous présenterai donc un amendement tendant à conforter la pérennité de la préfecture du Haut-Rhin comme chef-lieu de la nouvelle collectivité. §Je vous rappelle qu’il en fut de même pour la région Grand Est et Strasbourg ; personne ne s’en est ému. Mon amendement ne fixera en rien le siège à Colmar, la collectivité restant totalement libre de son choix.

Mes chers collègues, après tant d’attentes et d’espoirs déçus pour les Alsaciens, ce texte se doit d’être ambitieux. Je suis convaincue que nous y contribuerons tous ensemble.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des lois applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy-Dominique Kennel

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi un instant de revenir en 2013. Nous proposions alors de créer une vraie région Alsace, regroupant les compétences de la région et des deux départements, avec des conseillers territoriaux pour élus. C’eût été, j’en suis persuadé, la meilleure formule pour notre territoire et pour bien d’autres.

Malheureusement, le référendum ne fut pas concluant. Ce fut pour moi un échec douloureux ! Mais rien n’étant jamais définitif, l’espoir revint le 22 janvier 2018, par le biais de la lettre de mission du Premier ministre demandant au préfet, M. Jean-Luc Marx, de mener une réflexion sur l’évolution des deux départements alsaciens.

Espoir donc à la lecture du rapport très fouillé de M. Jean-Luc Marx, dont je vous livre quelques extraits. Premièrement : « l’Alsace s’est forgé une identité propre au cœur de l’Europe ». Deuxièmement : « Depuis la création, au 1er janvier 2016, de la région Grand Est, il n’existe plus de collectivité territoriale d’Alsace. » Troisièmement : « Au-delà des interrogations sur l’avenir administratif du territoire, le “désir d’Alsace” dépasse le registre institutionnel. » Quatrièmement, et c’est le point qui me semble le plus important : « une simple addition des deux départements serait mal comprise […] un véritable projet de territoire […] pourrait se traduire par l’attribution de compétences nouvelles. »

Espoir encore, madame la ministre, lorsque, à la suite de ce rapport, vous avez organisé, avec vos services, de multiples réunions, aussi bien dans votre ministère qu’à l’occasion de nombreux déplacements en Alsace, ce dont je vous sais gré ! Vous connaissez par ailleurs la sympathie que je vous porte depuis bien longtemps.

Espoir enfin, lorsque vous annonciez la volonté du Gouvernement de conclure cette démarche par une déclaration commune suivie d’un projet de loi.

Mais l’espoir a rapidement cédé la place au doute le 29 octobre 2018, à la lecture de la déclaration de Matignon, que j’ai qualifiée le soir même, de « légère, voire transparente » ; elle reporte l’essentiel en 2021.

J’ai également des doutes sur la volonté du Gouvernement d’aller au-delà de la fusion des deux départements et de répondre réellement au fort et légitime « désir d’Alsace ».

Finalement, à la lecture du projet de loi dont nous allons débattre, le doute a disparu, au profit, malheureusement, de la déception !

Je ne m’attarderai pas sur la dénomination de cette nouvelle collectivité, dite européenne, car transfrontalière. La France étant européenne, toutes les collectivités le sont !

Oui, déception quant à la notion de chef de file à propos de l’action transfrontalière. Vous la bridez par de nombreux critères, à tel point que la nouvelle collectivité organisera peut-être, mais n’aura aucune compétence à décider. Gérer les fonds européens, par exemple, eût été une réelle compétence à lui confier.

Déception encore, en constatant que le seul et réel transfert de compétence proposé est en réalité un transfert de charge à moyen et long termes. Je veux parler des routes nationales et des autoroutes non concédées. La charge nette est d’au moins 50 millions d’euros, compensation déduite. Belle opération de générosité de l’État à son propre égard !

Déception aussi quant aux autres compétences évoquées dans le projet de loi. Elles ne sont ni nouvelles ni renforcées, puisqu’elles existent déjà et sont exercées par ailleurs, qu’il s’agisse de la politique en matière de bilinguisme, du tourisme ou du sport.

Déception enfin de constater que trop de mesures seront prises par voie d’ordonnance, alors qu’elles pourraient être utilement précisées dans la loi.

Madame la ministre, j’ai salué votre qualité d’écoute. Je vous exhorte à entendre pareillement la demande des Alsaciens en répondant positivement aux amendements de la commission des lois. Je salue d’ailleurs notre excellente collègue Agnès Canayer, rapporteur sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy-Dominique Kennel

L’Alsace souhaite non pas se singulariser, mais être une nouvelle fois terre d’expérimentation au profit de tous, comme elle l’a toujours été.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy-Dominique Kennel

M. Guy-Dominique Kennel. La France est riche de ses diversités : se sentir savoyard, basque, berrichon, corse ou alsacien, c’est avant tout se sentir français, et être fier de sa région ! Madame la ministre, l’Alsace vaut mieux, la France vaut plus !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Certes, il s’exprime ce soir entre plusieurs membres du groupe Les Républicains, pour exhorter à rechercher une synthèse et à essayer de trouver un point d’accroche. En examinant ce texte, nous devons faire preuve d’exigence en matière de décentralisation à l’égard du Gouvernement.

J’entends le « désir d’Alsace ». Il est logique. Nous parlons d’une vallée rhénane de quasiment 2 millions d’habitants, sur un territoire relativement restreint. Il est évident que les Alsaciens peuvent ressentir le besoin d’exister. D’ailleurs, ils existent, mais pas forcément ainsi que vous les décrivez.

Lorsque les Alsaciens se sont exprimés en 2013, ils n’ont, me semble-t-il, pas réussi telle synthèse. Je le rappelle, le département du Haut-Rhin a voté contre le projet de regroupement en une seule région, et le débat sur la place respective de Colmar et de Strasbourg – il faut peut-être évoquer aussi celle de Mulhouse – était déjà vif ; parfois, il faut trouver des accords.

Le vrai problème des Alsaciens vis-à-vis du Grand Est, mais c’est vrai aussi pour d’autres régions, se pose en ces termes : s’agit-il d’une véritable décentralisation ou d’un moyen pour l’État d’opérer une recentralisation ?

Nos concitoyens réclament de la proximité. Je le rappelle, les grandes régions que nous avons adoptées étaient déjà prônées dans les rapports Mauroy, Balladur et Raffarin-Krattinger, ce dernier rapport recommandant par exemple de réduire le nombre de régions françaises à dix ou onze. Mais lorsque nous avons adopté ce projet, nous n’avons jamais dit qu’il ne devait y avoir qu’une seule agence régionale de santé, une ARS, ou qu’un seul rectorat dans le Grand Est ; d’ailleurs, M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse étudie la possibilité d’avoir trois rectorats dont l’un chapeauterait les deux autres.

Ce que réclament nos concitoyens, c’est de la proximité sur les territoires. M. Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, a déclaré aujourd’hui dans Les Échos qu’il faudrait faire une loi des territoires. Mais est-ce que cela garantira la proximité sollicitée par nos concitoyens ?

La fusion des départements, à laquelle je suis favorable, est décidée par les deux conseils départementaux ; elle permet effectivement à l’Alsace d’exister en tant que département. Dès lors, pourquoi s’accrocher au nom ? En fait, si vous vous y accrochez, c’est parce qu’il y a une forme de tromperie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

M. Jacques Bigot. Certains Alsaciens – Guy-Dominique Kennel vient de le rappeler – souhaitaient une collectivité à statut particulier ; je pense qu’André Reichardt, auteur d’un amendement en ce sens, le confirmera dans quelques instants.

M. André Reichardt acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Mais si on veut une collectivité à statut particulier, il ne faut pas l’appeler « Collectivité européenne d’Alsace ». Madame la rapporteur, je vous remercie d’avoir, à l’issue de votre excellent travail, reconnu qu’il s’agissait simplement d’un département. Faut-il dès lors l’appeler autrement que « département » ? On peut se poser la question, mais ce n’est pas le sujet.

Soyons clairs à l’égard de nos concitoyens : disons-leur que c’est la fusion des deux départements. Au demeurant, madame la ministre, la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, devra un jour traiter un problème. Nous aurons à la fois deux départements qui correspondent à des circonscriptions administratives d’État, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, et le département qui correspond à la désignation d’une collectivité territoriale. Cela va créer de la confusion et des incompréhensions.

Mais, comme l’a souligné le Conseil d’État, cela ne justifie pas le terme « Collectivité », encore moins ceux de « Collectivité européenne ». À la limite, on pourrait envisager de garder l’adjectif « européenne » si, à l’issue du débat, le département d’Alsace avait une véritable compétence transfrontalière, d’ailleurs indispensable – depuis Paris, on voit les choses de manière hexagonale. Avoir une compétence transfrontalière, c’est pouvoir discuter et négocier directement avec le Land voisin, qui a des compétences.

Je vous propose de permettre au département d’Alsace de négocier directement des échanges d’enseignants avec les Länder qui engagent des enseignants. Je vous propose de faire un schéma régional transfrontalier en matière de santé, là où l’ARS le refuse : du point de vue de cette dernière, il faut s’occuper des hôpitaux jusqu’aux frontières ; ce qui se passe de l’autre côté du Rhin n’a aucun intérêt. Je vous propose de permettre au département de faire une programmation pluriannuelle.

Mes chers collègues, si nous réussissons à donner aux Alsaciens ce département avec quelques compétences nouvelles qui seront peut-être utiles pour d’autres départements frontaliers, nous aurons réussi. Ayons donc ce débat sur la décentralisation au lieu de nous battre sur un nom qui va tromper les Alsaciens ; je pense qu’il faut leur dire la vérité. Ce que nous avons réussi est un pas, un petit pas. Mais le grand pas que nous devons à tous les Français, c’est une vraie décentralisation ; celle-là, nous ne l’avons pas !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, autant être clair tout de suite : la Collectivité européenne d’Alsace est une mauvaise réponse à une bonne et vraie question. Car même si ce projet de loi est censé mettre en œuvre la déclaration de Matignon du 29 octobre dernier, les Alsaciens, dans leur immense majorité, n’ont jamais demandé la nouvelle structure territoriale qu’on leur propose ! Ils ont dit ce qu’ils revendiquent dans trois sondages successifs réalisés sur les deux dernières années, à savoir, pour plus de 83 % d’entre eux, une collectivité territoriale disposant des pouvoirs de leur ancienne région Alsace et, pour 66 %, une sortie de la région Grand Est !

En d’autres termes, dès l’origine, ils ont fait partie de ces Français qui n’ont pas accepté le découpage totalement arbitraire et absurde des nouvelles régions, ainsi que la loi NOTRe qui a suivi.

Leur souhait à ce jour reste le même : revenir à la raison, grâce au retour à des collectivités régionales qui ont un sens en termes d’identité, d’espace et de projet. Ce serait pour eux, ce serait pour nous, ouvrir un nouvel acte de la décentralisation dans notre beau pays, la France !

Aujourd’hui, on leur propose de fusionner leurs deux départements en un, avec les seules compétences départementales, auxquelles on ajoute un unique transfert de la part de l’État, celui des routes non concédées et des autoroutes situées en Alsace. Autant dire que cette proposition ne les satisfait pas : ils entendent à tout le moins que d’autres compétences significatives soient ajoutées. Ce sera l’objet d’amendements qui vont être examinés tout à l’heure.

Ce qui est au moins aussi grave, c’est que malheureusement ce texte suscite des incompréhensions dans les deux autres anciennes régions du Grand Est, en premier lieu chez nos collègues et amis de ces territoires, et qu’il divise, au lieu de rassembler sur les objectifs d’une vraie décentralisation que nous sommes nombreux dans cet hémicycle à appeler de nos vœux.

In fine, il ne satisfait personne ! Sans compter que sur le plan juridique, le projet de loi soulève un certain nombre de questions que le Conseil d’État n’a pas manqué de relever, mais que le Gouvernement a décidé d’ignorer.

La Haute Assemblée peut-elle sortir de ce débat par le haut ? À mon sens, oui, si elle voit dans la satisfaction du désir profond des Alsaciens une sorte de galop d’essai d’un acte III de la décentralisation pour notre pays. Il faut faire droit, mes chers collègues, à divers amendements déposés par les sénateurs d’Alsace, le premier d’entre eux visant à la reconnaissance dans cette Collectivité européenne d’Alsace d’une collectivité territoriale à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution.

Dès lors que ce statut lui aura été reconnu, des compétences spécifiques à son territoire, même si elles ne devaient s’exercer qu’à titre de chef de file, peuvent et pourront lui être dévolues. Ce serait un signe fort manifesté par le Sénat en faveur de la respiration de nos territoires. Cela pourrait incontestablement inspirer d’autres expériences dans notre pays.

Le Sénat, chambre des territoires, y est-il prêt ? Ces trois jours de débat nous le montreront. Mes chers collègues, nous avons là une occasion à ne pas manquer !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, comme je l’ai dit en soutenant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, ce projet de loi est une mauvaise réponse à de bonnes questions. Je pense à la question du « désir d’Alsace ». Mais il existe en France d’autres désirs de reconnaissance d’identités territoriales ou régionales tout aussi légitimes. Je pense aussi à la question du besoin de décentralisation, de subsidiarité et de proximité.

La réforme mettant en place le conseiller territorial conservait la proximité avec l’élection cantonale, simplifiait et faisait économiser en supprimant les doublons entre le département et la région. Elle respectait la subsidiarité en permettant d’exercer chaque compétence à l’échelon le plus pertinent. Son abolition avait conduit le gouvernement socialiste à constituer d’immenses régions dont beaucoup – c’est le cas de celle du Grand Est – n’étaient souhaitées par personne.

L’actuel gouvernement aurait pu revenir sur cette décision et reprendre l’idée du conseiller territorial. Il a décidé de maintenir ces grandes régions. Il est vrai que tous sont fatigués des réformes de structure, de l’intercommunalité à la région. Elles accaparent les élus au détriment de leur mission, qui est d’abord de s’occuper des problèmes des citoyens et de soutenir des projets concrets. Or, quand on est accaparé par soi-même, on n’a pas le temps de s’occuper des autres.

Mais ces grandes régions ne pourraient avoir un sens qu’avec des compétences et des moyens. Le président François Hollande prétendait les bâtir sur le modèle de celles de nos voisins européens. Pourtant, ailleurs en Europe, les régions ne sont pas nécessairement grandes. Le Land de la Sarre, voisin de mon département, la Moselle, compte moins d’habitants que celui-ci, mais le budget par habitant est dix fois plus important que ceux de la Moselle et de la région réunis !

Ces grandes régions ne pourraient avoir un sens que par le transfert massif des compétences non régaliennes de l’État, avec les moyens correspondants. Mais voilà, l’État ne lâche pas prise.

L’État, qui est en difficulté, pour ne pas dire en faillite, quant à ses missions régaliennes, si l’on en juge par l’état matériel des armées et de nos forces de sécurité intérieure, et pire encore de la justice – juridictions et administration pénitentiaire –, aurait tout à gagner à se concentrer sur le régalien. Or il ne lâche pas prise, y compris sur les compétences déjà décentralisées.

Son rôle devrait se limiter à l’édiction des normes, comme pour l’Europe, et au contrôle juridictionnel. Or il cherche toujours à régenter la mise en œuvre des compétences décentralisées.

Il n’y a plus de doublons entre les collectivités territoriales, mais il y a systématiquement doublon entre l’État et les collectivités. Une commune ou un EPCI ne peut pas faire un plan local d’urbanisme, un PLU, sans qu’un fonctionnaire de la direction départementale des territoires, la DDT, ne vienne lui expliquer où placer telle zone et comment la classer !

Les départements ne sont pas libres dans l’exercice de leurs compétences sociales, mais ils sont les agents d’exécution de la technostructure d’État, et ce, à la lettre. Idem pour les régions en matière de formation.

L’État devrait aussi et surtout transférer ses compétences non régaliennes aux régions : le service public de l’emploi, celui de l’orientation, l’environnement, les routes encore nationales et les autoroutes non concédées… Il devrait permettre aussi une organisation beaucoup plus libre et souple des collectivités territoriales à tous les niveaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Voilà pourquoi le Gouvernement a tort quand il renforce cette tendance technocratique et accorde un régime particulier à ceux qui ont crié le plus fort leur demande légitime de reconnaissance !

J’ai bien entendu que ces problématiques n’avaient pas échappé à la commission des lois et que cette dernière appelle à un prolongement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

J’ai bien noté l’ouverture de Mme la rapporteur à certains amendements tendant à généraliser certains droits que le Gouvernement entendait réserver à la seule collectivité alsacienne. Les débats en décideront !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie, par M. Grosdidier, d’une motion n° 2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En l’application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (413, 2018-2019).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. François Grosdidier, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Je n’utiliserai pas tout mon temps de parole, d’autant qu’en présentant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité j’ai assez souligné la faiblesse de ce projet de loi, qui est de donner à une fraction du territoire des droits demandés par l’immense majorité des territoires de notre pays.

Au-delà de la question juridique et constitutionnelle, j’ai également expliqué comment une solution acceptée pour une collectivité, mais refusée pour sa voisine, pouvait créer des désordres sur le terrain et être la cause de préjudices considérables. Je crains que ce texte de compromis ne crée des frustrations de part et d’autre.

Les grandes régions ont été imposées aux territoires contre leur volonté et en dépit du bon sens. Ce découpage est absurde pour gérer les compétences des anciennes régions et celles qui remontaient des départements. Il n’aurait un sens que pour gérer des compétences qui descendraient de l’État !

Comme nous l’avons vu en commission, ce texte ne concernant que l’Alsace et non l’ensemble du territoire national est, hélas !, difficilement amendable. Comment en effet le modifier pour que les nouvelles compétences reconnues à l’Alsace soient étendues à tous les départements ? Les débats nous le diront. Et il sera encore plus difficile d’étendre ces nouvelles compétences aux autres départements quand elles visent des routes nationales, par exemple, qui devraient relever des régions.

Enfin, la question d’une révision du périmètre d’une région ne devrait pas être taboue. Pour autant, on ne peut l’aborder sans mesurer les incidences d’une telle révision notamment pour les territoires agglomérés à la nouvelle région, lesquels devraient quoi qu’il en soit donner leur avis.

Bref, qu’il s’agisse du périmètre ou des compétences, il est difficile de traiter de telles questions au détour d’amendements sur un texte qui ne concerne qu’un territoire. C’est encore plus difficile quand certains amendements sont frappés d’irrecevabilité. Tout cela appelle un autre projet de loi ou à tout le moins à un renvoi du texte à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, dans l’objet de cette motion, François Grosdidier, même s’il ne l’a pas détaillé en séance, fait état de l’injustice qu’il y aurait à conférer aux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin des compétences que d’autres départements ne peuvent avoir et auxquelles ils ne peuvent prétendre. Le cas de la Moselle a notamment été évoqué au prétexte que ce département présenterait certaines similarités avec l’Alsace, en particulier le régime concordataire. Pour autant, je ne crois pas que le régime concordataire ait beaucoup de rapport avec les compétences dont nous parlons ce soir, je pense notamment à la gestion des réseaux autoroutiers et à la promotion du bilinguisme !

De surcroît, la similitude n’est pas l’identité. En réalité, l’Alsace présente certaines particularités. Je citerai l’exemple de la gestion des réseaux autoroutiers. Je vous renvoie à l’avis du Conseil d’État, qui a souligné les problématiques inhérentes au transport routier dans le sillon rhénan.

Par ailleurs, et c’est le point le plus important, renvoyer ce texte à la commission reviendrait pour le Sénat à ne pas jouer son rôle de chambre des collectivités territoriales !

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Nous nous trouvons dans une situation qui est acquise : la fusion existe ; elle a été acceptée par les présidents des conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, et par le président du conseil régional ; le décret a été pris ; tous les accords ont été négociés avec l’État. Nous sommes aujourd’hui en situation de discuter des compétences, nous sommes aussi en situation – ce point n’a pas été évoqué, car il fait consensus – de discuter de la migration des personnels et des moyens du transfert des compétences. C’est ici et maintenant qu’il faut le faire, c’est ici et maintenant que nous devons en traiter !

C’est ce que nous ferons, sauf si le Sénat ne joue pas son rôle, qui est de traiter les difficultés des collectivités territoriales !

Bien sûr, nous ne pouvons que partager l’opinion de notre collègue lorsqu’il indique qu’il convient de ne pas multiplier anarchiquement les statuts spécifiques. Néanmoins, dans la mesure où nous sommes devant un fait accompli puisque le décret a été pris, nous devons considérer ce projet de loi comme une mesure ad hoc visant à prendre en compte le « désir d’Alsace » tel qu’il a été exprimé par les Alsaciens et maintes fois évoqué ce soir.

Ce texte vise aussi à prendre en considération le compromis trouvé par le Gouvernement avec les élus locaux et à intégrer la nécessité d’adapter dès aujourd’hui la situation de cette nouvelle collectivité. Cela ne signifie pas que la question d’un approfondissement de la décentralisation est illégitime, bien au contraire. Sur ce point, nous partageons tous l’opinion qui a été émise à de nombreuses reprises. Mais ce n’est pas le sujet ce soir.

Ce soir, prenons le temps de discuter de ce projet de loi dont le manque d’ambition a été relevé par nombre d’entre nous. Prenons le temps de l’améliorer. Prenons le temps d’offrir aux Alsaciens des solutions qui ne sont certes pas idéales, mais qui seront un premier pas du Sénat vers eux. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à ne pas adopter cette motion tendant au renvoi à la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

La commission est défavorable à cette motion pour des raisons déjà longuement évoquées. Comme vient de le souligner à juste titre Mme Jourda, ce texte est un premier pas en faveur des Alsaciens. Il est basé sur un compromis que le travail en commission a déjà largement amplifié et que nous contribuerons à agrémenter encore au cours des débats. Il convient non pas de le renvoyer en bloc, mais bien d’en discuter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

De nombreux sénateurs et sénatrices ont salué l’excellent travail réalisé par la commission et par Mme la rapporteure. Cela suffit à témoigner du fait qu’il est inutile de renvoyer ce texte à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je mets aux voix la motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.

La motion n ’ est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, nous passons à la discussion du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 44 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Masson et Reichardt et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi n’entre en vigueur qu’après que les pouvoirs publics ont organisé une consultation des électeurs du département d’Alsace. Cette consultation, dans une logique de référendum local, a pour objet de demander aux Alsaciens s’ils souhaitent le rétablissement d’une région Alsace de plein exercice.

La parole est à M. André Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Dans son avis, le Conseil d’État a souligné à très juste titre que la Collectivité européenne d’Alsace n’est ni plus ni moins qu’un département créé par la fusion des deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin.

Cet amendement vise à mettre en œuvre une consultation des électeurs du département d’Alsace, qui, dans une logique de référendum local, a pour objet de demander aux Alsaciens s’ils souhaitent ou non le rétablissement d’une région d’Alsace de plein exercice.

Compte tenu des trois sondages que j’ai évoqués, il serait souhaitable – même si l’on nous dit que ce ne sont que des sondages ! – de passer à un exercice pratique et d’organiser un référendum.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Masson et Reichardt et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi, une consultation dans une logique de référendum est organisée dans le ressort territorial du département d’Alsace. Son objet est de permettre aux électeurs concernés de dire s’ils souhaitent que le territoire de cette collectivité sorte de la région Grand Est à compter du 1er janvier 2021.

La parole est à M. André Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Cet amendement se justifie par son texte même. Cette fois, la consultation concerne le souhait de sortir de la région Grand Est.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Masson et Reichardt et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une consultation est organisée dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi afin que les électeurs inscrits sur les listes électorales du département d’Alsace donnent leur avis sur le rétablissement de l’Alsace en tant que région de plein exercice avec corrélativement sa sortie de la région Grand Est.

La parole est à M. André Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

La commission est défavorable à ces trois amendements, puisqu’ils visent à recourir au référendum pour la sortie de l’Alsace du Grand Est – soit avant, soit après l’entrée en vigueur de la loi – alors même que le département d’Alsace n’existe pas encore. Redécouper les nouvelles régions alors qu’elles ne sont pas encore stabilisées et recourir de nouveau au référendum n’est pas selon moi une solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Les auteurs de ces amendements veulent refaire le référendum de 2013 au motif qu’il n’y avait pas assez de votants !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

(Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Acceptez le débat, mes chers collègues : nous n’allons pas écouter uniquement M. Grosdidier toute la nuit !

Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Mais quel élu se plaint d’avoir été élu malgré une faible participation et demande de refaire un tour ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Personne ne s’en plaint !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Nous, nous respectons le vote des Alsaciens en 2013. Quoi qu’il en soit, même si vous souhaitez qu’un référendum donne un autre résultat, nous voterons en faveur de ces amendements, mais pour que les citoyens puissent donner leur avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains

Ah, le voilà enfin !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. J’étais présent, arrêtez de dire n’importe quoi ! Je n’ai simplement pas voulu interrompre mon collègue André Reichardt dans la présentation des amendements !

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur Savoldelli, en 2013, la question portait sur la fusion des départements. Il ne s’agissait pas de supprimer la région Alsace !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Dire que les Alsaciens ont déjà voté en 2013 sur ce point, c’est une déformation de la vérité, voire un mensonge !

Pour ma part, il me paraît évident qu’il y a un « désir d’Alsace ». Ce texte est donc un minuscule pas non en ce sens, mais pour faire quelque chose…

Je comprends malgré tout ceux qui nous disent : finalement, ce texte est mieux que rien, votons-le ! Certes, mais rien ne nous empêche de surcroît de demander l’avis des Alsaciens par référendum.

Parmi ceux qui affirment qu’il faut adopter ce texte, il existe deux catégories.

Il y a tout d’abord ceux qui sont honnêtes et qui pensent que ce projet de loi est véritablement un pas en avant. Pourquoi seraient-ils alors opposés à ce que l’on demande l’avis des Alsaciens puisque le Gouvernement ne veut rien savoir et qu’il s’obstine, malgré les sondages, à prétendre que les Alsaciens ne souhaitent pas retrouver une vraie région Alsace autonome ?

Il y a ensuite ceux qui sont de mauvaise foi. Ils veulent adopter ce texte en prétendant qu’il s’agit d’un petit pas, mais avec l’idée d’en rester là !

Je le dis très clairement : si l’amendement n° 30 rectifié n’est pas adopté, cela signifie, chers collègues, que vous voulez majoritairement étouffer l’Alsace !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

En aucun cas nous ne voulons refaire le référendum de 2013 ! En 2013, M. Kennel l’a rappelé, le référendum portait sur la possibilité de créer un conseil d’Alsace par fusion des deux départements et de la région. Rien de tel en l’espèce !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le référendum initial était encore mieux que celui-là !

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Il s’agit uniquement de poser aux Alsaciens une question très simple : voulez-vous retrouver votre région telle qu’elle existait préalablement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Il faut garder à l’esprit que la région Grand Est a été constituée contre l’avis majoritaire d’un certain nombre de sénateurs et de députés. Il faut aussi penser à ceux qui sont associés à cette région.

J’aurais pu être tenté de voter l’amendement n° 30 rectifié, car l’Alsace l’avait réclamé. D’ailleurs, au moment de l’examen du projet de loi NOTRe, j’ai soutenu l’idée – certains s’en souviennent – que nous n’avions nul besoin d’une grande région compte tenu de l’existence d’une métropole européenne telle que Strasbourg ou Lille. La métropole et une petite région auraient suffi à garantir l’attractivité du territoire et à assurer sa renommée.

Mes arguments contre la mise en place de la grande région Grand Est étaient les suivants : 100 habitants au kilomètre carré pour la Champagne-Ardenne ou la Lorraine contre 220 habitants au kilomètre carré pour l’Alsace ; des PIB équivalents en Champagne-Ardenne et en Lorraine et un PIB beaucoup plus important en Alsace ; un taux de chômage équivalent en Champagne-Ardenne et en Lorraine pour un taux de chômage nettement inférieur en Alsace, ce qui n’a pas changé, car le territoire est tourné plus volontiers vers l’Est. Cette grande région a néanmoins été mise en place, avec les incohérences que l’on sait.

J’habite une commune située à 100 kilomètres de Paris et ma capitale régionale, imposée par vote à la demande de l’Alsace, est Strasbourg ! Le Grand Est est la seule région qui n’a pas eu le choix de sa capitale, dont acte !

Je pourrais donc être tenté de voter cet amendement, mais je ne le ferai pas. Pourquoi demander l’avis des Alsaciens et non celui des Champardennais ou des Lorrains ? Sont-ils d’accord pour que l’Alsace quitte la région Grand Est ? Nous aussi, après tout, nous l’avons subie cette grande région ! Elle s’est maintenant forgée. Quel sens cela a-t-il de remettre sans arrêt en cause le découpage territorial ? Il est essentiel d’avancer !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Pour ma part, je suis partisan d’un référendum dans chacune des régions pour savoir si les habitants veulent ou non un retour à l’ancien découpage. L’aberration a été de concevoir de grandes régions qui n’ont aucun sens, aucune solidarité interne et qui sont démesurément étendues.

C’est une gigantesque erreur, même si tout le monde ici fait semblant de ne pas s’en rendre compte et affirme que c’est très bien. Je le dis haut et fort : c’est faux !

Demandez à nos concitoyens : ils ne savent même pas qui sont leurs conseillers régionaux et ne connaissent pas leur rôle ! Il y a un décalage total par rapport à la réalité des territoires : les gens viennent nous demander à qui ils doivent s’adresser à l’échelon régional pour relayer leurs préoccupations !

J’avais d’ailleurs préparé un amendement visant à proposer un référendum dans chacune des régions, afin de savoir si celles-ci souhaitaient être rétablies dans leurs limites précédentes, mais il a été frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution. Il reste donc les amendements dont nous discutons, qui sont rédigés un peu différemment.

Contrairement au précédent, l’amendement n° 6 rectifié bis ne subordonne pas la mise en œuvre de la loi à l’organisation d’un référendum, mais tend simplement à imposer la tenue d’une telle consultation.

Indépendamment du fait qu’il me semblerait bienvenu de prendre l’avis des deux autres anciennes régions, cet amendement est important pour l’Alsace, car ce référendum permettrait de savoir si le Gouvernement a raison d’affirmer que tout va bien ou s’il se moque du monde et prend les Alsaciens pour des imbéciles en prétendant régler leurs problèmes tout en sachant très bien qu’il n’en est rien.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

L’amendement n° 29 rectifié est très semblable au précédent.

Je constate que, dans cette enceinte, peu nombreux sont les sénateurs qui sont disposés à permettre l’expression du suffrage universel ! C’est intéressant pour les « gilets jaunes », …

Exclamations agacées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

… qui demandent la possibilité d’organiser des référendums d’initiative citoyenne, des RIC.

Ils ont raison, selon moi ! Si l’on permettait l’organisation de référendums à la demande d’une partie de la population, le Parlement ne pourrait plus étouffer ainsi l’expression de la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il n’y est pas obligé ; il pourrait aussi faire son travail !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

I. – Le titre III du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« TITRE III

« DÉPARTEMENT D ’ ALSACE

« CHAPITRE UNIQUE

« Art. L. 3431 -1. – Sans préjudice des articles L. 1111 -8, L. 1111 -9 et L. 1111-9-1, et dans le respect des engagements internationaux de la France, le département d’Alsace est chargé d’organiser, en qualité de chef de file, sur son territoire, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en matière de coopération transfrontalière.

« À ce titre, le département d’Alsace élabore un schéma alsacien de coopération transfrontalière. Il associe à son élaboration notamment l’État, la région Grand Est, l’eurométropole de Strasbourg et les autres collectivités concernées, ainsi que leurs groupements.

« Ce schéma comporte un volet opérationnel sur des projets structurants. Il comporte également un volet relatif aux déplacements transfrontaliers et identifie les liaisons routières et ferroviaires pour lesquelles le département d’Alsace est associé à l’élaboration des projets d’infrastructures transfrontalières.

« Art. L. 3431 -2. – Le schéma alsacien de coopération transfrontalière doit être compatible avec le volet transfrontalier du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Le schéma de coopération transfrontalière de l’eurométropole de Strasbourg mentionné au deuxième alinéa du VIII de l’article L. 5217-2 doit être compatible avec le schéma alsacien de coopération transfrontalière.

« Art. L. 3431 -3. – I. – Le département d’Alsace est chargé d’organiser les modalités de mise en œuvre du schéma alsacien de coopération transfrontalière, dans le respect des compétences des autres catégories de collectivités territoriales ou de leurs groupements. À ce titre, le volet opérationnel du schéma alsacien de coopération transfrontalière définit les modalités de sa mise en œuvre de la manière suivante :

« 1° Il énumère les projets qu’il propose de réaliser ;

« 2° Il identifie, pour chaque projet, la collectivité ou le groupement chargé de sa réalisation, les compétences concernées des collectivités et groupements et, si besoin, prévoit les conventions de délégation de compétences qu’il leur est proposé de conclure.

« II. – Pour la mise en œuvre du volet opérationnel, lorsque celle-ci nécessite de recourir à la délégation de compétences :

« 1° Chaque projet fait l’objet d’une convention de délégation de compétences distincte ;

« 2° Chaque convention définit précisément les compétences ou parties de compétences déléguées, nécessaires à la réalisation du projet ;

« 3° Chaque convention définit librement sa durée en fonction de celle du projet concerné, ainsi que ses modalités de résiliation par ses signataires ;

« 4° Un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut déléguer au département d’Alsace les compétences qu’il s’est vu transférer par ses communes membres.

« Sous réserve du présent II, ces conventions sont soumises à l’article L. 1111 -8 lorsqu’elles sont conclues entre collectivités territoriales ou entre le département d’Alsace et un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, et à l’article L. 1111-8-1 lorsqu’elles sont conclues entre une collectivité territoriale et l’État.

« Art. L. 3431 -4. – L’État et le département d’Alsace prévoient, dans la convention prévue à l’article L. 312-10 du code de l’éducation, les recrutements complémentaires, y compris par contrat, des personnels chargés de dispenser un enseignement en langue et culture régionales. Sont prévues également, selon les mêmes modalités, la formation de ces derniers, l’ouverture de classes bilingues ou d’immersion, et l’évaluation de la mise en œuvre de cet enseignement.

« Art. L. 3431 -5. – Le département d’Alsace a un rôle de chef de file dans la promotion de la langue régionale (allemand standard et dialectes alsaciens). Il définit un plan de soutien à la langue régionale, en concertation avec les autres autorités concernées.

« Art. L. 3431 -6

« Le conseil de développement est consulté sur le projet de schéma alsacien de coopération transfrontalière mentionné à l’article L. 3431-1. Il peut être consulté par le président du conseil départemental sur tout autre projet d’acte. Il contribue à l’évaluation et au suivi des politiques publiques du département d’Alsace.

« II. – La composition du conseil de développement, les conditions de nomination de ses membres ainsi que la date de son installation sont déterminées par délibération du conseil départemental.

« Ses membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement de ce conseil ne peut être pris en charge par une personne publique.

« Le conseil de développement comprend des représentants des milieux économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques, environnementaux et associatifs du périmètre du département d’Alsace.

« Lorsqu’un organisme est appelé à désigner plus d’un membre du conseil, il procède à ces désignations de telle sorte que l’écart entre le nombre des hommes désignés, d’une part, et des femmes désignées, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. La même règle s’applique à la désignation des personnalités qualifiées.

« Les conseillers départementaux ne peuvent être membres du conseil de développement.

« III. – Le conseil de développement établit son règlement intérieur.

« IV. – Le conseil de développement établit un rapport d’activité, qui est examiné et débattu par le conseil départemental du département d’Alsace. »

II. – Le premier schéma alsacien de coopération transfrontalière mentionné au I du présent article est élaboré dans un délai de deux ans à compter du 1er janvier 2021.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Les Républicains

Ça faisait longtemps !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Mes chers collègues, nous ne sommes pas nombreux à défendre ces positions, il est donc normal que nous intervenions souvent ! Nous avons le droit de nous exprimer sur les articles.

Cet article 1er est emblématique, parce que son sort va déterminer la suite de la discussion. Ne nous faisons pas d’illusions : ce qui sera voté en l’espèce va définir le positionnement du Sénat.

Je ne me berce pas d’illusions moi-même, mais il me semble bon de recadrer ce qui nous est proposé. Rappelons que l’on avait initialement indiqué que l’État devait transférer des compétences à ce pseudo grand département, à cette pseudo-collectivité européenne d’Alsace – chacun peut qualifier cette entité comme il l’entend –, et que la région Grand Est devait faire de même. C’était cela qui était prévu au départ.

Or la région Grand Est a refusé de transférer quoi que ce soit, ce que je comprends : il n’y a aucune raison de mettre en place deux régimes différents dans la même région.

Toujours est-il que, au départ, le grand département d’Alsace devait récupérer des compétences issues à la fois de l’État et de la région Grand Est. Le refus de la région prouve bien que cette collectivité restera sous la même tutelle régionale qu’auparavant !

Il s’agit donc d’un étouffement de l’Alsace, que je ne cautionnerai pas parce que la population alsacienne – je ne parle pas des élus – se bat courageusement sur ce sujet, mais aussi parce que ce que l’on fait à l’Alsace, on le fait aussi aux autres départements de la région Grand Est.

Je l’ai dit à la tribune : la région Grand Est, c’est la chienlit, c’est un désastre pour les départements et pour les territoires qui en font partie. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Comme Frédérique Espagnac, je suis élu d’un département très éloigné de l’Alsace, dans lequel, il y a quatre ans, 5 000 personnes – j’en faisais partie, avec une majorité d’élus de toutes tendances politiques – manifestaient dans les rues de Bayonne pour demander une collectivité à statut particulier.

Nous n’avons pas obtenu satisfaction : à la place de cette collectivité, on nous a octroyé la communauté d’agglomération Pays basque rassemblant 158 communes avec 238 délégués.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Bref, on a répondu à une situation particulière par un statut de droit commun non dérogatoire et inadapté.

Or certains territoires rencontrent des problématiques spécifiques : une situation transfrontalière avec pour voisins des collectivités dotées d’une grande autonomie, le dynamisme d’une langue et d’une culture qui façonnent leur caractère particulier.

La création d’un département unique d’Alsace est nécessaire, tant la refonte de la carte régionale a balayé d’un revers de main l’histoire et la géographie et a donné naissance à des ensembles monstrueux sans identité.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Comment imaginer que l’Alsace, rayée d’un trait de plume, n’allait pas réagir ?

La création d’un département sans compétence nouvelle est toutefois un trompe-l’œil. En ce sens, l’octroi de compétences dans le domaine de la politique linguistique ou du tourisme demeure limité. J’étais sensible à l’amendement présenté par mon collègue André Reichardt visant à créer une véritable collectivité à statut particulier, avec un statut clair : celui de l’article 72 de la Constitution.

À défaut, donnons au moins à ce département unique d’Alsace de réelles compétences en matière d’éducation, de politique linguistique, de culture, de mobilité ou de gestion transfrontalière, faute de quoi nous créerions un ersatz et beaucoup de désillusions.

Le Sénat étant la chambre des territoires, répondons à leurs attentes ! Nous le savons, ils ont besoin de liberté et certains d’entre eux, qui doivent affronter des questions spécifiques, d’un statut particulier, qui n’altérera en rien leur intégration dans la communauté nationale et dans la République.

Mme Frédérique Espagnac et MM. René Danesi et André Reichardt applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le projet de loi initial, cet article 1er n’avait, selon moi, que peu d’intérêt en soi.

D’une part, il se limitait à ériger la désormais disparue Collectivité européenne d’Alsace en chef de file de la coopération transfrontalière sur son territoire, en maintenant les pouvoirs de l’État et de toutes les autres collectivités.

D’autre part, en matière de langue et de culture régionales, il se contentait de faire référence à la convention quadripartite d’ores et déjà signée, pour la quatrième fois, entre l’État, la région et les deux départements du Rhin.

Fort heureusement, toutefois, la commission des lois a commencé à lui donner un peu de contenu en adoptant des amendements portant sur la formation des enseignants en langue et culture régionales, sur l’ouverture de classes bilingues et sur la promotion de la langue régionale.

Il convient désormais, mes chers collègues, d’aller plus loin et d’inscrire dans ce texte que la collectivité territoriale dont il est question est une collectivité à statut particulier au titre de l’article 72 de la Constitution. Il faut également faire droit aux divers amendements qui visent à lui donner des compétences additionnelles.

À cet égard, je veux dire très officiellement que je ne comprends pas que trois amendements que j’ai déposés en ce sens aient été frappés d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.

Je considère en particulier inacceptable que l’amendement n° 100, qui tendait à ce que la collectivité à statut particulier dispose des compétences des régions, ne puisse pas être discuté, sous le prétexte qu’il serait irrecevable au titre de l’article 40. Je suis d’autant plus surpris que j’avais déposé le même amendement à l’occasion de l’examen en commission du projet de loi et qu’à ce stade il avait été jugé recevable par la commission des finances. Il serait donc recevable pour l’examen en commission, mais pas pour la discussion en séance publique ? C’était pourtant le même amendement !

Cette remarque vaut également pour deux autres amendements, qui visaient à conférer des compétences à la Collectivité d’Alsace en matière de coopération scolaire transfrontalière, ainsi que de gestion des fonds européens.

Ces trois amendements avaient clairement leur place dans la problématique globale de ce projet de loi. Nous ne pourrons pourtant pas en discuter aujourd’hui et je déclare expressément qu’il s’agit, à mon sens, d’une limitation inacceptable du droit d’initiative parlementaire.

Je souhaite donc que la jurisprudence de la commission des finances relative à l’article 40 soit revue.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quand on élabore une législation spécifique à une région, il est préférable de rappeler rapidement son histoire. Dans le cas de l’Alsace, cela permet de comprendre son particularisme et son attachement à l’Europe.

La plupart des régions frontalières de notre pays ont une histoire douloureuse, mais cela est particulièrement vrai pour l’Alsace depuis la désastreuse guerre de 1870. Malgré la « protestation solennelle de Bordeaux » élevée par ses députés, l’Alsace-Moselle a été cédée au nouvel empire allemand. De la protestation, l’Alsace est passée à la résignation puis à l’autonomisme, en réaction à la politique de germanisation.

Lors de la Première Guerre mondiale, des membres d’une même famille se sont trouvés dans les deux armées ennemies. Après le retour à la France, l’Alsace a connu le clivage entre les autonomistes et les nationalistes, entre la défense du particularisme et la résistance au jacobinisme parisien.

L’étrange défaite de 1940 a permis à l’Allemagne d’annexer de nouveau l’Alsace et la Moselle. Les nazis y menèrent propagande et répression, imposant l’obligation de germaniser les noms et les prénoms. C’est surtout la tragédie de l’incorporation de force dans l’armée allemande qui a marqué durablement la psychologie alsacienne, avec 42 000 morts ou disparus sous l’uniforme allemand.

Résumer cette histoire à grands traits et sans aucun esprit polémique explique pourquoi l’Alsace adhère à l’idée européenne : cela lui permet d’éviter de nouvelles tragédies.

Pierre Pflimlin a été le chantre inlassable de l’Europe et de la vocation européenne de Strasbourg, symbole de la réconciliation et de l’amitié entre la France et l’Allemagne. C’est ainsi que Strasbourg est devenue le siège du Conseil de l’Europe, de la Cour européenne des droits de l’homme, du Parlement européen et de la chaîne Arte. Cet ancrage de l’Alsace dans l’Europe lui a permis de sauver le référendum de François Mitterrand sur le traité de Maastricht en 1992.

À l’histoire s’ajoutent deux réalités quotidiennes : chaque jour, 25 500 frontaliers vont travailler en Allemagne, et 33 200 en Suisse alémanique ; notre langue régionale s’exprime par écrit en allemand standard et oralement par des dialectes. Il en résulte une coopération transfrontalière ancienne et intense.

Le vocable « européen », sur lequel nous aurons à nous prononcer tout à l’heure, est donc pour l’Alsace non pas une incantation, mais une réalité vécue, voire une nécessité.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Madame la présidente, madame la ministre, à mon tour, je veux dire quelques mots au sujet de cette Collectivité européenne d’Alsace.

Tout d’abord, je tiens à vous remercier sincèrement, mes chers collègues, de votre présence et de votre participation à ce débat, qui, après tout, ne concerne qu’une région particulière.

Je vous remercie aussi, madame la ministre, d’avoir consacré du temps à ce travail, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Est-ce la sénatrice ou la candidate qui s’exprime ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

… aux longues visites de terrain durant lesquelles vous avez écouté les acteurs locaux, notamment les élus, et je veux aussi saluer le travail de construction puis de finalisation du projet de collectivité européenne porté par les deux présidents des départements, Frédéric Bierry et Brigitte Klinkert.

Je rappelle un peu solennellement que tout cela a abouti, le 29 octobre dernier, à un accord à Matignon entre les deux départements, le président de la région Grand Est et vous-même, madame la ministre, ainsi que les ministres chargés de l’éducation et des transports, directement concernés, en présence de l’ensemble des parlementaires des deux départements. C’est un projet « cousu main », avez-vous alors indiqué, madame la ministre.

Je veux saluer le travail d’Agnès Canayer, rapporteur

M. Didier Mandelli applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Ce texte est pour nous un socle qui pourra être conforté ultérieurement, je veux le dire à ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui considèrent qu’il ne va pas assez loin. C’est aussi un exemple de ce que pourrait être, demain, l’application de la différenciation. Le Sénat, chambre des territoires, se doit d’être un moteur et un facilitateur de ce premier pas, de ce premier exemple, qui se trouve être alsacien.

Il lui revient désormais de donner un signal indiquant qu’il accepte de permettre aux collectivités de choisir leur avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, j’ai été élu jeune sénateur quasiment au moment où le texte relatif aux grandes régions arrivait en discussion. La discussion a commencé en 2014, pour un vote en 2015.

De mémoire, et je prends à témoin tous mes collègues, il ressortait de nos débats que ce qui était soumis au vote n’était pas le fruit d’une demande des populations de Champagne-Ardenne, de Lorraine et d’Alsace, mais avait été imposé dans un autre dessein que celui qu’auraient pu souhaiter ces populations.

Un collègue l’a rappelé, c’est allé tellement loin que la région Grand Est est la seule dont la désignation de la capitale a été confisquée aux élus régionaux pour être confiée au Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Il ne faudrait pas résumer nos discussions à un débat sur l’Alsace, car le dossier que nous sommes en train d’examiner concerne la France, la République une et indivisible.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Au-delà de cela, nous sommes maintenant en 2019, les élus des trois régions rassemblées, y compris les Alsaciens, ont travaillé. Trois années se sont écoulées après la mise en œuvre de ce nouveau découpage et des nouvelles compétences des régions.

Je veux le dire avec un peu de solennité : faisons très attention, car la marge de manœuvre est très étroite, et je crains que les Alsaciens ne soient très déçus. Je comprends leur soif d’Alsace, mais ils doivent comprendre que la question ne concerne pas seulement l’Alsace : les huit autres départements de la région aussi ont soif de leur propre territoire et ont droit au respect de leur désir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

« Les vérités sont malades, les mensonges le sont aussi. » Le grand débat s’est tenu durant plusieurs semaines et a pris fin le 15 mars ; nous sommes le 2 avril et nous n’avons encore reçu aucune réponse.

Dans cette discussion, madame Gourault, vous n’honorez pas le Parlement ! On nous parle de « désir d’Alsace », de problème d’identité, de particularismes. Très bien ! On nous explique même qu’il s’agit de retrouver sa région, comme s’il s’agissait de gens perdus…

On nous rappelle que la fusion a déjà été négociée à Matignon. Il est donc inutile que le Parlement passe des heures et des heures à en débattre : c’est réglé !

Madame la ministre, je suis confronté à un problème de sincérité. Vous dénaturez le Parlement, vous nous conduisez à nous opposer, nous allons y passer des heures, pendant que vous assistez tranquillement aux débats. Or, dans le communiqué du conseil des ministres, concernant l’Alsace et le sujet qui nous occupe, vous déclarez : « ces nouvelles attributions préfigurent […] le principe de différenciation des compétences des collectivités territoriales qui a été proposé par le Gouvernement dans le cadre de la révision constitutionnelle. »

Mes chers collègues, Mme Gourault nous emmène sur un tout autre terrain que la question du « désir d’Alsace » : il s’agit de la révision constitutionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Madame Gourault, cela signifie que vous prenez la responsabilité de paralyser le Parlement, alors que l’Assemblée nationale discute pendant deux jours des conclusions du grand débat, avant que nous-mêmes nous nous penchions sur la méthode et sur les réponses à apporter !

Je reconnais que nous avons des désaccords, mais nous avons l’habitude ici de nous respecter tout en conflictualisant nos analyses. Avec cette affaire de fusion de l’Alsace, cependant, vous êtes en train de nous manipuler !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Vous êtes en pleine recomposition. Que s’est-il passé à Matignon ? On prépare les municipales, madame Gourault ? On est ailleurs ? On est en train de négocier des places et des villes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Et l’on prétend encore avoir le souci du débat citoyen et du rôle du Parlement ! Nous allons débattre pendant des heures et exprimer le même vote, parfois, malgré des analyses différentes, mais vous nous trompez sur la sincérité de ce projet, madame.

Vous devez assumer de nous imposer la révision de la Constitution avant que le Parlement n’en parle et avant que les citoyens n’aient connaissance des résultats du grand débat. Je le dis avec fermeté, et je mesure mes mots : vous êtes dans le mensonge !

La vérité est malade dans notre société française et vos mensonges le sont aussi !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Madame la présidente, madame la rapporteure, madame la ministre, l’article 1er traite de coopération transfrontalière. Je remercie nos amis alsaciens d’avoir attiré l’attention du Gouvernement sur les spécificités transfrontalières et sur le fort développement de ces relations. En effet, avec des mobilités en augmentation et des frontières plus perméables, les échanges s’intensifient partout en France, et pas seulement aux frontières suisse et allemande.

J’entendais mes collègues du Pays basque évoquer leur propre spécificité. Pour ma part, je vais vous parler de la Lorraine, frontalière de la Belgique, de l’Allemagne et du Luxembourg. Madame la ministre, pourquoi, dès lors, ne pas faire un schéma lorrain de coopération transfrontalière, ou mieux, un schéma Grand Est de coopération transfrontalière ?

J’ai en particulier à l’esprit les relations avec le Luxembourg, car la Meurthe-et-Moselle a la spécificité de l’avoir pour voisin, avec ses amis meusiens et mosellans. Ce voisinage est une chance, mais il pose également des difficultés significatives, lesquelles ont été reconnues il y a un peu plus de deux ans par le précédent gouvernement, qui avait alors évoqué la mise en place d’une zone franche fiscale. Ce n’est peut-être pas l’outil le mieux adapté, mais c’était un moyen de reconnaître une situation particulière.

Madame la ministre, depuis bientôt deux ans, on nous demande d’attendre, invoquant une réflexion sur le codéveloppement. Nous en sommes tous d’accord, mais cela patine beaucoup !

La décentralisation est une exigence, et je ferai des propositions pour que les facultés de coopération transfrontalière soient élargies et qu’à ce « désir d’Alsace » s’ajoute notre désir à tous de plus de décentralisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

J’ai bien compris que le présent projet de loi ne satisfaisait personne, ni les Alsaciens, qui sont d’ailleurs divisés, ni les représentants des autres départements qui composent la région Grand Est. Je ne vais pas tout reprendre, mon collègue vosgien est intervenu et je partage ses propos.

Nous avons tous à l’esprit que, pour le moment, l’Alsace fait partie d’une région dont le territoire est plus grand que le sien et qu’à ce titre les autres collectivités ne peuvent pas être négligées ni méprisées.

Ce ne sont pas ceux qui crient le plus fort qui doivent être écoutés, même si je comprends le « désir d’Alsace ». Par ce biais, on veut nous conduire vers une région purement alsacienne, tout en maintenant dès le départ à Strasbourg la capitale de la région Grand Est comme la capitale européenne.

Je comprends les Alsaciens qui font valoir des souhaits, mais votre projet de loi, madame la ministre, c’est de la poudre de perlimpinpin : il ne correspond pas à ce qu’ils veulent.

Je ne suis cependant pas d’accord pour faire éclater cette région Grand Est, qui vit, pour le moment, sous la présidence d’un Alsacien, qui a succédé à un autre Alsacien. Les autres départements qui la constituent participent également aux travaux qui s’y tiennent.

Ce qui me gêne le plus, madame la ministre, c’est que, au sein de cette région Grand Est, d’autres départements frontaliers rencontrent les mêmes soucis. En matière de bilinguisme ou de coopération transfrontalière, par exemple, la Moselle est exactement dans la même situation. Il me semble donc qu’ils devraient tous être traités de la même manière.

Enfin, ce projet de loi va vous autoriser à prendre par ordonnance des dispositions qui permettront de créer une taxe sur le transport routier de marchandises. Madame la ministre, mes collègues qui sont intervenus sur les différentes motions l’ont déjà dit et ils ont raison : ce serait une catastrophe pour les quatre départements lorrains !

Vous connaissez la situation actuelle : le préfet du Grand Est, M. Marx, est chargé de travailler sur le projet d’autoroute A31 bis, mais la Lorraine est complètement bloquée. Le matin et le soir, on ne peut plus circuler entre Nancy, Metz et Luxembourg. Si vous créez cette taxe, le trafic va basculer vers les départements lorrains et l’A31 sera complètement saturée.

Madame la ministre, je ne suis pas favorable au transfert des routes et des autoroutes aux départements, mais je vous invite à modifier votre texte, afin d’élargir cette habilitation, de manière à offrir la même possibilité aux quatre départements lorrains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Plus que sur le fond, je souhaite intervenir sur la forme, car la démarche adoptée me gêne profondément. Nous nous sommes tous accordés pour dire qu’il fallait, à l’avenir, éviter de tomber de nouveau dans les travers qui avaient présidé à notre appréhension du projet de loi NOTRe et du projet de loi relatif à la délimitation des régions.

J’en veux pour preuve que, depuis quatre ans, entre rétropédalage sur certains aspects et désaccord sur d’autres, nous avons adopté des ajustements sur la question de l’eau et de l’assainissement, notamment, à l’unanimité. Nous savons tous que nous devons nous interroger sur l’architecture institutionnelle française avec un peu de bon sens.

J’entends bien que l’on exprime un « désir d’Alsace », que l’on ait envie d’avoir une collectivité à statut particulier, ou non, et que l’on fasse valoir, les uns et les autres, des positions différentes.

En revanche, la méthode est contestable. Si, ce soir, nous envisagions de faire de l’Alsace une collectivité à statut particulier, d’autres demandes du même type seraient légitimes et mes collègues Brisson et Espagnac le feraient valoir à bon droit s’agissant du Pays basque. Il me semble donc que ce thème relève d’un débat global sur nos institutions.

Il est particulièrement dangereux d’aborder ainsi les sujets les uns après les autres, parce qu’il s’agit avant tout de la France et de l’avenir de nos institutions. Des questions aussi importantes auraient mérité que nous leur consacrions plus de temps, une approche globale.

Nous prenons le risque de nourrir, à terme, les mêmes regrets que pour la fusion des régions, que pour la loi NOTRe.

Ces sujets sont importants, nous y avons travaillé, nous avons produit plusieurs rapports, nous sommes allés dans les territoires, nous avons écouté les élus. Ceux-ci nous demandent de ne légiférer sur les institutions que de manière utile et avec bon sens, en prenant en compte ce qu’ils disent. Je regrette que, une fois encore, nous passions à côté de cet exercice.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Josiane Costes applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Frédérique Espagnac, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Je ne vais pas vous étonner, mes chers collègues, en reprenant exactement les mots de Max Brisson. Il a évoqué la situation du Pays basque que nous avons connue. Celle-ci avait nécessité dans le passé, pour des raisons politiques, une négociation qui nous avait amenés à faire valoir la revendication d’une collectivité à statut particulier, que d’autres territoires ont aujourd’hui reprise à leur compte.

Cette négociation menée dans l’urgence a abouti à une intercommunalité devenue la communauté d’agglomération Pays basque. On en voit aujourd’hui le résultat, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Je me retrouve dans les propos que mon collègue vient de tenir : le présent débat concerne l’évolution institutionnelle globale de notre territoire et le désir de décentralisation des uns et des autres. Au-delà du mouvement des « gilets jaunes », la mobilisation actuelle prouve que ce besoin est plus que réel et qu’il est indispensable de trouver les réponses à cette aspiration. On trouvera ces réponses dans le débat que nous devons avoir avec le Gouvernement et j’ai toute confiance en vous, madame la ministre, pour conduire ce débat.

Cela étant, chaque territoire a ses particularités. Le Pays basque a une spécificité transfrontalière. Or, comme l’a dit mon collègue Jacques Bigot, la vie de nos concitoyens ne s’arrête pas aux frontières. Si une personne est malade et s’il est plus rapide pour elle de se rendre dans un hôpital en Espagne plutôt qu’en France, je trouve assez logique qu’elle choisisse de se faire soigner du côté espagnol, dans le cadre du partenariat avec l’ARS. Cela fait partie des problématiques propres aux départements transfrontaliers sur lesquelles les élus doivent travailler.

D’autres évolutions sont possibles. Si, comme je le crois, nous sommes tous ici les garants de la richesse des territoires et des cultures de la France, mais aussi de son unité, donnons toute leur place à ces traditions et à ces histoires ! Je prendrai l’exemple des langues régionales. Pour beaucoup, cela semblera anodin, mais je constate que les expérimentations mises en œuvre pour les enfants de trois ans scolarisés à l’école publique, pourtant longuement négociées, sont remises en cause au Pays basque, en Corse aussi j’imagine, et peut-être même en Bretagne. Si on ne lance pas ces expérimentations à l’école publique, où doit-on le faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

J’en termine, madame la présidente.

Nous devons débattre de ces sujets, et je veux croire que nous pouvons le faire pour l’ensemble du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

J’ai entre les mains la déclaration de Matignon dont vous avez parlé, madame la ministre.

Cette déclaration commune en faveur de la création d’une Collectivité européenne d’Alsace est signée par le Premier ministre, les présidents des départements, le président du conseil régional, lequel a défendu jusqu’au bout le pouvoir de la grande région – je rappelle qu’il s’agit d’un Alsacien, ancien maire de Mulhouse et actuel premier adjoint de cette ville –, la ministre chargée des transports, le ministre de l’éducation nationale et vous-même, madame la ministre. Mais elle n’a pas été signée par la ministre des affaires européennes de l’époque, qui mène pourtant actuellement campagne pour les élections européennes, au nom du Président de la République !

C’est un vrai sujet : le Gouvernement, lorsqu’il signe un document traitant des compétences en matière de coopération transfrontalière, est-il capable de nous expliquer ce qu’il accepte d’attribuer aux territoires transfrontaliers ? Cette question est d’autant plus importante que nous sommes confrontés à des difficultés, comme cette agence régionale de santé qui interprète de manière restrictive l’accord de coopération entre la France et l’Allemagne en matière de santé, lequel remonte à 2007 ou 2008, sans tenir compte des besoins spécifiques de nos concitoyens. Qu’en sera-t-il de la coopération transfrontalière dans le domaine du travail ? Comment travailler ensemble entre Länder et régions ? Ce sont ces sujets que nous devons aborder ensemble.

À la veille des élections européennes, l’Alsace doit davantage exprimer un désir d’Europe – comme le dit le président Macron – qu’un désir d’Alsace ! Et c’est vrai d’autres régions frontalières, je pense aux Hauts-de-France, au Pays basque ou aux régions frontalières de l’Italie. Si nos concitoyens veulent vivre en Europe, il faut leur en donner l’occasion, et ce n’est pas en laissant faire une oligarchie technocratique centralisée que l’on y parviendra !

Nous devons avoir ce débat sur les compétences en matière de coopération transfrontalière. Simplement, madame la ministre, il faudrait qu’on entende le Gouvernement sur le sujet, parce qu’il est quand même très absent dans cette fameuse déclaration de Matignon !

MM. Jean-Pierre Sueur et Olivier Jacquin applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mes chers collègues, contrairement à ce qui vient d’être dit, nous discutons non pas d’un problème local ce soir, mais d’une question nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La question est en effet de savoir comment concilier République unitaire et réalité des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

C’est un travail que nos ancêtres ont fait pour les départements, un travail massacré par des charcutiers, les artisans des grandes régions !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Tout le monde le sait, il n’est pas nécessaire d’écouter les « gilets jaunes » !

Un jour, il faudra être cohérent, c’est-à-dire accepter de revenir sur ces découpages qui ne riment strictement à rien, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… passer outre ces soins palliatifs que l’on nous propose. Avec ou sans référendum, le problème est le même : il faut revoir tout cela ! Il faut revoir ces restructurations qui nous accablent depuis dix ans, avec des transferts obligatoires de compétences, des rapports imposés entre départements et régions. Le système fonctionnait très bien, il ne marche plus : il faudrait peut-être se demander pourquoi !

La cohérence voudrait que l’on ne se contente pas de ces fausses solutions. Elles sont systématiquement présentées comme un début ou un moindre mal, si bien que la plupart des collègues présents dans cet hémicycle ont finalement voté toutes les lois imbéciles successives qu’on leur a proposées !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous avez raison, tout le monde ne les a pas votées. Cela étant, seuls quarante-neuf sénateurs ont voté contre la loi NOTRe. Beaucoup ont accepté de voter ce texte, parce qu’ils estimaient ne pas pouvoir faire autrement.

En gros, c’est la position de fond que nous défendons et c’est le sens de nos amendements de suppression. En détail, on ne veut pas de ces soins palliatifs qui vont aboutir à un monstre de complexité. Il faudra bien que l’on parvienne à remettre en cause ce découpage qui ne crée que des problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je suis d’accord avec un certain nombre de mes collègues. Je voudrais d’ailleurs inscrire mon propos dans l’analyse faite par Mathieu Darnaud.

J’estime que l’on n’est vraiment pas au rendez-vous ni au niveau. Finalement, le Gouvernement avance à tâtons et n’a aucune vision. Il propose la création d’une Collectivité européenne d’Alsace. Je n’ai rien contre, mais il existe beaucoup d’autres territoires européens : faut-il vraiment différencier l’Alsace à ce point ?

Surtout, le Gouvernement prend, d’une certaine manière, la responsabilité de démembrer une région que le précédent gouvernement avait créée, sur un coin de table, sans véritable préparation, à mon avis.

Au cours des quinze derniers jours, la ministre chargée des transports n’a eu de cesse de répondre à tous les collègues réclamant des avancées que le Gouvernement ne pouvait rien faire à cause du grand débat national.

Mettons de côté le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui : des colères s’expriment depuis le 15 novembre ; cela fait plus longtemps encore que la question de l’organisation territoriale et des conséquences de la loi NOTRe remonte de tous les territoires. Il faudrait que l’on puisse poser le cadre du débat, stabiliser la situation et discuter : or on ne discute de rien ! On nous propose de nouveau d’aborder un petit bout du sujet, parce que le Gouvernement a été saisi d’une demande par les Alsaciens. Et pourquoi pas ailleurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Madame la ministre, si vous voulez continuer à créer des fractures entre les Français et les territoires, si vous voulez démembrer notre pays, si vous voulez affaiblir la position de l’État, continuez ainsi ! L’État est là pour développer une vision, une stratégie, et pour garantir le respect des libertés et l’équité entre les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je vous le dis très tranquillement, madame la ministre, aujourd’hui, le Gouvernement n’est pas au rendez-vous : il n’est pas au rendez-vous des territoires ni au rendez-vous des responsabilités !

Vous faites fausse route. Levez le crayon, il n’est pas trop tard ! Laissez un peu de temps au grand débat et offrez à la représentation nationale, ainsi qu’à l’ensemble des élus des territoires, un moment de répit pour poser les choses, examiner les sujets, construire la France de demain et lui permettre d’avancer, ce qui se fera non pas en la démembrant, mais en la rassemblant !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Ce débat est particulièrement important et ce texte suscite beaucoup de réactions tout à fait légitimes. À cet égard, je souhaite envoyer un message de respect à tous mes collègues de la commission des lois, en particulier à son rapporteur et à son président.

On a malgré tout du mal à s’y retrouver. On nous demande de faire confiance, mais c’est tout de même au Parlement de décider. Malheureusement, même si on nous parle du grand débat, on s’aperçoit que l’on fait des amalgames sur beaucoup de sujets, souvent en raison d’une méconnaissance de nos institutions.

Dans le département que je représente, les Ardennes, anciennement département de Champagne-Ardenne, on a défendu la région Grand Est et le choix de Strasbourg comme capitale. Chaque département a son histoire, sa géographie et ses spécificités. Il est question ici d’aménagement du territoire, de soutien à nos territoires et d’identité.

Désormais, il y a les grandes collectivités régionales et les conseils régionaux, d’un côté, les préfectures de région, les ARS et les grandes administrations, de l’autre : pour s’y retrouver, ce n’est pas simple. Il est vraiment temps de bien poser tous les sujets, en essayant de restaurer la confiance, notion sur laquelle je me permets d’insister.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La séance est reprise.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 8 est présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

L’amendement n° 139 est présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour présenter l’amendement n° 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Pierre-Yves Collombat a évoqué, à très juste titre, l’exemple de la loi NOTRe en soulignant le fait que tout le monde s’en plaint, alors que tout le monde, ou quasiment, l’a votée. Il a tout à fait raison : quand le Sénat s’est prononcé sur ce texte, nous n’avons été que quarante-neuf sénateurs sur trois cent quarante-huit à voter contre.

Nous nous sommes retrouvés à peu près dans la même situation avec la loi de redécoupage des régions. J’ai écouté les interventions des uns et des autres : la quasi-totalité des sénateurs ici présents semble hostile à la fusion autoritaire des régions qui a été mise en œuvre, et paraît considérer qu’il ne s’agissait pas d’une bonne opération. Tout le monde affirme que ce texte est une erreur, mais, alors que nous avons l’occasion aujourd’hui de la réparer, personne ne veut le faire !

C’est exactement comme pour le vote de la loi NOTRe ! C’est un double langage perpétuel que je trouve personnellement tout à fait désagréable. En effet, on a parfaitement le droit d’être pour la loi NOTRe, mais on doit l’assumer ! Il ne faut pas venir pleurer après l’avoir votée ! C’est la même chose pour la fusion complètement aberrante et autoritaire des régions : on a tout à fait le droit d’y être favorable, mais il ne faut pas faire semblant de la critiquer, alors qu’on fait tout pour la préserver.

Je partage le point de vue de Pierre-Yves Collombat. La meilleure solution serait de construire une organisation territoriale avec un minimum de cohérence, sans créer tout un tas de cas particuliers un peu partout, et tout en respectant l’identité des collectivités, comme c’est le cas pour l’Alsace.

Je le répète : on n’aurait pas besoin de faire tout ce que l’on fait aujourd’hui si on n’avait pas voté cette loi complètement débile de fusion des régions ! Si on veut donner satisfaction à chacun, il faut revenir en arrière et ne pas se contenter du misérable bricolage que le Gouvernement nous propose.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 139.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

J’ai défendu mon point de vue avec passion et véhémence, mais j’ai aussi écouté mes collègues, dont MM. Darnaud et Husson. On verra bien ce que la ministre nous répondra en temps voulu.

En réalité, ce texte est un ballon d’essai sur le devenir des territoires de notre pays, qui n’offre aucune garantie d’égalité entre l’Alsace et les autres collectivités.

Mes chers collègues, on peut tout à fait émettre des votes différents : ce n’est pas un problème. En revanche, je vous le dis solennellement, si nous adoptons ce texte, le Gouvernement nous expliquera d’ici peu que nous avons déjà mis un pied dans la révision constitutionnelle. Pour ma part, je préfère discuter de la vérité et non des mensonges : alors, débattons de la révision constitutionnelle en échangeant de manière respectueuse et argumentée sur toutes les travées de l’hémicycle, comme nous le faisons à chaque fois.

Par ailleurs, ce projet de loi est mal préparé. Le Gouvernement devra justifier de l’utilisation de la procédure d’habilitation à légiférer par ordonnance aux articles 9 et 10.

D’un côté, il nous explique qu’une déclaration a été signée à Matignon, que tout est réglé, qu’il existe une aspiration si générale des Alsaciens que je me demande pourquoi on en débat. Quand on a une telle confiance, pourquoi prévoir de légiférer par ordonnance ? Vous sentez la confiance, mes chers collègues ? Vous sentez l’aspiration majoritaire des Alsaciens et des Français à cette évolution ?

Enfin, comme l’ont évoqué plusieurs intervenants, n’aurait-il pas été préférable de tirer tous les enseignements de la loi NOTRe, plutôt que de polémiquer et de se renvoyer la balle d’un quinquennat à l’autre ? J’ai une petite expérience d’élu départemental, même s’il s’agit de quelques années dans un département urbanisé de la région Île-de-France. Ce que j’aurais souhaité avant tout, c’est que l’on réattribue la compétence générale aux deux départements alsaciens.

Je suis persuadé que le fait de rétablir cette compétence générale dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, bien que les exécutifs aient une étiquette politique qui n’est pas du tout la mienne, leur aurait permis d’imaginer des politiques innovantes. J’aurais préféré que l’on agisse ainsi plutôt que de nous présenter un projet de loi qui, je vous le répète, pose déjà les jalons d’un débat sur la révision constitutionnelle. On s’en souviendra dans quelques mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

La commission est défavorable à ces deux amendements.

L’article 1er est au cœur de la réforme et du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Il donne au département d’Alsace la qualité de chef de file en matière de coopération transfrontalière en prenant en compte, comme j’ai eu l’occasion de le dire, les spécificités et les particularités alsaciennes, ainsi que les liens tout naturels de l’Alsace avec l’Allemagne et la Suisse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est naturellement défavorable à ces amendements.

Je veux rappeler que le Gouvernement présente ce projet de loi à la demande des Alsaciens. Après qu’un rapport a été remis par le préfet de région, ceux-ci ont souhaité que les deux départements fusionnent pour former une seule collectivité, la Collectivité européenne d’Alsace. Je précise que cette fusion s’inscrit parfaitement dans le cadre de la loi actuelle, et qu’elle se fait à droit constant, monsieur le sénateur Savoldelli. Le Conseil constitutionnel a validé cette analyse.

Nous répondons aujourd’hui à la demande des Alsaciens en proposant de créer une Collectivité européenne d’Alsace, qui aurait bien sûr les compétences d’un département, mais aussi des compétences qui lui seraient données eu égard à son caractère transfrontalier et à sa situation spécifique.

J’ai entendu quelques orateurs soulever les problèmes que connaissent d’autres régions frontalières, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

et c’est tout à fait normal, monsieur le sénateur. D’ailleurs, nous n’entendons évidemment pas réserver à l’Alsace – le traité d’Aix-la-Chapelle le rappelle – la spécificité des relations transfrontalières. Ainsi, un projet de loi autorisant un accord entre la France et le Luxembourg sur le renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers a été présenté en conseil des ministres il y a quelque temps.

Nous serons attentifs à toutes les demandes formulées par les autres départements frontaliers, au-delà de la seule Alsace.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Cette démarche est tout à fait légitime. D’ailleurs, plusieurs représentants de départements sont déjà venus me solliciter et m’en parler.

Mais, aujourd’hui, nous parlons de la création de la Collectivité européenne d’Alsace.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement a accompagné les Alsaciens dans leur désir d’avoir une seule collectivité alsacienne et les soutiendra jusqu’au bout !

Mmes Fabienne Keller et Patricia Schillinger applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Madame la ministre, je ne peux pas vous accuser de mentir : c’est l’aveu ! Je vous en remercie ! Après le débat sur le « désir d’Alsace », vous venez de nous dire que n’importe quel département pourra dorénavant demander des compétences spécifiques, au nom d’un particularisme ou d’une frontière, par exemple.

Or je ne veux pas être désobligeant avec vous, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

… mais vous connaissez la France au moins aussi bien que moi, voire sûrement mieux, et vous devez savoir que notre pays a beaucoup de frontières !

Vous venez donc de nous dire – il fallait que cela sorte, à onze heures et demie du soir ! – que, en réalité, l’on ne discute pas du sujet mis sur la table par le Gouvernement, mais que vous nous faisiez avaliser une révision constitutionnelle visant à mettre en place, demain, le droit à la différenciation, à subdiviser la République et à permettre des appellations comme la communauté d’Europe du Val-de-Marne, du Nord ou de je ne sais où !

Mme la ministre proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Voilà ce que vous venez de dire, et c’est un aveu, madame la ministre ! Vous avez été dans le mensonge en préparant ce projet de loi ; vous n’avez pas dit la vérité ! Et, maintenant, vous avouez être sur toute autre chose.

Vous essayez de nous diviser, de faire diverger nos opinions quand elles sont convergentes ! C’est l’entreprise que vous avez engagée, y compris avec le soutien d’une sénatrice dont je ne peux pas vraiment dire si elle s’est exprimée en tant que sénatrice ou en tant que candidate de La République En Marche aux élections européennes.

Mme Patricia Schillinger s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je ne comprends pas très bien votre argumentaire, madame le ministre.

Vous nous dites être d’accord pour écouter les demandes qui pourraient émaner d’autres départements. Mais le département de la Moselle a délibéré, notamment pour demander des pouvoirs identiques sur les questions transfrontalières – l’Allemagne est frontalière de l’Alsace et de la Moselle ; cette dernière est voisine de l’Allemagne et du Luxembourg, comme l’Alsace l’est de l’Allemagne et de la Suisse. Or, madame le ministre, vous n’avez jamais répondu !

Le Gouvernement se moque du monde ! Vous vous moquez de nous quand vous nous annoncez que vous examinerez les demandes. Les demandes, vous les avez ! Le jour où ce projet de loi est voté, vous les mettrez toutes à la poubelle. Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles !

On est en train de nous enfumer, mes chers collègues. Le Gouvernement n’enfume pas que les Alsaciens ; il enfume tout le monde ! Il nous dit de ne pas nous en faire, que nous aurons droit à tout ce que nous voudrons… Une fois le vote passé, nous n’aurons plus droit à rien du tout, et on nous enverra promener ! Mes chers collègues, ne croyez pas que les Basques pourront avoir satisfaction, pas plus que les Alsaciens ou que d’autres !

C’est se moquer du monde ! Pourquoi la Moselle ne serait-elle pas la Collectivité européenne de Moselle ? Nous en avons fait la demande au niveau du conseil départemental. Comment se fait-il, madame le ministre, que vous n’en parliez pas ? Vous évoquez le Luxembourg, et vous ne prononcez pas une seule fois le nom du département de la Moselle. Ce n’est pas sérieux !

M. André Reichardt rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je ne sais pas où vous voulez aller. Mais, si vous avez l’intention de nous enfumer, il vaut mieux nous le dire… parce que nous nous en rendons compte !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Je voudrais moi aussi revenir sur la réponse de Mme la ministre. Il n’y a pas d’ambiguïté sur le souhait que les uns et les autres expriment quant à l’évolution de leur collectivité, de leur territoire. Ce n’est pas le sujet ! Le sujet, c’est que l’on ne légifère pas « à la découpe », si l’on me permet l’expression.

Nous parlons tout de même d’une entité qui s’appelle la France, ainsi que de ses institutions. Si chacun exprime un désir, sans souci de simultanéité, combien de textes va-t-on devoir examiner ? Et avec quelle cohérence si chaque examen donne lieu à des inflexions différentes ? Nous aurons un problème d’ensemble.

Je ne referai pas le débat concernant le vote des uns et des autres sur la loi NOTRe ; ce n’est pas non plus le sujet. Mais un constat commun a tout de même été dressé – c’est le ministre Sébastien Lecornu, et non les sénateurs, qui a dit qu’il fallait traiter les « irritants » de cette loi.

Cela signifie que l’on n’a pas pris le temps nécessaire, ni pour fusionner les régions ni pour traiter au fond les sujets de la loi NOTRe. Et voilà que, aujourd’hui, on cherche à faire passer ce projet de loi – à tort ou à raison, je ne porte même pas un jugement de valeur sur le fond –, en toute hâte, risquant ainsi de devoir nous retrouver, très rapidement, pour traiter d’un autre territoire.

Or, et j’en finirai par-là, le Président de la République a tout de même indiqué, au cours du grand débat, qu’il était temps de reparler de thèmes comme la décentralisation, ou comme nos institutions dans leur ensemble. Il n’y avait donc pas urgence à légiférer sur ce texte ; nous n’étions pas à un ou deux mois près !

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Madame la ministre, j’ai appris ce soir que, pour qu’un département puisse entrer dans une coopération transfrontalière, il fallait demander l’autorisation…

Je suis élu d’un département dans lequel on pratique la coopération transfrontalière depuis très longtemps, et nous ne demandons pas d’autorisation pour aller rencontrer le président de la communauté autonome du Pays basque ou le député foral du Guipuscoa. Et je ne pense pas que nous vous demanderons à l’avenir l’autorisation de continuer de le faire !

Le véritable problème auquel nous sommes confrontés, c’est l’asymétrie complète des compétences. Pour pouvoir aller discuter avec le président du gouvernement autonome basque ou le président de la communauté autonome de Navarre, il faut réunir l’État, la région, le département et l’intercommunalité ! Il s’agit là d’une construction totalement déséquilibrée, et qui devient exceptionnelle en Europe.

Alors que tous les États européens autour de nous ont construit de larges autonomies, parce qu’ils font confiance aux territoires, nous en sommes restés à un cadre profondément centralisé, ce qui nous place, aujourd’hui, dans un complet hiatus.

Je plains mes collègues et amis alsaciens, car, s’agissant de ce projet dont vous nous demandez de débattre, madame la ministre, ils sont pris en otage dans les contradictions d’un État profondément centralisé, alors que la République ne court aucun danger. La République, mes chers collègues, sera forte si elle reconnaît la diversité de ses territoires et donne de la liberté à ces derniers.

Les problèmes ne sont pas partout les mêmes – ils sont, par exemple, tout à fait particuliers lorsque l’on est voisin d’une autonomie forte. Il faut donc laisser aux territoires la capacité de les traiter.

C’est pourquoi j’ai précédemment indiqué, avec force, que j’étais favorable à une communauté à statut particulier pour l’Alsace, comme pour certains autres territoires. Une République différenciée n’en sera que plus forte, plus belle et plus unie !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy-Dominique Kennel

Mes chers collègues, je vous avoue, de façon complètement dépassionnée, que je suis quelque peu perdu ce soir ! Je l’entends, ce débat soulève beaucoup de passion et irrite beaucoup de monde, mais je ne suis même pas sûr qu’il mériterait d’avoir lieu.

Comme Mme la ministre l’a expliqué, cette évolution répond à une demande des départements. Je crois même pouvoir préciser que ceux-ci ont indiqué être prêts à fusionner, à condition que l’on n’en reste pas à une fusion simple et que la nouvelle collectivité soit dotée de compétences supplémentaires. C’était bien, me semble-t-il, une condition à la fusion : très clairement, une fusion simple, sur le seul périmètre des compétences départementales, ne se serait pas faite.

Autrement dit, mais j’ai comme l’impression d’être en train de me tromper ou de ne pas me trouver forcément dans le bon hémicycle, il me semblait que le Gouvernement avait promis, au moment où les deux départements s’engageaient vers la fusion, l’élaboration d’un texte de loi, en complément, conférant à cette collectivité fusionnée de réelles compétences supplémentaires.

J’en viens à la compétence transfrontalière. Celle-ci est mise en œuvre depuis longtemps. Je l’ai vécu en tant que président du conseil général et je puis confirmer que, comme d’autres ont pu l’être – au Pays basque, par exemple –, nous étions aussi mal à l’aise lors des réunions avec nos partenaires allemands et suisses, notamment dans le cadre du Conseil rhénan.

La délégation allemande et la délégation suisse arrivaient en réunion avec, à leur tête, un élu ayant le pouvoir de décider immédiatement ; la délégation française était, elle, dirigée par le préfet, accompagné du président de région et des deux présidents de département, et, quand il s’agissait de prendre une décision, il fallait en référer à Paris. Du coup, nous étions toujours en infériorité, les Allemands et les Suisses décidant, et nous non !

Voilà pourquoi j’ai parlé de corsetage. Évoquer un « chef de filât », cela ne veut rien dire ! Cela signifie porter la plume et payer le café, point à la ligne !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy-Dominique Kennel

Pour ma part, j’aurais souhaité que l’on délègue une réelle compétence en matière transfrontalière à la nouvelle collectivité, afin qu’elle puisse décider, à l’instar de ce qui se passe chez nos amis allemands et suisses. Or tel n’est pas le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

J’ai moi aussi été interpellé par la réponse de Mme la ministre, s’agissant des demandes d’autres collectivités. Si l’on part sur un département d’Alsace, pourquoi pas… Mais l’approche n’est pas la même si l’on parle de collectivité à statut particulier !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

En effet, dans ce cas, on pourrait aussi choisir la capitale. Imaginons que l’on désigne Colmar.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

On aurait alors une collectivité régionale – en effet, elle prendrait les compétences de la région – dont la capitale serait située à Colmar et une autre, qui regrouperait la Lorraine et la Champagne-Ardenne, une capitale régionale située à Strasbourg.

Comment cela serait-il perçu au niveau européen quand certains, comme les membres de la liste que je soutiens pour les élections européennes, revendiquent pour Strasbourg un titre de capitale européenne ? Nous serions mis en porte à faux ! Nous le voyons bien, la démarche que vous proposez, madame la ministre, a des limites.

La solution, déjà évoquée, consisterait à redonner, à titre expérimental, la clause de compétence générale à la collectivité. La perte de cette clause pose un vrai problème au niveau des départements. Rappelez-vous, mes chers collègues, combien nous nous sommes battus sur cette question, par-delà les clivages entre gauche et droite…

MM. Pierre-Yves Collombat et Pascal Savoldelli approuvent.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

C’est cette clause de compétence générale qui permettait à ceux qui dirigeaient les collectivités de prendre leurs responsabilités et, comme l’a fort bien dit un ancien président de conseil général, d’être décisifs lors de certaines discussions. Tout cela a été annulé : les responsabilités ne sont plus là ; on ne fait plus confiance aux élus !

Il semble que le contrat que l’on nous propose ici, loin d’être « gagnant-gagnant », est plutôt « perdant-perdant », pour l’Alsace, qui n’aura pas les mains libres, comme pour les autres régions. C’est un trompe-l’œil ! Et c’est dommage, car les Alsaciens seront déçus du résultat.

Il faut poursuivre dans la voie proposée par Mme le rapporteur, en accordant à la collectivité des compétences spécifiques, mais il faut être clair sur le fait qu’il s’agit bien d’un département. Ne trompons pas les gens !

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 62 rectifié est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.

L’amendement n° 113 est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 3

Remplacer le mot :

Département

par les mots :

Collectivité européenne

II. – Alinéas 5 à 7, 17 et 18

Remplacer les mots :

le département

par les mots :

la Collectivité européenne

III. – Alinéas 5 et 9

Remplacer le mot :

chargé

par le mot :

chargée

IV. – Alinéas 6 et 19, secondes phrases

Remplacer le mot :

Il

par le mot :

Elle

V. – Alinéa 7

Remplacer le mot :

associé

par le mot :

associée

VI. – Alinéas 9, 19 et 20

Remplacer les mots :

Le département

par les mots :

La Collectivité européenne

VII. – Alinéa 16

Remplacer les mots :

au département

par les mots :

à la Collectivité européenne

VIII. – Alinéas 21, 24 et 28

Remplacer les mots :

du département

par les mots :

de la Collectivité européenne

La parole est à M. René Danesi, pour présenter l’amendement n° 62 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Cet amendement tend à rétablir la dénomination « Collectivité européenne d’Alsace », qui a été retenue conjointement par les deux conseils départementaux et par le Gouvernement. Trois arguments viennent appuyer cette proposition.

Premièrement, il y a une volonté politique d’affirmer la dimension européenne de la nouvelle collectivité. C’est logique, dès lors que cette dimension est à l’origine des compétences spécifiques que la loi lui attribue.

Ainsi, le projet de loi reconnaît à la nouvelle collectivité un rôle de chef de file en matière transfrontalière, en particulier via l’élaboration d’un schéma de coopération transfrontalière, lequel schéma comportera un volet opérationnel, y compris pour les liaisons routières et ferroviaires. Il lui reconnaît également un rôle renforcé en matière de langue régionale, dont je rappelle que son expression écrite est l’allemand standard. La dénomination de la nouvelle collectivité européenne exprime donc son ambition transfrontalière et renforce sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires allemands et suisses.

Deuxièmement, malgré cette volonté politique forte, votre commission des lois a préféré suivre prudemment l’avis du Conseil d’État, qui a opté pour la dénomination « département d’Alsace ».

Toutefois, deux observations s’imposent : tout d’abord, le Conseil d’État a validé l’attribution des compétences spéciales de la nouvelle collectivité, reconnaissant ainsi la spécificité de l’Alsace ; ensuite, il n’a pas été en mesure d’étayer ses réserves par le moindre principe constitutionnel.

Toujours sur le plan juridique, je ferai observer que le décret du 27 février 2019 a procédé au regroupement des deux départements rhénans sous le nom de Collectivité européenne d’Alsace. Or, en application de l’article L. 3111-1 du code général des collectivités territoriales, seul un nouveau décret pris sur demande de la nouvelle collectivité peut modifier cette dénomination.

Troisièmement – l’argument est très politique, j’en conviens –, la dénomination « Collectivité européenne d’Alsace » permettra une identification forte par les Alsaciens et, par là même, mettra du baume au cœur des 85 % d’Alsaciens qui ne veulent pas rester des « Grands Estiens » !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 113.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Cet amendement vise à rétablir la dénomination choisie pour la collectivité née de la fusion des deux entités départementales : la Collectivité européenne d’Alsace.

Ce nom, qui figurait dans le projet de loi initial, a été réaffirmé par trois fois : dans la déclaration commune du 29 octobre 2018, dans les délibérations des deux assemblées départementales adoptées le 4 février 2019 et dans le décret du 27 février 2019 ayant procédé à la fusion des départements.

La dénomination de la collectivité relève, à mon sens, du domaine réglementaire, et la question a été traitée par décret. Revenir par la loi sur ce point ne me paraît pas judicieux. Par ailleurs, l’attente des Alsaciens et le contenu même du projet plaident pour conserver le nom choisi.

Loin de masquer la réalité institutionnelle de la future collectivité ou de tromper sur ce point, cette dénomination souligne, au contraire, la dimension européenne qui est à l’origine de la reconnaissance de compétences particulières et spécifiques à son profit : chef de filât en matière transfrontalière, rôle renforcé dans la promotion des langues régionales.

Mes chers collègues, le nom « département d’Alsace » ne serait pas conforme à la réalité territoriale et institutionnelle nouvelle. En effet, si la future collectivité se résumait à un département d’Alsace, il n’y aurait pas besoin de loi, et nous ne serions pas ici ce soir !

L’appellation « Collectivité européenne d’Alsace », actée dans le décret, est donc le juste reflet du caractère novateur de la démarche, qui confère à la collectivité des compétences exorbitantes du droit commun, en plus des compétences départementales classiques.

Enfin, comme je le rappelais lors de la discussion générale, l’attente alsacienne sur ce point est grande et l’identification avec cette dénomination est forte. Le désir d’Alsace ne peut être réduit à un désir de département !

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de rétablir le nom que le Gouvernement, les deux départements et la région Grand Est ont choisi, avec le soutien de la population et des élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 84 rectifié, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller, MM. Kennel, Kern et Reichardt et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3431 -3. – I. – La Collectivité européenne d’Alsace est chargée d’organiser les modalités de mise en œuvre du schéma alsacien de coopération transfrontalière. À ce titre, le volet opérationnel de ce schéma définit lesdites modalités de la manière suivante :

La parole est à Mme Catherine Troendlé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Cet amendement tend à réduire la rédaction première de l’alinéa 9 de l’article 1er, en supprimant les mots « dans le respect des compétences des autres catégories des collectivités territoriales ou de leurs groupements ».

Nous considérons en effet que, dans le contexte spécifique transfrontalier de l’Alsace, la collectivité doit disposer d’une capacité à agir dans tous les domaines ayant un enjeu transfrontalier, et cela dans la perspective d’une cohérence globale pour le schéma alsacien de coopération défini à cet article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 81, présenté par Mme Harribey, M. J. Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Fichet, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 20 à 28

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Je ne vois pas bien pourquoi la discussion de cet amendement est liée à celle du précédent, mais s’il doit en être ainsi…

Notre objectif, ici, est de supprimer les alinéas de l’article 1er relatifs au conseil de développement. Nous jugeons effectivement inutile de fixer dans la loi ce que les collectivités peuvent déjà librement mettre en œuvre. De plus, la création d’un organisme supplémentaire nous paraît en contradiction avec le principe selon lequel le développement économique relève de la compétence du conseil régional.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

La commission des lois a émis un avis défavorable sur les amendements identiques n° 62 rectifié et 113, considérant que, par rigueur juridique, il convenait d’appeler cette nouvelle entité « département d’Alsace ».

À titre personnel, je n’étais pas favorable à ce changement d’appellation. S’il faut effectivement être bien clair sur le plan juridique, nous avons toujours considéré que cette nouvelle Collectivité d’Alsace était un département. Je l’ai dit, c’est un « département + », c’est-à-dire un département doté de nouvelles compétences, mais c’est un département avant tout !

Le terme « Collectivité européenne d’Alsace » est un nom propre et, à ce titre, n’a aucune incidence juridique. Il s’agit bien d’une collectivité ; elle choisit de se qualifier d’« européenne » comme nombre d’autres collectivités – je pense à l’eurométropole de Strasbourg ou à la Métropole européenne de Lille. Cette appellation, souhaitée par les élus alsaciens, a constitué l’une des bases de l’accord qu’ils ont négocié.

L’amendement n° 84 rectifié, visant des modalités de mise en œuvre du schéma alsacien de coopération transfrontalière, tend à supprimer la mention du respect des compétences des autres collectivités territoriales. À notre avis, sa portée en droit n’est pas aussi importante que celle que semble lui attribuer son auteur. Supprimer cette mention ne permet pas de donner, au département alsacien, une capacité à agir dans l’ensemble des domaines à enjeux transfrontaliers.

Par conséquent, et même si je comprends les préoccupations et la volonté de précision manifestées par Mme Catherine Troendlé, la commission émet, également par rigueur juridique, un avis défavorable sur l’amendement n° 84 rectifié.

S’agissant, enfin, de l’amendement n° 81, la commission a souhaité soutenir la création du conseil de développement d’Alsace, une instance de dialogue et de réflexion permettant d’accompagner le département alsacien dans l’exercice de ses compétences particulières. Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement visant à le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je soutiens, bien entendu, les amendements identiques n° 62 rectifié et 113, dans la mesure où ils tendent à rétablir le nom proposé dans la version initiale du projet de loi, nom issu d’un travail collaboratif avec les deux conseils départementaux appelés à se regrouper.

Je rappelle tout de même, parce que j’écoute et j’entends beaucoup de choses, que la décision a été prise à la majorité absolue du conseil départemental du Haut-Rhin et à une large majorité du conseil départemental du Bas-Rhin – il manquait seulement six voix. On parle beaucoup de démocratie dans cette assemblée ; le Gouvernement, justement, entend respecter les décisions démocratiques qui ont été prises au sein des deux conseils départementaux.

Le nom retenu dans le décret du 27 février 2019 est donc, logiquement, celui de « Collectivité européenne d’Alsace ». Il met en avant une dimension européenne très forte et l’Alsace a parfaitement le droit d’utiliser ce qualificatif, comme – Mme la rapporteure l’a rappelé – Strasbourg ou Lille l’ont déjà fait.

En outre, nous avons déjà l’exemple d’un département portant un nom particulier, eu égard, d’ailleurs, à son histoire également particulière : ce département s’appelle le Territoire de Belfort.

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le Gouvernement émet par ailleurs un avis défavorable sur l’amendement n° 84 rectifié, qui tend à s’éloigner des principes du chef de filât, en organisant la tutelle d’une collectivité sur une autre. Cette évolution n’est pas envisageable ; elle est même anticonstitutionnelle.

Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 81, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Si vous me le permettez, madame la présidente, je vais m’exprimer simultanément sur les quatre amendements.

S’agissant des deux premiers amendements, qui visent la dénomination de la collectivité, j’ai bien noté que cette dénomination était essentielle aux yeux de certains. Mais, mes chers collègues, comme l’indique le Conseil d’État dans son avis, il s’agit d’un simple nom propre ! Je ne vois donc pas en quoi cette dénomination serait essentielle au point de nous opposer.

À titre personnel, je n’ai rien contre. Le seul problème, c’est que ce nom contribue à cacher aux Alsaciens que cette collectivité est, de fait, un simple département. Je sais de quoi je parle : je suis moi-même alsacien et j’entends dire que, avec cette collectivité européenne, on retrouverait la région… Encore une fois, si la commission des lois a estimé qu’il fallait faire droit à l’amendement de nos collègues socialistes visant à retenir l’intitulé « département d’Alsace », c’est bien pour cela, pour apporter le plus de clarté possible.

En fait, ce qui intéresse les Alsaciens, c’est non pas la dénomination de la collectivité, mais les compétences qui seront accordées à cette dernière, afin, précisément, que son champ d’action ne se résume pas à celui d’un département.

Pour ma part, vous l’avez compris au travers de mes propos liminaires, mes chers collègues, j’entends me battre beaucoup plus sur les compétences que sur la dénomination de la collectivité, dénomination qui n’est qu’un nom propre. Je pense, notamment, à la reconnaissance d’une collectivité à statut particulier au titre de l’article 72 de la Constitution.

Par ailleurs, je voterai l’amendement de Catherine Troendlé. Certes, il tend à supprimer la portion de phrase mentionnant « le respect des compétences des autres catégories de collectivités territoriales ou de leurs groupements », mais ayons le courage de le dire : « Ça suffit ! »

Après avoir prévu que le schéma transfrontalier doit être en cohérence avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation – le SRDEII –, on nous annonce maintenant qu’il doit respecter le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le Sraddet. Où s’arrêtera-t-on ? L’amendement n° 84 rectifié doit donc être voté.

Enfin, je suis favorable à la création d’un conseil de développement, introduit sur l’initiative de notre collègue Guy-Dominique Kennel. C’est une mesure que je mets en relation avec l’un de mes amendements ultérieurs, tendant à reconnaître une collectivité à statut particulier.

Pour moi, ces deux dispositions sont liées. En effet, dans l’hypothèse où la collectivité territoriale n’est rien d’autre qu’un département, à quoi servira un conseil de développement ? Il aura son utilité seulement si nous parlons d’une collectivité à statut particulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendlé. Je ne figure pas parmi les cosignataires des amendements identiques n° 62 rectifié et 113, car j’aurais souhaité que la réintroduction de l’appellation initialement retenue soit le fait de Mme la ministre, que cette dernière puisse nous expliquer clairement les raisons de son attachement à la dénomination « Collectivité européenne d’Alsace », qu’elle nous donne, si je puis m’exprimer de la sorte, des preuves d’amour

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Dès à présent, je lui propose de revoir l’argumentaire qu’elle vient de développer sur mon amendement, qui est un amendement de précision et de cohérence. Il s’agit, non pas d’imposer une tutelle d’une collectivité sur une autre, mais d’accorder une compétence permettant de garantir la cohérence globale du schéma alsacien de coopération transfrontalière.

Je ne comprends pas votre argumentaire, madame la ministre, qui se révèle beaucoup plus dur que celui de notre rapporteur, et j’appelle mes collègues à soutenir cet amendement n° 84 rectifié, qui est parfaitement cohérent avec les attentes exprimées. Une telle perspective pourrait me conduire à voter les amendements identiques visant à rétablir la dénomination « Collectivité européenne d’Alsace ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Mes chers collègues, n’oublions pas que l’appellation de cette future collectivité, cela a été rappelé, appartient en réalité aux concepteurs de ce projet et aux élus des deux départements qui ont délibéré, à une quasi-unanimité, en faveur de la création d’une Alsace unie et rassemblée au sein de la Collectivité européenne d’Alsace.

Or le Sénat est garant des libertés et des responsabilités locales. La dénomination de cette collectivité et sa strate de rattachement sont deux sujets qu’il faut bien dissocier.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Madame la rapporteure, je vous remercie d’avoir rappelé quelle a été la position de la commission des lois, même si ce n’était pas forcément la vôtre. La commission a simplement repris ce qu’a dit le Conseil d’État, puis, à sa suite, le groupe socialiste, ainsi que moi-même dans la discussion générale. Et nous ne sommes pas majoritaires en son sein !

Il faut être clair vis-à-vis des habitants de ce territoire qu’est l’Alsace. Que des amendements soient présentés par nos collègues René Danesi et Patricia Schillinger, tous deux haut-rhinois, n’est pas un hasard : en réalité, ceux-ci craignent que les Haut-Rhinois aient le sentiment que l’on en revienne à ce qu’ils ont refusé en 2013, à savoir la suppression du département du Haut-Rhin comme circonscription d’État. Or Mme la ministre a pris l’engagement, qui, je le pense, sera tenu par le Gouvernement, que ces deux circonscriptions administratives que sont le département du Haut-Rhin et le département du Bas-Rhin subsisteront.

Toutefois, comme l’a souligné le Conseil d’État et comme en dispose le code général des collectivités territoriales, à la collectivité dénommée « département » s’attachent des compétences propres. Et incontestablement, cette fusion donnera naissance à un département d’Alsace.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Ce n’est pas le choix d’une telle dénomination qui a été fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Ensuite, la question est celle du nom de cette collectivité. Madame la ministre, vous avez fait allusion au Territoire de Belfort, tout petit département créé au moment où l’Alsace se retrouvait abandonnée par la France entre les mains des Allemands et recouvrant la zone restée française… Ce rappel n’est pas très agréable pour les Alsaciens ! En tout cas, dites-nous clairement que cette future entité sera un département ; il est important que nos concitoyens le sachent.

Je rejoins ce qu’a dit André Reichardt : la question de fond, c’est celle des compétences. Comme l’a dit Guy-Dominique Kennel, les deux départements ont souhaité que leur soient attribuées des compétences supplémentaires particulières, au motif que le simple regroupement de celles qu’ils exercent actuellement ne les intéresse pas en tant que telles. Ils en veulent davantage !

Or on a du mal à percevoir ce que pourraient être ces compétences supplémentaires. Le transfrontalier ? On ne le perçoit guère. Éventuellement les routes, avec la possibilité de créer par voie d’ordonnance une taxe spécifique sur les poids lourds étrangers dans le département d’Alsace ? Je suis curieux de voir ce que nous diront les technos de Bercy sur ce sujet !

Franchement, mes chers collègues, soyons clairs pour nos amis alsaciens : appelons ce qui est un département un département ! Restons-en à la position de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy-Dominique Kennel

M. Guy-Dominique Kennel. Madame la présidente, je vous promets que je vais essayer cette fois d’être plus bref que d’habitude !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy-Dominique Kennel

La dénomination « Collectivité européenne d’Alsace », c’est un emballage ! Peu importe la boîte, à mon avis ; l’essentiel, c’est ce qu’il y a dedans. Si c’est celle qui doit être retenue, je n’y suis pas opposé, mais à condition d’y adjoindre d’autres compétences que celles qu’exercerait un département d’Alsace. Il faut donc aller plus loin, et c’est pour cette raison que j’ai cosigné l’amendement de Catherine Troendlé.

On ne peut pas demander à une collectivité d’être chef de file tout en lui imposant de respecter un schéma régional, tout en la plaçant sous l’autorité du préfet, tout en lui imposant de recueillir l’accord de l’ensemble des autres collectivités. Dès lors, elle n’est plus libre de ses initiatives, de ses réalisations et de ses décisions ! C’est bien pour cela que je souhaite que cette nouvelle collectivité, que l’on pourra ensuite appeler Collectivité européenne d’Alsace, dispose de ce pouvoir en matière de coopération transfrontalière : ce sera là un vrai transfert de compétence.

A contrario, on nommerait cette collectivité chef de file et on lui donnerait la plume simplement pour rédiger un schéma qui ne serait pas prescriptif, qui resterait sans aucun effet sur le terrain, à quoi bon ? Dans ce cas, autant tout arrêter ! Ou alors, disons clairement à la population que, être chef de file, cela consiste à porter la plume et à payer le café, et remisons cette dénomination « Collectivité européenne d’Alsace ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

À mon tour, je veux m’exprimer sur les amendements identiques n° 62 rectifié et 113, qui visent le nom de cette nouvelle collectivité.

J’entends les arguments juridiques en faveur de l’appellation « département », mais je voudrais attirer l’attention de mes collègues sur la symbolique d’un nom.

Un nom figure sur de nombreux documents, il est répété. En l’occurrence, l’appellation « Collectivité européenne d’Alsace » a été débattue pendant de longs mois, et c’est en sa faveur, comme l’a rappelé Mme la ministre, que se sont prononcés unanimement les conseillers départementaux du Haut-Rhin, ainsi que, à une très large majorité – il n’a manqué que six voix –, ceux du Bas-Rhin. Il faudrait que nos collègues prennent en compte ce fait.

En outre, l’enjeu dépasse la simple fusion de deux départements, déjà votée par les assemblées et entérinée par un décret. Si nous sommes réunis ce soir pour examiner ce projet de loi, c’est bien parce que nous souhaitons doter cette collectivité nouvelle d’autres compétences en plus de celles qu’exercent déjà les départements, afin d’asseoir son socle. À cet égard, nous saluons le travail du Gouvernement et des deux départements. L’essence même de ce projet de loi, c’est donc de créer une collectivité qui soit plus qu’un simple département.

Je le répète, je remercie ceux de nos collègues qui voudront bien prendre en compte le souhait exprimé par les deux départements concernant la dénomination de cette collectivité, symbolique à laquelle nous sommes particulièrement attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Dans une société où la communication joue le rôle que l’on sait, les mots ont toute leur importance. « Alsace », c’est une marque. « Collectivité européenne d’Alsace », c’est peut-être un terme plus flatteur, plus séduisant, plus vendeur, mais aux mots qui flattent, je préfère ceux qui disent la vérité de ce qu’ils recouvrent.

De manière plus générale, je ne sais plus quelle est la doctrine du Gouvernement, ni où il va… Je suis comme certains de mes collègues : dans l’expectative. Où est le fil conducteur ?

En cette soirée, je pense à cette phrase d’André Maurois, que je livre à votre réflexion, mes chers collègues : « Dans une discussion, le difficile, ce n’est pas de défendre son opinion, c’est de la connaître. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Je me demande si le Gouvernement a vraiment une opinion.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Ce qui se passe ce soir dans cet hémicycle me laisse vraiment perplexe. Les élus des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, qui regroupent sept cents communes, se sont mis ensemble d’accord sur cette dénomination « Collectivité européenne d’Alsace ».

Le Sénat représente les collectivités territoriales, et nos concitoyens nous regardent. Or nous sommes en train de nous déchirer, comme en 2013, et nous offrons là une image malheureuse. Revenons-en au texte que nous examinons ! Je considère qu’il faut s’en tenir à cette appellation « Collectivité européenne d’Alsace » pour adresser un signal fort aux Alsaciens. Si nous, les élus, ne portons pas les sujets qui leur tiennent à cœur, nos électeurs ne croiront plus en nous.

Mes chers collègues, je souhaite donc vraiment que vous souteniez ces deux amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je voudrais tenter d’apporter mon propre éclairage sur cet échange.

La commission des lois s’est prononcée, de la manière rappelée par notre excellente rapporteur, Mme Agnès Canayer, qui, pour autant, n’a pas voulu attacher à cette question de la dénomination des conséquences que celle-ci n’a pas.

En effet, quelle que soit la dénomination que vous retiendrez par votre vote, mes chers collègues, vous ne changerez pas la chose. Et quelle est cette chose ? C’est une collectivité déjà hybride. C’est un peu comme la recette du pâté aux alouettes : il faut, pour faire un pâté aux alouettes, un cheval et une alouette.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Si l’on s’intéresse uniquement à ce quelque chose, on en fait déjà une collectivité à statut particulier, mais, en l’écrivant dans la loi, on irait trop loin, car la dénomination ne correspondrait plus à la chose.

La chose, c’est un département créé par décret. Celui-ci n’a nul besoin d’une loi pour voir le jour. Et si le Gouvernement a estimé qu’il fallait une loi, c’est que, en réalité, nous sommes en train de créer un peu plus qu’un département.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous-mêmes, en commission des lois, nous avons considéré que la partie « alouette », c’est-à-dire la partie « collectivité à compétences particulières » de ce département, était insuffisante. C’est pour cette raison que nous avons voulu ajouter une deuxième, puis une troisième, puis une quatrième alouette, pour faire bon poids.

C’est ainsi que, au-delà des compétences que le Gouvernement avait prévues, notamment en matière routière ou transfrontalière, nous avons ajouté la promotion de l’attractivité, qui était une compétence jusque-là réservée à la région, nous avons ajouté la qualité de chef de file en matière de bilinguisme, et nous nous apprêtons à ajouter la coordination de la politique touristique, l’expérimentation des aides aux entreprises par délégation de la région, des pouvoirs de police en matière de routes – puisque l’on transfère à cette collectivité des autoroutes, ce qui n’a jamais été fait pour aucune autre collectivité départementale.

Nous proposons également la création d’un conseil de développement, ainsi que la possibilité de créer dans ce département particulier une télévision locale, pour défendre la langue alsacienne.

Je comprends que dans la perspective ouverte par le Gouvernement, qui a désiré faire plus qu’un département, le Sénat s’apprête à faire beaucoup plus qu’un département, sans pour autant créer une collectivité à statut particulier.

Eh bien, mes chers collègues, vous connaissez la position de la commission, mais, en votre âme et conscience, vous allez pouvoir maintenant dire si vous souhaitez que l’on s’en tienne à la dénomination « département », ou si, tenant compte de toutes ces avancées, vous préférez aller plus loin.

Peut-être choisirez-vous alors de reprendre la dénomination qu’ont retenue tant les conseils départementaux d’Alsace que la région Alsace, ainsi d’ailleurs que le Gouvernement. Cela, c’est votre appréciation. Je le rappelle encore une fois, la position de la commission était différente.

Mme Fabienne Keller et M. René Danesi applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je mets aux voix les amendements identiques n° 62 rectifié et 113.

En conséquence, les amendements n° 84 rectifié et 81 n’ont plus d’objet.

Mes chers collègues, par cohérence avec le vote qui vient d’avoir lieu, dans la suite de la discussion, les termes « Collectivité européenne d’Alsace » se substitueront à ceux de « département d’Alsace » dans les amendements dont le texte comporte ces derniers termes et qui seront adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Madame la présidente, pourquoi l’amendement n° 84 rectifié devient-il sans objet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Parce que les amendements identiques n° 62 rectifié et 113 visaient à modifier l’alinéa 9 de l’article 1er, ma chère collègue, tandis que le vôtre tendait à le réécrire entièrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendlé. Non, ce n’est pas la même chose !

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

D’après ce que l’on m’explique, pour que cet amendement ne devienne pas sans objet, il aurait fallu le rectifier, afin qu’il tende à ne modifier que certains mots de l’alinéa 9, et non pas à le réécrire entièrement.

Nous pourrions d’ailleurs procéder à une telle modification et ainsi mettre aux voix cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Madame Troendlé, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Ce n’est pas une bonne façon de travailler ! L’amendement est devenu sans objet, un point c’est tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis donc saisie d’un amendement n° 84 rectifié bis, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller, MM. Kennel, Kern et Reichardt et Mme Schillinger, et qui est ainsi libellé :

Alinéa 9

1° Première phrase

Après le mot :

transfrontalière

Supprimer la fin de cette phrase.

2° Seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

À ce titre, le volet opérationnel de ce schéma définit lesdites modalités de la manière suivante :

Je le mets aux voix.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n ’ adopte pas l ’ amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 101 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt, Brisson et Daubresse, Mme N. Goulet, M. Kern, Mmes Billon et Berthet et MM. Milon, Laménie, Charon et Kennel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. … . - Il est créé une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, dénommée « Collectivité européenne d’Alsace », en lieu et place des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

« La Collectivité européenne d’Alsace s’administre librement dans les conditions fixées au présent titre, par la loi n° … du … relative aux compétences du département d’Alsace et par l’ensemble des dispositions législatives relatives aux départements non contraires au présent titre et à la loi n° … du … précitée.

La parole est à M. André Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Mais je ne suis pas certain que quelqu’un m’écoute, madame la présidente…

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, je vous prie d’écouter l’orateur.

Veuillez poursuivre, monsieur Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Cet amendement vise à créer une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution.

Le 29 octobre 2018, lors de sa rencontre à l’hôtel Matignon avec les élus alsaciens, le Premier ministre Édouard Philippe tenait ces propos : « Cette déclaration commune, c’est, je l’ai dit, du “cousu main”. C’est la volonté […] de partir de la base des compétences départementales des deux départements alsaciens pour créer une collectivité dotée de compétences particulières et supplémentaires. »

N’est-ce pas la définition même d’une collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution ? Pour moi, cette collectivité, c’est un espace, c’est une identité, c’est un projet.

Par ailleurs, le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a clairement indiqué que la Collectivité européenne d’Alsace, créée par décret, n’était en fait qu’un département auquel il avait été ajouté des compétences d’intérêt général spécifiques à ce territoire.

En la matière, selon cette jurisprudence, des compétences peuvent être accordées à un département hors de sa strate, à condition que celles-ci soient d’intérêt général et spécifiques à ce territoire. Entre-temps, comme vient de le rappeler son président, la commission des lois a adopté des amendements n’ayant rien de spécifique à la promotion de l’attractivité du territoire d’Alsace.

Dans ces conditions, je considère que cette collectivité ne peut plus demeurer un département. D’où ma proposition de créer une collectivité à statut particulier, solution pour régler ce problème d’ordre juridique sérieux et, à mon avis, incontournable.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Cet amendement, qui vise à créer une collectivité à statut particulier à l’intérieur de la région Grand Est, ne change pas grand-chose sur le fond à ce que prévoit déjà le projet de loi, même s’il tend à autoriser ultérieurement le législateur à attribuer d’autres compétences à la collectivité alsacienne, sans qu’il soit besoin de le justifier par des spécificités locales. Il me semble que cette solution hybride poserait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.

D’un point de vue politique, il faudrait toujours justifier les compétences spéciales de la collectivité alsacienne par des spécificités locales, faute de quoi les autres territoires de la région ne le comprendraient pas.

En outre, si l’on en venait à attribuer à la collectivité des compétences aujourd’hui exercées par la région, il en résulterait que la région Grand Est exercerait depuis Strasbourg, sur le territoire de la Moselle ou de la Marne, des compétences qu’elle n’aurait même pas le droit d’exercer en Alsace.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur Reichardt, vous avez vous-même démontré qu’il ne s’agissait pas d’une collectivité à statut particulier. De plus, le Gouvernement l’a dit à plusieurs reprises, la communauté européenne d’Alsace demeurera au sein de la région Grand Est et constituera un département avec quelques compétences supplémentaires au regard de sa situation spécifique.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Madame la ministre, je me suis certainement mal fait comprendre, car j’avais le sentiment d’avoir démontré l’inverse, à savoir qu’il ne pouvait s’agir, juridiquement, que d’une collectivité à statut particulier !

Je le redis, la commission des lois a attribué à cette collectivité, certes des spécificités, mais aussi des compétences qui ne sont pas spécifiques. Dès lors que l’on applique la jurisprudence du Conseil d’État sur l’affectation de compétences nouvelles à une strate de collectivités locales, il est clair que cela ne peut plus être un département.

Je voudrais ensuite répondre à Mme le rapporteur que, dans mon esprit, il n’est pas question – j’avais d’ailleurs déposé en ce sens un amendement, qui a été rejeté – de donner des compétences émanant de la région : j’ai bien compris que celle-ci y est opposée ; c’est bien tout le drame ! Autrement, on n’en serait peut-être pas là… En conséquence, je ne puis en réclamer.

En réalité, notre objectif, c’est de créer un réceptacle de compétences à venir, dans le cadre de travaux qui auront lieu, le cas échéant, soit sur la loi NOTRe, soit sur des dispositions prévoyant une différenciation à venir.

Bref, nous souhaitons que cette collectivité à statut particulier constitue le réceptacle de compétences nouvelles susceptibles de justifier à la fois que ce n’est pas un département et que c’est bien une collectivité européenne dénommée comme telle. Encore une fois, les Alsaciens ne veulent pas d’une collectivité européenne qui n’est qu’un département avec un plus, mais malheureusement, qui n’est pas plus que cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

J’ai écouté avec beaucoup d’attention le président Philippe Bas : avec beaucoup d’habileté, il nous a finalement invités à choisir le nom de Collectivité européenne d’Alsace.

En outre, il a recensé toutes les compétences que nous allons donner, au-delà de ce qu’a prévu le Gouvernement, à cette Collectivité européenne d’Alsace. Il a enfin déclaré que c’était un « département + ». Mais moi, je ne sais pas ce que c’est. Je sais ce qu’est une commune, un département, une région. Je sais aussi ce qu’est une collectivité à statut particulier, car cela figure clairement dans la Constitution.

Je soutiendrai l’amendement d’André Reichardt, car je respecte beaucoup l’avis du président Bas. J’ajouterai qu’il m’est arrivé, dans d’autres territoires, de manifester en faveur d’une collectivité à statut particulier. De surcroît, c’est la réalité de ce que nous allons constituer, puisque nous allons donner à ce « département + » un certain nombre de compétences tout à fait spécifiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je ne voterai pas l’amendement de M. Reichardt, mais cette mesure présente au moins le mérite d’aller au bout d’une certaine logique.

La communauté européenne d’Alsace sera le seul département à bénéficier de ce régime dérogatoire, car on a besoin, et je puis le comprendre, de sortir de l’étouffement créé par la loi NOTRe, qu’un certain nombre d’entre nous ont votée, même s’ils y étaient quelque peu contraints et forcés, parce qu’elle apparaissait à l’époque comme la moins mauvaise des solutions.

Pour sortir de cet étouffement, il faut reprendre des compétences au niveau d’un territoire cohérent, ce qui empêche les autres départements de les exercer. L’inconvénient de ce projet de loi, c’est qu’il est totalement discriminatoire à l’égard de l’ensemble des autres départements français.

Nous contestons non pas ce que veulent les Alsaciens, mais que nous ne puissions pas y avoir accès ; ou alors, madame la ministre, vous m’expliquez que, demain, on pourra créer la communauté laïque du Limousin, qui aura la compétence de la promotion touristique, de la gestion de l’eau. Si je prends mon bâton de pèlerin…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

… je suis sûr d’arriver à convaincre nos compatriotes et les collectivités locales. Je pourrai citer d’autres exemples de ce type.

Dans mon opposition avec notre collègue Reichardt, je lui reconnais une logique totale dans sa démarche, dont il souhaite d’ailleurs qu’elle aille un peu plus loin, puisqu’il parle de « réceptacle », pour accueillir d’autres compétences spécifiques ou générales. Quand celles-ci sont générales, cela veut dire que ces compétences peuvent être éventuellement assumées par d’autres départements qui n’y sont pas autorisés.

Si l’on respecte la logique du projet de loi, on devrait donc déboucher sur la solution préconisée par M. André Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

À ce stade de notre réflexion, nous avons longuement débattu du nom de cette collectivité. Et tout aussi longuement, on nous a expliqué – c’est en tout cas ce que j’ai cru comprendre – qu’il s’agissait d’un département avec quelques compétences supplémentaires, mais globalement accessoires, que l’on ne devait pas l’appeler « département », bien que c’en était un, et qu’un nom unique, propre, allait qualifier cette Collectivité européenne d’Alsace.

À présent, à la faveur de la discussion au sujet de l’amendement d’André Reichardt, on en vient à dire que les compétences supplémentaires qui seront accordées à l’avenir sont telles qu’il faut maintenant donner une autre consistance juridique à cette collectivité, qui n’est plus un département.

Madame la présidente, l’amendement que nous venons de voter tend à changer même les termes du débat précédent sur la dénomination.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Demain, l’amendement de François Grosdidier sera débattu dans l’hémicycle après avoir recueilli un avis favorable de la commission des lois. Il a pour objet d’élargir à l’ensemble des départements qui en feraient la demande l’exercice de toutes les compétences de l’article 1er du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.

En déroulant progressivement la réflexion, on va beaucoup plus loin que l’objet même du texte. C’est la raison pour laquelle je ne pourrai voter cet amendement d’André Reichardt, même si, comme Jean-Marc Gabouty, j’en comprends tout à fait la logique. En effet, faisons preuve d’un peu de rigueur juridique et gardons-nous de trop étendre le champ d’application du projet de loi ou d’être dans une logique d’entonnoir, qui finalement nous conduirait vers quelque chose nous ignorons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement sait très bien où il va !

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

C’est une bonne nouvelle ! Il ne le savait pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Nous voulons appliquer par la loi l’accord qui a été signé entre la région, les deux départements et le Gouvernement. C’est aussi simple que cela.

Par ailleurs, fondamentalement, la Collectivité européenne d’Alsace fait partie de la catégorie des départements, même si elle a reçu, en fonction de sa spécificité, notamment frontalière, quelques compétences supplémentaires : le tourisme, le transfrontalier et le routier. C’est donc clair.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

S’agissant des collectivités à statut particulier, j’entends bien sûr votre argument, monsieur Reichardt, mais nous sommes opposés aux transferts que vous proposez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le Gouvernement est bien opposé à ces transferts – ensuite, la Haute Assemblée délibérera –, car vous prendriez des compétences à la région, par exemple.

Par ailleurs, les collectivités à statut particulier, tout le monde le sait, comprennent toujours deux collectivités en une. Prenez la Corse : c’est département et région. Il en est de même de la Martinique, de la Guyane et de Mayotte : c’est département et région. La Ville de Paris, c’est département et région.

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je pourrai aussi vous dire que la métropole de Lyon, c’est département et EPCI.

Vous le voyez bien, les collectivités à statut particulier sont des collectivités qui ont deux couches, si je puis dire, de collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Mme le rapporteur a bien précisé les choses. Certaines limites sont acceptables pour les autres départements de cette région, mais ce qui me chagrine dans l’argumentaire de mes amis alsaciens, c’est qu’ils affirment régulièrement qu’ils ne veulent pas être « Grands Estois », qu’ils veulent sortir du Grand Est. Cela nous met mal à l’aise et nous place, d’une certaine façon, nous les autres habitants de la région, en porte-à-faux.

Le désir d’Alsace, on peut le comprendre, mais on peut aussi avoir envie de vivre au sein de la région Grand Est. C’est grand et c’est à l’Est, donc elle porte bien son nom ! Il n’empêche que, après avoir avancé, il faut, pour un certain nombre de compétences, aller jusqu’au bout.

S’il s’agissait d’une collectivité à statut particulier, il faudrait revoir aussi le mode de scrutin aux élections, car des compétences régionales seraient prises automatiquement. Dans notre région, ces compétences seraient exercées par un scrutin à la proportionnelle, quand d’autres collectivités verraient ces compétences exercées par un scrutin territorial. On voit bien qu’il n’y a pas d’égalité entre les uns et les autres. Cette discrimination n’est pas compatible avec l’objet du texte. En outre, il faudrait redéfinir la capitale de cette nouvelle collectivité, qui pourrait être différente de la capitale du Grand Est.

Vous le voyez, la confusion règne. On dit qu’il y a trop de couches, et on en rajoute ! À un moment, la raison ordonne d’avancer dans les spécificités méritant d’être soutenues, mais sans que ce soit au détriment des autres départements.

L’Alsace doit rester un département avec des compétences supplémentaires, et non pas devenir une collectivité à statut particulier.

M. Yves Détraigne applaudit.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, nous avons examiné 11 amendements au cours de la journée ; il en reste 119.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 3 avril 2019 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l’origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires, présentée par Mme Marie-Pierre Monier et plusieurs de ses collègues et proposition de loi tendant à abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l’intérieur de l’aire délimitée ayant droit à cette appellation d’origine contrôlée, présentée par M. Gilbert Bouchet et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 391, 2018-2019 ; rapport commun)

Proposition de loi relative à l’affectation des avoirs issus de la corruption transnationale, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 406, 2018-2019)

À dix-huit heures trente : débat sur les enjeux d’une politique industrielle européenne.

Le soir : suite du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (procédure accélérée ; texte de la commission n° 413, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 3 avril 2019, à zéro heure quarante.