Intervention de Cyril Pellevat

Réunion du 9 avril 2019 à 9h30
Questions orales — Délégations de service public et remontées mécaniques

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat :

Monsieur le secrétaire d’État, en France, la loi donne le statut de service public au transport par remontées mécaniques, y compris pour les remontées à vocation touristique dans le contexte concurrentiel des stations.

Ce choix singulier, que la France est seule à avoir fait parmi ses concurrents dans l’arc alpin, comporte des limites dont il est de plus en plus difficile de s’accommoder sans nuire à l’économie de nos stations.

L’application que nous avons ainsi faite des délégations de service public à l’économie très particulière des domaines skiables est une construction juridiquement instable, comme en atteste l’arrêt du Conseil d’État du 29 juin 2018 relatif à la station de ski du Sauze, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Cet arrêt a provoqué une onde de choc de nature à effrayer les investisseurs privés et les établissements financiers.

Dans ce cas d’espèce, une convention « loi Montagne » avait été rédigée entre la collectivité et l’opérateur privé historique de la station, propriétaire des remontées mécaniques, des autres biens et du foncier. Arrivés au terme du contrat, délégant et délégataire ont appliqué les clauses de rachat prévues au contrat, mais se sont heurtés au contrôle de légalité : ces clauses ont été jugées illégales, alors même qu’elles avaient été rédigées et validées par les conseils juridiques et l’administration.

Depuis l’arrêt du Conseil d’État Commune de Douai du 21 décembre 2012, on savait que les clauses d’indemnisation des biens de retour fixées à des valeurs supérieures à la valeur nette comptable étaient regardées comme non conformes, ce qui pose un problème partout où de telles clauses ont été conclues.

L’arrêt Sauze va plus loin : il fait craindre que ces clauses soient inopérantes en pratique, ce qui modifie l’équilibre économique du contrat. Cela pose aussi la question de l’expropriation des exploitants, que l’arrêt Commune de Douai avait exclue.

De surcroît, l’arrêt Sauze exprime une vision très extensive des biens de retour, qui inclut notamment immeubles et parcs de stationnement ; le Conseil d’État semble considérer que l’ensemble des biens de la concession sont des biens de retour. Cet arrêt constitue un revirement jurisprudentiel, qui affecte, directement ou indirectement, toutes les concessions de remontées mécaniques.

L’impermanence des règles pose un problème de loyauté, dès lors qu’on applique la nouvelle règle à des contrats signés antérieurement à l’arrêt Commune de Douai.

C’est encore plus le cas lorsqu’il s’agit d’exploitants qui étaient propriétaires d’une exploitation antérieurement à leur premier conventionnement et que tout le monde – tant leurs conseillers juridiques que les administrations – poussait à signer des clauses d’indemnisation, jugées illégales trente ans plus tard.

Outre les contentieux qui ne manqueront pas de naître de cette situation invraisemblable, ces changements incessants sont de nature à détourner les investisseurs privés des domaines skiables. Une telle situation n’est bonne ni pour les délégants ni pour les délégataires.

Conscients des difficultés nées de l’application du régime des délégations de service public aux remontées mécaniques, Domaines skiables de France et l’Association nationale des maires des stations de montagne se sont réunis plusieurs fois dans le but de formuler des propositions communes.

Dans l’hypothèse où les évolutions du droit rendraient caduques des dispositions contractuelles conclues antérieurement, l’équilibre économique du contrat doit être maintenu.

Ma question, monsieur le secrétaire d’État, est donc la suivante : comment comptez-vous sécuriser le classement des biens et leur indemnisation tel que stipulé dans les contrats conclus antérieurement aux évolutions du droit ?

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