Quel est votre diagnostic sur l'organisation du maintien de l'ordre le 16 mars dernier sur les Champs Élysées ? Que vous a-t-il manqué pour prévenir les actes de vandalisme et les violences - des moyens juridiques, matériels ou humains ?
Est-ce la conception même de l'organisation du maintien de l'ordre ce jour-là qui a comporté des faiblesses et explique ce résultat ? Nous sommes conscients que le maintien de l'ordre sur les Champs-Élysées n'était pas le seul objectif des forces de sécurité dans Paris ; elles devaient aussi protéger les lieux de pouvoir et assurer la sécurité d'autres manifestations déclarées et non interdites, sans dégarnir d'autres villes...
Capitaine Marc Rollang. - Une manifestation traduit le ressenti d'une population et est l'expression d'une frustration - légitime ou non - sur la voie publique. La République française a la chance merveilleuse d'avoir deux forces dédiées au maintien de l'ordre, les CRS et la gendarmerie mobile. Celles-ci veillent à la fois à garantir l'expression populaire légitime et à maintenir, préserver et rétablir l'ordre public. La gestion d'une manifestation relève d'une stratégie générale en déclinaison successive avec un niveau opérationnel, une phase tactique et une phase technique. À Paris, la gendarmerie mobile intervient sur une zone dépendant de la police nationale et de la préfecture de police. Elle fournit donc hommes et matériels qu'elle met à disposition de la préfecture. Celle-ci définit, envisage et organise une stratégie générale - ce qu'elle veut ou non - et les moyens pour atteindre ce résultat.
La stratégie globale est un esprit politique généraliste qui décline au niveau opérationnel l'application des moyens engagés, matériels, humains dans le cadre juridique. Il est difficile pour un chef - et je le suis à mon humble niveau - de diffuser des ordres du haut vers le bas. Nous avons un outil opérationnel : la radio. Mais dans un schéma aussi compliqué que Paris, il y a une multitude de moyens radios, opérationnels ou non. Il y a donc un délai de dix à trente minutes entre la décision du chef et l'action tactique et technique.
Selon mon analyse, cette complexité hiérarchique dans la succession des couches de commandement et la multiplicité des acteurs provoque un retard certain, mais aussi une dissolution de la décision première du chef au fur et à mesure des strates intermédiaires.
Dans ce contexte de rétablissement de l'ordre en situation insurrectionnelle, il faut garantir l'intégrité physique des manifestants et des forces de l'ordre, pour ne pas ajouter du bruit au bruit, ni de la violence à la violence, mais faire preuve de graduation, d'action en cas d'absolue nécessité et de capacité de manoeuvrer.
Les ordres ont été tardifs, à cause de moyens techniques défaillants et d'une conception verticale de la hiérarchie, qui pose problème pour comprendre les difficultés sur l'ensemble du terrain - lors d'un problème sur un compartiment de terrain, la riposte déplace le problème. Il a manqué au chef des moyens d'appréciations globaux, techniques et rapides.