Intervention de Michelle Meunier

Commission des affaires sociales — Réunion du 3 avril 2019 à 9:5
Financement de la dépendance — Examen du rapport d'information fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier, rapporteure :

Deux grandes séries de remarques s'imposent néanmoins avant d'en venir à nos préconisations.

Un reste à charge global de 7 milliards d'euros pour une population de 1,2 million de personnes donne un résultat moyen mensuel de 490 euros. Ce chiffre cache néanmoins de très importantes disparités entre les personnes suivies à leur domicile et les personnes accueillies en établissement : 80 euros par mois en moyenne pour les premières et près de 950 euros pour les secondes. Permettez-moi d'insister un moment sur ce dernier chiffre, dont on trouve quantité d'estimations différentes, souvent maximalistes : il s'agit du reste à charge mensuel moyen global d'un résident d'Ehpad après intervention de l'ensemble des financeurs publics. Bien que d'autres estimations plus élevées, privilégiant le reste à charge médian ou le reste à charge avant versement de l'aide à l'hébergement, soient abondamment diffusées au sein du grand public, nous préférons nous fonder sur ce chiffre qui nous paraît plus à même d'illustrer la réalité financière de la dépendance d'une personne âgée.

Cette profonde disparité entre le domicile et l'établissement n'est pas due, à notre sens, qu'aux frais mécaniquement plus élevés qu'engendre un accueil hôtelier en Ehpad. Elle trouve également sa source dans deux anomalies particulières, que nous préconisons de corriger au plus vite :

- les modalités différentes de calcul par le conseil départemental d'une APA à domicile et d'une APA en établissement. Dans le premier cas, les besoins particuliers de la personne sont précisément pris en compte, mais le taux de sa participation financière atteint rapidement des niveaux dissuasifs. Dans le second cas, le versement à l'Ehpad par le conseil départemental d'un forfait global à l'autonomie atténue certes la participation financière des personnes mais ne tient qu'imparfaitement compte des besoins exprimés par chacun ;

- en découle un phénomène que nos pouvoirs publics n'ont que peu identifié jusqu'à présent : le renoncement de la personne âgée suivie à domicile à une partie du plan APA auquel elle a pourtant droit sur la seule base de ses ressources financières. Ce phénomène n'est pas aisément quantifiable, mais il serait très intéressant de savoir la part effectivement consommée par les ménages des plans d'aide APA construits par les équipes médico-sociales des départements. Nous sommes persuadés que les résultats de cette enquête révèleraient d'importants taux de non-recours à l'APA à domicile pour motifs financiers.

L'autre grande remarque que nous voulions formuler a trait à la compétence du conseil départemental pour la politique publique de la dépendance, qui serait, selon certaines voix, à l'origine d'une hétérogénéité territoriale particulièrement dommageable. Souvenez-vous à cet égard des débats particulièrement houleux qui avaient émaillé le début d'année 2018, avec la parution d'un décret autorisant les présidents de conseils départementaux de verser les forfaits globaux dépendance aux Ehpad en fonction d'un « point GIR départemental ».

Force est néanmoins de constater que l'exercice par le département de la compétence dépendance ne s'est en réalité nullement traduit par un approfondissement des inégalités entre territoires. Nous avons diligenté une enquête fouillée auprès de l'ADF, qui nous a fait parvenir des résultats particulièrement représentatifs : la part des plans d'aide APA pris en charge par le département tourne autour d'une moyenne de 400 euros mensuels, dont très peu de départements s'éloignent significativement. La même conclusion s'impose pour la pratique des fameux « points GIR départementaux », tous concentrés autour d'une moyenne de 7 euros.

À nos yeux, le risque d'une couverture inégalitaire de la perte d'autonomie doit d'abord être imputé aux contraintes budgétaires qui s'exercent sur l'ensemble des départements et non sur une tendance naturelle qu'auraient ces derniers à s'écarter d'une épure globale. Nous sommes très conscients de la séduction qu'opèrent les solutions faciles qui envisagent la reprise de la compétence dépendance par l'échelon national : le totem récurrent de l'uniformité - parente nécessaire de l'efficacité - n'a jamais été autant brandi comme le remède miracle aux niveaux préoccupants de reste à charge.

Nous souhaitons inciter à la plus grande prudence en ce domaine. Outre qu'il traduirait, sur la base de postulats théoriques contestables, une grave erreur de diagnostic, le retrait au conseil départemental de la compétence en matière d'autonomie priverait les personnes âgées d'un acteur public de proximité, plus que jamais nécessaire.

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