Intervention de Laurence Rossignol

Commission des affaires sociales — Réunion du 3 avril 2019 à 9:5
Financement de la dépendance — Examen du rapport d'information fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

On cherche à résoudre depuis plusieurs années une équation impossible ! Je crois me souvenir que l'annonce d'une grande loi sur le vieillissement remonte à trois quinquennats !

Les résultats législatifs n'ont pas été à la hauteur des engagements, et on court deux lièvres à la fois, d'une part la baisse globale des prélèvements et des cotisations sociales, de l'autre la prise en charge socialisée de la dépendance.

On ne sait pas non plus vraiment faire d'économies, la limite de l'exercice consistant à dire qu'il faut prendre l'argent là où il est - mais ce n'est pas si facile... Il faut assumer l'idée que la prise en charge de la dépendance va provoquer un prélèvement supplémentaire. Il s'agit d'un risque assurantiel de plus.

Le bilan est mitigé concernant le privé lucratif et la dépendance, jusqu'en matière d'assurance. À chaque fois que l'on essaie de faire appel aux assurances en matière de dépendance, on s'aperçoit que les grilles sont différentes de la grille AGGIR.

En toute logique, on pourrait penser que lorsque quelqu'un est éligible à l'APA, cela fonctionne aussi pour l'assurance. Pas du tout, car l'assurance dispose de ses propres critères ! La perception qu'en ont les assurés n'est donc pas bonne.

Quant aux Ehpad privés lucratifs - et sans pointer du doigt qui que ce soit -, il est très choquant de constater qu'ils constituent un des placements financiers les plus rentables !

Cela pose la question de la place du privé lucratif. J'ai connu les repas à moins de 2 euros dans certains établissements ! J'avais pour habitude de considérer qu'un Ehpad était un établissement de qualité quand on y cuisinait sur place. Or la majorité externalise les chaînes de froid, etc. : on mouline tout, on le donne aux résidents, et les gens ne savent même plus ce qu'ils mangent !

Concernant la question des successions, les héritiers cherchent un Ehpad dont les tarifs n'entament pas l'héritage, ce qui pose un véritable problème. Quand on fait des économies pour ses vieux jours, il faut savoir y recourir le moment venu ! Je crains que les reprises sur succession n'aggravent encore la situation, d'autant que nombre d'enfants mettent leurs parents sous tutelle. C'est alors eux qui décident...

Certes, le domicile reste formidable tant que les gens sont en bonne santé. J'ai cependant vu trop de personnes âgées en mauvais état maintenues à domicile pour des raisons économiques. C'est là aussi de la maltraitance, mais on n'en parle jamais. Il faut avoir un discours équilibré en matière de durée et de parcours concernant la prise en charge du vieillissement. Le placement en établissement est parfois inéluctable.

Enfin, je rappelle que fort heureusement seul un tiers des plus de 85 ans sont dépendants. On pense toujours au grand âge comme s'il entraînait à coup sûr la dépendance, mais ce sont moins de 20 % des personnes âgées qui perçoivent l'APA. Cela permet de décrisper la discussion !

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