Séance en hémicycle du 14 septembre 2006 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • délinquance

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (433, 476-477).

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis saisi, par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 3, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (433, 2005-2006).

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour la motion.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des motions après la clôture de la discussion générale constitue une bizarrerie de notre règlement.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Il faudrait défendre les motions avant la discussion générale !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous reviendrons peut-être un jour sur cette disposition, mais en attendant nous sommes obligés de nous exprimer après que le ministre a répondu aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.

Le premier des motifs d'irrecevabilité que je voudrais exposer est le mépris que manifeste le Gouvernement envers le Parlement.

Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité - je constate d'ailleurs que vous êtes assez peu nombreux parmi nous ! -, vous avez voté durant la dernière législature sept textes de loi relatifs à la délinquance, comme l'a rappelé Éliane Assassi lors de la discussion générale, soit plus d'un par an, ce qui constitue un record !

Les uns après les autres, ces textes étendent le champ des infractions, augmentent le quantum des peines, abaissent l'âge de la majorité pénale, stigmatisent certaines catégories de la population, accroissent les pouvoirs de police et amoindrissent les garanties de la défense !

Or, monsieur le ministre, sans qu'aucune évaluation sérieuse de l'application de ces lois, réalisée avec le recul nécessaire, ne soit présentée au Parlement - et pour cause, tant elles ont été votées récemment ! -, vous nous soumettez, au nom du Gouvernement, un huitième texte sur la délinquance.

Pire encore, M. le ministre de l'intérieur affirmait hier que la délinquance baisse, sans doute grâce à son action,

Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

... mais il arguait en même temps de l'augmentation de la délinquance pour demander au Parlement d'aggraver les sanctions pénales !

Mes chers collègues, nous valons mieux que cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il faut dire que le présent projet de loi est annoncé depuis trois ans par le même ministre de l'intérieur, tandis qu'entre-temps l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, a publié un « pavé » sur le dépistage précoce des comportements prédélinquants dès l'âge de trois ans !

Cette proposition, qui a soulevé une émotion légitime, exprimée par 200 000 professionnels et citoyens, ne figure plus dans le projet de loi. Pourtant, certains parmi nous rêvent d'y revenir ; M. Goujon nous en a donné un avant-goût hier. D'ailleurs, le ministre de l'intérieur ne manque pas une occasion de manifester son adhésion aux thèses déterministes, particulièrement prisées aux États-Unis. Il est vrai que ce pays constitue son modèle, y compris, probablement, pour le traitement de la délinquance, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

... alors que les résultats obtenus en la matière n'y sont guère probants, il devrait se tenir au courant !

De même, M. Sarkozy s'inspire, hélas, de la Grande-Bretagne, où M. Blair a préconisé le contrôle social obligatoire des futures mères adolescentes ! Comment faire pour aller plus loin que le contrôle des foetus ? Pour le ministre de l'intérieur, la prévention, le travail social, la justice des mineurs, cela ne va pas ! Mais pourquoi ? Les citoyens n'en sauront rien ! Surtout, ils ignoreront tout de la misère des moyens publics mis en oeuvre, au regard, précisément, des énormes besoins d'une société si dure pour la plupart des jeunes.

Monsieur le ministre, les équations entre la désespérance sociale et la délinquance, d'une part, et la prévention et la sanction, d'autre part, sont difficiles à résoudre, mais vous vous y prenez de la pire manière.

J'ajoute, s'agissant toujours de l'irrecevabilité de ce projet de loi pour cause de mépris des parlementaires, que le Gouvernement doit nous soumettre, si nous sommes bien informés, un projet de réforme de la justice. Nous ne pouvons donc accepter de débattre dès à présent d'une réorganisation de la justice des mineurs, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi du ministre de l'intérieur qui traite de tout, pêle-mêle - de la santé, de la protection sociale, des collectivités territoriales, de la justice -, sauf de la police !

Un deuxième motif d'irrecevabilité réside dans le contenu du texte qui nous est soumis, car plusieurs de ses dispositions heurtent les principes fondamentaux de notre droit.

La commission nationale consultative des droits de l'homme, interrogée en 2002 sur le projet de loi relatif à la sécurité intérieure, soulignait que « l'inflation des règles encadrant l'exercice des libertés publiques, et parfois même la vie privée des individus, suscite l'inquiétude de notre société démocratique ».

Le présent projet de loi ne fait qu'accentuer cette tendance. J'en veux pour preuve la multiplication des fichiers informatiques, d'autant plus inquiétante que le nombre des personnes habilitées à les consulter ne cesse, lui aussi, de croître.

De plus, la CNIL, la commission nationale de l'informatique et des libertés, faisait récemment état des très nombreuses erreurs non corrigées contenues dans le STIC, le système de traitement des infractions constatées, qui ont de lourdes conséquences pour les personnes. Ainsi, des agents de sécurité ont été licenciés sur la base de données erronées et non corrigées contenues dans le STIC !

Le dispositif instauré par l'article 6 du présent projet de loi, aux termes duquel le conseil pour les droits et devoirs des familles pourra disposer d'informations individuelles, illustre parfaitement mon propos : aucune garantie n'est apportée, ni sur l'origine des informations qui seraient utilisées pour procéder à ce signalement, ni sur les critères qui déclencheraient ce dernier, ni sur les modalités de la transmission et du traitement des données et sur leur nécessaire confidentialité. En outre, ces informations pourraient être communiquées à des tiers concernés. Or, ceux-ci ne sont nullement définis de façon explicite par l'article 6 du projet de loi.

J'évoquerai encore l'exemple du traitement national des personnes hospitalisées d'office, instauré par l'article 19 du projet de loi.

La CNIL relève que la mention de « l'autorité judiciaire » comme destinataire des informations enregistrées dans le fichier national est trop générale, au regard de la finalité de ce fichier, qui est « d'améliorer le suivi et l'instruction des mesures d'hospitalisation d'office ».

En outre, la mention de l'autorité judiciaire au titre des destinataires des données de ce fichier, qui est envisagée dans le projet de loi afin de permettre aux magistrats de contrôler la responsabilité pénale des personnes mises en cause judiciairement, relève, en raison de son caractère ponctuel et limité, de la définition du tiers autorisé à accéder aux données enregistrées dans un traitement, et non de celle du destinataire permanent des données, dont l'application serait, en l'espèce, disproportionnée.

De façon générale, la multiplication des fichiers informatiques, telle qu'elle est prévue dans ce projet de loi, paraît excessive et disproportionnée eu égard à leur finalité et au danger qu'ils représentent pour les personnes concernées.

C'est ce que relève la CNIL dans son avis du 13 juin dernier. Elle juge disproportionnées les dispositions de l'article 5 du projet de loi, qui autorisent les maires à obtenir la communication des données relatives aux difficultés sociales de leurs administrés.

Pour la CNIL, je cite, « si le maire a vocation à connaître, de façon ponctuelle, de données sur les personnes sollicitant des aides sociales facultatives qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il ne devrait pas être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l'action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté. »

Il en est de même avec l'article 6 du projet de loi, qui institue un conseil pour les droits et devoirs des familles. Selon la CNIL, « dans la mesure où des informations individuelles sensibles, relevant de l'intimité de la vie privée des familles, seraient ainsi recueillies, traitées et conservées, il appartient au législateur, pour assurer le respect du principe de proportionnalité, de définir précisément les garanties qui devraient être apportées afin qu'un tel dispositif d'accompagnement soit mis en place dans le respect des droits des personnes et, en particulier, de leur droit au respect de leur vie privée. »

Monsieur le ministre, ces dispositions s'ajoutent ou se superposent aux moyens de contrôle institués par les lois antérieures que vous avez fait voter, comme les caméras vidéo, les contrôles d'identité et les fouilles, qui touchent les individus considérés a priori comme des suspects. Elles organisent peu à peu « l'État Léviathan » comme alternative libérale à ce que vous avez appelé « l'État Providence ». Elles portent atteinte aux libertés individuelles et au respect de la vie privée, tels qu'ils ressortent de nos principes constitutionnels.

D'autres principes constitutionnels se trouvent mis en cause dans ce projet de loi. Ainsi, les dispositions qui accordent aux maires un rôle central dans le domaine social, mais aussi en matière de la prévention de la délinquance, et même de délinquance tout court, tant il est peu question de prévention dans ce texte, posent, eux aussi, des problèmes de constitutionnalité.

Tout d'abord, l'égalité de traitement des citoyens sur le territoire est menacée.

Ainsi, le maire disposera de multiples compétences, qui s'enchevêtreront avec celles des conseils généraux ; nous évoquerons sans doute cette question au cours de nos débats.

La mise en oeuvre de ces compétences entraînera des disparités. Les réponses apportées par le maire aux problèmes qu'il rencontre varieront d'une commune à l'autre. Elles dépendront des moyens de la municipalité et de la politique que le maire souhaite mener. D'ailleurs, celui-ci devra peut-être renoncer au programme sur lequel il a été élu afin de remplir des missions régaliennes !

De plus, le projet de loi introduit une inégalité de traitement, puisqu'il distingue les communes de plus de 10 000 habitants, qui devront créer un conseil pour les droits et devoirs des familles, et les autres. Il s'agit là véritablement d'une confusion institutionnelle.

L'article 8, en donnant au maire le pouvoir de procéder à des rappels à l'ordre pour sanctionner des comportements constituant non pas des infractions pénales, mais des atteintes au « au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques », crée une confusion entre pouvoir exécutif et autorité judiciaire. C'est une chose que le maire se préoccupe de la prévention pour les enfants de sa commune sur le plan social, civique et humain, mais c'en est une autre que de lui demander d'exercer des pouvoirs judiciaires ou de police.

Cette confusion des rôles est contraire à la séparation des pouvoirs consacrée par la Constitution, ainsi qu'à votre propre définition des domaines régaliens et à votre loi de décentralisation, monsieur le ministre.

Je vous rappelle aussi la recommandation du Comité des droits de l'enfant des Nations unies, reprise par le Conseil constitutionnel en 2002, qui prône le traitement des affaires concernant des mineurs par des instances spécialisées.

J'en viens maintenant à la réforme de l'ordonnance de 1945.

Permettez-moi d'abord d'exprimer mon étonnement devant l'intégration, dans un projet de loi piloté par le ministère de l'intérieur, de dispositions relatives à la justice des mineurs en dehors de tout débat de fond, comme le préconise pourtant l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, sur la responsabilité non seulement des jeunes délinquants, mais aussi sur celle des adultes à leur égard et sur la prise en charge des jeunes en difficulté.

Quant aux modifications apportées par le texte à l'ordonnance de 1945, elles poursuivent l'alignement du traitement des mineurs sur celui des majeurs, déjà largement engagé avec la loi de 2002, la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales et la création d'un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.

Marteler, comme le fait M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, que les mineurs délinquants de 2006 ne sont pas ceux de 1945 s'apparente à des propos de « comptoir ». C'est tout à la fois ignorer que la délinquance juvénile était un phénomène grave en 1945, faire comme si l'ordonnance de 1945 n'avait pas été modifiée, alors qu'elle l'a été, on le sait, vingt fois depuis lors, et dire des évidences, à savoir que la délinquance a effectivement évolué, comme la société, le monde, les médias, la violence ! Bush n'est pas Roosevelt ! Chirac n'est pas de Gaulle ! Et quoi encore !

C'est surtout également occulter l'essentiel qui fonde la spécificité de la justice des mineurs, à savoir qu'un mineur n'est pas un adulte ! Tel est le fond de l'ordonnance de 1945, et vous l'oubliez !

Cette spécificité est l'un des principes fondamentaux de notre droit pénal consacré par le Conseil constitutionnel le 11 août 1993. Elle est également inscrite dans les textes internationaux ratifiés par la France.

L'article 14, alinéa 4, du pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que « la procédure applicable aux jeunes gens qui ne sont pas encore majeurs au regard de la loi pénale tiendra compte de leur âge et de l'intérêt que présente leur rééducation ».

De même, la convention internationale des droits de l'enfant, dans son article 40, invite les États parties à « promouvoir l'adoption de lois, de procédures, la mise en place d'autorités et d'institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale ».

En 2002, le groupe CRC dénonçait déjà le rapprochement entre la procédure de comparution immédiate pour les majeurs et celle de jugement à délai rapproché pour les mineurs. Aujourd'hui, cette procédure renommée « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » devient une quasi-comparution immédiate pour les mineurs.

Les amendements proposés par la commission des lois qui ne le permettent que lorsque des investigations sur la personnalité du mineur ont déjà été conduites n'y changeront rien.

Cette procédure remet en cause le principe d'égalité puisque des mêmes faits pourraient être jugés selon les cas par une juridiction collégiale ou par un juge unique. Elle porte gravement atteinte à l'ordonnance de 1945, dont les principes ont valeur constitutionnelle, puisqu'elle aboutira à instaurer un régime procédural plus sévère pour les mineurs que pour les majeurs - je me permets de rappeler les termes employés par la Chancellerie -, en créant, pour les premiers, une comparution immédiate à juge unique alors qu'elle n'existe pas pour les seconds. Le Gouvernement ne peut donc nous reprocher de parler de comparution immédiate pour les mineurs, puisque ce sont les termes utilisés par la Chancellerie elle-même !

Enfin, cette procédure ne garantit pas aux mineurs le respect des droits de la défense, en raison de la quasi-absence de délai avant la comparution devant le juge des enfants.

Ces droits, comme la spécificité de la justice des mineurs, sont également remis en cause par l'extension aux mineurs de la composition pénale. Je rappelle que, avant seize ans, un mineur n'a pas la possibilité de contracter. Comment justifier donc que le « plaider coupable » vaille pour les moins de seize ans ? Aucune garantie n'est prévue dans le cadre de cette procédure pour assurer la prise en compte de l'état de minorité du jeune mis en cause.

J'ajoute que la pénalisation systématique des comportements, en l'espèce des mineurs, est contraire aux textes internationaux. La convention internationale des droits de l'enfant, toujours dans son article 40, préconise de « prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire, étant cependant entendu que les droits de l'homme et les garanties légales doivent être pleinement respectés ».

À l'évidence, les fondements mêmes de l'ordonnance de 1945 que sont la complémentarité entre l'assistance éducative et le pénal sont dévoyés. Les mesures dites éducatives comme la réparation - chères à tout un chacun - deviennent des modalités de sanction pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Plusieurs autres dispositions n'ont pas manqué de soulever des questions quant au respect des libertés individuelles ou tout simplement de la dignité des personnes.

L'article 16, qui, en dispensant le médecin de l'accord de la victime pour le signalement de violences conjugales, fait des femmes des incapables majeures et, je le dis entre parenthèses, est totalement contre-productif pour qui connaît un tant soit peu la problématique des violences conjugales.

Les articles 20 à 23 visent à renforcer le pouvoir administratif en matière d'hospitalisation psychiatrique, en rapprochant la procédure d'hospitalisation obligatoire de la procédure d'urgence, et à élargir le champ de l'hospitalisation d'office, ce qui restreint les garanties de la personne.

L'article 28 relatif au dépistage de la toxicomanie dans les lieux à usage professionnel, notamment le 3° tendant à autoriser l'entrée de la police dans ces lieux, n'est pas suffisamment encadré pour respecter les libertés individuelles et le droit du travail. Je citerai encore les articles 45 à 51, regroupés sous la dénomination « dispositions diverses », qui, sous couvert de sécurité, visent à poursuivre votre volonté, monsieur le ministre, de criminaliser l'action syndicale, comme de porter atteinte au droit de grève. J'en veux pour preuve la création d'un « délit d'occupation des infrastructures de transport, quel que soit son type ».

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le temps me manque, mais les quelques questions que j'ai évoquées me paraissent largement justifier l'irrecevabilité de ce texte pour méconnaissance des principes fondamentaux de notre Constitution en matière de libertés individuelles et de garantie des droits de la personne.

Je voudrais enfin vous rappeler ici, mes chers collègues, que notre assemblée a produit un long rapport sur la délinquance des mineurs en 2002 ; certains d'entre vous l'ont d'ailleurs cité hier.

Mon groupe avait émis des réserves à l'époque sur un certain nombre de conclusions, notamment sur l'abaissement de la majorité pénale et l'enfermement des mineurs. Mais - et nous l'avions souligné -, ce rapport comptait de nombreux éléments positifs quant à l'appréciation de la situation de la délinquance des mineurs et les recommandations qu'il faisait en termes d'action sociale, d'éducation et de moyens.

Depuis 2002, le Gouvernement a ignoré toute préconisation dans ces trois domaines. Il n'en a retenu que les mesures répressives dans les différents textes votés depuis lors. Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis en est une illustration encore plus cynique. Un de nos collègues a indiqué hier que l'on est habitué à l'immobilisme préélectoral ; nous sommes plutôt dans l'agitation préélectorale tous azimuts.

Toutefois, pour les raisons que j'ai évoquées, le groupe CRC vous demande, mes chers collègues, de voter pour la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Mes chers collègues, la commission des lois vous demande bien évidemment de rejeter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Vous venez de dire, ma chère collègue, qu'une effervescence politicienne ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ... aurait pu justifier quelque peu ce texte.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je sais bien que « la bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ». Mais je suis si surpris à la lecture de l'objet de cette motion que je finis par me demander si vous avez suffisamment lu le projet de loi puisque vous ne pouvez pas faire preuve de mauvaise foi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Vous prétendez, par exemple, que les dispositions relatives à l'hospitalisation d'office menacent les libertés individuelles. Dois-je rappeler que la première décision en matière d'hospitalisation d'office peut être aujourd'hui prise par le maire sur le seul fondement de la notoriété publique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Désormais, ce sera totalement impossible.

Certes, vous n'êtes pas totalement responsable puisqu'un journaliste sur France 2 a commis hier la même erreur à propos des fichiers.

Aujourd'hui, les fichiers HOPSY concernent les personnes hospitalisées sous contrainte à la fois dans le cadre de l'hospitalisation d'office et à la demande d'un tiers. Demain, les personnes qui ne seront pas dangereuses pour autrui ou pour l'ordre public ne seront absolument plus concernées par ces fichiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ainsi, objectivement, on ne peut que penser que la réforme qui sera mise en place demain sera beaucoup plus respectueuse des libertés publiques qu'aujourd'hui.

Vous avez également indiqué, ma chère collègue, que le rappel à l'ordre du maire risque de remettre en cause le principe de séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire. La réprimande du maire dans son bureau ou, pour parler plus familièrement, la « remontée de bretelles », porterait donc atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce n'est pas la peine de nous dire cela ! C'est la méthode Coué !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je suis désolé, mais c'est ce qui est écrit dans l'objet de votre motion !

Enfin, l'application de mesures de composition pénale et de mesures alternatives aux poursuites constituerait une violation de l'égalité des droits. Mais, autant que je sache, les mesures alternatives aux poursuites existent déjà, et elles permettent d'éviter la mise en oeuvre plus lourde de l'action judiciaire.

Avec toute la bonne foi qui me caractérise, je ne trouve pas un seul argument valable qui justifierait l'adoption de votre motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir rejeter cette motion.

M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Encore faudrait-il que vous ayez une majorité de sénateurs de droite !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Marquez votre soutien au président de l'UMP, mes chers collègues !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

Madame Borvo Cohen-Seat, ce qui me satisfait dans votre intervention, c'est le fait que vous ayez reconnu l'efficacité de l'action du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, dans la baisse de la délinquance.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Nous savons tous qu'une baisse de la délinquance signifie des victimes épargnées, des traumatismes évités et des coupables sanctionnés. Or, vous n'avez pas manqué de me surprendre, madame Borvo Cohen-Seat, en disant aux Françaises et aux Français que le Gouvernement aurait tort d'avoir la volonté et la détermination d'aller plus loin pour assurer à chacune et chacun d'entre eux la première des libertés qu'est la sécurité individuelle. Cette seule introduction de votre part pourrait justifier à elle seule le fait que j'appelle l'ensemble de la Haute Assemblée à rejeter votre motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les raisons que vous avez invoquées pour justifier le vote de cette motion, car Jean-René Lecerf a particulièrement bien argumenté son raisonnement.

Le premier de ces motifs d'inconstitutionnalité devant justifier le rejet par le Conseil constitutionnel du projet de loi serait ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, le mépris du Parlement parce que c'est le septième texte que lui proposerait le Gouvernement !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Permettez-moi de vous dire, madame Borvo Cohen-Seat, que ce motif d'inconstitutionnalité, je ne le comprends pas !

Il me semble même qu'au moins autant de textes - j'ai demandé à mes services de faire quelques recherches et, dans la matinée, je vous donnerai les chiffres - sur les thèmes de la justice et de la sécurité ont été présentés au cours de la précédente législature par le Gouvernement de M. Jospin que depuis 2002, et c'est bien le rôle d'un gouvernement que de proposer régulièrement au Parlement, justement parce qu'il le respecte, de modifier les textes pour les adapter aux évolutions de notre société.

Hélas ! comme le rappelait parfaitement hier le ministre d'État, la délinquance s'adapte, elle, en permanence aux évolutions de la société, notamment en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication. Nous savons par exemple qu'elle se développe dans certains lieux publics comme les cyber-cafés. Si les parlementaires de l'opposition n'avaient pas retardé, en déposant un recours devant le Conseil constitutionnel, l'entrée en vigueur d'un certain nombre de décrets d'application de la loi relative à la lutte contre le terrorisme, dans le cadre de laquelle nous avions pris des dispositions dans ce domaine, peut-être aurions-nous pu éviter plusieurs drames dans notre pays !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Chacun se souvient d'Ilan Halimi...

Il est donc du devoir du Gouvernement de proposer en permanence au Parlement, par respect pour celui-ci, un débat auquel chaque sénateur, chaque député puisse apporter sa contribution pour qu'enfin nous prenions une longueur d'avance sur l'évolution de la délinquance. Mais de contribution de votre part, je n'en ai trouvé aucune trace dans votre intervention, madame Borvo Cohen-Seat, et c'est un temps de retard que vous nous suggérez de prendre !

D'ailleurs, vous parlez de mépris du Parlement, mais c'est de votre mépris des élus locaux et de la place du maire dans notre organisation tant institutionnelle que territoriale que témoigne un autre « motif » d'inconstitutionnalité que vous invoquez.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ne faites pas comme si tous les maires vous approuvaient !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Non seulement un maire doit avoir le droit de disposer des informations nécessaires, mais il est le mieux placé, de par ses relations avec l'ensemble de ses administrés, pour les porter à la connaissance des différentes institutions concernées et contribuer à éviter des drames.

Je vous rappelle à ce propos qu'il s'agit d'un texte de prévention et non pas de sanction de la délinquance.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Nous préférons en effet prévenir qu'avoir à guérir, madame Borvo Cohen-Seat.

En soumettant au Parlement ce texte, qui est bien un texte de prévention, nous espérons que, dans quelques mois ou dans quelques années - et je crois que, tous ensemble, nous aurons alors gagné -, la justice française aura moins souvent à sanctionner les mineurs parce que, grâce aux effets des politiques d'anticipation dont nous proposons aujourd'hui la mise en oeuvre, il y aura moins de comportements délinquants et donc moins de drames dans notre pays.

L'ambitieuse réforme de l'ordonnance de 1945 visant à adapter celle-ci aux mineurs de 2006 en donnant la primauté à l'éducatif et en respectant la spécialisation de la justice des mineurs va bien dans ce sens.

J'ajoute, car ce point est fondamental, que nous ne proposons évidemment pas une quelconque confusion entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. En aucune manière, nous ne souhaitons faire du maire, contrairement à ce que vous dites, un procureur amateur ou un juge occasionnel. Chacun doit rester à sa place.

Le rappel à l'ordre que le maire pourra prononcer n'est pas une mesure juridictionnelle.

Enfin, s'agissant de la question des fichiers, à laquelle Jean-René Lecerf vous a parfaitement répondu, je puis vous confirmer, madame Borvo Cohen-Seat, tout le soin que nous avons apporté à examiner avec attention l'avis rendu par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Plusieurs ajustements du projet de loi proposés en commission permettront en outre, avec l'avis favorable du Gouvernement, d'améliorer encore, je n'en doute pas, les garanties apportées aux personnes faisant l'objet des traitements automatisés que la loi crée ou développe.

À vous entendre, madame Borvo Cohen-Seat, une fois encore le Gouvernement présente à la représentation nationale un texte qui bafoue les principes de notre Constitution.

J'observe que ce projet de loi a été soumis à l'examen du Conseil d'État, qui n'a pas estimé devoir le désapprouver, ce qui signifie sans doute qu'il ne heurte pas de front les principes généraux du droit, mais j'observe aussi que vous aviez déjà tenu le même discours à la fin de la dernière session, alors que nous débattions du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration. Nous avions eu droit, dans un autre registre, aux mêmes grandes déclarations de votre part sur le fait que le Conseil constitutionnel vous donnerait raison. Pourtant il a écarté chacun des griefs que vous avez soulevés ...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

...et il a confirmé en tout point la parfaite constitutionnalité du texte qui avait été adopté. Mais, sachant que rien ne vous sert de leçon, je me contente de faire ce rappel pour mémoire.

Je me permets simplement de former le voeu qu'au cours de la discussion, article après article, madame Borvo Cohen-Seat, vous qui avez plutôt l'habitude de détruire que de construire, ...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

... vous ne vous contenterez pas d'allégations, car j'espère pouvoir débattre à partir d'arguments précis.

Pour l'heure, vous n'avez présenté aucun argument démontrant que le projet de loi méconnaîtrait les principes constitutionnels et c'est la raison pour laquelle j'invite la Haute Assemblée à rejeter votre motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 220 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis saisi, par MM. Bel, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (433, 2005-2006).

La parole est à M. Louis Mermaz, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prévenir la délinquance, qui parmi nos groupes pourrait être contre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Au cours de la dernière année, la situation s'est très sensiblement détériorée. On enregistre, ce qui est inquiétant, davantage de violences graves contre les personnes : plus 27 % en quatre ans.

On nous dira qu'il faut dorénavant distinguer entre violences non crapuleuses et violences crapuleuses. Le professeur Diafoirus n'aurait pas trouvé mieux : si vous vous faites « casser la figure » dans la rue, mais qu'on vous laisse votre portefeuille et votre portable, je ne suis pas sûr que vous trouviez une consolation dans le fait que l'attaque n'était, finalement, pas crapuleuse !

Mais ne perdons pas trop de temps, monsieur le ministre, à débattre de chiffres. Je pense comme Mme Borvo Cohen-Seat que le seul fait que le Gouvernement dépose un texte de plus prouve que, contrairement à ce que prétend le discours officiel, la situation ne s'est pas tellement arrangée. Les magistrats commencent d'ailleurs à avoir le tournis : le code pénal est sans arrêt malaxé, et tout le monde finit par y perdre son latin et même son français !

En fait, on a retiré la police nationale des quartiers difficiles...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

...où elle intervient plutôt pour des opérations « coup de poing » médiatisées qui ne règlent rien quand elles n'aggravent pas la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

M. Louis Mermaz. Cette carence est d'autant plus préjudiciable qu'il a été mis fin depuis quatre ans à la police de proximité, qui obtenait de bons résultats.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

La désertion de quartiers entiers par la police nationale sur instruction du Gouvernement est un scandale permanent dont les maires de beaucoup de villes, quelle que soit d'ailleurs leur opinion politique, témoignent souvent.

Les causes du durcissement de la délinquance sont multiples : la misère sociale, les inégalités, la pauvreté, la précarité, le sentiment d'abandon de populations entières, la déshérence culturelle qui livre les jeunes aux pratiques de la violence par l'intermédiaire de certaines émissions de télévision...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

...ou de certains jeux vidéos, sources de profits importants pour des chaînes et des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Dans le même temps, on constate que les moyens dont disposaient jusqu'alors les travailleurs sociaux ont été considérablement réduits.

Les associations ont vu leurs subventions diminuer.

Quant à la protection judiciaire de la jeunesse, elle est traitée en parent pauvre et même si vous nous parlez d'un certain pourcentage d'augmentation, on part de si peu !

Les collèges dans les quartiers difficiles ne disposent pas des moyens nécessaires pour remplir leurs missions. Ajoutez à cela l'indigence des services de la justice et vous aurez alors les causes essentielles de la crise actuelle dont le Gouvernement porte la responsabilité.

Depuis 2003, le ministère de l'intérieur a cru répondre à l'urgence de la situation en préparant ce projet de loi. Il aurait eu tout le temps d'écouter les personnes qui, pour le vivre, connaissent le sujet et d'engager une vraie réforme, efficace et juste. Il eût fallu d'abord ouvrir les yeux ou bien se les laisser ouvrir, réfléchir sérieusement aux moyens tant humains que financiers, ne pas se laisser enfermer dans une politique du coup de menton.

Les acteurs du présent dossier que le groupe de travail des sénateurs socialistes a longuement reçus ne nous ont pas donné l'impression d'être, contrairement à ce que nous disait hier soir M. Hortefeux, aussi satisfaits de la concertation et des échanges que le Gouvernement aurait eus avec eux.

Vous nous proposez, monsieur le ministre, toute une série de dispositions législatives qui ne régleront rien, bien au contraire, tant elles sont mal ciblées et dangereuses pour la société et les libertés.

Politique du coup de menton, disais-je.

Je dois constater qu'hier soir M. Hortefeux s'est comporté différemment de M. Sarkozy. En effet, alors que le ministre d'Etat, tout feu tout flamme, brandit le sabre, le ministre délégué, dans un exposé brillant, s'est présenté devant nous les bras plein de rameaux d'olivier !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Il n'est pas candidat à la présidence de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Il s'est livré à un exercice consistant à féliciter et à encourager les uns à la fermeté, je pense en particulier à nos collègues Jean-Claude Carle et Philippe Goujon, et à apporter apaisements et paroles conciliantes aux membres de l'opposition dans l'attente de la discussion de leurs amendements, entourant de la sorte ses propos de l'atmosphère obscure qui semblait lui convenir. Mais soyons lucides : il faudrait reprendre le texte à la base et c'est pourquoi je défends cette question préalable.

Il conviendrait de mettre en oeuvre une politique de prévention, alors que le projet de loi qui nous est soumis, ainsi que l'ont dit de nombreux orateurs, est essentiellement répressif.

Le ministre de l'intérieur ne déclarait-il pas le 4 février 2003, à Toulouse : « La meilleure prévention, c'est la sanction », ou encore, à Sens, le 24 mai dernier : « La sanction est une partie intégrante de la prévention » ? Telle est bien la philosophie de ce texte. Or, pour notre part, c'est justement avec ce concept de répression préventive que nous ne sommes pas d'accord, dans la mesure où il s'agit, selon nous, d'un contresens absolu. On comprend comment, tout au long de la préparation de ce projet de loi, le ministère de l'intérieur a su mettre sous tutelle les ministères de la justice, de la santé et quelques autres.

Je prendrai quelques exemples.

Le Gouvernement voudrait entraîner sur le terrain qu'il a choisi les maires en leur demandant d'être les pivots de cette pseudo-prévention à finalité répressive, alors qu'ils n'ont pas attendu ce projet de loi pour faire de la prévention comme ils respirent !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Et on leur demanderait maintenant, dans un esprit bien différent, de ficher, par exemple, l'absence d'assiduité scolaire des enfants de leur commune, de recueillir des informations confidentielles touchant à la vie privée auprès des travailleurs sociaux et des professionnels de santé au mépris du respect du secret professionnel !

En outre, ils devraient intervenir systématiquement dans les placements d'office en hôpital psychiatrique et seraient informés de l'identité et du suivi des malades mentaux, désormais inscrits dans un fichier national. J'ai bien écouté ce qu'a déclaré notre rapporteur Jean-René Lecerf. Nous lui donnons rendez-vous au moment de la discussion des amendements que nous avons déposés sur ce sujet.

Les maires entreraient ainsi dans la chaîne pénale soit par des rappels à l'ordre - ils pourraient donc par la suite se voir convoqués au tribunal en tant que témoins à charge -, soit par le déclenchement de mesures d'accompagnement parental, ou encore par des demandes de mise sous tutelle des allocations familiales qui pourraient être adressées aux juges, voire directement aux directeurs des caisses d'allocations familiales.

Nous estimons qu'il ne doit pas y avoir confusion dans les responsabilités et que les maires doivent non pas être transformés en supplétifs de la police, mais continuer de disposer d'une autorité morale intacte pour agir en médiateur.

Pour ce faire, ils doivent être tenus au courant des faits délictuels qui se produisent dans leur commune - et c'est d'ailleurs bien ce qui se passe aujourd'hui, car les maires ne sont pas des gens enfermés dans une bulle -, c'est-à-dire qu'ils doivent être informés sans avoir à se substituer, à quelque moment que ce soit, à l'État.

On ne le répétera jamais assez, nous avons pu mesurer le rôle important des maires comme médiateurs lors de la crise des banlieues de novembre dernier. Or, s'ils acceptaient aujourd'hui de se livrer - je n'ai pas peur des mots - à un certain contrôle social, policier ou pseudo-judiciaire de leur population, ils ne seraient plus à même d'agir selon l'essence même de leur pouvoir fondé sur un minimum de confiance et même, très souvent, d'estime.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Dans le même ordre d'idée, les travailleurs sociaux, les professionnels de santé et d'éducation doivent demeurer à l'écoute des jeunes et des familles en difficulté, s'enquérir de leurs souffrances en toute confidentialité, les conseiller, les détourner des tentations et leur ouvrir la voie de l'espoir, aussi difficile que cela soit dans la société actuelle où l'injustice sociale est, hélas, pour beaucoup la règle !

Un second volet du texte concerne les mineurs, entendons en fait ceux qui appartiennent aux milieux sociaux défavorisés.

Après les reculs des lois Perben, c'est à nouveau l'ordonnance de 1945, oeuvre des hommes issus de la Résistance, qui est entamée, ordonnance qui privilégiait l'éducatif sur le répressif et instituait une justice spéciale pour les mineurs en prenant en compte cette notion fondamentale de discernement. Or, faisant fi de cet aspect humain et psychologique, vous ciblez désormais l'enfant de dix à treize ans, prévoyant son placement en internat spécialisé pour un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Vous étendez la mesure de composition pénale à la disposition du procureur aux mineurs dès l'âge de treize ans, comme si ces derniers étaient en mesure, même accompagnés de leurs parents, souvent issus de milieux modestes, de faire front à ce que le procureur va pouvoir leur dire ou leur proposer ! Il y a donc là une inégalité dans les comportements.

Vous prévoyez, en outre, la présentation immédiate au tribunal pour enfants aux fins de jugement - façon détournée de parler de comparution immédiate - des mineurs de seize à dix-huit ans, ce qui ne permettra pas, faute d'une instruction juste, une prise en compte sérieuse de la personnalité, du parcours et de l'environnement social du jeune ; en d'autres termes, cela reviendra tout simplement à une justice hâtive.

Enfin, les moins de seize ans pourront désormais être placés sous contrôle judiciaire dès la première infraction. S'ils ne respectent pas ce contrôle judiciaire, ils seront dirigés vers un centre d'éducation fermée qui, contrairement à la formule, n'est pas vraiment fermé, et, s'ils se dérobent à cette décision, ils connaîtront alors la prison sous forme de détention provisoire.

Dans ce climat répressif, on constate purement et simplement que vous souhaitez accroître les pouvoirs des procureurs de la République au détriment des juges qui seraient trop indépendants. Vous pensez, en effet, que le procureur - ce qui, d'ailleurs n'est pas toujours le cas - sera davantage « dans la main » du procureur général et du Gouvernement.

Pourquoi remettre en cause le rôle des juges des enfants qui font un excellent travail ? Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale de 2002 sur la délinquance des mineurs ne dressait-il pas le constat que la justice des mineurs n'était pas laxiste ?

Le taux de réponses pénales dans les affaires les impliquant a été de 85 % en 2005. Par conséquent, s'il y a un problème, il se situe en amont et tient au faible taux d'élucidation des affaires par les services de police. Ce taux est d'un tiers, sachant qu'un cas sur cinq seulement est connu d'elle, ce qui s'explique en grande partie par le retrait de la police de nombreux quartiers où il se commet deux fois plus d'agressions que dans le reste du pays.

Le travail des juges des enfants est, à cet égard, tout à fait bénéfique puisque 90 % des jeunes dont ils ont traité l'affaire n'ont pas récidivé ; il s'avère que 5 % seulement d'entre eux s'ancreraient dans la délinquance, ce qui implique non pas que l'on baisse les bras, mais que, là aussi, on mette en oeuvre de nouveaux moyens adaptés.

Dès lors, pourquoi accroître les prérogatives des procureurs qui auraient compétence pour décider s'il convient de prévoir pour tel ou tel mineur un stage de formation civique, un suivi de scolarité ou une formation professionnelle, voire la surveillance d'une décision de placement dans un établissement public ou privé, la consultation d'un psychiatre ou d'un psychologue, ou encore l'exécution d'une mesure d'activité de jour ?

Pourquoi confier au procureur ou au président du tribunal de grande instance l'audiencement, alors que les délais, souvent longs, il est vrai, s'expliquent uniquement par l'insuffisance du nombre de greffiers et par l'encombrement des juridictions ? Pourquoi, au lieu de créer des moyens adaptés, vous défausser en voulant dessaisir le juge des enfants ? Je répète ma question : pourquoi un tel dessaisissement ?

En fait, ce projet de loi, dans la logique de la loi pour la sécurité intérieure de mars 2003 qui visait à réprimer les concentrations dans les halls d'immeubles, la mendicité, la prostitution, les gens du voyage, le nomadisme et réservait un régime spécial et un régime de contrainte à certaines catégories de population, vise à la mise en place d'un contrôle social, voire politique de populations considérées comme dangereuses ou suspectes.

Comment ne pas relever que ces nouvelles dispositions sont en contradiction avec la Charte des droits de l'enfant de l'ONU, dont la France est, bien entendu, signataire ?

Avant de vous inviter, mes chers collègues, à voter la motion tendant à opposer la question préalable, je tiens à affirmer une nouvelle fois que le combat pour la sécurité n'est pas dissociable de la volonté de construire une société plus juste. Il n'y a pas, d'un côté, des gens comme il faut qu'il conviendrait de protéger et, de l'autre, des gens qui seraient enclins à de mauvais comportements, donc voués à la sanction, à l'enfermement, au refoulement et, en fin de compte, à l'exclusion sociale.

Il existe dans notre pays des enfants, des jeunes qui souffrent parce que leur famille présente des carences graves. Cela peut être la faute des parents, mais, généralement, cette situation résulte du fait que ces derniers sont eux-mêmes malheureux, en proie à la misère et à la pauvreté. Il y a aujourd'hui dans nos villes des enfants dont les parents n'ont pas assez d'argent pour acquitter le prix de la cantine scolaire. Souvent, l'école n'a pas les moyens de leur offrir le contrepoids nécessaire par manque d'enseignants spécialisés, d'éducateurs, de médecins scolaires, de surveillants, ni de leur assurer, en plus de l'enseignement de base, l'apprentissage de la vie commune, l'ouverture aux autres, et ce malgré le mérite des maîtres qui accomplissent leur tâche au milieu de grandes difficultés.

À ce propos, j'invite le Gouvernement à lire le livre émouvant, publié récemment, de cette enseignante d'arts plastiques qui a été poignardée à Étampes.

Ces mêmes enfants ne connaissent pas non plus le monde des loisirs, enfermés qu'ils sont dans leurs quartiers et, de ce fait, livrés à la rue et à ses tentations.

Ce n'est pas par une répression accrue que l'on réglera les problèmes de tranquillité publique et d'harmonie sociale. Il faut s'attaquer aux racines du mal et en même temps donner la priorité à une vraie prévention.

Là aussi, il convient de mettre en place les moyens humains et financiers nécessaires, de former des hommes et des femmes aux métiers de la prévention, de permettre à tous les acteurs de travailler en réseau non seulement pour comprendre et écouter, mais aussi pour trouver des réponses à l'attente des jeunes, ce qui suppose, bien entendu, une transformation en profondeur de la société.

Or, faute d'ouvrir des perspectives aux jeunes, vous multipliez les effets d'affichage et, plus la situation s'aggrave, plus vous tentez d'accréditer l'idée que la répression est nécessaire. Plus cela va mal, plus vous tentez de faire croire que vous êtes indispensable !

C'est cette logique perverse que nous voulons briser pour retrouver les voies de la République et de la démocratie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur Mermaz, il y a deux façons de voir le monde : soit on le regarde tel qu'il est, soit on le regarde tel que l'on souhaiterait qu'il soit.

S'agissant des chiffres en matière de réitération de la délinquance des mineurs, ceux dont je dispose et qui, je crois, ne sont guère contestables, sont tout de même beaucoup moins angéliques que ceux qui viennent de nous être présentés.

C'est ainsi que la part des mineurs jugés plus d'une fois au cours des douze derniers mois s'établit à 18, 5 %. Une étude menée en 2002, sous les auspices du ministère de la justice, précisait que, sur 18 000 mineurs condamnés en 1996, plus de 49 % avaient été condamnés à nouveau dans les cinq années suivantes, qu'ils aient ou non été encore mineurs lors de cette seconde condamnation.

Notre conception est moins manichéenne que celle de M. Mermaz, qui en est resté à un monde où il y aurait, d'un côté, la sanction et, de l'autre, l'éducation.

Nous sommes, quant à nous, beaucoup plus favorables à la notion de sanction éducative. Nous pensons d'ailleurs que toute une série de dispositifs existent dans ce domaine, qu'il s'agisse du travail d'intérêt général ou d'un grand nombre d'alternatives aux poursuites, qui, si elles présentent, certes, un caractère de sanction par rapport à des faits inacceptables, sont néanmoins largement éducatives et permettent d'espérer que la récidive sera évitée.

Pour toutes ces raisons, la commission vous demande, mes chers collègues, de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Monsieur Mermaz, vous avez tenté d'opposer la parole du ministre d'État à celle de son ministre délégué. Or c'est par ma voix que le ministre d'État s'exprime aujourd'hui. Sur ce terrain, vous ne nous prendrez jamais en défaut !

Ce texte, qui est présenté par le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, est d'abord celui du Gouvernement. Sachez que, quelle que soit la forme de l'expression, c'est animés de la même conviction que Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux et moi-même défendons ce texte voulu par le ministre de l'intérieur et qui apporte une réponse concrète à une vive préoccupation de l'ensemble de nos concitoyens.

Monsieur Mermaz, au nom du ministre d'État et du Gouvernement tout entier, je tiens à vous dire que nous n'accepterons jamais que vous mettiez en cause l'action de la police. Oser dire que l'action de la police créerait aujourd'hui plus de désordre que lorsque vous meniez une prétendue politique de police de proximité est une injure inacceptable à l'égard de ce corps !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Les policiers méritent d'être respectés : ils ont fait un choix de métier, ils ont fait un choix d'engagement au service des personnes et des biens. Que ce soit sous un gouvernement de gauche ou sous un gouvernement de droite, ils servent tout simplement la République. À ce titre, ils méritent le respect de la représentation nationale !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Bruno Retailleau applaudit également

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Quant au bilan de votre fameuse police de proximité, monsieur Mermaz, vous avez essayé de nous expliquer par je ne sais quelle formule et quelle acrobatie que l'action de la police de proximité avait donné des résultats. Pour moi, ce n'était qu'une petite police de politesse, ...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

...le policier de proximité priant gentiment le jeune de la cité de disparaître de sa vue et d'aller fumer son joint un peu plus loin, pour que cela ne fasse pas de vague. Car c'était cela, l'objet principal de la police de proximité : ne pas créer de problèmes dans la cité, même si, pour cela, il fallait faire semblant de ne rien voir !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Nous avons, nous, fait un choix différent, celui d'agir, et les résultats sont là.

Que vous le vouliez ou non, monsieur Mermaz, l'action de votre police de proximité s'est traduite - l'état 4001 est là pour en témoigner -, par une augmentation de 14, 5 % de la délinquance entre 1998 et 2002. Depuis que nous sommes passés à une police d'action, la délinquance a baissé de 9 % dans l'ensemble de notre pays.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les violences aux personnes ont augmenté de 27 % !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Les résultats sont incontestables ; il est donc inutile d'essayer de les maquiller ou de les habiller à votre manière comme vous le faites.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Parallèlement, le nombre de gardes à vue et de placements sou écrou a augmenté. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette évolution.

Et, pendant ce temps, une fois de plus enfermés dans vos idéologies et dans vos dogmes fumeux ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Vous élevez le débat, monsieur le ministre délégué !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

vous vous efforcez, encore et toujours, d'édulcorer les comportements des uns et des autres. Pour vous, voler un portable, agresser une dame âgée dans la rue, ce ne serait pas qualifiable de crapuleux ! Eh bien, pour moi, cela relève tout simplement d'un comportement crapuleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Et détourner l'argent public de la ville de Nice, ce n'est pas crapuleux ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

À qui vous adressez-vous ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Vous vous adressez à des sénateurs sur ces bancs ? Vos propos seront publiés au Journal officiel et vous aurez à en répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

M. le président. Monsieur Michel, voulez-vous prendre la parole ?

M. Jean-Pierre Michel fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Dans ce cas, veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Mermaz soutient que ces actes ne sont en rien crapuleux. Cette perception s'inscrit parfaitement dans le droit fil de ce vocabulaire édulcoré que l'on a entendu pendant si longtemps, grâce auquel une agression quelconque devenait une petite « incivilité » !

Quel mot extraordinaire que celui d'incivilité !

À cette époque, la délinquance n'existait pas : seul régnait un « sentiment » de délinquance... De la même façon, lorsqu'une dizaine de jeunes attentaient à l'intégrité physique d'une jeune fille, ce n'était qu'une tournante, ce n'était pas un viol !

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C'est la police qui disait qu'il n'y avait pas viol !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C'est scandaleux de la part d'un ministre ! Ces arguments sont bas !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Et voilà comment, tout doucement, une espèce de venin a été instillée dans la conscience collective.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il fallait bien qu'à un moment un comportement de voyou soit reconnu comme tel, que son auteur ait seize ans ou trente ans ! Quand on a un comportement barbare, que l'on ait seize ans ou trente ans, on a un comportement barbare, monsieur Mermaz !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Ce sont les seules vérités qu'il nous appartient d'affirmer ici, dans cette assemblée !

Alors, oui, les dispositions du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ont pour objectif principal de répondre rapidement, sur le plan judiciaire, par des mesures et sanctions éducatives et des peines adaptées aux délits commis par les jeunes.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Les grands principes de l'ordonnance de 1945 ne sont pas négligés : ils sont au contraire réaffirmés. Ainsi, la mesure éducative d'activité de jour permettra de mieux insérer professionnellement les mineurs et donc de prévenir la délinquance. Il faut à tout prix lutter contre le sentiment d'impunité qui peut se développer chez certains jeunes. Faire en sorte que ceux-ci soient jugés plus rapidement, c'est leur permettre de prendre conscience de la gravité de leurs actes et les responsabiliser. C'est aussi cela, une démarche éducative.

Enfin, il n'est pas question de faire du maire un shérif ou un procureur : le rappel à l'ordre n'est pas une mesure juridictionnelle. Il n'est pas question non plus d'en faire le seul acteur de la prévention : cela n'aurait pas de sens. Il s'agit d'en faire un coordonnateur de l'action territoriale mieux informé et plus à même qu'aujourd'hui de passer le relais aux autres intervenants.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je suis moi-même président de conseil général : que ce soit en matière d'action sociale, d'action préventive ou de protection de l'enfance, qui relève des présidents de conseils généraux, les politiques que mène mon département sont regardées comme exemplaires.

Exclamations ironiquessur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Je serais d'ailleurs bien heureux qu'une meilleure coordination avec les maires donne à ces politiques de prévention une efficacité beaucoup plus concrète au quotidien - les maires la réclament d'ailleurs. Il ne s'agit que de cela et c'est la plus-value que le Gouvernement entend apporter à travers ce texte.

Monsieur Mermaz, il y a trop de détresse dans notre pays, trop d'enfants livrés à eux-mêmes, et trop d'exigences insatisfaites, aussi, ...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

... pour que nous, responsables politiques, manquions l'occasion qui nous est offerte par le débat d'aujourd'hui et ne fassions pas en sorte d'aider les plus déshérités, les plus modestes, les plus défavorisés, tous ceux qui, malheureusement, dans un certain nombre de quartiers et de cités de notre pays, n'ont pas été traités avec justice et équité, et ce au nom d'un égalitarisme de principe qui a longtemps été revendiqué sur certaines de ces travées.

En ce qui nous concerne, nous voulons dépasser cet égalitarisme pour donner plus à ceux qui sont plus faibles, à ceux qui sont les plus en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais oui, votre politique en témoigne tous les jours !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Par ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance nous entendons mobiliser tous les moyens au service de ceux qui ont besoin d'être mieux accompagnés...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

...pour que, demain, la délinquance des mineurs diminue et qu'il y ait moins à sanctionner.

Telle est notre détermination. C'est la raison pour laquelle j'appelle au rejet de cette motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Bruno Retailleau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

M. Louis Mermaz. Je ne surprendrai personne en disant que notre groupe votera cette motion. Je veux cependant profiter de mon intervention pour mettre quelques points sur les « i » de M. le ministre délégué, qui ne m'a pas l'air bien réveillé.

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Monsieur le ministre délégué, je trouve étonnant que vous fassiez de pareils contresens. Pourtant, vous n'êtes pas sourd !

Monsieur le ministre délégué, je reproche au Gouvernement d'avoir retiré d'un certain nombre de villes et de quartiers la police nationale, là où sa présence est pourtant indispensable. Je n'ai pas mis en cause la police, mais bien le Gouvernement. C'est vous, monsieur le ministre délégué, qui avez mis en cause la police de proximité, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

...en affirmant que ses agents n'étaient là que pour regarder ailleurs quand les jeunes fument leur joint !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

C'est donc bien vous qui avez insulté la police !

Je n'ai pas la religion de la police. Il est des policiers excellents : ma section socialiste à Vienne en compte deux qui viennent de prendre leur retraite et avec lesquels nous avons fait du très bon travail ! Il y a, de même, des syndicats de police qui comprennent ce qu'on leur dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Au demeurant, les policiers sont comme tous les fonctionnaires : certains sont bons, d'autres le sont moins. Il n'est donc nullement nécessaire de sacraliser la police, composée de fonctionnaires au service de la République qui se comportent souvent très bien ; il suffit de sanctionner les auteurs de bavures, sachant que leurs actes ne doivent pas ternir la réputation d'un corps tout à fait respectable.

Tout cela pour dire, monsieur le ministre délégué, que vous n'avez pas le privilège de défendre la police nationale.

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Pour ce qui est de la qualification de crapuleux, vous avez encore fait mine de ne pas comprendre mes propos. Si j'ai parlé de Professeur Diafoirus, c'est parce que, pour moi, tout crime est forcément crapuleux ! Ce n'est pas moi qui ai inventé cette distinction absurde entre délit crapuleux et délit non crapuleux ! J'ai d'ailleurs pris l'exemple d'une personne agressée physiquement : même si on ne lui vole pas son téléphone portable, elle est victime d'un acte crapuleux. Si elle est blessée et volée, c'est tout aussi crapuleux ! Alors, ne faites pas comme si vous n'aviez pas compris !

Et comment osez-vous vous soutenir que des élus socialistes aient pu prétendre qu'un viol n'était « qu'une tournante » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Je vous mets au défi de me citer le nom d'un élu socialiste qui ait pu prononcer une phrase aussi scandaleuse.

Vous ne vous comportez pas ce matin, monsieur, comme un ministre, mais comme un provocateur !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 221 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis saisi, par MM. C. Gautier, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 79 tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (433, 2005-2006).

La parole est à M. Charles Gautier, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'ai l'honneur de présenter, au nom de mon groupe, la motion que nous avons déposée tendant au renvoi en commission du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Nous y avons été poussés tout d'abord par une raison toute simple : le temps imparti pour la préparation de ce texte a été nettement insuffisant. On peut même parler de conditions d'examen du projet de loi inconvenantes et irrespectueuses à l'égard du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Certes, la commission des lois a procédé à de nombreuses auditions, mais ces dernières ont eu lieu au mois d'août et trop peu de sénateurs ont pu y participer.

De surcroît, les présidents des deux assemblées ne déplorent-ils pas eux-mêmes depuis longtemps déjà la surenchère législative qui fait que, chaque année, le Parlement siège systématiquement en session extraordinaire et que, chaque année aussi, il dépasse le précédent record du nombre d'heures de séance publique ?

Lors de la séance d'ouverture de l'actuelle session extraordinaire, vous-même, monsieur le président, vous nous invitiez, sur les conseils de M. le Premier ministre, à « donner une nouvelle impulsion à la procédure des études d'impact » Où est aujourd'hui cette procédure ? En l'espèce, elle fait cruellement défaut.

Une telle précipitation est-elle justifiée, alors que nous examinons un texte que nous attendions depuis quatre ans ?

La longueur de la préparation de ce texte démontre bien qu'il n'y avait aucune urgence particulière et, surtout, que le sujet, complexe et touchant de nombreux domaines, demande un travail approfondi.

Mais entrons plutôt dans le vif du sujet, la prévention de la délinquance.

Une première question vient à l'esprit sitôt faite la lecture du projet de loi : pourquoi ce texte est-il présenté par le ministre de l'intérieur ? Il vise des domaines tellement divers que l'on comprendrait mieux qu'il relève plutôt du Premier ministre.

Aussitôt après se pose une seconde question : pourquoi avoir retenu l'intitulé « prévention de la délinquance » ?

En effet, ce texte porte très mal son titre, car il mélange des mesures bien différentes. Par certaines, très pragmatiques, on tente d'entraîner l'adhésion de nombreux élus locaux, notamment des maires. Ce sont d'ailleurs les rares dispositions qui touchent à la prévention pure et simple.

Monsieur le ministre délégué, les élus se rendent bien compte qu'en réalité, vous ne faites que consacrer des mesures qui existent déjà ou entériner des situations de fait.

En fait, vous vous appropriez le talent et le dévouement que déploient les maires sur le terrain. Ce projet de loi n'apporte rien. Bien au contraire, il ne fait que rigidifier les rapports sur place et les rend donc moins efficaces.

En cet instant, je parle du rôle du maire dans la politique locale de sécurité.

Dans les villes où se manifeste une volonté de lutter contre l'insécurité et de préserver le droit des citoyens à vivre en paix, les maires travaillent au quotidien et ils utilisent déjà les outils mis à leur disposition par l'État.

Ainsi, lorsque la gauche a créé les conseils communaux de prévention de la délinquance, les CCPD, les maires se sont saisis de cet outil. Vous avez changé le nom de ces instances, mais il s'agit bien de la même chose. Vous « toilettez » encore le dispositif, mais la mesure phare que vous exposez aux médias et qui consiste à faire du maire le pivot de la politique locale de sécurité, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

...existe déjà !

Le seul point positif de ce texte aurait pu être la mesure tendant à inciter les acteurs de la prévention à informer le maire. Mais telle est déjà la situation, dans tous les cas où les acteurs s'entendent. La future loi ne pourra pas inventer le lien de confiance qui doit exister entre tous ces acteurs.

Le maire ne doit être destinataire que des informations dont il a besoin dans l'exercice de ses missions. L'adoption de ce projet de loi, monsieur le ministre délégué, aura pour conséquence de le rendre tout à coup suspect aux yeux de ses concitoyens, qui se méfieront, craignant ne plus disposer d'espaces personnels inviolables.

En revanche, lors de toutes les auditions que nous avons faites, il est bien apparu qu'il serait urgent de redéfinir la place exacte du maire. Mais cela, vous ne le faites pas ! Il y a trop de confusions dans le partage des pouvoirs entre les maires, les autres collectivités territoriales et l'État.

La diversité et l'ampleur de ces mesures de clarification auraient largement justifié la constitution d'une commission spéciale. Ce point a été quelque peu abordé par la commission des lois, mais faute de temps, n'a pu être approfondi.

Mes chers collègues, le présent projet de loi comporte une seconde catégorie de mesures, destinées, cette fois, à être entendues par les plus sécuritaires de nos concitoyens. Elles consistent en un affichage démagogique d'un durcissement des mesures concernant les malades mentaux, les toxicomanes, les familles défaillantes et les mineurs en difficulté.

Or toutes ces dispositions ne concernent que de loin la prévention. Il s'agit, en réalité, de mesures répressives, qui n'ont donc rien à faire dans un texte intitulé « Prévention de la délinquance ».

Monsieur le ministre délégué, si vous me permettez de vous donner un conseil, je vous suggère de modifier le titre de ce projet de loi et de l'intituler désormais « Nouvelles mesures en faveur de la répression des mineurs, des malades mentaux, des toxicomanes et des délinquants potentiels ».

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Vous nous répondrez que nous ne sommes que des inconscients et, à grand renfort d'exemples les plus tristes et les plus sordides, vous justifierez votre texte. Or, la plupart des exemples que vous avez cités en commission ou même en séance publique hier, se rapportent à des faits qui, de toute façon, n'auraient pu être empêchés par le présent projet de loi.

Bien évidemment, personne ne cherche à justifier de tels actes, mais il est tout à fait dangereux de faire croire aux Français que les politiques peuvent leur promettre une société totalement sans risques. Une telle méthode vous autoriserait, lors de la constatation de tout nouveau malheur, à proposer indéfiniment de nouveaux textes comportant toujours plus de sanctions. En tenant ce type de discours, vous entrez dans un cercle dont il sera impossible de sortir.

Pour faire moderne, vous vous en prenez très souvent à l'ordonnance de 1945 dont vous justifiez la modification en soutenant que la jeunesse d'aujourd'hui n'est plus celle de 1945. Mais qui dit l'inverse ? C'est d'ailleurs pour cela que cette fameuse ordonnance a déjà été maintes fois réformée.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

...son exposé des motifs et, effectivement, son titre. À un moment ou à un autre, tous les articles de cette ordonnance ont été modifiés. En cinquante ans, rares en effet sont les gouvernements qui n'en ont rectifié aucun. Quant à ce qui reste du texte original, outre le titre, c'est-à-dire l'exposé des motifs, il comporte le principe aux termes duquel on reconnaît qu'un mineur ne peut pas être jugé comme un majeur, et la particularité même de la minorité fait que cette distinction est essentielle. Oui, cela reste une valeur à l'honneur de notre République. Qui pourrait aujourd'hui dire le contraire ?

Lors de son audition par la commission des lois, Philippe bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, nous a présenté sa vision du système judiciaire, qui devait comporter, selon lui, deux volets : la répression, par le biais des sanctions, et la prévention. Or, dans ce texte, nous ne trouvons que des sanctions. Où est la logique ?

En ce qui concerne les drogues, par exemple, vous constatez que la loi est trop sévère, donc inapplicable. En conséquence, vous proposez de nouvelles sanctions à l'encontre des usagers de stupéfiants !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

En quoi ces nouvelles sanctions ont-elles plus de chances d'être appliquées ? On peut vraiment douter non seulement de leur efficacité mais même de leur exécution !

Autre exemple, les mesures concernant les malades mentaux. Je déplore que le texte comprenne des dispositions qui ne prennent pas en compte les conclusions d'un rapport du Sénat sur le sujet publié au mois de juillet dernier et validé à l'unanimité de la commission des lois.

En effet, avec notre collègue Philippe Goujon, durant plusieurs mois, nous avons procédé à un travail d'enquête sur les délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques.

Il s'agissait de trouver la façon de concilier la protection de la société et une meilleure prise en charge médicale, tout en respectant les principes fondamentaux de notre droit.

C'est pourquoi, tout au long de nos travaux, nous avons tenu à réaffirmer qu'il était important que les décisions tendant à la suppression de la liberté d'aller et venir soient toujours prises par l'autorité judiciaire. Or, dans le texte que nous allons examiner aujourd'hui, c'est le pouvoir administratif qui reprend le dessus.

Il est vraiment dommage que nos conclusions de juillet n'aient pas été reprises.

Pour finir, je voudrais vous poser une question, monsieur le ministre délégué : d'où vous vient cette « fichiermania », cette manie de constituer des fichiers nouveaux ? Un problème nouveau, un nouveau fichier ! Cette fois-ci, devront être fichés les détenteurs d'armes, les personnes ayant subi des hospitalisations d'office, les élèves absents de l'école, et ma liste n'est pas exhaustive !

Qui peut croire que la constitution d'un fichier soit la clé de la réussite d'une politique de prévention ? Il s'agit bien là de mesures d'affichage qui ont bien peu à voir avec une politique de prévention de la délinquance.

Ce texte porte décidément bien mal son nom !

Pour nous, socialistes, une politique de prévention de la délinquance est celle par laquelle nous nous attachons à prévenir les actes délictueux, et ce en cherchant à combattre la misère, en luttant contre les logements insalubres, en privilégiant les encadrements scolaires dans les quartiers difficiles.

Dans ce projet de loi, rien de tout cela n'est abordé : la prévention est bien la grande absente !

Au lieu de cela, nous est proposée en quelques années une série de lois à répétition sur les mêmes sujets. On assiste ainsi à un véritable feuilleton sécuritaire à épisodes livrés tous les six mois : c'est bien le constat de l'échec de la politique du Gouvernement en matière de sécurité.

Nous nous interrogeons donc sur la réelle visée de ce texte et sur le fait que le Gouvernement exige de nous que nous travaillions dans la précipitation, alors qu'il lui aura fallu quatre ans pour préparer le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Pour toutes ces raisons, nous jugeons qu'il convient de reprendre le travail : que la commission des lois reprenne sa réflexion sur la prévention ; que celle des affaires sociales étudie à nouveau les problèmes de santé publique ici évoqués, et que la commission des affaires culturelles se saisisse de l'aspect éducatif. Alors, oui, ensuite, nous pourrons nous retrouver, et cette fois parler vraiment de prévention de la délinquance. Tel est le sens de cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je me contenterai de répondre aux seuls arguments de notre collègue qui portent sur le renvoi en commission, ne souhaitant pas tenter une énième fois de le convaincre que ce texte n'est pas du tout tel qu'il le voit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En tant que maire, je préfère le nouveau texte sur l'hospitalisation d'office à l'ancien, je le dis franchement, même si je reconnais qu'une réforme d'ensemble de l'hospitalisation sous contrainte, hors hospitalisation d'office, est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je vous rappelle, mon cher collègue, que la commission des lois a procédé à soixante auditions. Certes, nous avons été contraints, les uns et les autres, à rentrer plus tôt de vacances, mais je note que jamais la participation de nos collègues de la commission n'avait été aussi importante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Et de droite ! Pour siéger au sein de la commission des lois et la présider depuis un certain nombre d'années, je puis vous assurer qu'une telle assiduité était inédite, mais elle a permis à toutes les opinions de s'exprimer dans leur diversité sur chacun des sujets abordés dans le texte.

Peut-être, d'ailleurs, la période des vacances a-t-elle été plus propice précisément parce que, libérés d'une grande partie de nos nombreuses obligations à ce moment-là, nous avons pu travailler dans de meilleures conditions et oeuvrer dans la sérénité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Écourter les vacances n'aura pas permis de régler les contradictions de ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission des lois a entendu tous les ministres concernés.

À cet égard, je rappelle que ce projet de loi, comme tous les autres, a été signé par le Premier ministre, qu'il a été délibéré en conseil des ministres, même si l'on peut dire qu'il est porté plus spécialement par tel ou tel ministre.

Doit-on regretter que, de plus en plus souvent, les projets de loi soient interministériels ? Ce n'est pas nouveau, et jamais il n'a été reproché aux gouvernements successifs de présenter des textes interministériels. Il faut bien qu'un ministre en particulier soit responsable de l'ensemble.

Dans le cas présent, il était essentiel qu'il s'agisse du ministère de l'intérieur ; cela n'a pas empêché M. le garde des sceaux de venir s'exprimer également.

Votre argument ne saurait donc être retenu, monsieur Gautier.

Enfin, la commission des lois a consacré deux longues matinées à l'audition de tous les ministres concernés. Tous les amendements sans exception ont été examinés à fond. Bref, la commission des lois a travaillé dans de bonnes conditions et la commission des affaires sociales a apporté une contribution extrêmement importante sur les sujets relevant de sa compétence.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, les commissions ayant déjà fait leur travail, il n'y a pas lieu d'adopter cette motion.

Vous avez évoqué l'organisation des travaux parlementaires, monsieur Gautier, et déploré, notamment, l'accumulation des heures de travail. Mais peut-on vraiment nous reprocher de beaucoup travailler, plus, même, que l'Assemblée nationale ? Si nous travaillons un peu plus que nos collègues députés, peut-être est-ce parce que nous approfondissons davantage l'étude des dossiers qui nous sont soumis.

Cela dit, la dérive de nos horaires est réelle : moi qui suis parlementaire depuis vingt ans, je puis l'affirmer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Chacun de nous en conviendra, nous siégeons trop longtemps et il y a une véritable inflation législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si nous voulons améliorer la qualité du travail parlementaire, mes chers collègues, il nous faudra procéder à une profonde réforme du règlement de nos assemblées.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

La motion qui vient d'être présentée n'a pas lieu d'être.

En effet, les rapports des deux commissions sont d'une très grande qualité.

Par ailleurs, je souligne que le Gouvernement, notamment le ministre d'État, alors que voilà maintenant trois ans que la concertation avec tous les acteurs de terrain est engagée, n'a pas souhaité l'urgence sur ce texte : il y aura donc une première puis une deuxième lecture dans chaque assemblée, ce qui donnera à tous le temps de défendre leurs propositions pour un débat toujours plus riche.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce qui donnera le temps de faire campagne électorale !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Entrons donc de plain-pied dans le débat pour que chacun, ici, puisse exprimer son talent et faire des propositions concrètes. Il n'y a plus une seconde à perdre !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, aucune explication de vote n'est admise en l'occurrence.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je mets aux voix la motion n° 79, tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 222 :

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

CHAPITRE IER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 9, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est créé un Fonds pour la prévention de la délinquance, destiné à financer la réalisation d'actions dans le cadre des instances territoriales de prévention de la délinquance définies par décret.

Il est fait rapport une fois par an à ces instances des résultats des actions financées par le Fonds pour la prévention de la délinquance, en regard des moyens financiers engagés et des objectifs poursuivis.

Les crédits du Fonds sont répartis entre les départements selon les critères définis par décret en Conseil d'État.

Ces crédits sont délégués au représentant de l'État dans le département, qui arrête le montant des dotations versées aux communes et établissements publics de coopération intercommunale de son ressort territorial, après examen, par les instances territoriales de prévention de la délinquance définies par décret, du rapport prévu au deuxième alinéa. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Afin de satisfaire une demande qui a été exprimée très largement au cours des auditions par les associations d'élus locaux, ce premier amendement a pour objet de mettre en place un fonds interministériel de prévention de la délinquance, pour répondre au problème récurrent de l'insuffisance des moyens dans ce domaine.

Trois objectifs sont ainsi visés.

Il s'agit, premièrement, d'assurer une meilleure lisibilité des financements des actions de prévention de la délinquance, qui sont actuellement fondus dans la politique de la Ville tout en relevant également d'un certain nombre de politiques sectorielles.

Il s'agit, deuxièmement, de renforcer l'efficacité des actions menées localement. Nous proposons d'instaurer des évaluations obligatoires, dont les résultats pourraient conditionner la reconduction éventuelle de ces actions.

Il s'agit, troisièmement, de cibler les actions de prévention de la délinquance menées sur les territoires définis comme prioritaires en la matière.

Le montant des moyens d'ores et déjà identifiés est de l'ordre de 30 millions d'euros. Le fonds pourrait, d'une part, financer le fonctionnement d'actions menées, notamment, par des associations de prévention, sur la base de diagnostics élaborés en commun dans le cadre des CLSPD, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, et, d'autre part, soutenir certains investissements dans des équipements de sécurité, notamment pour les lycées et collèges, dans des équipements de transport collectif et dans l'habitat social.

Par le biais de cet amendement, nous souhaitons simplement mettre en place un véhicule financier. Bien évidemment, il conviendra que, lors de la discussion du projet de loi de finances, nous précisions les modalités de fonctionnement prévues pour sa mise en oeuvre. Ce fonds pourra alors avoir une vie propre et être alimenté par d'autres crédits que ceux qui existent actuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le sous-amendement n° 323, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte de l'amendement n° 9, après le mot :

délinquance,

insérer les mots :

alimenté par une taxe prélevée sur le secteur de la grande distribution, les compagnies d'assurance et les sociétés de gardiennage,

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Souhaitant également proposer la création d'un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, nous avons déposé en ce sens un amendement n° 245 tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er.

Or nous découvrons aujourd'hui, en séance, que la commission des lois, qui partage notre objectif, a déplacé son propre amendement pour le situer, dans l'ordre de discussion, au même endroit que le nôtre. Loin de lui en faire le reproche, nous estimons qu'elle démontre ainsi la pertinence de notre démarche, et nous nous en félicitons.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, la création, opportune, de ce fonds répond à une demande des associations et permettra d'assurer une meilleure lisibilité des actions menées grâce à leur évaluation. En effet, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, il est bon d'avoir une vue globale et comparative du montant des crédits inscrits et des crédits consommés au fil des années.

En réalité, monsieur le ministre délégué, la commission est venue à votre secours pour, d'une certaine façon, « sauver » le projet du Gouvernement. Pour notre part, nous avons déjà expliqué fort longuement pourquoi nous le rejetions en bloc. Malgré tout, comme nous sommes des gens de bonne volonté, nous préparons l'avenir : or l'une des raisons du manque total de crédibilité de ce projet est précisément l'absence de financement prévu.

En l'espèce, monsieur le rapporteur, la commission prévoit d'alimenter le fonds qu'elle propose de créer avec des crédits existants. Vous l'avez encore répété à l'instant, ce fonds servira d'« appelant ». On se croirait à la chasse ! Pour vous résumer, puisqu'un fonds est créé, il faudra bien le garnir : quel acte de foi ! Mais il n'est pas du tout évident que les choses se passent ainsi.

Par le sous-amendement n° 323, nous vous proposons un moyen d'abonder ce fonds, en tout cas partiellement. M. Hortefeux a déclaré hier qu'il bénéficierait de crédits « bunkérisés ». Soit, mais un bunker est par définition une construction beaucoup trop solide pour pouvoir être agrandie rien qu'en poussant les murs !

De ce point de vue, nous craignons donc que le financement de ce fonds ne se limite aux crédits que vous avez pointés tout à l'heure. D'après le texte de l'amendement, ceux-ci seront délégués aux préfets, qui les répartiront ensuite entre les communes. Or ce sont précisément ces mêmes crédits qui subissent une très forte diminution depuis des années, notamment l'année dernière.

Ainsi, d'après la cellule interministérielle de suivi et d'animation des CLS, les collectivités locales financeraient actuellement 50 % des actions prévues par les CLS, et l'État seulement 30 %.

En outre, nous pouvons légitimement supposer que certains de ces crédits sont utilisés pour soutenir les associations s'occupant des familles en difficulté, associations qui, c'est indéniable, font de la prévention. Or nous savons combien ces associations sont prises à la gorge, souvent pour des difficultés de trésorerie, parce que l'État rechigne manifestement à leur assurer un financement suffisant et se contente de racler les fonds de tiroir.

Afin, justement, d'assurer un tel financement, nous proposons donc d'alimenter ce fonds par une taxe prélevée sur le secteur de la grande distribution, les compagnies d'assurance et les sociétés de gardiennage. Le montant ainsi récupéré devrait être très intéressant, notamment du côté des sociétés de gardiennage.

Mes chers collègues, une telle idée n'est pas complètement nouvelle puisqu'elle figurait déjà dans le rapport de Gilbert Bonnemaison. Peut-être que certains d'entre vous me rétorqueront que nous sommes ringards. Mais pas du tout ! Nombreuses sont les propositions de Gilbert Bonnemaison qui ont été reprises et qui restent d'actualité, à l'image des CSLPD ou de la police de proximité. Il avait d'ailleurs tout prévu, y compris le financement. Si ses idées n'ont pas produit plus de résultats, c'est que la politique qui s'en inspirait a été brutalement abandonnée en 1986, puis de nouveau en 2002.

En définitive, le financement que nous vous proposons est réel et repose sur une assise solide. Il est vrai que la littérature sur les sociétés de gardiennage n'est pas très abondante, mais les estimations connues sur leurs profits varient tout de même de 2 milliards d'euros à 4, 5 milliards d'euros. Le taux de la taxe reste à fixer, mais, en tout état de cause, nous disposerions d'une marge assez intéressante et de moyens suffisants pour pouvoir mener une véritable politique, ce qui n'est pas le cas actuellement et ce qui ne pourra pas plus être le cas avec le seul amendement de la commission.

Je le répète, la commission ne prévoit pour ce fonds aucune ressource complémentaire dans un secteur où les besoins sont pourtant criants.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 245, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Bockel, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est créé un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance alimenté par une taxe prélevée sur le secteur de la grande distribution, les compagnies d'assurance et les sociétés de gardiennage.

II. - Les modalités de création de ce fonds sont précisées dans la prochaine loi de finances.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

J'ai défendu cet amendement, monsieur le président, en m'exprimant sur le sous-amendement n° 323.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission des lois n'a pu examiner le sous-amendement n° 323, mais, comme M. Peyronnet vient de le souligner, il vise à compléter l'amendement n° 245 qui, lui, a été soumis à la commission.

Dans ce domaine, la commission et le groupe socialiste ne sont pas totalement en désaccord, puisqu'ils prônent la mise en place d'un fonds pour financer les actions en matière de prévention de la délinquance.

Cela étant, notre préoccupation est double : nous souhaitons non seulement trouver des crédits supplémentaires, mais également assurer une meilleure utilisation des crédits existants. La lisibilité obtenue grâce à ce fonds permettra déjà aux parlementaires de mieux appréhender l'évolution des crédits, d'une part, et leur utilisation, d'autre part.

Pour le reste, j'ai un peu l'impression d'être déjà en porte-à-faux par rapport à mes collègues de la commission des finances, qui, n'ayant pas été saisis pour avis, n'ont pas pu donner leur avis sur la mise en place de ce fonds. Je ne souhaite donc pas aller plus loin que ce qui est proposé par la commission des lois en m'engageant sur la détermination précise d'une nouvelle taxe.

Au demeurant, il semble que le Gouvernement ne s'oppose pas à la création de ce fonds interministériel. Nous reprendrons donc cette discussion au moment de l'examen du projet de loi de finances. À ce moment-là, le Gouvernement pourra d'ailleurs, s'il le souhaite, faire lui-même de nouvelles propositions.

En cette matière, le mieux est l'ennemi du bien. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 323 et sur l'amendement n° 245.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Monsieur le rapporteur, la commission a le mérite, au début de l'examen des articles de ce projet de loi, de poser un problème soulevé, d'ailleurs, sur toutes les travées de cet hémicycle et auquel le Gouvernement entend apporter une réponse très claire.

Nous voulons en effet sanctuariser, et non pas « bunkériser », les moyens que l'État consacre à la prévention de la délinquance, et ce dans un double objectif.

Nous entendons ainsi d'abord assurer une meilleure lisibilité des financements concourant à la prévention de la délinquance sur le plan national, pour obtenir ensuite, sur le plan local, une gestion coordonnée et transparente de ces crédits afin de prendre en compte les actions menées par les collectivités locales et de mieux les soutenir.

C'est bien pour montrer notre volonté de travailler dans cette direction que nous accueillons avec satisfaction la proposition la commission des lois et émettons un avis favorable sur l'amendement n° 9. Le fonds interministériel de prévention sera en effet un outil très utile.

Monsieur Peyronnet, si, sur le fond, nous sommes favorables à votre démarche, nous estimons que les modalités d'application doivent être précisées en loi de finances. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer le sous-amendement n° 323 et l'amendement n° 245. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 323.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mes chers collègues, nous abordons ici un problème essentiel. Il est tout à fait bienvenu de le faire en début de discussion, car c'est bien dans ce domaine que le bât blesse : quelle peut être, en effet, une nouvelle politique de prévention de la délinquance sans moyens financiers nouveaux pour l'assumer ?

Je ne voudrais pas être désagréable envers M. le rapporteur, pour lequel j'ai beaucoup d'estime, mais l'amendement de la commission s'apparente tout de même à une manoeuvre de diversion : pas un sou supplémentaire n'est prévu ! Elle baptise « fonds » ce qui est en fait la mise en commun de lignes de crédits existantes. Il s'agit en somme d'un fonds sans fonds !

Nous avons malheureusement pris l'habitude de déplorer une telle façon de procéder : ainsi, pour La Poste, le fonds de péréquation créé ne disposait d'aucun fonds ! Je pourrais d'ailleurs citer d'autres exemples de création de fonds non abondés ou reprenant, sous une étiquette nouvelle, ce qui existe déjà.

En l'espèce, mon collègue l'a déjà souligné, le fait de prévoir 30 millions d'euros est tout de même très insuffisant quand nous connaissons l'ampleur du problème et savons à quoi renvoie la montée de la délinquance.

Il s'agit d'essayer de réparer un tissu social qui se délite. Si l'on veut vraiment mener une politique de prévention de la délinquance et si l'on considère qu'il y a urgence en la matière, il faut accepter d'y consacrer les fonds nécessaires. Tout le reste n'est que fumée. Dire le contraire revient à se moquer du monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je défendrai à mon tour le sous-amendement n° 323 de M. Peyronnet.

Dans cette affaire comme dans beaucoup d'autres, ce sont les fonds qui manquent le plus.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Or, depuis un certain nombre d'années, la tendance consiste à consacrer prioritairement les moyens existants et les moyens complémentaires à la répression. Celle-ci est nécessaire, nous n'en disconvenons pas, mais il faut également mener une importante politique de prévention.

Alors le Gouvernement dépose un projet de loi. Mais où sont les moyens ? À la lecture de ce texte, chacun peut constater que les moyens nécessaires pour mener cette politique ne sont pas mis sur la table et que les responsabilités des communes sont en revanche accrues. Comme on le disait tout à l'heure, c'est un fonds sans fonds !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je souhaite rendre ici hommage à la grande honnêteté de notre rapporteur, M. Lecerf, qui nous a dit très clairement que ce fonds résultait de l'addition de lignes budgétaires existantes. S'il en est ainsi, il ne s'agit que d'une manoeuvre verbale consistant à nommer autrement des crédits qui existent déjà, sans même qu'un sou supplémentaire soit prévu.

Jean-Claude Peyronnet, lui, a cité des chiffres et fait des propositions concrètes. L'amendement de M. le rapporteur gagnerait donc en force si son sous-amendement était adopté.

Par exemple, les sociétés de gardiennage se sont énormément développées dans ce pays. Dans ces conditions, qui trouverait anormal qu'elles s'acquittent d'une contribution permettant de mettre en oeuvre une politique de prévention de la délinquance ? Il s'agit là de mesures très concrètes. Or, si nous refusons d'entrer dans le concret, nous commençons bien mal l'examen des articles de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

J'ai rappelé hier, en conclusion de mon intervention, que toutes les collectivités locales qui se sont engagées dans la prévention de la délinquance, au travers de leurs conseils communaux ou intercommunaux de prévention, connaissaient aujourd'hui des difficultés pour financer leurs actions de prévention et les pérenniser. Certaines collectivités ont d'ailleurs été obligées d'en réduire la voilure.

Ces actions sont pourtant tout à fait dans l'axe des mesures que vous défendez depuis hier, monsieur le ministre délégué. Je citerai par exemple le service d'aide aux victimes que nous avons mis en place dans le département du Nord, ou le traitement des incivilités en temps réel. Ainsi, l'année dernière, une de ces associations a dû racler les fonds de tiroir pour empêcher la suppression d'une partie des actions qu'elle mène afin d'accompagner les jeunes mineurs dès la première incivilité et de prévenir la récidive.

Ces actions sont financées par les crédits relevant de la justice de droit commun, qui sont destinés à accompagner toutes les initiatives proposées dans le cadre des CLSPD et du travail mené avec les délégués du procureur. Or ces actions souffrent aujourd'hui d'énormes problèmes de pérennisation quant à leurs financements. Chacun d'entre nous devra donc faire en sorte de renforcer et d'augmenter ces crédits lors de l'examen du projet de loi de finances, car ils font partie intégrante de la politique de prévention de la délinquance, politique prioritaire que vous défendez aujourd'hui, monsieur le ministre délégué.

Il est un deuxième type de crédits qui interviennent dans le financement de ces actions, alors qu'ils n'y sont normalement pas affectés, ce sont ceux du fonds interministériels d'intervention pour la ville, le FIV. Ces crédits servent aujourd'hui de variable d'ajustement, car les autres fonds ne sont pas suffisants. Les fonds du FIV sont donc détournés de leur destination initiale, alors que nous en avons tant besoin pour agir dans les quartiers, pour accompagner les familles et les enfants dès leur plus jeune âge, pour éviter l'échec scolaire.

Une véritable politique de prévention consiste en effet à faire en sorte que ces enfants ne rencontrent pas de problèmes dès l'école ou même au sein de leur famille. Il ne faut donc surtout pas utiliser le FIV pour alimenter un autre fonds !

Vous voyez donc où je veux en venir, monsieur le ministre délégué. Je considère, comme toutes les personnes qui agissent sur le terrain, maires ou travailleurs sociaux, que la création d'un tel fonds est essentielle, à condition toutefois que vous nous garantissiez que nous pourrons prétendre à des crédits nouveaux, mobilisés par le ministère de l'intérieur, pour renforcer ces missions essentielles que sont l'action éducative, l'action sociale et la prévention de la délinquance.

Mon intervention a donc pour objet non pas de contester le bien-fondé de la proposition de M. Lecerf, mais bien plutôt de m'assurer que tous les ministères fourniront un effort conjoint afin de dégager des crédits supplémentaires, et que l'on n'assistera pas à un simple redéploiement.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Je voterai l'amendement de M. le rapporteur de la commission des lois dans sa rédaction actuelle, dans la mesure où ce fonds a pour fonction d'individualiser et de rendre lisible la politique menée en la matière.

En revanche, je ne peux pas souscrire au sous-amendement de nos collègues socialistes. C'est bien joli de vouloir créer une nouvelle charge, mais il faudrait tout de même se pencher sur l'état de nos finances publiques !

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

M. André Lardeux. Les finances publiques sont en effet dans un état qui est loin d'être satisfaisant. Mais nous en reparlerons au moment de l'examen du projet de loi de finances.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Si l'on veut consacrer davantage d'argent à ce fonds, mes chers collègues, il faut avoir le courage de dire sur quelles autres dépenses on compte faire des efforts et des sacrifices. Notre mission est non pas de créer de nouvelles charges, mais de dépenser autrement.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Nos concitoyens seraient sinon en droit de nous adresser des reproches et nous ferions une mauvaise action pour l'avenir.

De grâce, arrêtons de semer des fonctionnaires et de faire pousser des impôts !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Au nom du groupe socialiste, je vous propose en fait de rectifier le sous-amendement n° 323. Je reconnais que cette méthode de travail n'est pas bonne, car nous sommes en séance publique et non en commission. Mais, si nous avons demandé le renvoi du texte en commission, ce n'était pas par hasard !

J'ai bien entendu les propos de M. le ministre délégué. En général, j'écoute ce que disent les ministres lorsqu'ils parlent calmement.

Je vous propose donc de prévoir que ce fonds sera abondé par des crédits nouveaux qui seront votés dans la prochaine loi de finances. Il pourra s'agir d'un redéploiement de crédits mais aussi de crédits nouveaux. Cette nouvelle rédaction ne prévoit donc pas précisément la création d'une nouvelle taxe.

En effet, je pense que la proposition de la commission des lois n'est valable qu'à la condition d'être modifiée en ce sens. Sinon, elle n'est même pas de nature législative. Je m'étonne d'ailleurs que notre éminent rapporteur, professeur de droit de son état, et notre éminent président de la commission des lois, dont la pratique parlementaire est grande, puissent déposer des amendements qui ne sont pas de nature législative. En l'occurrence, il n'est pas de bonne méthode législative de proposer la création d'un fonds sans déterminer la façon dont il sera financé.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis donc saisi d'un amendement n° 323 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte de l'amendement n° 9, après le mot :

délinquance,

insérer les mots :

abondé par des crédits nouveaux votés dans le cadre de la prochaine loi de finances,

La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Je voudrais réagir, tout en soutenant mes amis, aux propos tenus tout à l'heure par l'un de nos collègues, qui soutenait que la création d'un tel fonds et son abondement entraîneraient la création de charges nouvelles. En général, j'entends bien ce genre d'argument. Mais, dans ce cas particulier, je demande que l'on y réfléchisse à deux fois.

Il s'agit en l'occurrence de tendre ce filet à petites mailles qui permet à la société de protéger les jeunes les plus fragiles et de rattraper ceux qui ne sont pas encore passés « de l'autre côté », c'est-à-dire tombés dans la délinquance.

Je ne crois pas que ce soit le moment de dire que l'on dépense trop. Je vous rappelle qu'actuellement une personne dont les revenus mensuels sont de 15 550 euros a droit à 450 euros de réduction d'impôt par mois. Nous sommes donc fondés à penser qu'une certaine redistribution est possible, notamment grâce à des fonds de cette nature, entre ceux qui ont beaucoup et ceux qui ont davantage besoin d'être aidés.

J'insiste sur ce point, car des propos fort injustes sont tenus, ici et là, sur le rapport Bonnemaison et les pratiques qui ont résulté de la politique de prévention de la délinquance et des conseils locaux, ainsi que sur le rapport Schwartz. Ces travaux nous ont pourtant permis, dans les années quatre-vingt, de poser les bases d'une politique active de prévention, menée au plus près du terrain, afin de prendre en compte ces réalités nouvelles qu'aucun d'entre nous ne savait maîtriser à l'époque, et je m'inclus dans ce groupe.

Nous avons alors découvert les méthodes d'intervention de « l'informel », c'est-à-dire des éducateurs de rue, que nous ne connaissions pas, car nous étions habitués à des institutions beaucoup plus globalisantes d'intervention en prévention de la délinquance.

Lorsque les praticiens de terrain, et pas l'opinion publique, non, ceux qui sont sur la ligne de front et doivent retrouver tous les jours l'énergie de repartir au contact de la réalité pour recommencer un travail qui, quelquefois, a été défait en une soirée, lorsque ceux-là donc pensent que la création d'un fonds nouveau ne changera rien à la situation, alors ils perdent confiance. C'est cela que je veux souligner.

Mes chers collègues, une décision de la représentation nationale peut redonner du courage et de l'énergie aux travailleurs sociaux. Mais elle peut aussi leur faire considérer que « les politiques », comme ils nous appellent, s'agitent, font des mots, créent des institutions, mais ne prévoient rien pour les aider concrètement dans leur travail. Et nous, parlementaires de droite comme de gauche, nous croyons avoir fait « avancer le schmilblick », alors qu'en réalité, le mouvement serait plutôt inverse !

Je souhaite, monsieur le ministre délégué, que vous acceptiez ce sous-amendement tel qu'il a été rectifié par Jean-Pierre Michel, dans la mesure où il ne vous engage qu'à respecter ce que vous proposez vous-même.

Vous dites que vous allez créer un fonds. Il nous faut maintenant décider comment et quand. La parole des pouvoirs publics sera alors beaucoup plus crédible et dynamisante pour les travailleurs sociaux de terrain qui sont confrontés à ces difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous ne voterons pas cet amendement, car nous n'avons pas l'hypocrisie de voter les moyens de financer un dispositif auquel nous sommes totalement opposés.

Cela étant, en tant que parlementaires, nous avons tout de même le droit de savoir comment le Gouvernement entend financer des mesures qualifiées de « supplémentaires », en matière de prévention, encore que ces mesures n'aient rien de préventif. En effet, dans ce texte, rien n'est dit sur les moyens de financer ce dispositif. Mais peut-être allons-nous obtenir ces informations dans la suite du débat : elles nous seraient fort utiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Si j'avais été hésitant en la matière, M. Lardeux m'aurait convaincu de voter le sous-amendement « socialiste », comme il dit. Au passage, ce qui est intéressant, ce n'est pas de savoir de qui émane une proposition mais ce qu'elle contient.

Pourquoi m'aurait-il convaincu ?

Mon cher collègue, pour vous, il ne faut pas créer de charges nouvelles, car il en existe déjà suffisamment. Et vous ne voyez donc aucun inconvénient à voter l'amendement proposé par la commission des lois puisque celui-ci n'entraîne aucun effet : un fonds est créé sans rien dedans. Cet amendement vous satisfait donc, car aucune charge nouvelle n'est prévue.

Nous estimons au contraire, et je crois que c'est un avis unanime dans cet hémicycle - excepté vous, monsieur Lardeux -, que des fonds sont nécessaires pour assumer les dépenses nouvelles entraînées par ce projet de loi. Nous proposons non pas de prélever sur des crédits existant dans le budget, mais bien de dégager des ressources nouvelles en prenant l'argent là où il est.

Je pense, en particulier, aux sociétés de gardiennage qui, on le sait bien, gagnent beaucoup d'argent. C'est pourquoi, je le répète, vous m'avez convaincu, mon cher collègue, qu'il est tout à fait nécessaire de voter notre sous-amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Compte tenu de l'importance de la rectification, et dans la mesure où le sous-amendement n° 323 rectifié ne fait plus état d'une taxe nouvelle, je me dois de consulter de nouveau la commission et le Gouvernement.

Quel est donc l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 323 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Juriste de droit public, je suis au regret de devoir rappeler à mon collègue Jean-Pierre Michel, juriste de droit privé, que la création du fonds est indiscutablement de compétence législative.

En outre, à mon collègue Collombat, qui voit dans l'amendement une éventuelle manoeuvre de diversion, je répondrai que la sanctuarisation, ou la « bunkérisation », de crédits dont certains se plaignaient de la diminution d'année en année me paraît déjà importante : au moins nous aurons ainsi l'assurance que cette diminution, si du moins elle existe, ne pourra pas perdurer. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler certains travaux de la Cour des comptes pointant une utilisation des crédits parfois quelque peu sujette à caution.

En l'état actuel des choses, il me paraît tout aussi important d'avoir fléché, dans notre amendement, le lieu où seront mobilisés les crédits susceptibles de servir à ces politiques de prévention de la délinquance.

Enfin, je ne vois pas en quoi il est particulièrement scandaleux d'attendre le prochain projet de loi de finances qui, faut-il le dire, ne tardera pas à venir en discussion devant les assemblées. En outre, il me paraît difficile que le législateur d'aujourd'hui vienne tenir la main du législateur du mois de décembre.

Nous en convenons tous, ce fonds est important, car il permettra un meilleur contrôle parlementaire et une plus grande lisibilité des crédits disponibles. Je remercie donc le Gouvernement d'en accepter la création. Nous rediscuterons des modalités de son alimentation lors de la discussion du projet de loi de finances. Mes chers collègues, à chaque jour suffit sa peine !

Donc, monsieur le président, la commission des lois maintient son avis défavorable sur l'amendement n° 245, comme sur le sous-amendement n ° 323 même rectifié.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

J'ai le sentiment que toutes les interventions expriment un même souci, mobiliser là où il faut les crédits nécessaires pour atteindre l'objectif.

Les uns et les autres, nous le savons d'expérience, les réponses apportées par les multiples fonds d'intervention existants sont quelquefois trop ponctuelles et pas toujours aussi efficaces que nous le voudrions. Pour autant, ces fonds ont le mérite d'exister et nous ne souhaiterions pas plus que Mme Létard qu'ils soient récupérés pour abonder le futur fonds aux mêmes fins, mais d'une manière différente.

Donc, madame Létard, je souscris complètement à ce que vous avez dit. Je souscris aussi au propos de M. Mélenchon : le Gouvernement connaît trop les difficultés auxquelles sont confrontés les travailleurs sociaux, leurs espérances d'un jour, leur désespoir du lendemain, pour ne pas être favorable à la création de ce fonds.

M. le rapporteur l'a rappelé, l'objectif, c'est la sanctuarisation. Je m'y engage personnellement au nom du Gouvernement.

Cela étant, nous ne sommes qu'au début de la discussion parlementaire. Je l'ai déjà dit, il nous paraît souhaitable, au ministre d'État et à moi-même, que, dans la perspective de l'examen de la prochaine loi de finances, une proposition supplémentaire intervienne avant la fin de vos travaux.

La navette nous donnera le temps d'affiner le dispositif, de déterminer avec précision le périmètre de ce fonds et d'assurer la coordination entre sa création par le projet de loi de prévention de la délinquance et les dispositions qui devront, en tant que de besoin, en assurer la traduction dans la loi de finances, compte tenu notamment du nouveau cadre budgétaire fixé par la LOLF.

Pour préparer un document de politique transversale, mission a été confiée à l'Inspection générale de l'administration de recenser tous les crédits concernés actuellement dispersés.

Encore une fois, nous ne sommes pas dans l'urgence, nous n'en sommes qu'au début d'une discussion qui, entre les différentes lectures des deux assemblées, nous laisse tout le temps nécessaire. Le Gouvernement accepte d'ores et déjà l'amendement visant à créer ce fonds sanctuarisé.

Rappelez-vous : sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, nous étions dans l'urgence. Pour autant, cela ne nous a pas empêchés, dès la discussion à l'Assemblée nationale, d'annoncer, sur la politique du codéveloppement, par exemple, que Bercy allait évaluer les moyens envoyés vers leur pays d'origine par les étrangers en situation régulière et travaillant en France. L'objectif était d'être en mesure, au moment de la discussion au Sénat, d'apprécier comment nous pourrions mobiliser des moyens en faveur du codéveloppement. Et nous y sommes arrivés, ce qui a été salué sur quasiment toutes les travées du Sénat.

Ce que nous avons réussi dans l'urgence, nous allons pouvoir le faire sur un texte dont la discussion va prendre du temps - deux lectures au Sénat et deux lectures à l'Assemblée nationale -, pour mieux définir le périmètre de ce fonds et mieux l'ajuster.

Ce que je demande, au nom du Gouvernement, c'est, premièrement, que le Sénat adopte l'amendement de la commission et, deuxièmement, que le groupe socialiste accepte de retirer son sous-amendement ainsi que son amendement, même si leur finalité n'est pas contestable. Ainsi, d'ici au terme de la discussion, nous serons capables, grâce aux éléments transversaux qui nous seront communiqués, notamment par l'IGA, d'aller plus loin dans nos échanges et sur les propositions destinées à mieux définir le mode d'intervention de ce fonds.

Telle est la proposition que je fais au nom du Gouvernement. Si toutefois le groupe socialiste ne retirait pas son sous-amendement et son amendement, l'avis du Gouvernement serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je reconnais aux derniers propos de M. le ministre délégué le mérite de la clarté. Il le dit, nous n'en sommes qu'au début, d'autres discussions suivront.

On l'a bien vu, les deux textes, celui de la commission et celui de nos collègues socialistes, sont très proches l'un de l'autre. En effet, dans les deux cas, on crée un fonds, et on laisse au Parlement, comme la LOLF y oblige, le soin d'abonder ce fonds lors de la discussion de la loi de finances.

On voit bien aussi où sont les différences.

Pour M. le ministre délégué, nous avons du temps puisqu'il n'y a pas d'urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. le ministre délégué va donc d'abord faire recenser les crédits existants, que les parlementaires ne connaissent peut-être pas parce qu'ils sont trop émiettés, pour mieux ensuite nous informer, en deuxième lecture, des crédits disponibles pour ce fonds.

Mais, pour la commission comme pour nos collègues socialistes, il doit s'agir de crédits supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Les deux propositions sont très proches. La commission propose de créer un fonds après avoir constaté l'absence de moyens. Si on crée un fonds, c'est pour qu'il ait des moyens, ce n'est pas simplement pour rassembler ceux qui existent.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

C'est au moins une différence entre nous qui vaut la peine d'être soulignée !

Moi, j'ai compris cela parce que, sinon, créer un fonds simplement pour rassembler tous les crédits existants ne présente pas un grand intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Peut-être, mais ce n'est pas ce que dit le rapport !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur le président, je n'ai interrompu personne ; j'ai écouté tout le monde et j'ai bien l'intention de continuer, mais tout de même ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je souhaite très vivement que, par mesure de sauvegarde, le texte évoque la création d'un fonds, sous une forme ou sous une autre. Puis, lors de la deuxième lecture, le ministre nous dira les crédits qui lui seront affectés.

Monsieur le ministre délégué, les maires se voient investis d'un rôle nouveau ; je n'ose pas parler de compétence parce que cela ne figure pas dans le projet de loi. Il faudra bien faire quelque chose si l'on ne veut pas aigrir les maires, bientôt réduits à constater que ce rôle nouveau ne s'accompagne pas de crédits nouveaux. À défaut, nous n'aurons fait qu'aggraver la situation.

Monsieur le ministre délégué, nous vous faisons confiance. Nous attendons que vous reveniez devant nous pour nous présenter le recensement des crédits existants et pour y ajouter de nouveaux. Il me semble qu'il faut vous laisser ce délai pour pouvoir travailler.

Mme Valérie Létard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je ne retirerai pas l'amendement n° 323 rectifié. Certes, je comprends les arguments avancés.

La commission, au terme d'un véritable acte de foi, s'en tient à la création d'un fonds, considérant qu'il devra bien un jour être rempli. Sauf que ce n'est pas évident : cela peut arriver, mais cela peut ne pas se faire.

La rectification proposée par M. Jean-Pierre Michel est judicieuse parce que de la sorte nous n'entrons pas dans le détail des crédits nouveaux qui devront venir abonder le fonds. Nous répondons également au souhait de M. Lardeux, puisqu'il pourra s'agir de crédits de redéploiement ; je ne doute pas que notre collègue se ralliera à notre proposition.

En tout cas, nous ne voterons pas l'amendement de M. le rapporteur si notre sous-amendement n'est pas adopté. Encore une fois, mes chers collègues, un fonds sans fonds ne présente qu'un intérêt comptable dans le cadre de la LOLF, ce qui est tout à fait insuffisant eu égard au sujet.

Le sous-amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2, et l'amendement n° 245 n'a plus d'objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 246, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Bockel, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Il est créé un conseil interministériel de prévention de la délinquance.

Ce conseil est présidé par le Premier ministre.

Le conseil détermine les orientations de la politique gouvernementale en matière de prévention de la délinquance et veille à leur mise en oeuvre. Il coordonne l'action des ministères et l'utilisation des moyens budgétaires consacrés à la politique de prévention de la délinquance, notamment ceux provenant du fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Il adopte chaque année un rapport transmis au Parlement, rendu public, retraçant les résultats de la politique de prévention de la délinquance et exposant les orientations de l'État en ce domaine.

Un secrétaire général, nommé par décret et placé auprès du Premier ministre, assure le secrétariat du conseil interministériel de prévention de la délinquance. Il prépare les travaux et délibérations du conseil et veille à la cohérence de la mise en oeuvre des orientations définies par ce dernier. Il réunit en tant que de besoin les directeurs d'administration centrale concernés par la prévention de la délinquance ainsi que les dirigeants d'organismes publics intéressés. Il prépare le rapport au Parlement mentionné au troisième alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Nous restons dans le sujet. Qui défendra le fonds que vous venez de voter ? Il est intéressant de constater que les moyens actuellement dispersés entre missions et ministères seront forcément défendus à un moment ou à un autre. Vous venez de créer un fonds regroupant les différents crédits alloués à la prévention de la délinquance sans qu'on sache encore qui le défendra. Nous proposons donc de créer un conseil interministériel de prévention de la délinquance qui sera présidé par le Premier ministre.

Je relève, d'ailleurs, que bien des ministères, pourtant concernés, n'ont été auditionnés ni par la commission des lois ni par la commission des affaires sociales. C'est le cas du ministère de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Peut-être, mais ceux du ministère de l'éducation nationale ?

Au moins une dizaine de ministères sont concernés. Par conséquent, cela justifie pleinement que cette question ne soit pas traitée uniquement par le ministère de l'intérieur ou un ministère particulier, ce rôle devant être dévolu au Premier ministre.

Telle est la raison pour laquelle nous souhaitons la création d'un conseil interministériel de prévention de la délinquance. Nous pourrons ainsi connaître les moyens budgétaires demandés par chaque ministère, à charge pour le Premier ministre de coordonner leur utilisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission est défavorable à cet amendement parce qu'elle considère que, dans les faits, la proposition de nos collègues est d'ores et déjà satisfaite. Il existe en effet, depuis le début de l'année, un Comité interministériel de prévention de la délinquance. Par son caractère interministériel, il se trouve naturellement placé sous l'autorité du Premier ministre. Qu'ajouterait ce conseil au comité déjà existant ? S'agit-il simplement de transformer un comité en conseil ? Puisqu'un comité vient d'être créé, laissons-le fonctionner !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Ce que vous proposez, monsieur Peyronnet, est à la fois pertinent et étonnant parce que, comme l'a rappelé M. le rapporteur, un comité placé sous l'autorité du Premier ministre a déjà été mis en place par un décret du 7 janvier 2006.

Par conséquent, cet amendement mériterait d'être retiré puisqu'il est satisfait.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 172 rectifié, présenté par M. Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I - Les articles 2 à 40 de l'arrêté du 12 messidor an VIII sont abrogés.

II - Le premier alinéa de l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales est supprimé.

III -Les articles L. 2214-3 et L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales sont applicables à Paris.

IV - Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités territoriales, de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'État de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Apparemment, l'objet de cet amendement ne correspond pas à l'esprit du texte, mais, s'il était voté, il permettrait évidemment à Paris de mieux appliquer les dispositions prévues dans ce projet de loi.

La loi du 31 décembre 1975, qui a modifié l'organisation de Paris en instituant un conseil et un maire élus, visait à aligner le statut de la capitale sur le droit commun de l'administration communale. Mais cette évolution fut partielle : le maintien d'un régime dérogatoire concernant les pouvoirs de police dans la capitale fut, à l'occasion, réaffirmé.

Le passé révolutionnaire de Paris, sa démographie exceptionnelle, sa situation particulière de siège des pouvoirs publics et des représentations diplomatiques, expliquent, à défaut de le justifier, le maintien d'un texte vieux de quelque deux cents ans, à savoir l'arrêté du 12 messidor an VIII, qui a fixé l'exception parisienne.

Cet arrêté avait vocation à préciser les attributions du préfet de police institué par la loi administrative du 28 pluviôse an VIII. Certes, nul ne contestera le principe selon lequel l'État assure par ses propres agents la sécurité des institutions de la République et celle des membres des représentations diplomatiques. En revanche, cette spécificité parisienne ne saurait légitimer que, deux siècles plus tard, et quand bien même quelques attributions ont été reconnues au maire de Paris, le champ des pouvoirs de police communale dévolus au préfet de police reste quasi entier.

Ainsi, le mouvement communal, dont l'amorce est bien antérieure aux lois de décentralisation, ne bénéficie pas, au moins dans ce domaine, à Paris. Au moment où la gestion de proximité est tant vantée, ce n'est pas là l'un des moindres paradoxes que de priver le maire de Paris et les élus parisiens de moyens réglementaires tendant à en assurer l'exercice et à prémunir les Parisiens contre les risques, d'origine humaine ou naturelle, qui les menacent.

L'ordre public communal ne cesse d'évoluer pour mieux s'adapter aux évolutions de la société elle-même. Le maire, autorité de police communale dans tout le reste de la France, dispose ainsi d'une gamme de prérogatives faisant de lui un véritable protagoniste dans des domaines aussi variés que l'organisation de la circulation et du stationnement, la protection de l'environnement, la tranquillité et la sécurité publiques, pour ne citer que ceux-là.

En revanche, l'arrêté consulaire ne pouvait, à l'évidence, anticiper ce mouvement ni vouloir en figer définitivement les acteurs. L'abrogation d'une législation archaïque non seulement fournirait au maire de Paris les moyens réglementaires pour définir et faire respecter les choix des Parisiens, mais aussi devrait lui ouvrir la faculté de se doter d'un corps d'agents de police municipale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission est défavorable à cet amendement, même si elle en comprend bien la portée et l'ambition, et admet qu'il s'inscrit tout à fait dans la logique de la décentralisation. Il est vrai que l'arrêté du 12 messidor an VIII commence à avoir un âge respectable, mais il a été modifié à de très nombreuses reprises, en 1964, en 1975 et en 1982, puis en 2002 par la loi relative à la démocratie de proximité, laquelle a réparti les compétences en matière de pouvoirs de police à Paris.

Sur le fond, sans être opposé à cet amendement, je constate cependant que son adoption reviendrait à démembrer la préfecture de police. Il ne pourrait donc être adopté sans un minimum de concertation ni une réflexion plus approfondie sur le rôle de l'État dans la capitale.

Sur la forme, il paraît également difficile d'introduire une telle disposition en adoptant un amendement à ce projet de loi.

Par conséquent, pour des raisons plus de forme que de fond, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Monsieur Pozzo di Borgo, à mes yeux, il s'agit d'un amendement d'appel. Vous imaginez bien, en effet, que ce n'est pas à l'occasion de l'examen d'un simple amendement que l'on peut engager une réforme d'une telle ampleur. Je ne doute pas que le temps viendra où devra se poser cette grande question.

Quoi qu'il en soit, l'article 1er du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, pour ce qui est de Paris, prévoit une co-animation des actions de prévention de la délinquance entre le maire et le préfet de police.

Il nous paraît donc difficile d'émettre un avis favorable sur cet amendement, que je vous demande de bien vouloir retirer, tout en comprenant le message que vous avez voulu adresser à cette occasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Philippe Goujon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Je ne suis pas opposé à l'argumentaire présenté par notre collègue Yves Pozzo di Borgo. Il s'agit, depuis de nombreuses années, d'un débat récurrent, auquel nos prédécesseurs au Conseil de Paris ont également apporté leur contribution.

Je ne voudrais pas vous infliger un débat sur le statut de la capitale et la répartition des pouvoirs de police entre le maire et le préfet, mais il est parfaitement vrai, comme l'a rappelé notre collègue Yves Pozzo di Borgo, que nous payons encore, plus de deux siècles plus tard, la protection par les sectionnaires parisiens et la garde municipale parisienne de la fuite de Robespierre, poursuivi par les Thermidoriens, à l'Hôtel de ville. Bonaparte a parfaitement compris que la foule parisienne avait joué un rôle éminent sous la Révolution française. C'est la raison pour laquelle il a privé de leurs pouvoirs de police, sinon pour l'éternité, en tout cas jusqu'à aujourd'hui, tous les maires de Paris qui se sont succédé. Le préfet de police, depuis l'arrêté consulaire du 12 messidor an VIII et la loi du 28 pluviôse de la même année, est le seul à détenir ces pouvoirs de police.

Par conséquent, nous devons, selon moi, avoir un débat sur le statut de Paris et, peut-être, proposer un nouveau statut de la ville capitale déconnecté de la loi relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille et Lyon, dite « loi PML », laquelle a été imposée dans les conditions que l'on sait.

Mais ce n'est évidemment pas, comme l'ont rappelé M. le ministre délégué et M. le rapporteur, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance que l'on peut modifier la répartition actuelle des pouvoirs. Néanmoins, ce texte, comme d'autres, comporte un certain nombre de dispositions qui améliorent quelque peu la situation. Je pense notamment aux pouvoirs de police accrus des agents de sécurité de la Ville de Paris s'agissant des relevés d'identité.

Par ailleurs, les différentes lois relatives à la sécurité intérieure présentées par Nicolas Sarkozy depuis 2002 ont permis des avancées remarquables, en octroyant à un certain nombre d'agents de la Ville de Paris quelques pouvoirs de police, y compris de police judiciaire.

C'est donc dans cette voie que nous devons progresser, en attendant un nouveau statut pour la ville de Paris, qui est aussi la capitale de notre pays, nouveau statut que tous les sénateurs parisiens appellent de leurs voeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je serai bref, puisque le groupe socialiste souscrit à la plupart des propos qui viennent d'être tenus.

La question du statut de Paris fait l'objet de façon récurrente d'un débat au Parlement. Pour des raisons d'ordre républicain, les pouvoirs de police, à Paris, sont confiés à l'État et non pas au maire.

Si la situation est, certes, issue de l'histoire, elle doit cependant, selon moi, être maintenue aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas au détour d'un amendement de cette nature, sur un tel projet de loi, que cette question pourrait être réglée, sans concertation préalable avec le Conseil de Paris ni avec le maire de Paris.

Pour ces raisons, nous ne voterons pas l'amendement n° 172 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mes chers collègues, on voit ici, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, comment les sénateurs de droite de Paris, qui appartiennent à la minorité municipale, veulent lancer un débat sur le statut de la capitale.

Monsieur Pozzo di Borgo, je vous rappelle que, si nous avons effectivement des débats récurrents sur ce sujet, la majorité municipale, à l'heure actuelle, est opposée à un changement de statut de la ville de Paris concernant la répartition des pouvoirs de police entre l'État et la municipalité.

Par conséquent, je vous en prie, n'engagez pas le débat ici avant qu'il ait eu lieu au Conseil de Paris et, surtout, en feignant d'ignorer la position de la majorité municipale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

M. le ministre délégué a bien compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel.

Mes chers collègues, vous qui êtes des élus locaux, si vous étiez dans la situation parisienne, vous soutiendriez, me semble-t-il, les élus parisiens.

Je vous rappelle par ailleurs que, au cours de l'histoire, les élus de Paris communistes ou socialistes, avant leur arrivé au pouvoir en 1997, étaient très favorables à une nouvelle répartition. Après le changement de majorité, M. Vaillant, ministre de l'intérieur, et par ailleurs élu de Paris, s'y est opposé, suivant en cela la position du préfet de police. Les élus, toujours très indépendants, se sont alors déclarés hostiles aux positions qu'ils soutenaient deux ans auparavant. La situation fut identique au RPR.

Je remercie Philippe Goujon de m'avoir suivi dans cette affaire. Au demeurant, je vais retirer cet amendement, car ce n'est évidemment pas par ce biais que l'on peut changer le statut de Paris.

Pour ma part, lors des prochaines élections présidentielles, je soutiendrai un candidat « révolutionnaire », tandis que M. Estrosi soutiendra un candidat de « rupture ». J'espère que ce dernier intégrera dans son programme des propositions de ce genre !

Je retire donc l'amendement, monsieur le président.

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À l'article L. 2211-1, après les mots : « sécurité publique », sont insérés les mots : « et de prévention de la délinquance » ;

2° Après l'article L. 2211-3, il est inséré un article L. 2211-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2211-4. - Sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et dans le respect des compétences du représentant de l'État ainsi que des collectivités publiques, des établissements et des organismes intéressés, le maire anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre.

« Dans les communes de plus de 10 000 habitants, il préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance mis en place dans des conditions fixées par décret. » ;

3° Après l'article L. 2512-13, il est inséré un article L. 2512-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2512-13-1. - Sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et dans le cadre de leurs compétences respectives, le préfet de police et le maire de Paris animent la politique de prévention de la délinquance et en coordonnent la mise en oeuvre à Paris.

« Ils président le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. » ;

4° L'article L. 2215-2 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 2215-2. - Sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le représentant de l'État dans le département associe le maire à la définition des actions de lutte contre l'insécurité et l'informe régulièrement des résultats obtenus. Les modalités de l'association et de l'information du maire peuvent être définies par des conventions que le maire signe avec l'État.

« Les actions de prévention conduites par les collectivités territoriales et leurs établissements publics doivent être compatibles avec le plan de prévention de la délinquance arrêté par le représentant de l'État dans le département, dans des conditions fixées par décret. » ;

5° Le second alinéa de l'article L. 3214-1 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Il statue sur l'organisation et le financement des services et des actions sanitaires et sociaux qui relèvent de sa compétence, notamment des actions qui concourent à la politique de prévention de la délinquance. Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance, une convention entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale intéressé et le département détermine notamment les territoires prioritaires, les moyens communaux et départementaux engagés et leur mode de coordination, l'organisation du suivi et de l'évaluation des actions mises en oeuvre. » ;

6° Après l'article L. 5211-58, sont insérés les articles L. 5211-59 et L. 5211-60 ainsi rédigés :

« Art. L. 5211-59. - Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, son président anime et coordonne, sous réserve du pouvoir de police des maires des communes membres, les actions qui concourent à l'exercice de cette compétence. Il préside un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, mis en place dans des conditions fixées par décret.

« Art. L. 5211-60. - Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, il peut décider, sous réserve de l'accord de la commune d'implantation, d'acquérir, installer et entretenir des dispositifs de vidéosurveillance. Il peut mettre à disposition de la ou des communes intéressées du personnel pour visionner les images. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet article, mes chers collègues, nous conduit à nous poser la question du rôle du maire.

En effet, l'extension de ses pouvoirs va entraîner une série de conséquences extrêmement dommageables pour notre démocratie, pour la situation des mineurs et de leur famille, ainsi que pour les maires eux-mêmes et les travailleurs sociaux.

Ces nouveaux pouvoirs sont dommageables pour notre démocratie, car ils remettent en cause, d'une part, l'autorité de la justice et, d'autre part, le principe de séparation des pouvoirs. En outre, votre réforme, monsieur le ministre délégué, contribue à la confusion totale des pouvoirs et des compétences.

On a envie de demander à M. le ministre de l'intérieur, qui paraît fasciné par le modèle américain, s'il n'est pas tenté de l'appliquer à tous les niveaux de notre société. Il a ainsi décidé de faire de nos maires des petits shérifs, des contrôleurs sociaux et des instructeurs locaux.

Il s'agit ainsi de procéder à la municipalisation non seulement des pouvoirs de police, qui sont aujourd'hui confiés à l'État, mais aussi de la prévention et de l'action sociale, qui sont du ressort du conseil général.

Monsieur le ministre délégué, après avoir commencé à déléguer certains pouvoirs aux maires dans la loi pour l'égalité des chances, vous poursuivez votre lent mais constant travail de sape de nos institutions judiciaires en voulant déjudiciariser la prévention. Comme l'a d'ailleurs dit le président de la Ligue des droits de l'homme lors d'une audition, avec ce projet de loi, vous nous faites basculer dans une ère d'incertitudes et de dangers inacceptables.

Avec la possibilité, pour les maires, de procéder officiellement à des rappels à l'ordre, de convoquer les familles à ce nouvel ovni juridique que sera le conseil des droits et des devoirs des familles, vous battez en brèche le principe de séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire, sans aucune garantie ni même aucun droit à la défense.

En introduisant aussi formellement le maire dans la chaîne pénale, non seulement vous créez une rupture de confiance entre les habitants et lui, confiance née d'une pratique informelle d'intermédiation, de conciliation et de prévention, mais, surtout, vous oeuvrez à la mise en place d'une sorte de para-juridiction aux contours les plus flous et aux conséquences les plus dommageables pour tous.

La délégation de nouvelles compétences au maire ainsi que la structure de la prévention que vous dessinez, vont causer d'autres dommages à notre société.

Tout d'abord, bien entendu, ces délégations supplémentaires de compétences ne s'accompagnent pas de délégation de moyens financiers.

Encore une fois, ce sera donc aux villes les plus pauvres, les plus vulnérables, les plus démunies, d'assumer le délestage financier auquel vous procédez aujourd'hui. Quand, dans ces villes, des drames interviendront pour cause d'absence de moyens, le maire se verra davantage reprocher ces faits, en plus de sa responsabilité d'élu. Ainsi, vous l'affaiblissez davantage encore, en jetant sur lui un discrédit probable, au lieu de le renforcer et le protéger.

Dans le même sens, avec les obligations nouvelles que fait également peser votre projet de loi sur les travailleurs sociaux ou l'inspecteur d'académie, c'est la responsabilité civile, voire pénale, de ces personnes que vous alourdissez.

Alors que, dans l'actuel du droit, les maires voient très souvent leur responsabilité pénale engagée pour diverses raisons - du panier de basket qui s'effondre sur un enfant dans une école à la voiture du cortège de la fête de village qui dérape et fauche des habitants -, le niveau de mise en cause de leurs responsabilités civile et pénale est tel - l'Association des maires de France nous l'a souvent dit - qu'il est de plus en plus difficile de susciter des vocations. Avec cet article, vous décidez d'alourdir encore cette responsabilité !

De plus, à cette délégation de responsabilité juridique supplémentaire qui pèsera sur les maires et tous les acteurs de la chaîne de prévention, vous ajoutez une délégation de responsabilités politique et morale.

En surfant sur la vague des peurs et des craintes que vous aurez vous-même attisées, vous pourrez, demain, admonester publiquement les maires des villes où se produiront des événements graves, émeutes de banlieues, par exemple. Vous pourrez ainsi mieux reprocher aux maires les violences urbaines - notre pays n'est malheureusement pas à l'abri de ces phénomènes ! -, en disant que vous leur avez pourtant donné tous les pouvoirs et les moyens d'agir !

Enfin, ce projet de loi entraînera une profonde dénaturation de la fonction des acteurs locaux majeurs que sont les maires et les travailleurs sociaux. Le maire n'est pas un agent de répression, ni un agent de contrôle social, même sous le prétexte de prévenir la délinquance. Nos élus n'ont pas vocation à se substituer aux juges, et encore moins aux travailleurs sociaux. Les maires de France doivent résister à la tentation de tout savoir et tout contrôler.

Il en va de même du rôle et du sens de l'action sociale : elle va ainsi perdre sa spécificité, qui consiste en un maillage étroit entre le conseil général, les associations de prévention, les travailleurs sociaux et la justice pour une action de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous avons été plusieurs à le dire, ce texte, particulièrement en son article 1er, donne aux maires un rôle central dans l'animation et la coordination de la politique de prévention de la délinquance.

Nous pensons que ces nouvelles compétences du maire en matière de sécurité risquent, à terme, d'être contreproductives. Les maires vont subir une énorme pression de la part de leurs concitoyens, qui attendront des résultats à court terme en matière de sécurité et de lutte contre la délinquance.

Dans ces circonstances, c'est bien souvent la politique du chiffre et de l'urgence qui guide toute action, ce qui est en totale contradiction avec des actions de prévention. Les maires se retrouveront en quelque sorte piégés : ils seront obligés d'agir vite, sans forcément avoir des moyens à la hauteur des enjeux.

La prévention demande, me semble-t-il, non seulement des moyens, mais également du temps. La commune n'est pas toujours l'échelon qui permet de mener une politique sur le long terme, surtout en ce qui concerne la sécurité.

Or, si de nouvelles compétences sont octroyées aux maires et aux communes, aucune mesure de compensation n'est prévue. J'ai bien suivi le débat sur le fameux fonds sans fonds, qui est donc aujourd'hui un objet non identifié. À mon sens, une politique se fait non avec du virtuel, mais avec du réel !

Nous réaffirmons également que l'État doit être le seul à pouvoir mener une telle action. Or l'article 1er opère un glissement insidieux de la responsabilité des missions de prévention de la délinquance de l'État vers les collectivités territoriales, en particulier les maires.

En résumé, que constatons-nous ? La politique de prévention de la délinquance est éclatée au niveau des communes. Malgré ce que l'on ne cesse de nous affirmer, il s'ensuivra d'inévitables disparités entre celles-ci, cela au détriment non seulement des populations, mais également des maires, qui ne manqueront pas de subir, lors d'échéances électorales, les conséquences de l'éventuel mécontentement de leurs administrés.

Depuis 2002, le Gouvernement a considéré que lutter contre la délinquance signifiait rendre le droit plus répressif et la police plus agressive. Devant l'échec de cette option, il renvoie la balle de la mise en oeuvre de ces actions de prévention de la délinquance aux collectivités locales, en particulier à la commune.

L'enjeu est d'une telle importance que les élus de mon groupe ont souhaité lancer un appel aux maires pour les alerter sur les risques inhérents à de tels choix.

Vous l'avez compris, nous n'acceptons pas l'orientation qui est proposée ici. C'est pourquoi nous rejetterons l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L'article 1er, qui contient les dispositions générales destinées à préciser les compétences de chacun des acteurs de la politique de prévention de la délinquance, relève bien du ministre d'État, ministre de l'intérieur, puisqu'il vise à modifier le code général des collectivités territoriales.

En revanche, on s'étonne que le même ministre d'État soit compétent pour modifier le code pénal, le code de procédure pénale, le code de l'action sociale et des familles, le code de l'éducation et le code de la santé publique. On s'étonne également que le texte de loi, signé par le Premier ministre, bien sûr, ne le soit que par un seul ministre, le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Les autres ministres ne sont pas cosignataires de ce texte. C'est donc bien le ministre d'État, ministre de l'intérieur, qui est le grand, le seul responsable de ce texte relatif à la prévention de la délinquance.

Après avoir écouté M. Sarkozy hier, je me suis interrogé pour comprendre quelle était véritablement sa pensée. En effet, on constate un énorme hiatus entre le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et un certain nombre d'entre nous, qui considèrent que le texte ne comporte que des mesures répressives. Ce n'est donc pas de la prévention, c'est bien de la répression !

Ce texte reprend d'ailleurs très exactement ce qui avait été, à juste titre, dénoncé par Michel Foucault dans Surveiller et punir en tendant à assurer un contrôle social sur les classes populaires, en mettant en place des procédures de délation, des procédures qui vont à l'encontre du respect du secret professionnel, en multipliant les fichiers tout en permettant leur accès à des personnes n'ayant pas la compétence sur le fond, contrairement au principe même des fichiers.

Tout cela rend bien évidemment suspects tous les citoyens, y compris les mineurs. Un simple usager de substances addictives devient un délinquant en puissance et non une personne qu'il faudrait inciter à se soigner, comme le penseraient un certain nombre d'entre nous. Les malades mentaux sont aussi considérés comme des délinquants en puissance, alors qu'ils ne le sont pas tous.

Cette façon de penser me surprend beaucoup. Aussi ai-je essayé d'en savoir plus. Je me suis donc reporté aux écrits de celui qui considère aujourd'hui Nicolas Sarkozy comme son « petit maître à penser », je veux parler de M. Bruno Beausir, alias Doc Gynéco.

Ce dernier a publié un certain nombre d'ouvrages qui sont très intéressants à lire...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

... et sur lesquels je reviendrai tout au court du débat. On y trouve en effet, sur l'usage des produits toxiques, par exemple, beaucoup de pensées très fortes de Bruno Beausir, lesquelles ne vont pas exactement dans le sens de son petit maître à penser ! Mais peut-être Bruno Beausir va-t-il modifier la pensée du ministre d'État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il fait du ministre d'État, ministre de l'intérieur, c'est-à-dire de son petit maître à penser, une description que je vais vous livrer, car elle m'a beaucoup éclairé. J'espère, mes chers collègues, qu'il en sera de même pour vous. Il le compare à George Bush.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. « George Bush n'est pas bon pour l'homme. En tant qu'homme lui-même, il est mauvais, mais il est certainement bon pour la nation, pour l'Amérique. C'est pour ça qu'on prend Sarko.

M. Charles Gautier rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

On sait qu'il n'est pas bon humainement, qu'il est zéro, mais on a l'impression que, pour diriger le pays, il serait bien. Pourquoi ? Parce que Sarkozy veut virer les pauvres renois qui sont dans les squats. »

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je veux dire à M. Michel que son intervention n'est pas digne d'un élu de la République !

Applaudissementssur les travées de l'UMP. -Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Qui a invité Doc Gynéco ? Qui l'a placé au premier rang, lors du discours de clôture de l'université d'été de l'UMP ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Monsieur Michel, celles et ceux qui vous ont fait confiance pensaient sans doute qu'ils pourraient s'appuyer sur un représentant au Sénat capable d'argumenter sur des textes fondamentaux pour rétablir, dans notre pays, l'équilibre en matière de sécurité. Le fait que vous en soyez venu à des attaques personnelles d'une telle bassesse à l'égard du ministre d'État n'est vraiment pas digne de ceux que vous représentez au sein de cet hémicycle !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Cela dit, en cet instant précis, par votre intervention, vous affaiblissez considérablement un grand nombre de démonstrations qui pourront être faites sur d'autres amendements dans le prolongement de notre discussion et qui auraient été perçues comme plus crédibles aux yeux de certains de vos collègues. C'est votre responsabilité. En tout cas, selon moi, monsieur Michel, à cette occasion, vous vous êtes réduit vous-même !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pourquoi avoir invité Doc Gynéco à l'université d'été de l'UMP et pourquoi l'avoir placé au premier rang ? Il a même eu droit à la bise !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Sur l'article 1er, je suis saisi de vingt amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 180 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 247 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 180.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je souscris aux interventions sur l'article de ma collègue Éliane Assassi et de M. Jean-Pierre Michel, y compris la façon tout à fait intéressante avec laquelle ce dernier a exprimé ce qu'il avait envie de dire. Franchement, monsieur le ministre délégué, vous êtes mal placé pour affirmer que les propos qu'il a tenus ne sont pas dignes de notre assemblée !

Pourquoi voulons-nous supprimer l'article 1er ?

Vous envisagez d'accroître les pouvoirs du maire, mais quelle est la réalité derrière ce texte ? Je rappelle au passage que le maire a d'ores et déjà des pouvoirs et des obligations fixés par des textes et qu'il dispose de structures permettant d'échanger et d'évaluer la situation dans sa commune au regard de l'insécurité. Affirmer qu'il faut, par la loi, lui conférer en la matière de nouveaux pouvoirs cache donc quelque chose.

Que cela cache-t-il effectivement ? Vous proposez que le maire ait de nouvelles compétences, mais aucun pouvoir de décision ne lui sera accordé pour sa collectivité. Il sera animateur et coordinateur de la prévention de la délinquance dans sa commune. De plus, ses actions devront être « compatibles » - il y aurait toute une exégèse à faire de ce qualificatif - avec le plan départemental de prévention de la délinquance élaboré par le préfet, ce qui représente une contrainte pour le maire. La commission des lois nous a d'ailleurs soumis un amendement visant à assouplir quelque peu ce qui serait sinon une véritable tutelle du préfet.

C'est la première fois que serait introduite aussi clairement dans une loi une disposition enlevant au maire le droit, sinon l'obligation, issu du suffrage universel de respecter les engagements qu'il a pris lui-même envers les habitants de sa commune. Pourtant, vous aimez beaucoup parler de l'autonomie des communes !

Il aura d'autant moins de pouvoirs que le projet de loi ne prévoit aucun moyen spécifique à cette fin et que nous avons eu la démonstration que le fonds créé sera sans fonds.

J'ajoute que le transfert des charges en matière de police de proximité aux collectivités locales est sous-jacent dans ce texte. Une fois de plus, vous voulez faire porter la responsabilité des conséquences de votre politique par les élus locaux, alors que vous avez décrété que l'État devait continuer à exercer ses pouvoirs régaliens de police et de justice, les seuls que vous voulez bien lui laisser.

Déjà, la police nationale se retire des villes et ce sont bien souvent la police municipale ou des médiateurs qui interviennent sur le terrain. Tout le monde s'accorde à reconnaître que l'existence de deux polices - la police nationale et la gendarmerie - est suffisante. Vous allez de ce fait introduire de nouvelles inégalités de traitement.

Le maire aura en revanche des pouvoirs de sanction sur les individus. L'obligation pour les professionnels de l'action sociale de lui donner des informations sur les familles en difficulté - informations qui aujourd'hui relèvent du secret professionnel -, les rappels à l'ordre, le conseil pour les droits et devoirs des familles, participent de ce pouvoir de sanction.

Le travail social et l'accompagnement demandent du temps, de la confiance. C'est pourquoi les travailleurs sociaux refusent leur instrumentalisation - les personnes la ressentiront comme telle - au service de politiques répressives.

Alors que les maires ont pour mission de recréer du lien social, et on a mesuré, en novembre dernier, le rôle positif que les compétences dont ils sont dotés d'ores et déjà leur ont permis de jouer, du moins à ceux qui l'ont bien voulu, on leur demande de faire l'inverse.

Il est évident que le maire ne peut pas être exonéré de certaines responsabilités en matière de délinquance et que sa proximité lui permet de jouer un rôle essentiel en ce domaine. Mais attention à ce que vous voulez lui faire faire : il n'est pas question ici d'un échange avec les travailleurs sociaux ; il s'agit de lui permettre de prendre seul une décision, avec le risque d'arbitraire qu'elle comporte.

Si les décisions collégiales et, ponctuellement, l'échange d'informations sont nécessaires, ce ne peut être une norme et la concertation peut se faire dans le respect des règles de confidentialité.

Votre projet a non pas pour objet de contribuer au règlement des problèmes, mais bien de faire des maires des « Pères Fouettards», ce que certains refusent.

Car vous semblez penser que tous les maires sont d'accord. C'est faux ! Nombre d'entre eux ne le sont pas, ils nous l'ont dit, et il serait intéressant de les dénombrer.

Votre texte consiste donc à transférer aux maires la responsabilité du maintien de l'ordre et de faire payer les communes. En cela, il est en tout point conforme à vos conceptions puisque l'État se décharge ainsi de ses responsabilités sur les collectivités territoriales. Mais si certains maires espèrent être mieux à même de réagir avec ces dispositions, ils déchanteront vite, notamment dans les communes qui rencontrent le plus de difficultés, notamment les communes les plus pauvres.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 247.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je ne prétends pas être exhaustif sur ce thème. Nous aurons l'occasion, au fil de l'examen des différents alinéas de cet article, d'expliciter notre position.

S'agissant de la dignité de nos débats et de la crédibilité de nos arguments, je veux dire à M. Estrosi que ni M. Sarkozy ni M. Hortefeux n'ont écouté un mot du discours que j'ai prononcé hier. Tout le monde a pu le remarquer.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Moi, je vous écoute !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je l'avais remarqué et je vous en remercie.

Pour autant, cela n'a pas empêché M. Hortefeux, qui doit être tout à fait génial, de me répondre quand même. C'est merveilleux !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

C'est vrai qu'il est génial !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

M. Charles Gautier. C'est une grande oreille !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je suppose que des gens écoutaient à sa place et qu'il a pu bénéficier de petites notes manuscrites. Reste que, si l'on veut parler de dignité et de respect des uns et des autres, il faut alors au moins faire semblant d'écouter.

À cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre délégué, de ne pas faire seulement semblant d'écouter, et de ne pas manquer de nous dire sur des points précis en quoi vous êtes d'accord ou non avec nous.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je suis au moins d'accord avec vous sur un point : M. Hortefeux est génial !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

J'ai dit qu'il devait l'être, monsieur le ministre délégué...Mais nous n'allons pas comparer les mérites des uns et des autres, surtout sur ces thèmes.

Personne ne sera surpris que nous demandions la suppression de cet article, après tout ce que nous avons dit tant au cours de la discussion générale qu'à l'instant, lors de l'examen de l'amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er. Cet article est au coeur du dispositif que vous voulez mettre en place s'agissant du rôle du maire.

Je souscris à ce qu'a dit Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est quelque peu malhonnête de dire que les maires sont d'accord avec ce que vous proposez. Autant ils saluent le fait que ce texte reconnaît leur rôle en la matière, autant ils sont nombreux - si l'on se réfère aux débats qui ont eu lieu au sein de l'Association des maires de France - à exprimer des positions bien plus nuancées sur le rôle qu'on veut leur faire jouer, sur le manque de moyens. Il s'agit même parfois plus que des nuances.

Il faut en effet avoir à l'esprit que, l'AMF étant une association pluraliste, la parole d'un certain nombre de ses membres a été bridée. Si tel n'avait pas été le cas, certains se seraient exprimés de façon sinon beaucoup plus violente du moins beaucoup plus claire.

La consécration législative du rôle des maires, si elle flatte un peu leur ego, est purement symbolique et, de ce fait, ne les satisfait pas complètement. Aux termes d'une sentence déclaratoire, on fait du maire un pilote et un chef d'orchestre sans qu'il soit légitimé en tant qu'acteur efficace de la prévention de la délinquance. Les maires ont joué ce rôle et continuent de le jouer, en l'absence de toute disposition législative. À certains égards, on peut se demander si la loi n'aura pas pour conséquence de les brimer et les brider dans leur action en les positionnant dans un rôle qui n'est pas vraiment le leur et qui les desservira vis-à-vis de leurs concitoyens.

Je passe rapidement sur le manque de moyens financiers de l'État et sur la baisse constante ces dernières années des crédits en faveur de la politique de sécurité dans le cadre notamment de la politique de la Ville et des contrats locaux. Désormais, les collectivités concourent bien plus que l'État au financement de la politique de sécurité, alors même qu'elles manquent d'argent. Les associations qui devraient les soutenir ne le peuvent plus, toujours faute de moyens.

On peut aussi discuter la méthode. Il faudrait mener des actions de prévention, c'est-à-dire devancer et avertir. Or la quasi-totalité de ce qui nous est présenté ici est purement réactif. La définition de la prévention telle qu'elle s'inscrit en filigrane de votre action et du rôle que vous voulez assigner aux maires ressortit en réalité à la répression.

Enfin, une confusion s'instaure dans les transferts de responsabilités. Il n'est pas bon d'imposer aux maires des communes de plus de 10 000 habitants la création d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. En effet, les conseils existants ne fonctionnent bien que parce qu'ils ont suscité l'adhésion, parce qu'il s'est trouvé des personnes convaincues de la nécessité de les mettre en place. Sinon, cela ne sert à rien. Ce n'est pas en imposant la création d'un conseil « dormant », car il en sera forcément ainsi, que les choses iront mieux.

De la même manière, je doute que les relations entre le président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et le conseil général puissent être très efficaces à cet égard. Mais cette confusion institutionnelle ne fait que s'ajouter aux défauts que j'ai déjà mentionnés plus haut.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 293, présenté par Mme Troendle, MM. Carle, Gournac et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa () de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'article L. 2211-3, les mots : « infractions causant un trouble grave à l'ordre public commises » sont remplacés par les mots : « actes graves de délinquance commis »

La parole est à Mme Catherine Troendle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mon intervention sera un peu longue, mais cela me semble indispensable pour une juste compréhension de ma démarche.

Le texte que nous discutons représente, ainsi que nous l'avons largement développé dans la discussion générale, une véritable avancée en faisant du maire le pivot de la politique de prévention de la délinquance à l'échelle de son territoire.

Pourtant, nous savons tous qu'une des premières préoccupations des maires tient au fait qu'ils ne sont pas informés des délits et des crimes qui sont commis sur le territoire de leur commune. J'adhère évidemment à l'ensemble des dispositions qui renforcent leur rôle de coordination. Mais comment pourront-ils l'assurer s'ils ne sont pas mieux informés des infractions qui les concernent par la police ou la gendarmerie ?

L'information des maires est une problématique que nous portons depuis de nombreuses années au Sénat. Cette idée fut initialement développée en 2000 dans des travaux de la majorité sénatoriale. Les conclusions de ces ateliers avaient alors donné lieu au dépôt d'une proposition de loi cosignée par les quatre présidents de groupe de la majorité de l'époque - Henri de Raincourt, Jean Arthuis, Guy Cabanel et Josselin de Rohan. Cette disposition fut adoptée par le Sénat, sous la forme d'un amendement du rapporteur, notre ancien collègue Jean-Pierre Schosteck, lors de l'examen de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, soutenue par Daniel Vaillant. La navette n'avait pas alors permis le maintien de cette disposition.

Dès l'alternance, le décret du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance pris par Nicolas Sarkozy a apporté des précisions sur cette question. Son article 4 prévoit notamment que « les maires sont informés sans délai des actes graves de délinquance commis dans leur commune ». Cette information doit être donnée par les responsables locaux de la police et de la gendarmerie.

Enfin, l'examen du projet de loi Perben II en octobre 2003 a permis de consacrer législativement cette mesure. Dominique Perben avait mis en place un groupe de travail rassemblant des élus et des procureurs de la République, notamment pour réfléchir à la question de l'information des maires afin d'aboutir à une rédaction permettant de « respecter le secret de l'instruction et les règles de la procédure pénale ».

Aux termes de la rédaction actuelle de l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales : « Les maires sont informés sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie des infractions causant un trouble grave à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune, dans le respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale ».

Or, forts de quatre années de pratique, nous savons tous maintenant que la notion de « trouble grave à l'ordre public » restreint considérablement le champ d'application des dispositions alors souhaitées par le législateur.

Pour que ce principe trouve sa pleine application, il convient de consacrer législativement la forme la plus protectrice du droit à l'information des maires, alors même que nous souhaitons faire d'eux les personnages centraux de la coordination de la prévention des actes de délinquance.

En conséquence, l'amendement que je vous propose en revient à la rédaction du décret de 2002, lequel proposait que les maires soient « informés sans délai des actes graves de délinquance commis dans leur commune », étant toutefois entendu que cette information devra s'inscrire dans le respect des dispositions actuelles de l'article 11 du code de procédure pénale, qui garantit le respect du secret de l'instruction.

Cette évolution peut susciter, je le sais, un certain nombre de réticences, notamment de la part des parquets. Je sais aussi qu'il vaut parfois mieux un accord mesuré que l'adoption d'une disposition de posture qui ne sera jamais suivie d'effet dans la pratique.

Pour ces raisons, je suis prête à rectifier mon amendement pour vous proposer une rédaction moins extensive mais qui représentera, néanmoins, une réelle avancée pour les maires. La notion de « trouble grave à l'ordre public » est trop restrictive, mais nous pourrions nous contenter de supprimer le terme « grave ».

Je souhaite néanmoins vous poser deux questions au préalable, monsieur le ministre délégué.

En premier lieu, pouvez-vous nous assurer que, en dépit du maintien de la notion de trouble à l'ordre public, les actes de délinquance qui concernent le maire, notamment parce qu'ils touchent à des relations de voisinage ou affectent la vie d'un quartier, lui seront signalés avec la rédaction que je vous propose ?

En second lieu, comptez-vous prendre devant nous un engagement solennel que la loi, si nous la modifions, sera suivie d'effet et que des instructions seront données aux responsables locaux de la police ou de la gendarmerie afin de garantir aux maires cette information si précieuse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis donc saisi d'un amendement n° 293 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Carle, Gournac et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, et ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa () de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Dans l'article L. 2211-3, le mot : « grave » est supprimé ;

L'amendement n° 128 rectifié, présenté par M. de Broissia, Mme Garriaud-Maylam, MM. Huré, Grignon, Doligé, Milon, Besse, Cléach, Houel, Jarlier, Sido, Billard, Fournier, Esneu, Vial, Leroy et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et M. Retailleau, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :

ainsi que des collectivités publiques

par les mots :

du département et des autres collectivités publiques

La parole est à M. Bruno Retailleau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Cet amendement a pour objet d'éviter une regrettable confusion institutionnelle. Placer le maire au centre des actions de coordination pour la politique de prévention est une mesure de bon sens. Mais nous souhaitons que l'articulation des actions de prévention du maire avec celles du département soit reconnue. Il s'agit donc simplement de citer le département. Les différentes lois de décentralisation en font d'ailleurs un acteur primordial en matière d'action sociale. Cela va de soi, mais cela va encore mieux en le disant !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Michèle André.