Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 2 avril 2019 à 9h25
Projet de loi portant création de l'office français de la biodiversité modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement — Projet de loi organique modifiant la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution - Audition de Mme Emmanuelle Wargon secrétaire d'état auprès du ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, président :

Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la secrétaire d'État, nous sommes ravis de vous entendre à la veille de l'examen par notre commission du projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.

Comme vous le savez, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont notre collègue Jérôme Bignon avait été rapporteur, a créé l'Agence française pour la biodiversité (AFB), en rassemblant plusieurs établissements publics compétents en matière de biodiversité : l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), Parcs nationaux de France, l'Agence des aires marines protégées et l'Atelier technique des espaces naturels (Aten).

Néanmoins, il avait été décidé à l'époque de ne pas y intégrer l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), en raison de vives inquiétudes exprimées par le monde de la chasse quant aux conséquences de ce regroupement.

Après concertation et dans le cadre d'un accord plus global avec les représentants des chasseurs, le projet de loi que vous portez au nom du Gouvernement vise précisément à effectuer cette fusion entre l'AFB et l'ONCFS, afin de constituer un établissement unique en matière de biodiversité et de police de l'environnement.

Il est en effet essentiel et urgent de renforcer les actions de protection de la biodiversité, au regard des pertes très inquiétantes qui sont régulièrement constatées en matière d'espèces et d'habitats naturels. Notre commission a organisé le 13 mars dernier une audition commune de Gilles Boeuf, président du conseil scientifique de l'AFB, et d'Isabelle Autissier, présidente du WWF France, qui l'ont souligné de façon à la fois éclairante et alarmante.

Je rappellerai un seul chiffre qui nous a été donné : en quarante ans, la biodiversité des vertébrés sauvages a régressé de 60 %. Les causes de cette érosion sont multiples : destruction d'habitats naturels par l'urbanisation, la pollution des milieux, l'introduction d'espèces invasives, la surexploitation de certaines espèces. Elles appellent des réponses fortes et cohérentes, à tous les niveaux, du national au plus local.

Outre l'impérieuse nécessité de préserver la diversité biologique, les habitats naturels et les paysages, qui constitue une fin en soi, c'est tout un ensemble de services écosystémiques essentiels à la vie quotidienne de l'homme qui est en jeu.

La France se doit de faire preuve d'exemplarité en ce domaine, notamment car notre pays accueillera du 28 avril au 4 mai prochain la réunion de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les systèmes économiques (IPBES), qui constitue l'équivalent du GIEC pour la biodiversité.

Néanmoins, il ne suffit pas de proposer un regroupement d'opérateurs de l'État pour faire une politique forte et cohérente de protection de la biodiversité. Nous savons qu'une fusion d'établissements publics implique rarement une augmentation des moyens disponibles.

À cet égard, nous avons de véritables préoccupations quant à la soutenabilité et l'acceptabilité du système de financement du futur établissement public.

Je rappelle en effet que le financement de l'AFB repose essentiellement sur les contributions des agences de l'eau, et que des besoins de financements accrus de l'ONCFS, en particulier la compensation de la perte de recettes liée à la baisse des redevances cynégétiques du permis de chasser national, sont susceptibles d'être également pris en charge par une contribution additionnelle venant des agences.

Nous avons régulièrement eu l'occasion de dénoncer cette tendance qui ne fait que s'amplifier, notamment dans le cadre de l'avis budgétaire présenté par notre collègue Guillaume Chevrollier sur les crédits budgétaires de l'eau et de la biodiversité. Or il est indispensable de préserver les ressources des agences de l'eau pour assurer le renouvellement des réseaux de distribution d'eau et atteindre les objectifs européens de bon état écologique fixés par la directive-cadre de 2000 sur l'eau.

Lors du grand débat national, le Président de la République a suggéré que d'autres ressources que celles qui sont issues des agences de l'eau pourraient être mobilisées à l'avenir pour financer la politique de biodiversité. Cette déclaration recouvre-t-elle un projet concret ? Quelles sont les alternatives à l'étude ?

Par ailleurs, le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale prévoit de supprimer le timbre national grand gibier qu'acquittent les chasseurs ayant validé un permis national pour alimenter le fonds cynégétique national géré par la Fédération nationale des chasseurs. Ce fonds vise à assurer une péréquation entre les fédérations départementales au regard de leurs charges et de leurs ressources et à les soutenir pour l'indemnisation des dégâts de grand gibier. Il est alimenté par le produit du timbre national, mais également par des contributions des différentes fédérations. Le texte transmis abolit l'ensemble du dispositif.

Le but annoncé est de responsabiliser les acteurs locaux, en privilégiant la mise en place d'une contribution à l'hectare dans les territoires de chasse. Mais cette évolution ne supprime-t-elle pas un mécanisme utile de péréquation entre fédérations et territoires, pour tenir compte des différences en termes de ressources et de charges ?

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