Intervention de Jean-Claude Tissot

Réunion du 3 avril 2019 à 14h30
Produits agricoles ou alimentaires — Article 1er

Photo de Jean-Claude TissotJean-Claude Tissot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 1er vise à sécuriser le cadre juridique de l’affinage des fromages fermiers en dehors de la ferme, en comblant un vide juridique datant du 1er septembre 2015.

Nous savons qu’il va susciter des débats, comme il l’avait fait lors de la loi Égalim, et que des positions différentes vont s’affronter.

La rédaction actuelle de l’article permet un affinage extérieur à la ferme pour les seuls fromages répondant à un SIQO – un signe d’identification de la qualité et de l’origine –, dès lors qu’une information complémentaire est délivrée aux consommateurs.

Certains ne comprennent pas cette restriction et estiment qu’il faudrait l’ouvrir à tous les fromages. D’autres, à l’inverse, trouvent cette rédaction trop laxiste et considèrent qu’elle revient à dénaturer l’appellation « fromage fermier ». Cette différence de perception se retrouve également au sein de la profession, qui apparaît relativement divisée sur le sujet.

Ainsi, l’Association nationale des producteurs laitiers fermiers est opposée au fait d’ouvrir à tous les fromages fermiers la possibilité d’être affinés en dehors de la ferme. Elle nous a notamment fait part d’un phénomène actuel de rachat de petites structures d’affinage par de grands opérateurs industriels et des risques que cela représente pour la préservation de l’appellation. C’est pourquoi elle milite pour une rédaction plus restreinte de l’article 1er, qui limiterait aux seuls fromages AOP ou IGP, et non plus à tous les fromages sous SIQO, la possibilité d’être fermiers, avec de plus la précision du nom du producteur.

De son côté, le Conseil national des appellations d’origine laitières nous a transmis son souhait de ne réserver cette possibilité qu’aux fromages sous SIQO, dans une rédaction très proche de notre article actuel.

À l’opposé, des voix s’inquiètent du fait que notre rédaction enlèverait à certains producteurs n’étant pas sous SIQO la possibilité pour leurs produits d’être qualifiés de « fromages fermiers » – le nombre potentiel de producteurs concernés resterait toutefois faible, entre 500 et 700 d’après les chiffres qui nous ont été transmis.

Concernant le fait d’apposer sur chaque fromage le nom du producteur, nous y étions initialement favorables. Mais après des échanges avec des producteurs et des représentants de certaines appellations protégées, comme le Picodon, nous avons convenu que cette contrainte serait difficilement surmontable pour de petits affineurs. Nous pouvons donc constater que les positions sont très partagées sur le sujet et qu’aucune solution ne satisfera tout le monde.

C’est pourquoi le groupe socialiste a fait le choix de préserver cet article dans sa rédaction actuelle, dans une version que nous pourrions finalement qualifier de compromis.

Il s’agit de préserver l’appellation « fromages fermiers » dans toute sa spécificité, avec un gage de qualité lié aux SIQO, tout en garantissant aux consommateurs une véritable transparence sur les produits qu’ils consomment. En effet, soyons très vigilants à ne pas dévoyer le sens de l’appellation « fromage fermier ». Si un consommateur venait à se rendre compte que le fromage qu’il achète fermier est affiné, d’une part en dehors de la ferme, et, d’autre part, par de grands groupes industriels, c’est toute l’appellation qui pourrait en souffrir.

Les mots ont un sens, et nous ne pouvons pas faire comme si les consommateurs étaient hermétiques à cette question.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion