Intervention de François Grosdidier

Réunion du 2 avril 2019 à 21h30
Collectivité européenne d'alsace — Discussion générale

Photo de François GrosdidierFrançois Grosdidier :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, comme je l’ai dit en soutenant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, ce projet de loi est une mauvaise réponse à de bonnes questions. Je pense à la question du « désir d’Alsace ». Mais il existe en France d’autres désirs de reconnaissance d’identités territoriales ou régionales tout aussi légitimes. Je pense aussi à la question du besoin de décentralisation, de subsidiarité et de proximité.

La réforme mettant en place le conseiller territorial conservait la proximité avec l’élection cantonale, simplifiait et faisait économiser en supprimant les doublons entre le département et la région. Elle respectait la subsidiarité en permettant d’exercer chaque compétence à l’échelon le plus pertinent. Son abolition avait conduit le gouvernement socialiste à constituer d’immenses régions dont beaucoup – c’est le cas de celle du Grand Est – n’étaient souhaitées par personne.

L’actuel gouvernement aurait pu revenir sur cette décision et reprendre l’idée du conseiller territorial. Il a décidé de maintenir ces grandes régions. Il est vrai que tous sont fatigués des réformes de structure, de l’intercommunalité à la région. Elles accaparent les élus au détriment de leur mission, qui est d’abord de s’occuper des problèmes des citoyens et de soutenir des projets concrets. Or, quand on est accaparé par soi-même, on n’a pas le temps de s’occuper des autres.

Mais ces grandes régions ne pourraient avoir un sens qu’avec des compétences et des moyens. Le président François Hollande prétendait les bâtir sur le modèle de celles de nos voisins européens. Pourtant, ailleurs en Europe, les régions ne sont pas nécessairement grandes. Le Land de la Sarre, voisin de mon département, la Moselle, compte moins d’habitants que celui-ci, mais le budget par habitant est dix fois plus important que ceux de la Moselle et de la région réunis !

Ces grandes régions ne pourraient avoir un sens que par le transfert massif des compétences non régaliennes de l’État, avec les moyens correspondants. Mais voilà, l’État ne lâche pas prise.

L’État, qui est en difficulté, pour ne pas dire en faillite, quant à ses missions régaliennes, si l’on en juge par l’état matériel des armées et de nos forces de sécurité intérieure, et pire encore de la justice – juridictions et administration pénitentiaire –, aurait tout à gagner à se concentrer sur le régalien. Or il ne lâche pas prise, y compris sur les compétences déjà décentralisées.

Son rôle devrait se limiter à l’édiction des normes, comme pour l’Europe, et au contrôle juridictionnel. Or il cherche toujours à régenter la mise en œuvre des compétences décentralisées.

Il n’y a plus de doublons entre les collectivités territoriales, mais il y a systématiquement doublon entre l’État et les collectivités. Une commune ou un EPCI ne peut pas faire un plan local d’urbanisme, un PLU, sans qu’un fonctionnaire de la direction départementale des territoires, la DDT, ne vienne lui expliquer où placer telle zone et comment la classer !

Les départements ne sont pas libres dans l’exercice de leurs compétences sociales, mais ils sont les agents d’exécution de la technostructure d’État, et ce, à la lettre. Idem pour les régions en matière de formation.

L’État devrait aussi et surtout transférer ses compétences non régaliennes aux régions : le service public de l’emploi, celui de l’orientation, l’environnement, les routes encore nationales et les autoroutes non concédées… Il devrait permettre aussi une organisation beaucoup plus libre et souple des collectivités territoriales à tous les niveaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion