Souhaitant également proposer la création d'un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, nous avons déposé en ce sens un amendement n° 245 tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er.
Or nous découvrons aujourd'hui, en séance, que la commission des lois, qui partage notre objectif, a déplacé son propre amendement pour le situer, dans l'ordre de discussion, au même endroit que le nôtre. Loin de lui en faire le reproche, nous estimons qu'elle démontre ainsi la pertinence de notre démarche, et nous nous en félicitons.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, la création, opportune, de ce fonds répond à une demande des associations et permettra d'assurer une meilleure lisibilité des actions menées grâce à leur évaluation. En effet, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, il est bon d'avoir une vue globale et comparative du montant des crédits inscrits et des crédits consommés au fil des années.
En réalité, monsieur le ministre délégué, la commission est venue à votre secours pour, d'une certaine façon, « sauver » le projet du Gouvernement. Pour notre part, nous avons déjà expliqué fort longuement pourquoi nous le rejetions en bloc. Malgré tout, comme nous sommes des gens de bonne volonté, nous préparons l'avenir : or l'une des raisons du manque total de crédibilité de ce projet est précisément l'absence de financement prévu.
En l'espèce, monsieur le rapporteur, la commission prévoit d'alimenter le fonds qu'elle propose de créer avec des crédits existants. Vous l'avez encore répété à l'instant, ce fonds servira d'« appelant ». On se croirait à la chasse ! Pour vous résumer, puisqu'un fonds est créé, il faudra bien le garnir : quel acte de foi ! Mais il n'est pas du tout évident que les choses se passent ainsi.
Par le sous-amendement n° 323, nous vous proposons un moyen d'abonder ce fonds, en tout cas partiellement. M. Hortefeux a déclaré hier qu'il bénéficierait de crédits « bunkérisés ». Soit, mais un bunker est par définition une construction beaucoup trop solide pour pouvoir être agrandie rien qu'en poussant les murs !
De ce point de vue, nous craignons donc que le financement de ce fonds ne se limite aux crédits que vous avez pointés tout à l'heure. D'après le texte de l'amendement, ceux-ci seront délégués aux préfets, qui les répartiront ensuite entre les communes. Or ce sont précisément ces mêmes crédits qui subissent une très forte diminution depuis des années, notamment l'année dernière.
Ainsi, d'après la cellule interministérielle de suivi et d'animation des CLS, les collectivités locales financeraient actuellement 50 % des actions prévues par les CLS, et l'État seulement 30 %.
En outre, nous pouvons légitimement supposer que certains de ces crédits sont utilisés pour soutenir les associations s'occupant des familles en difficulté, associations qui, c'est indéniable, font de la prévention. Or nous savons combien ces associations sont prises à la gorge, souvent pour des difficultés de trésorerie, parce que l'État rechigne manifestement à leur assurer un financement suffisant et se contente de racler les fonds de tiroir.
Afin, justement, d'assurer un tel financement, nous proposons donc d'alimenter ce fonds par une taxe prélevée sur le secteur de la grande distribution, les compagnies d'assurance et les sociétés de gardiennage. Le montant ainsi récupéré devrait être très intéressant, notamment du côté des sociétés de gardiennage.
Mes chers collègues, une telle idée n'est pas complètement nouvelle puisqu'elle figurait déjà dans le rapport de Gilbert Bonnemaison. Peut-être que certains d'entre vous me rétorqueront que nous sommes ringards. Mais pas du tout ! Nombreuses sont les propositions de Gilbert Bonnemaison qui ont été reprises et qui restent d'actualité, à l'image des CSLPD ou de la police de proximité. Il avait d'ailleurs tout prévu, y compris le financement. Si ses idées n'ont pas produit plus de résultats, c'est que la politique qui s'en inspirait a été brutalement abandonnée en 1986, puis de nouveau en 2002.
En définitive, le financement que nous vous proposons est réel et repose sur une assise solide. Il est vrai que la littérature sur les sociétés de gardiennage n'est pas très abondante, mais les estimations connues sur leurs profits varient tout de même de 2 milliards d'euros à 4, 5 milliards d'euros. Le taux de la taxe reste à fixer, mais, en tout état de cause, nous disposerions d'une marge assez intéressante et de moyens suffisants pour pouvoir mener une véritable politique, ce qui n'est pas le cas actuellement et ce qui ne pourra pas plus être le cas avec le seul amendement de la commission.
Je le répète, la commission ne prévoit pour ce fonds aucune ressource complémentaire dans un secteur où les besoins sont pourtant criants.