Intervention de Emmanuelle Wargon

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 2 avril 2019 à 9h25
Projet de loi portant création de l'office français de la biodiversité modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement — Projet de loi organique modifiant la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution - Audition de Mme Emmanuelle Wargon secrétaire d'état auprès du ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je vous remercie de m'accueillir pour vous présenter le projet de loi portant création de l'OFB, récemment examiné par l'Assemblée nationale. Notre pays a une biodiversité très riche, avec 10 % des espèces connues au niveau mondial, grâce, essentiellement, à nos outre-mer et à notre espace maritime. Cette biodiversité est en danger, en France comme ailleurs. Nous évaluons à près de 30 % les espèces menacées ou quasi menacées sur notre territoire du fait des activités humaines : pollution, artificialisation des sols, fragmentation des habitats, surexploitation des espèces ou espèces exotiques envahissantes. La biodiversité rend pourtant des services de mieux en mieux connus : les milieux humides qui fournissent l'eau potable, les insectes et leur rôle dans la pollinisation, les dunes et les mangroves contre les tempêtes...

Nous menons une action déterminée dans le domaine de la biodiversité dans les territoires, avec le plan Biodiversité, la mise en place progressive des agences régionales de la biodiversité (ARB), en partenariat entre l'État et les régions, et le soutien aux territoires engagés pour la protection de la nature. Nous avons également une action forte au niveau international : présidence par la France du G7 environnement, qui aura un volet biodiversité, le congrès de l'IPBES, ou l'accueil à Marseille en 2020 du congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Le projet de loi comprend trois grands volets : la création du nouvel opérateur, la mise en oeuvre de la réforme de la chasse et le développement d'une police de l'environnement et de la ruralité.

En ce qui concerne le premier point, depuis la loi de 2016 qui a créé l'OFB, nous sommes maintenant en mesure de réunir deux opérateurs qui travaillent ensemble sur des sujets de biodiversité complémentaires : l'AFB et l'ONCFS. Le texte du Gouvernement a été assez fortement enrichi par l'Assemblée nationale, notamment sur les missions du nouvel opérateur. Le nom retenu, sur la base d'un amendement du Gouvernement, a été choisi pour plusieurs raisons : il est inclusif - la biodiversité englobe toutes les dimensions, y compris la chasse -, il résulte d'une synthèse des noms des deux établissements précédents, et il est arrivé en tête lors d'une consultation des agents de ces derniers.

Même si ce point ne relève pas du domaine législatif, je précise que l'OFB serait sous la cotutelle du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Le conseil d'administration, dont les collèges relèvent de la loi, comprendra entre trente et quarante membres. Le Gouvernement avait une vision plus ramassée de ce conseil, mais il m'a paru indispensable d'élargir quelque peu sa composition. Le nombre de collèges sera de cinq. Nous avons accepté à l'Assemblée nationale de préciser la représentation des ultramarins : leurs cinq écosystèmes seraient représentés à l'intérieur du conseil d'administration. Nous avons évolué sur le premier collège, qui est celui de l'État, dans lequel nous avons accepté d'inclure les personnalités qualifiées - ce collège conservant la majorité des voix, puisque l'OFB est un établissement public administratif. Nous avons également accepté un collège de parlementaires.

La question des moyens est extrêmement importante. Elle ne se pose pas pour l'année 2019, qui est un exercice de transition. L'impact budgétaire de la baisse du permis de chasser est compensé par un prélèvement sur le fonds de roulement de l'ONCFS.

En revanche, il y a une question absolument légitime sur les exercices 2020 et suivants. Il y a trois sources de besoin de financements complémentaires : la baisse à 200 euros du permis national de chasser, pour 21 millions d'euros ; la compensation du transfert de missions de l'État aux fédérations départementales, pour 9 millions d'euros ; l'engagement d'abonder à hauteur de 10 euros par permis les projets en faveur de la biodiversité portés par les fédérations, ce qui créé un besoin de financement complémentaire de 10 million d'euros, soit 40 millions d'euros au total.

Avec François de Rugy, nous nous battrons pour que les deux premiers montants soient budgétisés puisqu'ils permettent le fonctionnement d'un établissement. Avec un projet de loi de finances contraint, la discussion budgétaire ne sera pas facile. Nous avons saisi le ministre des comptes publics pour demander dès à présent une rebudgétisation des 30 millions d'euros, qui relèvent des moyens de fonctionnement de l'établissement. Je ne peux en dire davantage, les arbitrages du projet de loi de finances pour 2020 n'ayant pas été rendus.

En ce qui concerne le financement des projets, les choses sont différentes puisqu'il s'agit de flécher des financements sur des projets portés par les fédérations départementales et de confirmer à cette occasion que les fédérations départementales ont un rôle important dans la protection et le développement de la biodiversité. On peut imaginer une orientation de financements issus des agences de l'eau, même si le mécanisme n'est pas encore précisément monté et qu'il y a des options différentes en matière de circuits de financement qui ne sont pas tranchées En tout cas, il faut bien distinguer les 30 premiers millions d'euros, qui correspondent aux besoins liés au fonctionnement d'un opérateur, et l'éco-contribution à hauteur de 10 euros par permis de chasser, qui vise à financer des projets et c'est bien le mandat des agences de l'eau que de financer des projets au service de la protection de la ressource en eau et de la biodiversité.

S'agissant de la création de l'établissement, nous avons nommé un préfigurateur, Pierre Dubreuil, qui travaille en étroite collaboration avec les directeurs généraux des deux établissements. Nous avons mis en place un comité de pilotage de la préfiguration, que je préside. La deuxième séance s'est tenue il y a quelques jours. Le dialogue social avec les organisations syndicales est bien engagé. Nous travaillons sur la requalification des inspecteurs de l'environnement de la catégorie C vers la catégorie B : ce sujet, que nous pensions relever du domaine législatif, ne le serait apparemment pas.

Nous avons toujours l'ambition de créer ce nouvel opérateur au 1er janvier 2020.

J'en viens au deuxième volet du texte : la réforme de la chasse. Le bilan provisoire de la saison 2018-2019 est très positif : le niveau d'accidents mortels est historiquement bas. Nous constatons, en revanche, une hausse des accidents avec blessés - 130 contre 113 l'année précédente - et des incidents avec des dégâts matériels.

Le projet de loi prévoit que les accompagnateurs de jeunes chasseurs doivent suivre une formation spécifique, mais nous souhaitons aller plus loin sur deux sujets, sur lesquels nous avons eu des échanges constructifs avec la Fédération nationale des chasseurs. Nous souhaitons mettre en place des obligations minimales de sécurité. Le Gouvernement présentera deux amendements, l'un visant à homogénéiser les conditions de sécurité de l'exercice de la chasse - port obligatoire d'un gilet fluorescent ; formation, signalement et encadrement des chasseurs et des battues -, l'autre tendant à instituer un dispositif de rétention-suspension du permis en cas d'accident ou d'incident matériel.

Le projet de loi comprend également le transfert aux fédérations départementales de la gestion des associations communales de chasse agréées (ACCA) et des plans de chasse. Il faudra apporter des précisions sur le transfert des données. Ces missions seront compensées financièrement.

La question des dégâts de gibiers est très importante. Nous avons reçu le rapport de Jean-Noël Cardoux et d'Alain Péréa sur le sujet. Le projet de loi dans sa version initiale a supprimé le timbre grand gibier, comme le demandait la Fédération nationale.

En ce qui concerne la gestion adaptative, il faut préciser ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas. L'Assemblée nationale a adopté une définition, qui peut tout à fait être précisée par le Sénat. L'idée est de sortir du système binaire, dans lequel soit une espèce est chassable à des volumes allant potentiellement jusqu'à l'infini, soit elle ne l'est pas. Certaines espèces sont chassables, mais dans un mauvais état de conservation. La gestion adaptative sert à trouver les mécanismes par lesquels la chasse peut continuer, mais dans des conditions assurant la préservation des espèces. Tel est l'objectif du comité d'experts sur la gestion adaptative que l'État vient de mettre en place. Ce comité a été saisi du cas de trois espèces en mauvais état de conservation : la tourterelle des bois, le courlis cendré et la barge à queue noire. Nous traiterons après d'autres espèces, telles que le grand tétras.

Enfin, troisième aspect du projet de loi, la police de l'environnement comprend deux aspects : le développement de la police judiciaire et celui de la police administrative. Notre objectif principal est de permettre aux agents spécialisés de mener leurs enquêtes ordinaires en totalité : de la constatation de l'infraction jusqu'à l'orientation des poursuites une fois l'enquête achevée. Au titre de la police administrative, nous souhaitons renforcer l'efficacité des mesures déjà mobilisables et garantir l'exécution des décisions de suspension prises à titre conservatoire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion