La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 4 avril 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
La parole est à Mme Viviane Malet, auteure de la question n° 669, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur le projet du syndicat mixte de traitement des déchets Ileva, qui concerne les territoires du sud et de l’ouest de l’île de la Réunion.
Ce projet d’outil multifilières de traitement des déchets, qui développe la valorisation matière puis énergétique des déchets, est responsable puisqu’il vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre produit par les déchets.
Il intègre pleinement les objectifs de la feuille de route nationale de l’économie circulaire et la stratégie nationale bas-carbone en cours de révision, avec laquelle doivent être compatibles les programmations pluriannuelles de l’énergie, ou PPE, nationales.
Il est entièrement conforme aux orientations nationales et européennes en matière de stratégie pour l’énergie et le climat, en contribuant à la réduction des gaz à effet de serre et à la décarbonation de l’énergie promue par Mme la ministre des outre-mer.
Il prend en considération les recommandations du deuxième plan national d’adaptation au changement climatique, dit PNACC 2, par sa contribution à la construction de la résilience du territoire réunionnais, en réduisant la pollution des sols, de la mer, des rivières, en luttant contre la prolifération des maladies à transmission vectorielle et en réduisant les émissions de méthane, puissant gaz à effet de serre.
Il a été conçu dans le respect de la PPE ZNI – programmation pluriannuelle de l’énergie pour zone dite non interconnectée – de La Réunion, actuellement en vigueur, qui inclut dans ses objectifs le développement de la production électrique à partir d’énergies renouvelables issues de la filière déchets, avec 16 mégawatts en 2023.
Toutefois, comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, la PPE de La Réunion est actuellement en cours de révision et le porteur du projet ne dispose pas d’informations sur l’avancée et le contenu de cette révision.
Or cette situation est susceptible de paralyser le projet d’Ileva.
En effet, la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, saisie en octobre 2018 du projet de contrat d’achat relatif à l’électricité produite par la valorisation des déchets issus de l’outil multifilières, semble refuser de se prononcer avant de savoir si le projet sera maintenu dans la nouvelle PPE de La Réunion.
Je souhaiterais donc vous entendre me confirmer que le maintien de la valorisation énergétique des déchets reste un objectif de développement des énergies renouvelables dans les PPE pour la période 2023-2028.
Madame la sénatrice Viviane Malet, vous avez interrogé M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, au sujet de la transition écologique sur l’île de la Réunion.
Comme vous l’avez dit et ainsi que le prévoit le code de l’énergie, la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, de La Réunion doit être révisée. Cette révision s’inscrit dans un cadre spécifique aux territoires ultramarins. En effet, en premier lieu, chaque territoire dispose d’une programmation pluriannuelle de l’énergie spécifique. En deuxième lieu, l’autonomie énergétique en 2030 reste l’objectif recherché. En troisième lieu, cette révision est coélaborée entre l’État et la région. En quatrième lieu, des outils spécifiques ont été mis en place par l’État pour accélérer la transition énergétique de ces territoires : par exemple, les appels d’offres territorialisés pour les énergies renouvelables ou les enjeux particuliers autour de la mobilité, qui représente 70 % de l’énergie finale consommée à La Réunion.
Sur ces sujets, les importants travaux menés depuis septembre 2017 entre l’État et la région ont permis d’avancer vers une réelle décarbonation du mix énergétique, notamment avec la conversion des centrales à charbon à la biomasse et un ambitieux plan de développement du photovoltaïque.
Dans le cadre de cette révision, vous m’interrogez sur le volet relatif au développement de la production électrique à partir d’énergies renouvelables issues de la filière déchets. La PPE adoptée en avril 2017 prévoit 16 mégawatts d’installations nouvelles à l’horizon 2023. C’est un point qui est pour l’instant resté en suspens.
Je partage votre constat, la situation des déchets à La Réunion est préoccupante : à l’horizon de deux ans, les installations existantes de traitement des déchets seront à saturation. La gestion des déchets sur l’île est organisée autour de deux bassins de vie. Pour le moment, chaque bassin prévoit d’implanter sur son territoire une installation de valorisation énergétique à partir de combustibles solides de récupération.
Dans le cadre de sa mission de planification, le conseil régional a mené parallèlement sa propre réflexion, élaborant son plan régional de planification et de gestion des déchets, et prône un scénario dit « zéro déchets 2030 » en limitant le recours à la valorisation énergétique des déchets et en privilégiant la pyrogazéification.
Cette stratégie est ambitieuse, notamment au regard du retour d’expérience d’autres collectivités engagées dans des approches similaires. Dans ce cadre, la mission du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, qui a rendu ses conclusions en juillet 2018, considère que la valorisation énergétique des déchets reste nécessaire et souhaitable, à court et moyen terme.
Sans remettre en cause l’objectif de la région, je souhaite qu’une réponse puisse être apportée, sans attendre 2030, à la problématique des déchets à La Réunion. La PPE révisée devra intégrer cette orientation de l’État.
La parole est à M. Serge Babary, auteur de la question n° 681, transmise à M. le ministre de l’intérieur.
Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais attirer votre attention sur le refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle dont ont fait l’objet, ces dernières années, les communes du département d’Indre-et-Loire, fortement touché par les risques liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles.
Chaque année, des milliers de propriétaires constatent l’affaissement et la déstructuration progressive des murs qui se fissurent gravement, rendant impossible l’occupation de certaines habitations.
Or, depuis 2011, aucune commune d’Indre-et-Loire n’a été reconnue en état de catastrophe naturelle, sauf un infime pourcentage en 2017. Les refus répétés de l’État ont conduit 35 communes de mon département à se regrouper au sein d’une association, l’association des communes en zone argileuse.
En outre, une association de particuliers regroupe aujourd’hui plus de 305 personnes qui ont été victimes de ce phénomène sur le territoire de 53 communes du département.
Pour décider de la reconnaissance d’une commune en état de catastrophe naturelle, la commission interministérielle se prononce non sur l’importance des dégâts eux-mêmes, mais sur l’intensité normale de l’agent naturel à l’origine des dégâts.
Elle analyse l’intensité des mouvements de terrain différentiels au regard de deux critères : un critère géotechnique, la nature du sol d’assises des constructions doit être sensible au phénomène de retrait-gonflement ; et un critère climatologique, les niveaux d’humidité des sols superficiels doivent faire état d’une sécheresse des sols particulièrement marquée.
La méthode scientifique de mise en œuvre et d’évaluation de ces deux critères, qui n’a aucune existence légale, reste inconnue.
En mars 2018, Mme la ministre Gourault a indiqué à notre collègue Nicole Bonnefoy que le caractère normal ou non de l’intensité de l’épisode de sécheresse était apprécié au regard des épisodes de sécheresse ayant précédemment touché le même département.
Aussi, alors que le caractère argileux d’un territoire est parfaitement connu et reconnu, la multiplication d’épisodes de sécheresse a nécessairement pour conséquence de normaliser le phénomène. Cette situation est injuste.
Mme Gourault a précisé que des réflexions étaient en cours pour définir réglementairement les modalités d’instruction des dossiers de reconnaissance en catastrophe naturelle.
En l’absence d’avancée, le Sénat a, il y a quelques semaines, constitué une mission d’information pour identifier les difficultés liées à l’indemnisation des sinistres résultant des aléas naturels de forte intensité et proposer des solutions.
Aussi, je souhaiterais savoir où en sont les réflexions pour définir un cadre réglementaire précis et pertinent permettant aux sinistrés d’être indemnisés. J’invite également le Gouvernement à examiner chacune des demandes des communes d’Indre-et-Loire et à leur accorder le bénéfice de l’état de catastrophe naturelle au titre de 2018.
Monsieur le sénateur Babary, un épisode de sécheresse des sols a touché le territoire métropolitain au cours du second semestre 2018, notamment dans le nord-est du pays.
Au 1er avril 2019, plus de 3 500 demandes communales de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse 2018 ont été déposées. La préfecture d’Indre-et-Loire a reçu 88 demandes.
Pour décider de la reconnaissance d’une commune en état de catastrophe naturelle, l’autorité administrative se prononce, comme vous l’avez signalé, non sur l’ampleur des dégâts, mais sur l’intensité anormale de l’agent naturel à l’origine des dégâts. Ensuite, compte tenu de la cinétique lente qui caractérise l’aléa sécheresse et des connaissances scientifiques disponibles à ce jour, deux critères cumulatifs sont mis en œuvre pour caractériser son intensité : premièrement, une condition géotechnique, un sol d’assise des constructions constitué d’argile sensible aux phénomènes de retrait et/ou de gonflement ; deuxièmement, une condition de nature météorologique, une sécheresse du sol d’intensité anormale.
Ce modèle permet à l’autorité administrative d’instruire l’ensemble des demandes sur le fondement de données techniques présentant les mêmes qualités et, ainsi, de s’assurer d’une égalité de traitement des dossiers.
L’instruction effective des dossiers déposés au titre de l’année 2018 interviendra au cours du printemps 2019, Météo-France et les services de l’État concernés ayant été sensibilisés à la nécessité de traiter ces demandes dans des délais rapides.
S’agissant de la simplification de la procédure, elle aboutira dans les prochaines semaines. Les nouveaux critères seront d’ailleurs utilisés dès cette année pour analyser les demandes au titre de l’épisode de sécheresse des sols de l’année 2018.
Ces travaux visent deux objectifs : d’abord, prendre en compte l’amélioration des connaissances scientifiques relatives au phénomène, notamment les modalités techniques de traitement des données météorologiques permettant d’établir le niveau d’humidité des sols superficiels par Météo-France ; ensuite, rendre plus lisibles pour les responsables communaux et les sinistrés les critères mis en œuvre et, à cet égard, un effort de simplification de leur présentation sera réalisé.
Par cette réforme, nous améliorons la qualité des critères tout en rendant plus simple et compréhensible leur mise en œuvre.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 701, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Madame la secrétaire d’État, le devenir du TGV Grand Est suscite la plus grande inquiétude en Moselle.
De fait, le 9 décembre 2018, la SNCF a, de son propre chef, modifié le cadencement des TGV reliant Metz à Paris. Les changements d’horaires opérés depuis cette date ont, effectivement, été décidés sans concertation aucune avec qui que ce soit.
Face aux multiples interrogations suscitées par cette nouvelle politique, la SNCF avance des arguments quelque peu fallacieux. Elle tente, notamment, de faire passer pour des progrès la suppression de trains !
À cet égard, l’exemple du train de 8h56, qui relie Metz à Paris, est particulièrement parlant. Ce train, l’un des plus utilisés sur ce tronçon, avait purement et simplement disparu de l’offre de la SNCF. Jusqu’à son rétablissement, le 1er avril dernier, les usagers devaient donc se reporter sur le train de 7h26, souvent surbooké ou se rendre à Nancy.
Les exemples de changements aberrants sont tout autant parlants dans le sens Paris-Metz, où la SNCF multiplie les Ouigo, qui posent d’autres problèmes.
C’est la raison pour laquelle nombre d’élus mosellans élèvent une protestation unanime, soulignant d’une même voix et avec force que tout citoyen est en droit d’attendre qu’un opérateur de services publics prenne des dispositions pour accompagner les usagers et non pour les dissuader en mettant en place des procédures toujours plus complexes.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pourriez-vous veiller à ce que la SNCF propose dans les meilleurs délais aux élus et aux associations d’usagers une réunion de concertation, afin de mettre un terme à une situation pour le moins pénible à vivre pour tous les usagers de la ligne TGV Grand Est ?
Monsieur le sénateur Mizzon, vous avez bien voulu interroger Mme Élisabeth Borne sur le niveau de service de la liaison TGV Paris-Metz. Ne pouvant être présente, elle m’a chargée de vous répondre.
L’offre Ouigo a été ouverte en juillet 2018 sur cette liaison, avec un aller-retour quotidien, afin d’ouvrir l’accès aux services grande vitesse à des voyageurs très sensibles aux prix. Sur le second semestre 2018, la fréquentation a été particulièrement élevée, avec un total de 120 000 voyageurs transportés. Face à ce succès croissant, SNCF Mobilités a introduit, en décembre 2018, un aller-retour quotidien supplémentaire Ouigo entre Metz et Paris.
Pour prendre en considération les critères techniques, économiques et commerciaux spécifiques à Ouigo, le déploiement de ces trains s’accompagne de nécessaires ajustements du plan de transport des TGV classiques, en vue de favoriser un cadencement plus homogène des trains. Je vous indique cependant qu’une attention toute particulière a finalement été portée aux périodes de pointe, avec le maintien systématique de TGV classiques.
Depuis le 1er avril 2019, SNCF Mobilités a par ailleurs renforcé la liaison Paris-Metz, avec un aller-retour quotidien supplémentaire en TGV classique.
Dans le sens Metz-Paris, vous l’avez dit, SNCF Mobilités a bien positionné un départ TGV classique à 8h56. Dans le sens inverse, deux TGV classiques sont dorénavant proposés en soirée, avec des départs de Paris à 19h40 et 20h48, qui se substituent au train partant à 20h13.
Au final, le nouveau plan de transport permet ainsi de proposer un cadencement des TGV de quarante minutes en moyenne durant les périodes de pointe et de deux heures en moyenne pendant les périodes creuses, en laissant le choix entre les offres TGV et Ouigo.
La SNCF, qui consulte régulièrement les élus locaux et les associations d’usagers pour améliorer ses fréquences et horaires, sera bien sûr en mesure de vous recevoir, dans le cadre d’une nécessaire réunion de concertation, pour préciser ses intentions sur la ligne Paris-Metz.
Je tiens à cette occasion à réaffirmer que le Gouvernement est très attaché à ce qu’un dialogue soit ouvert entre SNCF Mobilités et les territoires. La loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire crée ainsi, à partir du service annuel 2021, des procédures de consultation et d’information obligatoires des territoires avant toute évolution de desserte TGV.
Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais je crains fort que la politique menée à l’heure actuelle par la SNCF ne continue à susciter le plus vif mécontentement dans le Grand Est, singulièrement en Moselle, où ni les collectivités – départements et région – qui participent pourtant au financement de cette ligne à grande vitesse, ni les associations d’usagers n’ont été consultées. Quand elles le sont, c’est de manière purement formelle.
De plus, pour ce qui est de Ouigo, les billets sont parmi les plus chers pour la ligne Grand Est et ils s’achètent uniquement via internet.
En outre, ni les abonnements ni les cartes de réduction SNCF ne sont pris en compte. Il n’est pas non plus possible de réserver une place ou d’acheter un titre de transport en gare au dernier moment.
Enfin, il faut être présent sur le quai au moins trente minutes avant le départ du train, et ce alors que près de 30 % de nos concitoyens ont des difficultés à accomplir les démarches et autres achats numériques !
La parole est à M. Jacques Genest, auteur de la question n° 628, transmise à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Madame la secrétaire d’État, certaines communes ont fait le choix du maintien communal de l’exercice des compétences eau et assainissement entre 2020 et 2026, comme la loi le leur permet.
Or, dans le cadre du onzième programme des agences de l’eau, la quasi-totalité des agences ont profité de cette opportunité pour décider d’exclure du système d’aides les communes qui n’ont pas transféré ces compétences à la communauté de communes ou, plus hypocrite, qui n’ont pas de projets intercommunaux.
Il s’agit le plus souvent de communes isolées, dont la situation géographique ne rendait pas ce transfert pertinent.
En application de la loi du 3 août 2018, les communes qui n’ont pas transféré ces compétences sont dans leur plein droit et n’ont donc nulle raison de s’en trouver pénalisées.
Les décisions de ce genre prises par certaines agences de l’eau sont d’autant plus iniques que leurs programmes d’action sont alimentés par des redevances acquittées par tous les usagers de l’eau, même les ruraux.
Lors du vote de la loi du 3 août 2018, je déclarais : « Laisser la compétence aux communes qui le désirent est indispensable, mais à condition qu’elles en aient les moyens. […] Sinon, sans moyens financiers, le transfert deviendra obligatoire. » C’est ce que la technostructure est en train de réaliser, car elle n’a pas digéré la dérogation imposée par les représentants du peuple !
Peut-être est-ce d’ailleurs aussi l’occasion de nous interroger sur la raison d’être des agences de bassin, qui ne soutiennent plus les communes, en particulier les plus petites. Elles font partie de ces agences dites « indépendantes » qui coûtent très cher au budget national.
Je souhaite donc connaître, madame la secrétaire d’État, les mesures que vous envisagez de mettre en place pour que les agences de l’eau continuent à soutenir financièrement les communes concernées, lesquelles sont bien souvent les plus isolées mais n’ont pas moins besoin que les autres de réaliser des travaux pour distribuer une eau saine à leurs habitants.
MM. Jérôme Bascher, Laurent Duplomb, Ronan Le Gleut et Loïc Hervé applaudissent.
Monsieur le sénateur Genest, la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert de compétences eau et assainissement aux communautés de communes ne remet pas en cause le principe du transfert de ces compétences, prévu notamment par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Elle prévoit, vous l’avez dit, d’assouplir la mise en œuvre de ce transfert, ce qui peut conduire, dans certains cas, à n’opérer le transfert de compétences que le 1er janvier 2026 au plus tard.
Il est cohérent que les modalités d’attribution des aides publiques accompagnent ce transfert de compétences. En ce sens, des critères de priorisation et non d’exclusion des dossiers ont été mis en place en octobre 2018 par les comités de bassin, où siègent des élus, dans les onzièmes programmes d’intervention des agences de l’eau, pour accompagner cette structuration des compétences.
Les agences font vivre des solidarités : solidarité territoriale entre zones urbaines et zones rurales
M. Laurent Duplomb ironise.
Néanmoins, je vous rassurer en vous disant que les onzièmes programmes n’interdisent aucunement l’attribution de subventions directement aux communes. Celles qui, à ce jour, ont conservé les compétences eau et assainissement ne sont donc pas exclues de tout dispositif d’aides, et ce d’autant moins que la loi du 3 août 2018 permet un transfert progressif de ces compétences vers les EPCI.
Il convient enfin de rappeler que ce sont avant tout les communes rurales qui sont éligibles, au titre de la solidarité territoriale, aux aides des agences de l’eau dédiées à l’entretien de leurs réseaux d’eau potable et d’assainissement, et ce indépendamment du transfert de ces compétences aux EPCI.
Madame la secrétaire d’État, quelle belle réponse technocratique !
Pour revenir sur terre, je citerai quelques exemples : en Ardèche, interviennent deux agences de l’eau différentes, Loire-Bretagne et Rhône-Méditerranée-Corse, qui n’ont pas du tout les mêmes règlements.
Autre exemple, la petite commune de Lachapelle-Graillouse doit renouveler ses canalisations d’eau qui datent de 1940. Loire-Bretagne ne finance pas, alors que Rhône-Méditerranée-Corse l’aurait fait.
Pas d’aide pour les stations d’épuration inférieures à 180 habitants, comme à Saint-Étienne-de-Lugdarès. Ces Français n’ont pas les mêmes droits que ceux des grandes villes !
Toutes les communes rurales, je pourrais en citer beaucoup, par exemple, Borée ou Saint-Prix, ne peuvent réaliser des travaux sans aide de l’agence, car la préfecture ne veut pas financer l’eau et l’assainissement dans le cadre de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, ou de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL. Il ne reste plus que le département, aux moyens très limités.
Ouvrez les yeux ! Il y a deux France : la vôtre, celle des grandes métropoles, et la mienne, celle des ruraux et des oubliés !
Mme Corinne Imbert, MM. Laurent Duplomb, Ronan Le Gleut et Cyril Pellevat applaudissent.
La parole est à Mme Corinne Imbert, auteure de la question n° 688, transmise à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
J’associe à cette question mon collègue Daniel Laurent, sénateur de la Charente-Maritime.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le caractère accidentogène du tronçon Saintes-Dompierre-sur-Charente de la route nationale 141.
En effet, depuis 2014, on compte 8 décès sur les 9 kilomètres qui composent ce tronçon. À cela s’ajoutent de nombreux blessés et un niveau de dangerosité important pour les quelque 12 000 véhicules qui empruntent quotidiennement cette route nationale.
La commune de Chaniers a essayé, à son échelle, de faire face à cette situation en installant deux radars pédagogiques et en transformant le lieu-dit du Maine-Allain en agglomération.
Parallèlement et de façon étonnante, une étude récente, conduite dans le cadre de la démarche « sécurité des usagers sur les routes existantes », a indiqué que l’accidentologie de cette zone ne présente pas de caractéristiques importantes d’insécurité, malgré l’avis unanime des élus concernés, malgré les études réalisées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, ou Cérema, et malgré la sombre réalité des chiffres.
Face à cette situation, les élus locaux ont entrepris d’alerter l’ensemble des services de l’État sur l’urgence de la situation. Mais rien n’y fait, les maires des communes concernées n’ont pas obtenu de réponse satisfaisante.
Aussi, madame la secrétaire d’État, je souhaiterais qu’entre les murs de la Haute Assemblée le Gouvernement s’engage à trouver une solution rapide et efficiente, afin que le tronçon Saintes-Dompierre-sur-Charente de la route nationale 141 ne soit plus un lieu de drames humains. Que compte-t-il faire ?
Madame la sénatrice Corinne Imbert, vous avez bien voulu interroger Mme Élisabeth Borne sur le caractère accidentogène du tronçon Saintes-Dompierre-sur-Charente de la route nationale 141. Ne pouvant être présente, elle m’a chargée de vous répondre.
Les aménagements de sécurité menés sur le réseau routier national non concédé sont programmés suivant les résultats de la démarche de sûreté des usagers sur les routes existantes. Elle est mise en œuvre en application des articles L. 118-6 et de l’article réglementaire correspondant du code de la voirie routière, découlant de la mise en œuvre de la directive relative à la gestion de la sécurité des infrastructures routières.
Cette démarche permet de hiérarchiser les enjeux de sécurité à partir de l’analyse systématique des accidents corporels. Sur les sections classées comme prioritaires compte tenu de l’accidentalité constatée, un programme d’actions est alors défini, afin d’améliorer la sécurité de l’itinéraire.
Les études effectuées par la direction interdépartementale des routes Atlantique ont révélé qu’il existait une zone d’accumulation d’accidents au niveau de l’intersection entre la RN 141 et la RD 131 sur la commune de Chaniers.
À cet effet, l’État a réalisé et financé intégralement, entre 2015 et 2016, l’aménagement d’un carrefour giratoire au niveau de cette intersection, pour un montant de 1 million d’euros. La mise en service de cet aménagement étant relativement récente, il n’est pas possible, à ce stade, de mesurer les effets sur l’accidentalité. On notera néanmoins qu’il n’y a heureusement pas eu de nouvel accident mortel à ce niveau depuis la mise en service du carrefour giratoire.
S’agissant plus particulièrement du hameau du Maine-Allain sur la RN 141, les études commandées par la commune de Chaniers auprès du Cérema concluent que les difficultés qui y sont ressenties sont avant tout la conséquence d’absence d’aménagement adapté au contexte urbain. Ce type d’aménagement, en agglomération, relève de la compétence de la collectivité.
Je tiens, par ailleurs, à rappeler que l’infrastructure n’est pas le seul facteur d’accidents. La majorité des accidents reste liée au comportement à risque de certains conducteurs. Le dernier accident mortel, survenu en février dernier sur la RN 141, était malheureusement dû à un endormissement.
Afin de lutter contre les cas de vitesse excessive pratiquée par certains usagers de la route, il convient d’examiner, en liaison avec le préfet de département, d’autres solutions, tel le renforcement des contrôles de vitesse.
Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Au-delà de l’aspect réglementaire du début de votre réponse, je peux vous dire que le sentiment des élus confrontés à un accident, je pense notamment à M. le maire de Chaniers, est loin d’être aussi administratif et technocratique que votre réponse !
Il y a une réalité, je prends évidemment acte de la création du giratoire et je remercie l’État de cette réalisation. Le sujet porte non là-dessus, mais sur le carrefour du Maine-Allain où l’on déplore régulièrement des accidents. Les élus qui doivent se déplacer sur le lieu d’un accident ressentent toujours beaucoup d’émotion, vivant un drame bien sûr sans commune mesure avec celui des familles.
Comme tous les gouvernements en place depuis la présidence de Jacques Chirac, celui auquel vous appartenez a fait de la sécurité routière l’une de ses priorités, ce qui peut être salué.
Je ne reviendrai pas sur des décisions brutales, telles que celle des 80 kilomètres-heure. Nous nous accordons tous sur le fait qu’il faut sauver des vies, comme le Premier ministre l’a rappelé hier encore lors de la restitution du grand débat. Il s’agit bien de cela, de sauver des vies sur la route nationale 141, notamment au carrefour du Maine-Allain.
La parole est à M. Ronan Le Gleut, auteur de la question n° 711, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la secrétaire d’État, trois ans, trois longues années, trente-six mois, eh bien, c’est le délai moyen pour le traitement d’un dossier de demande de certificat de nationalité française, le CNF, par le service de la nationalité des Français nés et établis hors de France, le pôle « monde » du tribunal d’instance de Paris !
Ce délai était de dix-huit mois en 2007 ; on le considérait alors déjà comme anormalement long. Un tel retard trouvait son origine dans la multiplication des demandes injustifiées de CNF. En effet, le nombre de ces demandes était passé, entre 2004 et 2006, de 9 463 à 36 175, sans que les effectifs du tribunal d’instance du premier arrondissement de Paris aient été renforcés pour autant.
Grâce à la désignation de dix nouveaux agents ainsi qu’au regroupement géographique de l’ensemble des tribunaux d’instance parisiens, le délai moyen de délivrance des certificats de nationalité française fut alors réduit à douze mois.
Comme je l’ai mentionné, aujourd’hui, ce délai est en moyenne de trente-six mois.
L’attention de la direction des services judiciaires a été appelée sur la nécessité de renforcer les moyens humains. On annonce l’arrivée de greffiers en renforts. Qu’en est-il, monsieur le secrétaire d’État, et surtout, combien seront-ils ?
D’autres pistes peuvent être explorées pour réduire ce délai inadmissible pour les Français nés et établis hors de France. Il conviendrait notamment de mettre en place un système de filtrage des demandes qui n’ont aucune chance de prospérer, car elles sont nombreuses ! Par ailleurs, où en sommes-nous de la numérisation des dossiers ?
Il est en tout cas impératif de ramener le délai de délivrance des certificats de nationalité française à douze mois, délai atteint il y a dix ans.
Monsieur le sénateur Ronan Le Gleut, vous avez attiré l’attention de Mme la garde des sceaux sur les délais de délivrance des certificats de nationalité française ; ne pouvant être présente ici ce matin, elle m’a chargée de vous répondre.
Le pôle de la nationalité du tribunal d’instance de Paris est destinataire des demandes de certificat de nationalité française émanant des personnes domiciliées à l’étranger, ce qui correspond à plus de 30 000 demandes par an ; en deux ans, ce nombre a augmenté de plus de 25 %.
Cette augmentation a provoqué, depuis 2005, un doublement du stock des dossiers en cours, et ce en dépit d’un taux de couverture des demandes relativement constant et, depuis le début de l’année 2019, supérieur à 100 %.
Des moyens, tant organisationnels qu’humains, ont été déployés pour résorber ce stock et réduire en conséquence le délai de traitement des demandes.
Tout d’abord, une rationalisation du traitement des dossiers et, en particulier, l’instauration d’un système de préanalyse ont permis d’opérer un tri utile au sein des demandes de certificat de nationalité française, permettant notamment de distinguer celles qui nécessitent une instruction, ainsi que celles qui sont dépourvues de tout fondement juridique.
Ensuite, une priorisation du traitement des demandes a pour objectif d’apporter immédiatement des réponses aux dossiers dont l’instruction est achevée et de compléter l’instruction des demandes fondées sur des motifs permettant de justifier la délivrance d’un certificat de nationalité française.
Enfin, une réorganisation du service, visant à l’adapter à ses effectifs actuels et prévisibles, a permis d’entamer le stock des dossiers, de telle sorte qu’une réduction du délai de traitement peut raisonnablement être attendue.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que les services du ministère de la justice continueront de porter une attention particulière aux modalités de délivrance de ces documents, qui revêtent une importance particulière pour les personnes qui le sollicitent.
Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Vous avez évoqué une augmentation de 25 % des demandes depuis deux ans. Peut-être faudrait-il donc, avant de chercher des remèdes, s’interroger sur les causes de ce phénomène. Assiste-t-on à une explosion des demandes ? Si oui, quelles en sont les causes ? L’élargissement des conditions d’attribution de la nationalité française adoptées par le précédent gouvernement n’en est-il pas responsable ?
La parole est à M. Claude Raynal, auteur de la question n° 620, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le secrétaire d’État, cela fait vingt et une semaines, soit bientôt six mois, que les « gilets jaunes » contestent, dans nos centres-villes, l’action du Gouvernement ! Le plus long mouvement social de ces quarante dernières années ne suscite toujours pas, à ce jour, de réponse politique, seule à même d’y mettre un terme. En effet, si l’ordre public doit être la règle, la réponse ne saurait être uniquement répressive, d’autant que cette approche a eu des conséquences dramatiques pour nombre de manifestants parfaitement pacifiques.
Bientôt six mois que, chaque samedi, les centres-villes sont désertés ! Au-delà des destructions opérées par des groupuscules de casseurs, ceux des commerçants qui choisissent d’ouvrir leurs boutiques doivent subir des journées « ville morte », quand d’autres, par peur des pillages, gardent leurs rideaux baissés.
Nous le savons bien, le chiffre d’affaires perdu lors de ces journées, qui devraient être les meilleures du point de vue commercial, ne se rattrape jamais. Au fil du temps, le comportement des consommateurs évolue : ils choisissent d’aller dans les centres commerciaux de périphérie, ou de commander par internet, pour ne pas se trouver en ville au moment des manifestations.
Dès lors, l’attractivité future de nos centres-villes est gravement menacée et doit faire l’objet de toute l’attention de l’État comme des collectivités. Quant au fonds de 3 millions d’euros envisagé par le Premier ministre pour des opérations de promotion commerciale, il n’est pas à l’échelle de la problématique.
Concernant le soutien aux commerçants indépendants eux-mêmes, la réponse du Gouvernement est là aussi trop limitée, dans le temps comme dans ses effets, car l’étalement de la dette, qu’elle soit fiscale ou sociale, n’apporte aux entreprises qu’une solution de court terme.
Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances avait, en son temps, ouvert la voie à une possibilité d’exonérations de taxes et cotisations sociales. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, le nombre d’exonérations accordées à ce jour et leur montant total ?
La grande absente des mesures annoncées par le Gouvernement reste la question de la dégradation de la trésorerie de ces sociétés ; on sait qu’elle préfigure souvent des redressements ou des liquidations. En la matière, vos appels incantatoires à la plus haute bienveillance des banques risquent d’être insuffisants.
Sur un autre plan, on entend que les compagnies d’assurance réfléchiraient à demander, à l’avenir, une surprime aux établissements commerciaux de centres-villes, ce qui reviendrait pour ceux-ci à subir une triple peine : réparations, perte de chiffre d’affaires, augmentation des primes d’assurance.
Alors, même si ce gouvernement, depuis vingt et une semaines, ne parvient pas à trouver de sortie à la crise politique, peut-être peut-il répondre aux attentes de nos concitoyens artisans et commerçants indépendants, qui, au fond, en paieront très largement la note !
Monsieur le sénateur Raynal, vous avez raison de souligner l’impact du mouvement dit des « gilets jaunes » sur l’activité des commerces de centres-villes et de périphérie.
Permettez-moi, avant de répondre à votre question relative aux modalités d’intervention du Gouvernement, de souligner que cet impact recouvre, évidemment, les charges liées à des sinistres ou à des dégradations, les pertes de chiffre d’affaires, mais aussi les nuisances apportées à l’image et à l’attractivité des centres-villes, ou encore les chocs psychologiques que subissent celles et ceux qui voient disparaître, parfois en quelques minutes, le fruit d’années de travail.
Nous estimons qu’ont eu lieu, depuis le début de ce mouvement, environ 10 000 sinistres, pour des dégâts dont le montant avoisine les 200 millions d’euros ; 5 200 entreprises, employant 74 000 salariés, ont eu recours au dispositif d’activité partielle, qui représente un engagement de l’État à hauteur de 40 millions d’euros ; enfin, 4 400 entreprises ont fait l’objet de mesures fiscales, notamment d’étalement de paiements et de report de délais, et 7 000 délais de paiement ont été accordés, soit sous forme classique, soit sous forme de report de termes d’échéances sociales.
La réponse du Gouvernement s’est faite en trois temps. Dès le mois de novembre 2018, c’est-à-dire dès les premiers jours de la mobilisation, nous avons demandé à l’ensemble de nos services d’être extrêmement bienveillants envers les commerçants et les chefs d’entreprises concernés, notamment par l’octroi de délais de paiement. Cela s’est fait dans le cadre d’une relation bilatérale assez informelle, mais courante en la matière, et nous avons veillé à ce que l’ensemble de nos services appliquent ces instructions.
Nous avons aussi permis l’accès de ces entreprises au dispositif d’activité partielle ; cela a concerné, je l’ai rappelé, 74 000 emplois.
En outre, nous travaillons étroitement avec la Fédération bancaire française et la Fédération française de l’assurance pour accélérer l’indemnisation des sinistres. Nous faisons en sorte, là aussi, que les acteurs du monde de l’assurance et de la banque soient extrêmement attentifs aux difficultés et évitent d’avoir recours aux méthodes que vous avez décrites.
En février dernier, Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons renouvelé, sans terme défini, les mesures de bienveillance en matière d’étalement, mais nous avons également mis en place des équipes mobiles, formées par les différents services de l’État et les organismes consulaires, chargées d’aller directement à la rencontre des commerçants et des artisans concernés. En effet, nous avions constaté que beaucoup d’entre eux ne faisaient pas valoir leurs droits et n’avaient pas recours aux mesures que nous avions mises en place, soit pour des raisons de temps, soit du fait de craintes liées à des pratiques ou à des relations habituelles.
Le 6 mars dernier, enfin, nous avons encore reconduit ces dispositifs et mis en place la possibilité d’une remise partielle ou totale d’impôt direct. Je ne peux vous donner un bilan chiffré de cette mesure, monsieur le sénateur, tant elle est récente, mais nous l’avons appuyée sur une déclaration extrêmement simplifiée, mise à disposition tant des commerçants que de leurs associations sur le site du ministère. Les dossiers sont examinés au cas par cas ; nous sommes notamment attentifs à la perte d’activité et au manque de liquidité ou de trésorerie.
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé, comme vous l’avez rappelé, qu’il mettrait en place un fonds de 3 millions d’euros pour accompagner les associations de commerçants, en liaison avec les collectivités. La ville de Toulouse a ainsi mobilisé un million d’euros, la région Occitanie a elle aussi mobilisé des fonds ; c’est heureux et cela doit nous permettre d’apporter une réponse aussi précise que possible.
Je vous précise enfin, en m’excusant, monsieur le président, de dépasser mon temps de parole, qu’une réunion du comité de suivi avec les associations de commerçants se tiendra de nouveau cet après-midi, comme nous le faisons régulièrement depuis maintenant plusieurs mois.
Monsieur le secrétaire d’État, il ne faudrait pas qu’un tel dépassement – quarante secondes ! – se renouvelle à chaque question ; réduire la longueur de vos réponses arrangerait tout le monde !
La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 735, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le secrétaire d’État, en France, la loi donne le statut de service public au transport par remontées mécaniques, y compris pour les remontées à vocation touristique dans le contexte concurrentiel des stations.
Ce choix singulier, que la France est seule à avoir fait parmi ses concurrents dans l’arc alpin, comporte des limites dont il est de plus en plus difficile de s’accommoder sans nuire à l’économie de nos stations.
L’application que nous avons ainsi faite des délégations de service public à l’économie très particulière des domaines skiables est une construction juridiquement instable, comme en atteste l’arrêt du Conseil d’État du 29 juin 2018 relatif à la station de ski du Sauze, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Cet arrêt a provoqué une onde de choc de nature à effrayer les investisseurs privés et les établissements financiers.
Dans ce cas d’espèce, une convention « loi Montagne » avait été rédigée entre la collectivité et l’opérateur privé historique de la station, propriétaire des remontées mécaniques, des autres biens et du foncier. Arrivés au terme du contrat, délégant et délégataire ont appliqué les clauses de rachat prévues au contrat, mais se sont heurtés au contrôle de légalité : ces clauses ont été jugées illégales, alors même qu’elles avaient été rédigées et validées par les conseils juridiques et l’administration.
Depuis l’arrêt du Conseil d’État Commune de Douai du 21 décembre 2012, on savait que les clauses d’indemnisation des biens de retour fixées à des valeurs supérieures à la valeur nette comptable étaient regardées comme non conformes, ce qui pose un problème partout où de telles clauses ont été conclues.
L’arrêt Sauze va plus loin : il fait craindre que ces clauses soient inopérantes en pratique, ce qui modifie l’équilibre économique du contrat. Cela pose aussi la question de l’expropriation des exploitants, que l’arrêt Commune de Douai avait exclue.
De surcroît, l’arrêt Sauze exprime une vision très extensive des biens de retour, qui inclut notamment immeubles et parcs de stationnement ; le Conseil d’État semble considérer que l’ensemble des biens de la concession sont des biens de retour. Cet arrêt constitue un revirement jurisprudentiel, qui affecte, directement ou indirectement, toutes les concessions de remontées mécaniques.
L’impermanence des règles pose un problème de loyauté, dès lors qu’on applique la nouvelle règle à des contrats signés antérieurement à l’arrêt Commune de Douai.
C’est encore plus le cas lorsqu’il s’agit d’exploitants qui étaient propriétaires d’une exploitation antérieurement à leur premier conventionnement et que tout le monde – tant leurs conseillers juridiques que les administrations – poussait à signer des clauses d’indemnisation, jugées illégales trente ans plus tard.
Outre les contentieux qui ne manqueront pas de naître de cette situation invraisemblable, ces changements incessants sont de nature à détourner les investisseurs privés des domaines skiables. Une telle situation n’est bonne ni pour les délégants ni pour les délégataires.
Conscients des difficultés nées de l’application du régime des délégations de service public aux remontées mécaniques, Domaines skiables de France et l’Association nationale des maires des stations de montagne se sont réunis plusieurs fois dans le but de formuler des propositions communes.
Dans l’hypothèse où les évolutions du droit rendraient caduques des dispositions contractuelles conclues antérieurement, l’équilibre économique du contrat doit être maintenu.
Ma question, monsieur le secrétaire d’État, est donc la suivante : comment comptez-vous sécuriser le classement des biens et leur indemnisation tel que stipulé dans les contrats conclus antérieurement aux évolutions du droit ?
M. Loïc Hervé applaudit.
Monsieur le sénateur Pellevat, en l’état actuel de la jurisprudence, et sous réserve d’évolutions à venir de la législation, voici les précisions que je peux vous apporter.
Il résulte des articles L. 342–9 et suivants du code du tourisme que les communes, leurs groupements et les départements sont compétents pour les services de remontée mécanique, qu’ils peuvent assurer soit directement, en régie simple ou personnalisée, soit indirectement, à l’aide d’une délégation de service public.
Dans cette seconde hypothèse, l’autorité concédante et son cocontractant sont soumis au régime des biens de retour, tel que cela a été établi par le Conseil d’État. Dans une décision du 21 décembre 2012, Commune de Douai, que vous avez citée, le Conseil a estimé que « l’ensemble des biens meubles ou immeubles, nécessaires au fonctionnement du service public », dont la convention a mis « à la charge du cocontractant les investissements correspondants à la création ou à l’acquisition » constituent une catégorie de biens qui font retour gratuitement à l’autorité concédante à l’issue de la convention.
Dans une autre décision, en date du 29 juin 2018, Ministre de l ’ intérieur contre communauté de communes de la vallée de l ’ Ubaye, le Conseil a précisé que ce régime s’appliquait également aux biens qui étaient la propriété du concessionnaire avant le début de la convention.
Cette solution est justifiée par le fait que les biens ainsi acquis ont fait l’objet d’une rétribution au concessionnaire. En effet, d’une part, le concessionnaire peut amortir le coût de ces équipements pendant la durée de la concession, à l’aide du prix payé par les usagers du service ; d’autre part, et à défaut, l’autorité concédante lui doit une indemnité lorsque les biens ne peuvent être amortis, si la durée de la concession est inférieure à celle de l’amortissement, que cela soit décidé ab initio ou que la concession ait été résiliée de manière anticipée, pour faute du cocontractant ou pour motif d’intérêt général.
S’agissant de l’application de ce régime à la situation des concessionnaires de remontées mécaniques qui étaient propriétaires de leurs équipements avant la loi Montagne du 9 janvier 1985, ceux-ci disposaient d’une période transitoire de quatorze ans pour faire le choix soit de la cession onéreuse de leur équipement à la collectivité compétente, soit du régime conventionnel.
Pour ceux qui ont choisi la seconde option, il n’est pas douteux que l’apport des équipements par le concessionnaire a été pris en compte au stade de la négociation du contrat. Dans le cas contraire, et si la situation aboutit à un déséquilibre contractuel, que le consentement du concessionnaire a été vicié, ou bien qu’une évaluation erronée des biens apportés a été faite de bonne foi, alors le concessionnaire est fondé à faire valoir ses droits à indemnité.
Telles sont les précisions que je pouvais vous apporter, monsieur le sénateur.
La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 719, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Monsieur le secrétaire d’État, en Guyane, la gestion du foncier de ce territoire par l’État est vécue comme la survivance d’un fait colonial. Oui, un fait colonial, je persiste et je signe !
Je m’explique : non seulement ce foncier continue d’appartenir, pour 95 %, à l’État, fait unique dans toute la France, mais surtout il est géré de façon jalouse et stérile, comme le dénonçait le Sénat dans un rapport de 2015 : l’État fait fi de ses obligations, malgré les exigences de la loi.
Un cas probant est la non-application de l’article 121 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Cet article, qui résulte de l’adoption d’un amendement que j’avais déposé sur ce texte, dispose : « Dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, l’évaluation cadastrale des parcelles de forêt exploitées, concédées ou gérées par l’Office national des forêts est réalisée, en vue d’une perception de la taxe foncière sur les propriétés non bâties par les collectivités dès 2018. » Il venait rappeler que l’ONF, gestionnaire pour le compte de l’État, est redevable de cette taxe sur les parties du domaine forestier qu’il exploite et dont le produit des ventes de bois et concessions est affecté à son budget.
Pourtant, à ce jour, soit vingt-quatre mois après la promulgation de la loi, rien n’a été fait ! La perception de la taxe n’a toujours pas lieu ; c’est plusieurs centaines de milliers d’euros qui échappent ainsi aux collectivités de Guyane, dont bon nombre sont déjà exsangues financièrement.
J’ai interpellé le directeur régional des finances publiques de Guyane sur ce sujet, à la suite d’une lettre ouverte d’un agent de son administration se disant sanctionné pour avoir voulu lancer la procédure de recouvrement de cette taxe.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : qu’en est-il ? Qu’attend le Gouvernement pour assumer ses responsabilités et demander à l’ONF de payer ce qu’il doit aux collectivités ?
Monsieur le sénateur Patient, vous attirez mon attention sur la mise en œuvre des dispositions de l’article 121 de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi ÉROM, qui prévoit l’évaluation cadastrale des parcelles exploitées, concédées ou gérées par l’Office national des forêts en Guyane, en vue d’une perception, dès 2018, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties y afférant.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que ce sujet retient toute l’attention du Gouvernement et, en particulier, celle de nos services.
Comme vous le savez, ce dossier est extrêmement complexe, du fait de l’étendue de la forêt amazonienne guyanaise et des caractéristiques de cette dernière, très différentes de celles des bois et forêts métropolitains.
Aussi, nos services, en association avec ceux du ministère de l’agriculture, travaillent sur une taxation prenant en compte les spécificités de la forêt amazonienne de la Guyane et, en particulier, sa surface, qui s’élève à 5 millions d’hectares, contre 11, 7 millions d’hectares de forêts dans tout l’Hexagone, ainsi que sa rentabilité réelle.
Je vous confirme qu’il sera bien procédé à l’émission d’une taxation des parcelles gérées par l’ONF au titre de la taxe foncière sur les propriétés non bâties de 2018, d’ici à la fin de l’année 2019, conformément aux dispositions évoquées, que vous aviez défendues dans cet hémicycle.
Tels sont les éléments que je pouvais vous apporter en réponse sur ce sujet qui vous tient particulièrement à cœur. Nous veillons en tout cas à la bonne application des dispositions de l’article 121 de la loi ÉROM.
Monsieur le secrétaire d’État, j’attendrai, puisque votre réponse est conforme à celle du directeur général des finances publiques, mais je voudrais poser de façon globale la question de la forêt guyanaise. Il est, selon moi, grand temps que, conformément à ce qui a pu être fait en France et dans d’autres territoires outre-mer, le foncier de la Guyane revienne aux Guyanais, dans le cadre d’un transfert de compétences.
La parole est à M. Jérôme Bascher, auteur de la question n° 679, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte non pas sur un sujet médiocre, mais sur un projet comme l’Union européenne en reconnaît peu, à savoir le canal Seine-Nord Europe.
L’Union européenne a considéré qu’elle pouvait financer à hauteur de 50 % ce projet, dont le montant total s’élèverait à 4, 8 milliards d’euros. Si l’Union accepte de le financer à cette hauteur, c’est que le jeu en vaut la chandelle !
Hélas, il y a les experts français, qui, dans les ministères, depuis de nombreuses années, s’acharnent à ne pas faire aboutir ce projet. Chacun, tour à tour, trouve une excuse. Souvent, c’est dans les ministères parisiens que l’on oublie un peu trop la nature du trafic maritime, du trafic routier, ou encore du trafic ferroviaire dans le nord de l’Europe. Tous les trajets sont aujourd’hui congestionnés !
Il est donc temps d’agir pour permettre, enfin, d’absorber la croissance qui ne manquera pas d’arriver sur cette façade maritime. En effet, si, vue de chez nous, cette façade ne paraît pas forcément si importante, en revanche, depuis la Chine ou les pays du Commonwealth, il s’agit de l’ensemble de la façade maritime de la France.
Si 70 parlementaires, qu’ils soient de droite, de gauche, ou encore « ni de droite ni de gauche », soutiennent ce projet, si trois présidents de la République successifs, l’un de droite, le second de gauche, et le dernier « ni de droite ni de gauche », soutiennent ce projet, alors il manque seulement un acteur : le financement de l’État ! Les collectivités locales se sont engagées. Xavier Bertrand et Nadège Lefebvre ont promis leur contribution.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : quand allez-vous débloquer cette somme de 1, 8 milliard d’euros que l’État doit apporter à ce projet ? Quand allez-vous nous donner accès aux données ?
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me permet de rappeler combien le ministre de l’action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, et la ministre chargée des transports, Mme Élisabeth Borne, attachent une haute importance à la réalisation de ce projet. Conscients de son importance stratégique, ils ont, depuis leur arrivée en fonction, consacré une grande part de leur énergie à la recherche de financements innovants et spécifiques.
Un projet de cette ampleur implique, comme vous l’avez fait remarquer, la concordance de plusieurs sources de financement.
Ce sera le cas pour le canal Seine-Nord Europe, dont le coût total serait, ainsi que l’a rappelé le Président de la République, réparti entre 2 milliards d’euros de subventions européennes, 1 milliard d’euros de ressources propres des collectivités, la mise en place par l’État de taxes nationales à assise locale qui permettront de gager un emprunt d’1 milliard d’euros, ainsi que 700 à 900 millions d’euros issus d’un emprunt garanti par la Société du canal Seine-Nord Europe, devenue régionale.
Vous m’interrogez plus particulièrement sur la part de ce financement revenant à l’État. Elle doit, comme vous le savez, intervenir au 1er janvier 2021.
Sachez, monsieur le sénateur, que ce délai est utilement mis à profit par le Gouvernement et que, contrairement à ce que vous pouvez craindre, l’État ne se désengage pas ; bien au contraire, il fait des propositions et cherche les bonnes solutions.
Nous avons notamment suggéré l’instauration d’une taxe spécifique à la région des Hauts-de-France, même si cette solution semble juridiquement fragile d’après l’avis qu’a récemment rendu le Conseil d’État.
D’autres pistes sont à l’étude, mais elles nécessitent des analyses juridiques approfondies et, pour certaines d’entre elles, des échanges avec la Commission européenne afin de bien cerner ce que permet le cadre européen.
Vous évoquez une troisième piste : l’inscription de crédits budgétaires dédiés. Le Gouvernement considère que cette solution ne devra être retenue qu’en dernier recours, dans la mesure où elle ne permet pas d’associer les futurs bénéficiaires du canal à son financement.
J’ajoute qu’une société de projet, véhicule juridique créé par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a permis de régionaliser le projet en le transférant aux collectivités concernées de la région des Hauts-de-France, en accord avec les élus locaux.
Comme vous le savez, tel est l’objet de l’article 36 du projet de loi d’orientations des mobilités, qui prévoit, d’une part, de ratifier l’ordonnance du 21 avril 2016 relative à la Société du canal Seine-Nord Europe, et, d’autre part, d’autoriser le Gouvernement à prendre, par la voie d’une nouvelle ordonnance, des dispositions visant à la transformation de cet établissement public national en établissement public local.
Soyez assuré, en tout état de cause, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est déterminé à faire aboutir ce projet et que l’État assumera sa part du financement, quel que soit le vecteur retenu in fine. Votre concours pour y parvenir, ainsi que celui de l’ensemble des élus locaux que vous avez cités, nous est indispensable.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons besoin, je vous le dis clairement, d’1 milliard d’euros de crédits budgétaires. Cela dit, nous pouvons également travailler avec vous, monsieur le secrétaire d’État : cela fait des années que les techniciens de Bercy travaillent sans trouver de solution. Si vous nous offrez les données, alors nous sommes prêts à y œuvrer avec vous !
La parole est à M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 630, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur l’organisation de la police aux frontières à Wallis-et-Futuna.
La direction centrale de la police aux frontières est, entre autres, chargée d’assurer les missions de police aéronautique et, par conséquent, la sécurité générale des ports et aéroports français.
Or, à Wallis-et-Futuna, les missions de la police aux frontières sont actuellement assurées par la gendarmerie, et ce sans aucune base juridique.
Plus précisément, jusqu’à l’installation des gendarmes mobiles sur le territoire, la police aux frontières était assurée par quatre gardes territoriaux, sous la responsabilité d’un gendarme référent. Depuis leur installation, les gendarmes mobiles ont repris le service, mais ils continuent à faire appel aux gardes territoriaux lorsqu’ils rencontrent des problèmes d’effectifs. Tout cela se fait, bien sûr, sans habilitation officielle ni base normative.
Cette situation bancale ne saurait perdurer.
Je sais que plusieurs pistes sont à l’étude. Toutefois, pour des raisons budgétaires, chaque service se renvoie la balle, si je puis dire, entre la direction centrale de la police aux frontières, la direction des douanes et la gendarmerie.
Monsieur le secrétaire d’État, la meilleure piste ne serait-elle pas une collaboration avec la police aux frontières de Nouvelle-Calédonie, qui formerait les gardes territoriaux de Wallis-et-Futuna et collaborerait avec eux ? La surveillance aux frontières est un métier de policier, et non pas une mission de douanier.
Je souhaiterais donc savoir ce que compte faire le Gouvernement pour mettre en place une solution plus viable et officielle, afin d’assurer cette prérogative régalienne.
Monsieur le sénateur Robert Laufoaulu, je vous remercie de votre question : sur tous ces sujets, nous vous savons très mobilisé, et vous avez raison de l’être !
À ce stade, pour être juridiquement très précis, l’article 2 du décret n° 2012-328 attribue la compétence territoriale de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna à la direction centrale de la police aux frontières. Or cet article ne fait aucune mention de l’extension de cette compétence à l’aéroport de Wallis-Hififo, où aucun effectif de la PAF n’est aujourd’hui affecté.
Au vu de cette situation, dont vous avez rappelé combien elle est insatisfaisante, l’administrateur supérieur conduit actuellement une réflexion, en liaison avec la direction centrale de la police aux frontières et la direction de la gendarmerie nationale, réflexion qui associera aussi la direction de la douane, afin de mettre en place un système qui soit, comme vous le souhaitez, plus efficace et conforme à la réglementation.
Je ne manquerai pas de porter personnellement auprès de Laurent Nunez et de Christophe Castaner votre message et votre suggestion, afin que la solution vienne le plus vite possible.
Vous avez souligné que la gendarmerie nationale, avec un poste de sous-officier, ainsi que quelques militaires du détachement de la gendarmerie mobile, est aujourd’hui chargée du contrôle frontalier, avec examen visuel des passeports. La douane effectue des contrôles de bagages de soute ; elle reçoit parfois le renfort de la garde territoriale.
Face à cette situation qui n’est pas pleinement satisfaisante, nous sommes à l’heure des réflexions. Vous avez d’ailleurs vous-même mis une piste sur la table ce matin, et je m’en ferai l’écho auprès de mes collègues pour qu’elle soit expertisée.
En tout état de cause, il faut que le contrôle aux frontières, prérogative régalienne à Wallis-et-Futuna comme sur l’ensemble du territoire national, puisse pleinement s’appliquer.
Je remarque par ailleurs qu’aujourd’hui encore, après votre question de jeudi dernier relative au futur sommet France-Pacifique, vous vous montrez un ardent défenseur des intérêts des territoires ; nous allons naturellement en tenir le plus grand compte.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
En l’absence de franche volonté de l’exécutif, Wallis-et-Futuna fait face à différentes situations sans réelle base légale ou réglementaire. Souvent, l’État semble improviser ! L’option dont je parlais dans ma question permettrait notamment une amorce de solution, certes partielle, pour régler la situation des gardes territoriaux de Wallis-et-Futuna, qui, je le rappelle, assurent des missions incombant à l’État sans en être des fonctionnaires, ce qui pose un véritable problème.
La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 656, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le tourisme numérique dans les colonies israéliennes situées en territoires palestiniens occupés.
Les entreprises de réservation en ligne, comme Airbnb, Booking.com, Expedia Group ou TripAdvisor, contribuent à des violations de droits humains des Palestiniens, en proposant plusieurs centaines d’hébergements et activités dans les colonies illégales de peuplement israéliennes en territoires palestiniens occupés, y compris à Jérusalem-Est.
Selon le rapport d’Amnesty International de janvier 2019 intitulé Destination : occupation. Le tourisme numérique et les colonies de peuplement israéliennes illégales dans les territoires palestiniens occupés, ces entreprises du numérique induisent en erreur leurs clients, en s’abstenant d’indiquer systématiquement que les offres concernées sont situées dans les territoires occupés.
Or, en favorisant l’industrie du tourisme dans les colonies et, en conséquence, l’essor économique de ces implantations qui sont contraires au droit international, Airbnb, Booking.com, Expedia Group et TripAdvisor contribuent au maintien, au développement et à l’extension des colonies de peuplement illégales et en tirent profit.
Aussi, je souhaite savoir si vous êtes prêt à mettre en ligne, sur le site du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, un conseil aux voyageurs pour alerter ceux-ci des pratiques de ces entreprises de locations en ligne qui fournissent des informations trompeuses, en s’abstenant d’indiquer que les hébergements proposés sont situés en territoires palestiniens occupés dans des colonies illégales au regard du droit international, et non en Israël.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur Gilbert Roger, la position de la France est très claire : pour notre pays, la politique de colonisation est illégale, elle nuit à la recherche d’une paix juste et durable et menace la solution des deux États. Le Conseil de sécurité des Nations unies a d’ailleurs rappelé cette position le 23 décembre 2016 avec le soutien de la France.
La France condamne régulièrement les annonces de construction de nouveaux logements dans les colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que les démolitions et les évacuations forcées en zone C, qui participent de la même stratégie.
De même, nous appelons publiquement les autorités israéliennes à reconsidérer ces décisions et à abandonner cette stratégie de colonisation afin de préserver la solution des deux États avec Jérusalem comme capitale.
Nous avons tiré les conséquences de cette situation, en inscrivant dans les conseils aux voyageurs publiés sur le site internet France Diplomatie du ministère un certain nombre d’éléments. Dans ces conseils aux voyageurs, qui visent à informer nos compatriotes des risques encourus lors de séjours à l’étranger et à les sensibiliser sur les mesures et comportements à adopter pour réaliser leurs déplacements dans les meilleures conditions, il est indiqué que « la Cisjordanie, Jérusalem-Est, la bande de Gaza et le plateau du Golan sont des territoires occupés par Israël depuis 1967 » et que « les colonies sont illégales en vertu du droit international ».
Nous informons aussi les entreprises françaises et les sensibilisons aux risques qu’elles encourent en termes juridiques et économiques et au regard de leur réputation.
En ce qui concerne les acteurs économiques que vous évoquez, monsieur le sénateur, ce sont des entreprises privées, souvent implantées à l’étranger. De ce fait, il ne nous est guère possible de mener une action coercitive à leur endroit.
Néanmoins, nous pouvons discuter avec elles de cette question. Par exemple, depuis ma prise de fonction, j’ai veillé à appeler l’attention des plateformes sur la nécessité pour elles de dialoguer avec les autres acteurs du secteur, notamment les hôteliers. Soyez assuré que je signalerai votre préoccupation à leurs responsables, lorsque je les rencontrerai.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments d’information que je souhaitais porter à votre attention.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je souhaite apporter deux éléments complémentaires.
Entre le moment où cette question a été publiée et aujourd’hui, le groupe Expedia a demandé à me rencontrer et m’a indiqué qu’il voulait trouver une solution pour apporter de la clarté à ses offres, en particulier en ce qui concerne Jérusalem-Est. Je crois qu’Airbnb entend s’inscrire dans la même démarche.
Travailler ensemble à trouver des solutions est d’autant plus important que, dans le cadre des élections législatives qui ont lieu aujourd’hui même en Israël, le Premier ministre sortant, qui risque d’être reconduit, a annoncé que, s’il était réélu, il annexerait les colonies situées en Cisjordanie. De nouvelles difficultés risquent donc d’apparaître dans peu de temps au Moyen-Orient…
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 448, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le secrétaire d’État, lors de mes déplacements en circonscription, je note partout l’inquiétude grandissante de nos compatriotes et de nos conseillers consulaires quant au devenir des postes diplomatiques.
Pour répondre à la demande inédite de réduction de 10 % de la masse salariale de la représentation française à l’étranger, les fermetures de certains services et la diminution du personnel ne peuvent être que drastiques. Elles vont toucher directement plus de trois millions de nos concitoyens résidant à l’étranger, mais aussi quelques centaines de milliers de transfrontaliers et les millions de touristes français.
Tous les postes sont concernés et nos ambassadeurs, immédiatement sollicités pour faire connaître les économies qu’ils pouvaient réaliser, ont tous fait des propositions, que pour l’instant nous ne connaissons pas.
Je voudrais prendre comme exemple notre poste au Luxembourg, que je connais bien et qui rassemble un certain nombre de problématiques. La population française a dépassé 53 000 résidents – c’est le nombre recensé par les autorités locales –, dont 36 000 inscrits au consulat. Les Français établis au Luxembourg représentent la dixième communauté française dans le monde, à laquelle je me dois d’ajouter les 100 000 frontaliers qui, chaque jour, viennent travailler dans ce pays. Beaucoup préfèrent s’adresser au consulat pour la délivrance de leurs papiers d’identité ; c’est plus facile pour eux, car ils sont sur place et ne doivent pas prendre deux jours de congé pour effectuer les mêmes démarches dans leur commune.
Depuis plusieurs mois, le personnel est soumis à une continuelle pression de la part des usagers mécontents de la diminution des services. Pourtant, les agents ne chôment pas, avec en moyenne trente-six rendez-vous par jour ouvré.
Aujourd’hui, nos concitoyens craignent une éventuelle fermeture du consulat, alors même que certains services ne peuvent pas être supprimés – c’est le cas pour les dossiers de nationalité et de bourses scolaires.
D’ici à 2020, les services de l’état civil vont être transférés à Nantes. Il semblerait que l’on envisage également de demander à nos concitoyens du Luxembourg de se déplacer à Bruxelles pour certaines démarches administratives ou même de se rendre en France. Or je ne pense pas qu’il soit envisagé d’augmenter le personnel dans les départements frontaliers ou au consulat à Bruxelles.
Monsieur le secrétaire d’État, au vu du nombre important de personnes concernées, pouvez-vous me donner une réponse claire et précise sur les décisions que vous entendez prendre concernant ce poste et, plus généralement, sur les grandes orientations pour l’ensemble du réseau ?
Madame la sénatrice Conway-Mouret, soyons très clairs : la fermeture de la section consulaire à Luxembourg n’est pas à l’ordre du jour !
Certes, dans le cadre du programme Action publique 2022, il nous est demandé des économies de masse salariale, ce qui ne correspond pas nécessairement à des postes en équivalent temps plein – ETP.
En tout état de cause, nous devons à nos compatriotes établis hors de France le maintien d’un service de qualité, ce qui ne nous empêche pas de travailler sur un certain nombre de nouveautés. La députée Anne Genetet a préparé un rapport, dans lequel elle préconise la mise en place d’une plateforme téléphonique fonctionnant 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 : il me semble que cela constituerait une novation tout à fait intéressante.
Plus globalement, nous pouvons aussi réfléchir aux moyens de tirer parti des technologies numériques, qui transforment nos vies. C’est le cas, nous l’évoquions précédemment, dans le secteur du tourisme avec les plateformes. Certains actes de procédure peuvent aujourd’hui être dématérialisés, en particulier lorsque les états civils sont fiables, comme c’est le cas en Europe.
C’est dans cet esprit que la gestion des transcriptions en Europe sera réorganisée vers le service central de l’état civil à Nantes, sans que cela pèse sur la capacité, pour les Français établis hors de France, d’avoir accès, dans de bonnes conditions, à tous ces services. Cette réorganisation signifie le transfert d’un ETP, mais sa mise en œuvre n’obère en rien, comme je l’ai dit, le reste des missions du consulat.
Cette évolution s’inscrit dans le cadre de relations très intenses entre la France et le Luxembourg, comme en témoigne la visite d’État effectuée l’année dernière par le Grand-Duc et la Grande-Duchesse. Vous le savez, les liens de la France avec le gouvernement du Luxembourg sont très forts et nous menons ensemble un certain nombre de combats européens.
En conclusion, je tiens vraiment à tordre le cou à cette rumeur, si tant est qu’elle ait circulé : pas de fermeture !
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Je comprends bien évidemment que vous soyez tenu par la solidarité ministérielle, mais je crois que personne ne peut défendre aujourd’hui les économies qui sont demandées à votre ministère – il a aussi été le mien, un temps.
Les demandes d’économies sont récurrentes, mais celle-ci est quand même inédite par son ampleur, 10 %. Et tout le monde sait bien, quand on parle d’économies, qu’il s’agit d’un euphémisme pour cacher les termes de suppression de postes et de réduction d’effectifs !
Bien sûr, mais les autres ministères ont adressé une lettre au Premier ministre, indiquant qu’ils n’entendaient pas participer de manière importante à cette réduction.
Je souhaite simplement vous rappeler les propos tenus hier par le Premier ministre lors de la restitution du grand débat. En évoquant l’exigence de fraternité, il a dit : « Quand le service public ferme, c’est l’État qui abandonne ses citoyens. » Il a ajouté : « Nous avons besoin d’un service public adapté pour être au contact, et pas simplement numérique. »
La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 637, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Ma question porte sur le Fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD. Les associations caritatives telles que le Secours populaire, les Restos du Cœur, Emmaüs et la Banque alimentaire sont inquiètes.
En effet, pour répondre aux besoins alimentaires des personnes auxquelles elles portent secours, ces associations font appel à la générosité publique, s’approvisionnent auprès des enseignes alimentaires et bénéficient du Fonds européen d’aide aux plus démunis.
Ce fonds a vocation à soutenir des actions menées par les pays de l’Union européenne pour apporter une assistance matérielle aux plus précaires. Il permet aux associations françaises de disposer de 100 à 120 tonnes de produits de base, soit près de 30 % des produits distribués dans leurs permanences. Comme vous le voyez, cet apport est essentiel pour assurer une stabilité et une régularité des denrées distribuées aux personnes dans le besoin.
Or les représentants de ces associations constatent depuis plusieurs années des retards récurrents de plusieurs mois dans la livraison des produits issus du FEAD.
Surtout, ils craignent une diminution des moyens alloués dans les années qui viennent. En effet, dans le cadre de la prochaine programmation budgétaire, un changement total de paradigme pourrait s’opérer : nous passerions d’un fonds spécifiquement dédié à un pourcentage minimum réservé au sein d’un programme global, le FSE+, laissant la possibilité aux États membres, s’ils le souhaitent, de consacrer une enveloppe plus importante à l’aide aux plus démunis.
Je vous remercie de bien vouloir me préciser la position du Gouvernement concernant cette situation, car il est nécessaire, pour les associations caritatives, de préserver le montant aujourd’hui alloué au FEAD.
Monsieur le sénateur Mouiller, la France a toujours défendu le maintien d’un programme européen d’aide aux plus démunis, qui incarne l’idée d’une Europe qui protège.
Comme vous, je suis un élu local rural et ma permanence de Saint-Valérien jouxte les locaux des Restos du Cœur. Je mesure donc concrètement combien l’action de ces structures associatives et de leurs bénévoles est importante et je sais que les financements européens ont un impact très concret sur nos territoires, en particulier au service de nos concitoyens les plus démunis. Je sais aussi que la lutte contre les inégalités est un fil rouge qui nous rassemble tous.
En 2014, la France a soutenu la mise en place du Fonds européen d’aide aux plus démunis dans le cadre du précédent budget européen. Des négociations se tiennent actuellement sur le nouveau cadre financier post-2020. C’est dans ce cadre que la Commission européenne a formulé des propositions et il ne vous a pas échappé que la France a d’ores et déjà émis des réticences, voire une franche opposition, à l’égard de certaines de ces propositions – en particulier, nous ne souscrivons pas à celle qui vise à baisser les crédits de la politique agricole commune.
En ce qui concerne le FEAD, la Commission européenne, évoquant un souci de simplification et de lisibilité, propose d’intégrer ce programme au sein d’un nouveau fonds social européen, FSE+, destiné à financer l’ensemble des actions de l’Union dans le domaine social.
Nous restons très vigilants sur ce sujet. Nous entendons les arguments avancés par la Commission européenne, mais nous défendons le principe d’un fléchage minimal du nouveau programme vers les plus démunis. Ce fléchage devrait selon nous constituer un plancher, et non un plafond, et chaque État membre devrait conserver la possibilité d’allouer le montant souhaité à l’aide aux plus démunis.
Quelle que soit la structure du financement, nous avons en outre pris l’engagement que les enveloppes seraient maintenues constantes.
Ces questions constituent une préoccupation importante du Gouvernement, en particulier pour Agnès Buzyn et Christelle Dubos. Monsieur le sénateur, nous sommes, comme vous, particulièrement vigilants sur l’évolution de ces crédits, qui sont très utiles pour nos concitoyens les plus fragiles.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Il me semble que nous partageons les mêmes ambitions et la même volonté et que nous avons vraiment besoin du fléchage dont vous avez parlé.
Nous devons faire preuve d’une vigilance extrême sur ces sujets et je comprends, dans vos propos, que le Gouvernement s’engage en tout état de cause à maintenir les enveloppes aujourd’hui allouées aux associations caritatives.
Ainsi, selon votre réponse, si les crédits dédiés aux plus démunis au sein du futur FSE+ ne permettaient pas de garantir le fonctionnement de ces associations, le Gouvernement interviendrait en complément.
La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 654, transmise à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le secrétaire d’État, la réforme de la délivrance de la carte nationale d’identité, mise en œuvre en 2017, a conduit à diviser par quinze le nombre de communes dans lesquelles il est possible d’obtenir ce document. Désormais, nos concitoyens ne peuvent plus s’adresser qu’à 2 300 mairies, alors que cela était précédemment possible dans la quasi-totalité des communes.
Cette réforme, je le rappelle, fait suite à celle de la délivrance du passeport, qui avait conduit aux mêmes conséquences.
Elle présente en tout cas de nombreux désagréments : les usagers doivent aller plus loin et attendre plus longtemps ; les communes qui ont conservé ce service doivent gérer une augmentation du nombre de demandes à traiter, ce qui induit une surcharge de travail et des coûts supplémentaires ; les communes rurales qui ont perdu, avec ce service, une forme de proximité et de contact avec leurs administrés vivent cela comme un nouveau coup porté à la ruralité et à leur rôle.
Les échanges entre le Président de la République et les élus locaux ont montré l’importance de ce sujet, qui induit un sentiment de dépossession progressive des communes rurales de leurs missions essentielles. Les élus aimeraient qu’au minimum chaque intercommunalité dispose de la capacité de délivrer les cartes nationales d’identité.
Le Président de la République s’est engagé, lors du débat qui s’est tenu le 15 janvier au Grand Bourgtheroulde, à « rouvrir le sujet pour les cartes d’identité, les passeports et les permis de conduire ».
Le grand débat étant terminé, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet et, au-delà, sur les mesures qu’il compte prendre pour conforter les communes et redonner confiance et espoir aux maires.
À cet égard, permettez-moi de vous rappeler que les maires aspirent notamment à un allégement des normes, à une visibilité sur l’évolution de leurs ressources, à un meilleur fonctionnement des intercommunalités ou encore à une amélioration de leur statut. Je pourrais allonger davantage la liste, mais je m’arrêterai là, monsieur le secrétaire d’État, pour vous laisser me répondre…
Monsieur le sénateur Maurey, je vis, dans mon – beau ! – département de l’Yonne, la même réalité que vous et votre question rencontre un écho particulier chez moi, puisque la commune nouvelle de Charny Orée de Puisaye mène le même combat que certaines des communes de votre département. Et je sais que Sébastien Lecornu et vous-même êtes très attachés à votre territoire…
Il est vrai que, depuis plusieurs années, le maillage territorial de la délivrance des titres a été revu à la baisse pour mieux lutter contre la fraude documentaire et limiter le nombre de personnes habilitées à traiter ces données à caractère personnel.
À la suite de cette évolution, le nombre de dispositifs de recueil de titres d’identité n’est peut-être pas suffisant à certains endroits.
Deux réponses ont été apportées à cette situation. D’une part, les mairies qui le souhaitent peuvent permettre aux usagers d’effectuer en mairie leur prédemande de titres. D’autre part, des dispositifs de recueil mobiles peuvent être ponctuellement mis à leur disposition.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué, à juste titre me semble-t-il, le souhait de proximité qui a été exprimé lors du grand débat national – nous en avons tous été témoins. Certes, les occurrences sur ce sujet précis ne sont pas très nombreuses. Néanmoins, le chef de l’État s’est montré attentif à cette préoccupation.
Vous le savez, nous sommes encore dans la phase de prise en compte des éléments mis sur la place publique à l’occasion du grand débat, pas dans l’annonce de décisions précises, mais soyez assuré que je relayerai auprès des différents membres du Gouvernement cette impérieuse nécessité de « desserrer l’étau ». Nous devons apporter des réponses très concrètes à nos concitoyens ; c’est ce qu’ils attendent.
Monsieur le secrétaire d’État, la solution des appareils mobiles ne règle pas tout, puisqu’il n’y en a pas suffisamment. Comme je l’ai indiqué, les élus souhaiteraient que, dans chaque intercommunalité, la délivrance des titres d’identité soit possible à au moins un endroit du territoire. Nous devons vraiment tendre vers cela.
Vous le savez, puisque vous êtes vous-même élu d’un département rural, la question n’est pas anecdotique, elle participe très concrètement du sentiment d’abandon des territoires ruraux. C’est pourquoi nous devons améliorer la situation.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, auteur de la question n° 684, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le secrétaire d’État, comme cela a déjà été évoqué dans cet hémicycle, une note interne des services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères indique que, dans le cadre du programme Action publique 2022, un plan social de grande ampleur est prévu chez Atout France.
Au-delà de la préoccupation légitime des salariés de l’agence, nous sommes nombreux à nous interroger sur le choix stratégique du Gouvernement, qui a pour objectif d’accueillir 100 millions de touristes d’ici à 2020, mais cela, si l’on comprend bien, avec des moyens et des effectifs en baisse pour Atout France.
Vouloir économiser 4 millions d’euros, alors que l’action d’Atout France sur notre rayonnement à l’étranger est majeure, est plus que surprenant. La filière du tourisme représente des centaines de milliers d’emplois en France. Cette richesse contribue largement à notre croissance et à un rayonnement culturel qui va bien au-delà du simple secteur touristique.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que la concurrence touristique est toujours plus vive et que certains pays déploient des moyens colossaux en faveur de leur attractivité, comment justifiez-vous de réduire les moyens d’action d’Atout France ?
Qui plus est, la France souffre malheureusement d’une image dégradée du fait de la crise sociale que nous traversons depuis des mois. Au-delà du secteur touristique, un pan entier de notre économie attend donc vos réponses.
Mme Martine Berthet et M. François Grosdidier applaudissent.
Madame la sénatrice Lamure, le Gouvernement est clairement mobilisé en faveur du secteur du tourisme.
Vous le savez, nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux : atteindre 100 millions de touristes internationaux à la fin de 2020 et générer 60 milliards d’euros de recettes. L’année 2018 montre que nous sommes sur la bonne voie, puisque les chiffres recommencent à progresser : ainsi, nous avons atteint 90 millions de visiteurs internationaux et 57 milliards d’euros de recettes.
Le tourisme, qui représente environ 7 % de la richesse nationale, est une composante majeure de notre économie nationale. Surtout, il irrigue nos territoires bien au-delà de la seule Île-de-France et de Paris, puisque beaucoup de nos trésors patrimoniaux sont situés dans les territoires ruraux. Nous sommes d’ailleurs très attachés au fait que ces flux bénéficient à l’ensemble des régions.
Vous le voyez, notre ambition est intacte.
En ce qui concerne les moyens, le Gouvernement a fait un geste très concret, en affectant une partie des recettes des visas à Atout France pour 5 millions d’euros, ce qui lui a permis de développer des plans de promotion.
Je rends d’ailleurs hommage au directeur général d’Atout France, Christian Mantei, qui achève sa mission, et à l’ensemble de ses équipes : lorsque nous leur confions un euro pour la promotion, ils réussissent à en lever deux, un auprès des collectivités locales et un auprès du secteur privé, ce qui démultiplie notre force de frappe. Nos objectifs ne sont donc pas du tout à la baisse en termes de promotion.
Atout France a aussi montré par le passé, notamment durant les cinq dernières années, qu’il savait se transformer et je lui tire mon chapeau, parce qu’il a réussi à le faire, tout en permettant l’amplification des flux touristiques vers la France. Dans les dernières années, pas loin de 80 postes en équivalent temps plein n’ont pas été reconduits, si bien que beaucoup de choses ont dû être revues. Je tiens de nouveau à rendre hommage à son personnel pour cela.
Nous sommes en train d’écrire une nouvelle page de cette transformation. Un nouveau directeur général va être nommé. Christian Mantei va devenir président du conseil d’administration. Un nouveau contrat d’objectifs et de performance va être préparé et conclu. Des économies de fonctionnement seront, il est vrai, demandées à Atout France – je rappelle de ce point de vue que l’agence a déjà déménagé dans de nouveaux locaux.
Je fais pleinement confiance aux salariés, à la gouvernance et aux différents acteurs du secteur pour faire des propositions et améliorer le fonctionnement d’Atout France, tout en développant encore la promotion de notre pays au profit de ses territoires.
Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse va dans le sens de celle qui avait été donnée à ma collègue Catherine Dumas à l’occasion d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement. Des ressources supplémentaires pérennes doivent ainsi être affectées à Atout France à partir des recettes obtenues par la délivrance de visas, ce qui devrait limiter la baisse de ses moyens.
Cependant, à l’occasion de la question que j’évoquais à l’instant, le ministre avait ajouté que nous aurions très prochainement à mener une réflexion stratégique sur la promotion touristique. Il est inutile de vous dire que les acteurs du tourisme, notamment Atout France, attendent avec impatience l’issue de cette réflexion.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 650, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question s’adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Les compléments alimentaires sont des denrées dont le but est de compléter un régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique. Ils sont conditionnés sous forme de comprimés, de gélules, de pastilles ou encore d’ampoules et peuvent contenir des vitamines et minéraux, des plantes ou d’autres ingrédients à but nutritionnel ou physiologique.
La fabrication et la commercialisation des compléments alimentaires sont soumises à une réglementation européenne. N’étant pas des médicaments, ils sont ensuite vendus sans ordonnance et largement distribués dans les pharmacies, les grandes surfaces, les magasins spécialisés ou sur internet.
Il faut à cet égard rappeler que, mal utilisés, ils peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé des consommateurs et entraîner des effets toxiques, en raison notamment de surdosage ou de surconsommation du fait de la prise concomitante de plusieurs types de produits.
En outre, les compléments alimentaires sont souvent prescrits aux personnes âgées souffrant de dénutrition. Certains facteurs tels que la perte de mobilité, combinés à l’augmentation des besoins métaboliques liés à l’âge, peuvent en effet nécessiter une supplémentation, parallèlement au maintien d’une alimentation équilibrée.
On estime ainsi qu’entre 15 % et 40 % des résidents des Ehpad sont concernés. Le dépistage et la prise en charge de la dénutrition ont été reconnus comme des priorités de santé publique.
Ces compléments sont le plus souvent non remboursés. Dès lors, il est utile de s’interroger sur la manière dont ils sont choisis, le prix de deux produits similaires variant sensiblement.
Pourriez-vous m’indiquer, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les modalités de prescription de ces compléments alimentaires, ainsi que leurs conditions de prise en charge par la sécurité sociale ? Existe-t-il des recommandations ou un guide de bonnes pratiques en la matière ?
Plus précisément, des réflexions sont-elles en cours sur un éventuel encadrement de ces prescriptions et sur une plus grande transparence des frais qu’elles engendrent ?
Je vous remercie de votre éclairage.
Monsieur le sénateur Fichet, permettez-moi, pour commencer, de vous donner quelques éléments sur la dénutrition, phénomène qui touche un certain nombre de nos anciens, notamment les résidents en Ehpad, avant de vous répondre plus précisément sur les compléments alimentaires.
Vous avez raison, la dénutrition demeure largement méconnue ; votre question nous aura permis d’en parler dans cet hémicycle. Elle constitue un obstacle à une prise en charge précoce. En France, en 2018, la prévalence de la dénutrition demeurait élevée. On estime en effet à 2 millions le nombre d’individus qui en souffrent. Cette prévalence augmente avec l’avancée en âge et touche par conséquent davantage les personnes âgées, comme vous l’avez indiqué.
En raison de l’évolution démographique de la population et de l’augmentation des pathologies chroniques, une augmentation importante du nombre de personnes touchées est ainsi à redouter dans les prochaines années. Nous savons ce qui attend notre pays…
Les conséquences de la dénutrition sont multiples. C’est un facteur majeur de la perte d’autonomie à l’origine de chutes, d’un état dépressif, d’une altération de la qualité de vie en général et, surtout, de la pérennisation d’un déséquilibre alimentaire aggravant une dénutrition déjà existante.
Vous m’interrogez plus spécifiquement sur la prescription des compléments alimentaires. Vous le savez, ces compléments alimentaires sont classés, conformément à la réglementation européenne, comme des denrées alimentaires et ne font pas l’objet d’une prescription médicale en tant que telle. Toutefois, le ministère chargé de la santé recommande de consulter un médecin avant tout achat, compte tenu notamment de certaines interférences possibles avec les médicaments que la personne peut prendre en parallèle.
Les compléments nutritionnels oraux sont des mélanges nutritifs complets auxquels il est possible de recourir dans le cadre de la stratégie nutritionnelle de la personne âgée. Ils sont prescrits à cet égard par un médecin, à des fins médicales, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé, afin d’augmenter l’apport énergétique et protidique des patients dénutris. Ces produits prescrits, dès lors qu’ils sont inscrits sur la liste des produits et des prestations remboursables, sont pris en charge par l’assurance maladie.
Sachez enfin, monsieur le sénateur, que la réduction du taux de personnes âgées dénutries vivant à domicile ou en institution est l’un des objectifs définis par le Haut Conseil de la santé publique, repris dans le quatrième programme national nutrition santé, le PNNS 4.
J’espère avoir ainsi répondu à vos interrogations.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de vos réponses. Cependant, je pense qu’il faut aller plus loin et encadrer de façon plus précise la prescription de compléments alimentaires.
Aujourd’hui, dans les Ehpad, des compléments alimentaires apparaissent dans la chaîne des médicaments prescrits, sans aucune maîtrise du consommateur, des patients ou des familles. Les coûts annuels de ces compléments alimentaires sont parfois assez élevés, sachant qu’ils ne sont pas remboursés et que leur efficacité est régulièrement mise en question.
Je ne manquerai pas de poser d’autres questions sur ce sujet.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot, auteur de la question n° 658, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question, qui s’adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé, porte sur l’offre publique de soins dans l’arrondissement de Montbrison, dans le département de la Loire.
Le Centre hospitalier du Forez, le CHF, a été créé en 2013 par la fusion des centres hospitaliers de Feurs et de Montbrison. Il est désormais le seul hôpital public de l’arrondissement de Montbrison, territoire qui compte plus de 180 000 habitants.
À la suite de cette fusion, plusieurs activités ont fermé ou ont été regroupées sur un seul site. Quant aux effectifs, ils ont été réduits.
Alors qu’il connaissait des excédents budgétaires avant la fusion, le CHF est désormais en déficit chronique. Cela n’a rien d’étonnant, car, avec le système de tarification à l’activité, la suppression de services entraîne, de fait, la réduction des recettes.
À la fin du mois de janvier dernier, les membres du conseil de surveillance du CHF ont ouvert la voie à un nouveau recul de l’offre publique de soins : ils ont ainsi acté le principe du transfert à un nouveau gestionnaire de l’autorisation d’exploiter l’Ehpad du Centre hospitalier du Forez situé à Montbrison.
Cette décision, qui n’a jamais été suggérée dans le projet médical, semble exclusivement motivée par la nécessité de faire face à la mise aux normes de cet établissement de 209 lits, laquelle est devenue indispensable.
L’hypothèse d’une rénovation sur le site actuel semble à ce jour écartée. Elle aurait pourtant un double intérêt : elle serait moins coûteuse et permettrait de conserver l’Ehpad en centre-ville, situation plus propice à la mixité intergénérationnelle.
L’hypothèse envisagée actuellement de reconstruire le centre sur un autre site serait plus onéreuse : elle coûterait environ 25 millions d’euros. Elle est aussi porteuse de réelles inquiétudes pour la population de Montbrison, pour le CHF lui-même, pour ses résidents et ses personnels.
En effet, cette solution aurait des effets sur le pouvoir d’achat des résidents et de leurs familles, car l’opérateur privé retenu ne manquera pas de reporter le coût de ces travaux sur leur facture. Le passage à une gestion privée pourrait ainsi se traduire par une augmentation du coût de séjour de plusieurs centaines d’euros par mois. Elle entraînerait également une plus grande précarité pour la cinquantaine de membres du personnel, qui, d’un statut de fonctionnaires, basculeraient vers un contrat de droit privé.
À terme, cette solution constituerait en outre une mauvaise opération supplémentaire pour le CHF puisqu’il verrait se tarir une autre source de recettes, ce qui accroîtrait son déficit.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement sur ce dossier. L’État, via l’agence régionale de santé, l’ARS, soutiendra-t-il la mise aux normes de l’Ehpad de Montbrison en apportant le financement nécessaire ? Donnera-t-il les moyens de maintenir cet établissement pour personnes âgées dépendantes dans le secteur public, seul garant de l’équité sociale et territoriale ?
Monsieur le sénateur, permettez-moi, pour commencer, de livrer quelques éléments de contexte et de chronologie, au risque de répéter ceux que vous venez de nous rappeler, afin de préciser certains points et, je l’espère, de vous rassurer.
J’ai bien entendu les difficultés rencontrées par le Centre hospitalier du Forez, ainsi que les problèmes d’accessibilité et de sécurité de l’Ehpad de Montbrison.
J’évoquerai tout d’abord les évolutions du CHF. Les deux centres hospitaliers de Montbrison et de Feurs enregistraient, avant la fusion du 1er janvier 2013, une diminution de leur activité. Si la fusion a permis de l’atténuer en recherchant une complémentarité entre les deux sites, elle n’a pu l’enrayer dans la durée, la difficulté majeure de recrutement médical ayant contraint l’établissement à adapter son organisation, voire à renoncer à certaines activités.
J’en viens à l’Ehpad du Centre hospitalier du Forez, sur le site de Montbrison, dont la situation est bien connue du directeur général de l’agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes. Ce dernier est bien conscient, comme l’ensemble des intervenants – les personnels, les résidents et les familles – et des institutions – l’établissement et le conseil départemental –, de la nécessité d’améliorer les conditions d’accueil des personnes âgées qui y sont prises en charge en engageant un projet d’investissement.
Cependant, la situation financière générale du Centre hospitalier du Forez, malgré le soutien important de l’ARS, ne l’autorisant pas à contracter les nouveaux emprunts nécessaires à cet investissement majeur de 25 millions d’euros, le conseil de surveillance a, le 23 janvier dernier, pris une délibération visant à transférer à un nouveau gestionnaire l’autorisation de l’Ehpad, comme vous l’avez indiqué. Il revient au conseil de surveillance de l’établissement de se positionner sur les modalités de mise en œuvre de ce transfert.
Dans ce cadre, l’établissement explore différentes hypothèses visant à garantir à la fois l’accessibilité financière du nouvel établissement par un reste à charge comparable à ceux des Ehpad publics du département de la Loire, la poursuite par le nouvel établissement de son rôle naturel d’aval du Centre hospitalier du Forez en matière de gériatrie, et la possibilité pour les personnels de l’Ehpad de poursuivre leur mission sous le statut de la fonction publique hospitalière.
À ce jour, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes attend que lui soit communiqué le montage juridique et financier définitif du portage de cette structure et de connaître l’organisme gestionnaire qui sera retenu par le Centre hospitalier du Forez.
S’agissant d’une structure médico-sociale sous compétence conjointe, le dossier d’investissement sera examiné en liaison étroite avec le conseil départemental de la Loire, chef de file de l’action sociale. Dès lors que le dossier sera finalisé, un soutien financier supplémentaire de l’ARS pourra éventuellement être envisagé.
Je serai très bref. Je me contenterai, comme l’a fait ma collègue Hélène Conway-Mouret, de rappeler ce qu’a dit hier le Premier ministre s’agissant de l’exigence de fraternité : quand le service public ferme, c’est l’État qui abandonne ses citoyens.
Comment fait-on pour garder ces 209 lits dans le service public, monsieur le secrétaire d’État ? Tel est le fond de ma question.
La parole est à Mme Valérie Létard, auteure de la question n° 686, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le secrétaire d’État, j’évoquerai ce matin la nécessité d’une meilleure adéquation entre les indicateurs administratifs et la prise en charge sanitaire dans les Hauts-de-France.
J’attire l’attention du Gouvernement sur le zonage des médecins généralistes publié en décembre 2018, selon une nouvelle cartographie des zones d’intervention prioritaire, les ZIP, et des zones d’action complémentaire, les ZAC.
Vous le savez, les ZIP ouvrent droit pour les médecins aux aides à l’installation de l’assurance maladie de l’État et aux exonérations fiscales au titre de la permanence des soins ambulatoires. Les ZAC ouvrent droit aux seules aides de l’État.
La détermination de ces zonages est maintenant nationale. Or l’État a fixé, pour les Hauts-de-France, les seuils d’intervention à 8, 3 % de la population pour les ZIP, quand le taux national est de 18 %, et à 38, 4 % de la population pour les ZAC, quand le taux national est de 56 %. Ces taux pour le moins très inférieurs aux taux nationaux devraient susciter une réflexion sur la prise en charge sanitaire.
Cette nouvelle cartographie fait de la région des Hauts-de-France la troisième région la moins bien dotée de ces dispositifs, bien loin de la réalité des indicateurs de santé fortement dégradés. En effet, dans les Hauts-de-France, la mortalité générale est supérieure de 20 % à la moyenne nationale. Quant à la surmortalité des moins de 65 ans – soit la mortalité prématurée –, elle est supérieure de 33 % pour les hommes et de 26 % pour les femmes aux moyennes nationales. Ces données montrent que l’état de santé de la population des Hauts-de-France est fragile.
Les seuils retenus pour ces deux types de zones ne correspondent pas à la réalité des besoins sanitaires de la région. Face à ce constat, l’agence régionale de santé a utilisé son droit dérogatoire pour affiner les zones par rapport aux recommandations nationales afin d’être plus proche de la réalité des besoins, mais dans la limite des seuils disponibles fixés par le ministère, lesquels sont extrêmement serrés.
Monsieur le secrétaire d’État, au regard des indicateurs dégradés de santé et de la précarité, les leviers pour agir sur le zonage des médecins généralistes, maillons essentiels de la prise en charge sanitaire, devraient être revus pour favoriser une installation territorialisée cohérente avec le besoin du territoire régional.
Quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre pour améliorer la situation dans les Hauts-de-France, et dans quels délais ?
Madame la sénatrice, vous l’avez rappelé, la refonte de la méthodologie en 2017 a permis aux agences régionales de santé de mieux identifier les zones sous-denses en offres de soins, où sont mobilisées les aides à l’installation et au maintien des médecins. L’agence régionale de santé Hauts-de-France a ainsi révisé son zonage à la fin de l’année 2018. L’objectif, partagé, est de favoriser une meilleure répartition des professionnels sur le territoire.
L’indicateur pour la détermination des zones est l’accessibilité potentielle localisée, l’APL, à un médecin. Elle intègre le nombre de médecins généralistes, leur activité, le temps d’accès au praticien et le recours aux soins des habitants par classes d’âge. Cet indicateur, dont les acteurs saluent la construction robuste, objective la situation de chaque région en termes d’accès à un médecin.
La méthodologie prévoit que les agences régionales de santé peuvent utiliser des indicateurs complémentaires pour apprécier les problématiques locales, comme l’état de santé de la population. Une attention particulière a notamment été portée aux quartiers prioritaires de la ville. Les ARS disposent également d’une marge d’adaptation pour retenir d’autres territoires présentant des difficultés, hors quartiers prioritaires de la ville.
Les ARS ont donc déterminé les zones prioritaires éligibles à toutes les aides, ainsi que des zones complémentaires éligibles aux aides régionales et locales. La rénovation du zonage a permis un élargissement des territoires éligibles et un soutien financier plus important sur l’ensemble du territoire.
Dans les Hauts-de-France plus spécifiquement, plus de 2, 4 millions d’habitants sont concernés. Les zones d’intervention prioritaire et les zones d’action complémentaire, les fameuses ZIP et ZAC, représentent respectivement 14, 2 % et 42, 5 % des communes.
Grâce aux critères objectifs et aux multiples adaptations possibles, l’ARS Hauts-de-France a déterminé les zones en tension tout en portant une attention particulière à l’état de santé de la population et aux territoires défavorisés d’un point de vue social. Par ailleurs, les zones non retenues au sein du zonage peuvent bénéficier d’autres mesures d’accompagnement à l’échelon local.
Enfin, la réglementation prévoit une révision de l’arrêté régional définissant le zonage tous les trois ans. Une modification du zonage est possible en tant que de besoin pour tenir compte d’une éventuelle évolution de l’offre durant la période. Ce dispositif de zonage est construit de telle sorte qu’il offre constamment des marges de manœuvre et d’adaptation locale.
Pour autant, nous mesurons la contrainte qui est parfois ressentie dans les territoires. C’est pourquoi la ministre des solidarités et de la santé a souhaité que puisse être expérimenté un pouvoir de dérogation globale et complète aux règles nationales de zonage, en place depuis la fin de 2017, et pour deux ans dans quatre régions, dont les Hauts-de-France. L’ARS Hauts-de-France bénéficie de cette dérogation, qu’elle a mobilisée pour l’élaboration de son zonage. Peut-être estimez-vous que cette marge de manœuvre est trop étroite, …
… mais l’évaluation de ce régime de dérogation est prévue très prochainement. Elle pourra éventuellement être l’occasion de revoir les différents plans mis en œuvre.
Je serai brève, car mon temps de parole est presque écoulé.
Monsieur le secrétaire d’État, le mécanisme que vous évoquez n’est vraiment pas satisfaisant. Selon les indicateurs, les Hauts-de-France sont parmi les régions qui connaissent le plus de difficultés en France. Nous nous situons nettement au-dessous de la moyenne nationale. Vous pouvez envisager toutes sortes de correctifs, le fait est qu’il faut revoir le zonage. Il y va de la vie de milliers d’habitants des Hauts-de-France, qui ne sont pas pris en charge aujourd’hui.
La parole est à M. Michel Vaspart, auteur de la question n° 693, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question s’adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé. Elle porte sur l’avenir de la maternité du Centre hospitalier René-Pleven à Dinan.
Appartenant au territoire de santé Saint-Malo-Dinan, qui couvre 138 communes pour 264 000 habitants, soit 8 % de la population bretonne, sur l’est des Côtes-d’Armor et le nord de l’Ille-et-Vilaine, l’hôpital de Dinan fait partie, depuis 2011, de la communauté hospitalière de territoire Rance Émeraude.
Avec une capacité de 603 lits, l’hôpital de Dinan est un établissement de proximité centré sur les activités de médecine, de gynécologie-obstétrique et de prise en charge des personnes âgées. Il compte 7 plateaux techniques.
Un projet de fusion des 3 centres hospitaliers de Dinan, de Cancale et de Saint-Malo est en cours d’élaboration à la demande de l’ARS Bretagne. Cette fusion devrait officiellement voir le jour au 1er janvier 2020.
À l’occasion de la cérémonie des vœux au personnel hospitalier en janvier 2019, la chef de service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital de Saint-Malo a mis le feu aux poudres en déclarant que cette fusion ne pourrait avoir lieu que si la maternité de Dinan était fermée, ou du moins si elle ne pratiquait plus d’accouchements.
Cette déclaration a suscité un vif émoi dans la communauté médicale dinannaise, chez les personnels de l’hôpital, auprès de la population locale et chez les élus du pays de Dinan, bien entendu.
Le territoire de santé a enregistré 2 457 naissances en 2017, dont près de 700 dans la seule maternité de Dinan, contre 778 en 2014. Certes, seules 59 % des parturientes du bassin de vie de Dinan accouchent à la maternité de Dinan, mais des marges de manœuvre existent pour faire augmenter ce taux, notamment en proposant des services complémentaires comme l’accouchement naturel.
Par ailleurs, si la situation financière de l’hôpital de Dinan est assez difficile – hausse des dépenses de gestion de 1 % chaque année depuis 2014, augmentation des charges de personnel de 1, 7 % en moyenne annuelle, endettement croissant, déficit du service gynécologie-obstétrique –, des efforts de redressement ont été conduits en partenariat avec l’ARS.
Il semble par ailleurs que l’ARS soutienne le maintien de la maternité de Dinan et qu’elle souhaite que des investissements soient réalisés pour renforcer l’attractivité de la maternité.
Monsieur le secrétaire d’État, il est indispensable de rassurer les personnels et la communauté médicale de l’hôpital de Dinan, la population, ainsi que les élus locaux : quel est l’avenir de la maternité de Dinan ?
Monsieur le sénateur Michel Vaspart, le socle populationnel de votre territoire permet d’envisager le maintien à Dinan d’un centre hospitalier de référence attractif, en mesure de couvrir les besoins des patients.
L’objectif est effectivement de conforter le Groupement hospitalier de territoire, le GHT, et de tendre vers la fusion des établissements, afin de renforcer la démographie médicale et de permettre une répartition et une graduation des soins adaptées aux besoins du territoire et de ses populations.
C’est dans ce cadre que l’agence régionale de santé, en liaison étroite avec les trois présidents des conseils de surveillance, respectivement maires des trois communes, avec la direction du GHT et les trois présidentes des commissions médicales d’établissement, a décidé d’acter cette fusion, qui doit s’appuyer sur la construction d’un projet médical partagé.
Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une situation financière du Centre hospitalier de Dinan effectivement dégradée, vous l’avez rappelé, et doit permettre de développer son activité.
Concernant la filière périnatalité, le projet médical partagé du Groupement hospitalier de territoire Rance Émeraude, approuvé par le directeur général de l’ARS Bretagne en 2017, affiche trois objectifs : assurer l’accès géographique aux soins dans deux bassins relativement étendus ; veiller à assurer la sécurité de la prise en charge sur les deux sites existants ; formaliser une réelle collaboration entre les deux sites.
Le projet de territoire, et j’en viens à votre question précise, monsieur le sénateur, ne remet aucunement en cause l’avenir de la maternité de Dinan, ce que confirme le deuxième projet régional de santé publié par l’ARS en juin 2018. Ce dernier prévoit pour le territoire de Saint-Malo-Dinan deux maternités. Par ailleurs, la sécurité et la qualité des soins n’ont pas été mises en cause.
Enfin, la part des accouchements réalisés à Dinan, bien qu’elle ait connu une baisse de 13 % entre 2014 et 2017, se situe en réalité dans le même ordre de grandeur que la moyenne du département des Côtes-d’Armor et du territoire de Saint-Malo-Dinan sur la même période, qui a été, elle, de 11 %. En outre, elle correspond encore en 2018 à plus d’un tiers des accouchements réalisés sur le territoire concerné.
Le projet de territoire vise ainsi à conforter l’image de la maternité de Dinan, qui dispose d’un véritable potentiel de développement, et à donner plus de visibilité aux futurs parents sur l’offre proposée par l’établissement.
La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, auteure de la question n° 702, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a apporté des améliorations sensibles pour la prise en charge de nos aînés dépendants à domicile, le sujet de la prise en charge en établissement reste pendant. Lorsque le maintien chez soi a atteint ses limites, les familles sont trop souvent, hélas ! confrontées à la difficulté de trouver une place en Ehpad.
Aussi aimerais-je savoir quels moyens le Gouvernement entend dégager afin d’autoriser la création de places supplémentaires dans ces établissements, singulièrement dans les territoires tels que mon département de la Haute-Vienne, où les besoins sont les plus criants au regard de la pyramide des âges, et ce afin d’accueillir convenablement les personnes âgées en situation de grande dépendance qui ne peuvent malheureusement plus rester à leur domicile.
Madame la sénatrice Perol-Dumont, en 2050, on le sait, car cela suscite un certain nombre de débats, près de 5 millions de Français auront plus de 85 ans, soit trois fois plus qu’aujourd’hui. Le nombre d’aînés en perte d’autonomie aura pour ainsi dire doublé.
Votre question porte donc sur un défi majeur qui nous concerne tous et que notre société doit relever aujourd’hui : comment bien accompagner nos aînés demain ?
Le rapport remis par Dominique Libault le 28 mars dernier aborde ce sujet dans tous ces aspects.
Comment améliorer la qualité de prise en charge des personnes ? Comment faire en sorte que chacun puisse choisir librement où il vieillira, sans que la question financière soit le premier critère, sinon ce ne serait plus un choix, sans avoir le sentiment d’être un fardeau pour ses proches ? C’est la question des aidants.
Vous posez en particulier la question du nombre de places en Ehpad et de leur accessibilité, mais la difficulté est aussi, et parfois surtout, celle du coût de l’entrée en Ehpad pour les personnes, cette question renvoyant à celle des financements publics apportés aux Ehpad comme aux personnes âgées.
Dans son rapport, Dominique Libault aborde dans le détail ces questions et formule des propositions ambitieuses.
Des mesures fortes ont également été engagées dès 2018, je le rappelle, avec une feuille de route destinée à répondre très vite à l’urgence qui s’exprimait dans ces établissements.
Les principales mesures de cette feuille de route portaient bien entendu sur le financement des Ehpad : moratoire dans la mise en œuvre de la convergence du tarif dépendance, accélération a contrario de la convergence sur le tarif soins pour permettre aux établissements de recruter plus de personnels soignants.
Aujourd’hui, sur la base des propositions de Dominique Libault, nous devons répondre à un double enjeu d’accessibilité et d’hétérogénéité de l’offre, à domicile comme en établissement. C’est donc à une réelle transformation de l’offre entre domicile et Ehpad que nous devons nous atteler, pour trouver la solution la plus adaptée aux besoins et aux budgets de chacun de nos aînés.
Pour cela, des mesures structurantes devront être prises dans une grande loi, laquelle sera présentée en conseil des ministres à l’automne, conformément à la volonté annoncée et réaffirmée du Président de la République. Les débats parlementaires seront ainsi l’occasion d’aborder prochainement, et dans le détail, ces sujets majeurs pour l’avenir de notre société.
J’entends votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, mais la réalité, c’est que, actuellement, les demandes de création de places portées par les conseils départementaux se heurtent très souvent – trop souvent ! – au refus des ARS, qui ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour autoriser la création de lits. Les listes d’attente s’allongent et les familles sont dans le plus grand désarroi. Nous pouvons tous ici en témoigner, nous en recevons régulièrement.
Si le sujet du coût du reste à charge, vous l’avez évoqué, est explosif, celui des délais d’attente avant d’obtenir une place en établissement ne l’est pas moins. Les deux appellent conjointement une réponse rapide sur les moyens précis, car c’est bien une question de moyens financiers, que le Gouvernement entend consacrer à la solidarité générationnelle.
Il est essentiel, monsieur le secrétaire d’État, que la loi annoncée prenne en compte la question du financement et qu’elle apporte des solutions pérennes pour que les familles ne soient pas pénalisées par une double peine : la difficulté à trouver une place, celle ensuite à faire face financièrement.
C’est toute la question de la solidarité et de la prise en charge de la solidarité à l’échelon national qui est posée et à laquelle cette loi devra répondre. Or, pour l’instant, cette solidarité repose beaucoup trop sur les départements.
La parole est à Mme Martine Berthet, auteure de la question n° 709, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le secrétaire d’État, le rapport Libault remis à Mme la ministre des solidarités et de la santé le 28 mars dernier pointant fortement la nécessité de mettre en œuvre un plan national pour les métiers du grand âge, permettez-moi de vous parler ce matin de la situation d’extrême urgence dans laquelle se trouvent les structures d’aide à domicile en zone de montagne. Celles-ci sont en effet confrontées à une baisse plus qu’importante de leurs effectifs salariés, la rémunération de ces personnels étant déconnectée de la réalité et des nécessités de leur travail.
C’est ainsi que l’ADMR – pour Aide à domicile en milieu rural – de Bozel, en Savoie, vient d’être confrontée au départ de 26 auxiliaires de vie sur 30, sans qu’il ait été possible de les remplacer. Ces baisses importantes de personnels et leurs conséquences sur la prise en charge des patients ont conduit à la démission de l’ensemble du conseil d’administration de cette antenne du réseau ADMR le 9 février dernier. Celle-ci est, dans l’attente, gérée par sa fédération départementale, mais le problème du recrutement reste intact.
En premier lieu, ces départs s’expliquent notamment par le planning à la minute, source de beaucoup de stress et de précipitation. Parallèlement, la rémunération n’est pas attractive, alors même que ces professionnels ont de lourdes responsabilités.
En Savoie, particulièrement en Tarentaise, la question de la rémunération est d’autant plus primordiale que le coût de la vie en station est important, mais également car cette vallée connaît une situation de quasi-plein emploi.
En second lieu, et cela constitue un élément majeur, le montant des frais kilométriques n’est pas adapté à nos zones montagneuses où les déplacements se comptent en temps et non en kilomètres, d’autant que ceux-ci ne sont désormais plus pris en compte pour les trajets retours.
Alors que les Ehpad sont surchargés, qu’il est indispensable de garder nos personnes âgées le plus longtemps possible dans leur environnement familial, que les classes de formation ouvertes n’arrivent plus à être remplies, il devient plus qu’urgent de reconsidérer le mode de recrutement, la rémunération et les conditions de travail des auxiliaires de vie.
Aussi, je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, dans quels délais sera nommée la personne chargée des métiers du grand âge annoncée par Mme la ministre et si, dans le séquençage des mesures présentées, celle qui concerne les métiers du grand âge sera une priorité.
Madame la sénatrice Berthet, le Gouvernement partage votre préoccupation sur la situation des salariés du secteur de l’aide à domicile, secteur qui connaît un fort déficit d’attractivité. Agnès Buzyn avait ainsi annoncé, le 30 mai 2018, lors de la présentation de la feuille de route pour les personnes âgées, une refonte du système de financement des services à domicile.
Les travaux menés en concertation avec les acteurs ont bien avancé et le rapport remis par Dominique Libault à l’issue de la concertation « grand âge et autonomie » qu’il a pilotée entre octobre 2018 et mars 2019, que vous avez évoqué, s’est appuyé sur ces travaux et sur les propositions de schéma de financement rénové pour faire des propositions ambitieuses et améliorer la qualité du service et l’attractivité pour les salariés du secteur. Ce rapport évoque justement les difficultés rencontrées par les professionnels que vous avez soulevées, à savoir la durée d’intervention, le temps de déplacement et les indemnités kilométriques, notamment dans certaines zones spécifiques.
Nous devrons désormais travailler sur la base du rapport à la meilleure façon de procéder pour que les financements apportés au secteur permettent réellement de mieux rémunérer les personnels et d’améliorer l’attractivité du secteur.
Au-delà de ces sujets sur l’aide à domicile, le Gouvernement a indiqué vouloir engager rapidement un grand plan Métiers pour revaloriser tous les métiers du grand âge. Il s’agit de travailler notamment sur quatre leviers de changement majeurs concernant les métiers du grand âge.
Le premier concerne les effectifs, qui doivent augmenter pour accroître le temps de présence auprès des personnes. Le deuxième a trait à la prévention de la pénibilité du travail. Le troisième porte sur les formations et les compétences, qui doivent évoluer pour mieux préparer les professionnels aux attentes nouvelles. Cette montée en compétence, cette évolution des métiers devront s’accompagner, me semble-t-il, de revalorisations salariales. Enfin, quatrième levier, des perspectives de carrière diversifiées doivent être ouvertes à ces professionnels.
À cette fin, je vous réaffirme l’engagement de Mme la ministre de la solidarité et de la santé : une personnalité qualifiée sera nommée très rapidement, sans que je puisse vous communiquer plus précisément la date, pour animer toutes les parties prenantes concernées par cette question des métiers du grand âge.
Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d’État. J’insiste sur le fait que les structures, qu’elles soient publiques ou privées, attendent la réalisation concrète des annonces qui ont été faites. Elles comptent sur vous pour que celles-ci n’en restent pas au seul stade de l’annonce.
La parole est à M. Dominique Théophile, auteur de la question n° 561, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le secrétaire d’État, le 13 septembre 2018, le Président de la République présentait les grandes lignes de la stratégie nationale de lutte contre les « inégalités de destin » et annonçait que 8 milliards d’euros seraient consacrés à sa mise en œuvre. Je salue plusieurs des initiatives de ce plan, notamment celles qui touchent à la protection de la petite enfance et au soutien apporté aux crèches : ce sont des sujets qui me sont chers et importants pour nos territoires.
Toutefois, aucune mention n’a été faite des outre-mer dans ce discours affirmant qu’il fallait « faire plus pour ceux qui ont moins ». La pauvreté y est pourtant bien plus massive qu’en Hexagone puisqu’elle touche une personne sur cinq en Martinique et huit personnes sur dix à Mayotte, par exemple. Une déclinaison classique du plan est prévue dans les territoires ultramarins comme dans les autres collectivités, mais, au-delà, aucune mesure prenant acte de cette situation particulière ne semble avoir été décidée.
Aussi faut-il rappeler que les revenus de solidarité active, dits RSA, versés par les conseils départementaux d’outre-mer ne sont pas compensés par l’État dans leur intégralité. Le nombre de personnes au RSA représente ainsi près de 22 % de la population en Guadeloupe. Si de nouvelles charges sont attribuées aux départements dans le cadre du plan national, il sera nécessaire de prendre en compte les coûts existants.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous expliciter les modalités de déclinaison du plan Pauvreté dans les outre-mer ? Des mesures spéciales sont-elles prévues pour ces territoires ?
Monsieur le sénateur Théophile, vous le savez, et j’espère vous en convaincre si tel n’était pas le cas, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit un investissement fort de l’État dans les outre-mer. Les spécificités ultramarines ont été pleinement prises en compte, dès le départ, lors de son élaboration et de sa conception.
Il en est ainsi de l’île de la Réunion, retenue comme territoire démonstrateur, avec qui nous sommes en train de finaliser l’élaboration de la convention de lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi, ou encore de la Guadeloupe, sur la base du volontariat, qui pourra dans les mois à venir faire l’objet d’une convention ad hoc. Celle-ci traduira l’investissement nouveau de l’État en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté, aux côtés du conseil départemental. Près de 3 millions d’euros sont ainsi prévus en 2019.
Cette convention portera sur deux volets : d’une part, des engagements sur les objectifs « socles » de la stratégie, avec la prévention des sorties dites « sèches » de l’aide sociale à l’enfance, la création des référents de parcours pour un meilleur accompagnement des RSA, le lancement du premier accueil social inconditionnel et l’amélioration de l’orientation et de l’insertion des allocataires du RSA ; d’autre part, des initiatives nouvelles portées par votre collectivité permettant d’apporter des réponses spécifiques aux besoins de votre territoire.
Au-delà de cette contractualisation entre l’État et le département, le déploiement de la stratégie Pauvreté sur l’île de la Guadeloupe, porté par les territoires, se poursuivra.
La conférence régionale des acteurs se tiendra le 15 avril prochain. Cette rencontre devra permettre une appropriation des enjeux de la stratégie et la mise en place de l’animation de cette stratégie par les acteurs concernés, car c’est bien la spécificité et la force de la méthode adoptée par le ministère et son délégué interministériel, à savoir les collectivités territoriales, les associations et les personnes en situation de précarité. Ensuite, sur la base d’un diagnostic local coconstruit, des priorités seront définies en matière d’enfance, de jeunesse, d’insertion ou d’accès au droit.
Nous déploierons les mesures de la stratégie avec l’ouverture de nouvelles places de crèche sur l’île, la création de points conseil budget pour lutter contre le surendettement, le lancement des petits-déjeuners dans les écoles volontaires, la création de centres sociaux, le renforcement des interventions des éducateurs spécialisés, l’aide aux communes pour la tarification sociale dans les cantines, le développement de centres de santé ou encore le déploiement de la garantie jeunes pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi.
Enfin, je vous confirme qu’aucune charge nouvelle ne sera attribuée aux départements. Au contraire, des moyens nouveaux seront apportés aux outre-mer par la stratégie Pauvreté dans l’objectif effectivement de faire plus pour ceux qui ont moins.
Je vous remercie de ces explications, monsieur le secrétaire d’État. La situation, vous le savez, est quelque peu dégradée dans nos territoires. Je serai particulièrement attentif aux conclusions de la conférence des acteurs. Vos dernières annonces, que je suivrai attentivement, me semblent plus positives.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, auteure de la question n° 676, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le secrétaire d’État, je débuterai mon intervention par un chiffre : 92 cas de cancers détectés parmi les 208 anciens verriers de Givors interrogés. Si cela ne suffisait pas à vous convaincre, j’ajouterais celui des maladies diverses contractées en rapport avec l’exposition des salariés aux matières toxiques utilisées par la verrerie de Givors, soit 82 !
C’est énorme. Pourtant, seize ans après la fermeture de cette verrerie, les salariés sont toujours en attente d’un reclassement du site en zone amiantée… Ce reclassement permettrait à ces femmes et à ces hommes d’obtenir un certificat d’exposition, de bénéficier d’un suivi post-professionnel et, le cas échéant, de voir reconnaître leurs pathologies comme des maladies professionnelles, accompagnées d’une indemnisation du préjudice d’anxiété pour les expositions diverses.
À l’heure actuelle, l’absence de certificat d’exposition aux agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques, dits CMR, constitue une entrave à leurs démarches de demande de suivi et de reconnaissance en maladies professionnelles auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie, la CPAM.
Monsieur le secrétaire d’État, sur les 645 anciens verriers membres de l’association des victimes, 211 sont décédés et 73 sont aujourd’hui malades. L’âge moyen des décès est de 70, 5 ans, soit neuf ans de moins que la moyenne des hommes en France. Douze maladies professionnelles ont été reconnues, mettant en cause l’exposition au benzène, à l’arsenic, à la silice, à l’amiante, aux huiles minérales, aux hydrocarbures et aux solvants.
Plus que ce constat chiffré, je déplore le véritable parcours du combattant de ces victimes, souvent seules face à leurs maladies, à qui l’on veut faire croire qu’elles sont les seules responsables en accusant leur hygiène de vie, leurs radios des poumons ayant d’ailleurs étrangement disparu des dossiers médicaux. Au-delà de la question humaine, c’est d’une question de justice sociale et de rétablissement des responsabilités qu’il s’agit.
Dans cette perspective et compte tenu de ces éléments, quand le Gouvernement compte-t-il prendre des dispositions afin de reclasser cette zone mortifère en site amianté ? Ce reclassement, s’il n’a pas le pouvoir de soigner, aurait au moins le mérite d’apaiser la souffrance des victimes et de leurs familles.
Madame la sénatrice Cécile Cukierman, vous avez voulu appeler notre attention sur la situation des verriers de Givors, dont vous avez rappelé le parcours difficile et dramatique pour la plupart d’entre eux.
Dès 2012, la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, ou Carsat, de Rhône-Alpes, qui avait été sollicitée par les représentants des salariés des verreries dans le cadre du comité technique régional n° 3, a mené une étude afin d’évaluer l’exposition aux produits chimiques du personnel en verrerie de verre creux de la région et de définir les mesures de prévention adaptées, qu’il s’agisse de la formation des personnels à l’usage des équipements de protection individuelle ou d’une meilleure information sur les risques.
Ces résultats ont été diffusés auprès de l’ensemble des acteurs de la prévention : les entreprises concernées, via le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, puis leur comité social et économique, ainsi que les préventeurs de la Carsat et les équipes des centres de consultations de pathologies professionnelles de la région.
Par ailleurs, les anciens salariés du régime général ayant été exposés à des substances ou des procédés cancérogènes pendant leur vie professionnelle peuvent, sur leur demande, bénéficier d’un suivi médical post-professionnel. Ce suivi, pris en charge par le Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, est accordé par la Caisse primaire d’assurance maladie sur production par l’intéressé d’une attestation d’exposition remplie par l’employeur et le médecin du travail.
Toutefois, ce qui arrive souvent, dans le cas où l’assuré est dans l’impossibilité de fournir cette attestation, notamment parce que l’entreprise a disparu, l’assurance maladie se chargera de vérifier l’effectivité de l’exposition avant de proposer à l’intéressé le suivi médical adapté. Les anciens salariés des verreries de Givors qui le souhaitent peuvent ainsi prendre contact avec leur caisse afin de mettre en place ce suivi, si tel n’est pas encore le cas.
En outre, les salariés et anciens salariés peuvent demander la reconnaissance du caractère professionnel de leur maladie. Ils disposent pour ce faire d’un délai de deux ans à compter du certificat médical les informant du lien possible entre leur maladie et leur activité professionnelle ou à compter de la date de cessation d’activité si elle est postérieure.
Enfin, la convention d’objectifs et de gestion 2018-2022 de l’assurance maladie-risques professionnels prévoit d’améliorer l’accompagnement des personnes dans leurs démarches visant à la reconnaissance du caractère professionnel de leur maladie, ayant conscience de l’enjeu. Une expérimentation sera ainsi lancée, d’ici à l’été 2019, pour mieux informer les personnes sur l’origine potentiellement professionnelle de leur pathologie. En outre, l’information sur la procédure de reconnaissance sera améliorée, en mettant en place un accueil physique ou en diffusant un guide des droits et démarches des assurés, afin d’annihiler à l’avenir les parcours du combattant que vous évoquiez.
Monsieur le secrétaire d’État, à l’ère de la simplification, de la réactivité, il serait bon d’appliquer ces concepts à ces ouvriers qui ont travaillé toute leur vie au prix de leur santé.
La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 699, transmise à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Ma question s’adressait à Mme la ministre du travail. Monsieur le secrétaire d’État, depuis plusieurs semaines, les artisans du bâtiment nous interpellent sur la situation très préoccupante du fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale, le Fafcea.
Jusqu’en janvier 2018, les cotisations de ce fonds étaient collectées par la direction générale des finances publiques. Ce sont maintenant les Urssaf qui en assurent le recouvrement. Comme vous le savez, cela ne fonctionne pas très bien et le financement de la formation professionnelle des artisans est gravement menacé. Les comptes présentent un déficit de 32 millions d’euros parce que 170 000 adresses d’entreprises ont disparu des fichiers. De 72 millions d’euros en 2017, on passe à 33, 8 millions d’euros en 2018, et la collecte a encore diminué d’un tiers en 2019.
Je sais qu’une réunion s’est tenue au ministère du travail il y a quelques jours avec les parties prenantes et qu’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, est attendu d’ici au mois de juillet. Je sais également que vous avez décidé de reporter le remboursement des avances opérées au fonds d’assurance à 2020 et que des mesures d’urgence sont censées être prises par le biais de l’Association de gestion du financement de la formation des chefs d’entreprise, l’Agefice.
En dépit de ces annonces, les artisans m’alertent sur les engagements financiers du fonds d’assurance, qui sont toujours suspendus, notamment parce que la collecte pour 2019 est très inférieure à vos prévisions. De même, si l’Agefice se dit prête à soutenir la formation des artisans, cela ne se fera pas dans n’importe quelles conditions. Les salariés et les dirigeants salariés sont par exemple automatiquement exclus, si l’on s’en tient aux critères pratiqués par l’Agefice.
Monsieur le secrétaire d’État, vous l’aurez compris, la situation manque de clarté et les artisans sont suspendus aux engagements financiers, qui ne sont pas encore clairement définis. Pouvez-vous donc nous éclairer précisément sur les mesures qui seront arrêtées par le Gouvernement concernant le financement du fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale ?
Monsieur le sénateur Perrin, vous m’interrogez, et après vous le sénateur Luche, sur la situation financière du conseil de la formation de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat, la CRMA, de Bourgogne-Franche-Comté.
Comme vous le savez, et vous en avez rappelé un certain nombre d’éléments que je vais réitérer devant vous, la collecte de la contribution à la formation professionnelle des artisans est assurée par les Urssaf et non plus par la direction générale des finances publiques, en application de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Cette modification des modalités techniques de collecte a entraîné des difficultés de trésorerie pour le fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale, ainsi que pour les conseils de la formation.
Ces difficultés s’expliquent encore par le fait que de nombreux artisans salariés, assujettis à la fois à la contribution à la formation professionnelle en tant que travailleur indépendant versée au Fafcea et à la contribution à la formation professionnelle en tant que salarié versée à leur opérateur de compétences, ont refusé de s’acquitter, à l’automne 2018, de la contribution due en tant que travailleur indépendant, contestant la légalité de ce double assujettissement qui n’existe que pour les artisans.
Des mesures ont été prises rapidement par les services de l’État : l’Agence France Trésor a avancé 15 millions d’euros et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’Acoss, 18 millions d’euros. Des discussions se sont également rapidement engagées avec les chambres de métiers et de l’artisanat pour trouver une solution durable.
Ainsi que j’aurai l’occasion de le redire à votre collègue le sénateur Luche, plusieurs réunions ministérielles et interministérielles ont été organisées ces dernières semaines avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment les dirigeants du Fafcea et les représentants de toute la filière. Ces réunions ont abouti à proposer un certain nombre de mesures d’ordre financier permettant de poursuivre la prise en charge des actions de formation des artisans, et ce sur l’ensemble de l’année.
Les versements de l’Acoss au fonds et aux conseils de la formation sont intervenus lundi 18 mars 2019, ce qui permet de traiter la situation sur le court terme. De plus, un gel des remboursements des avances accordées en 2018 a été décidé et un complément exceptionnel de financement sera apporté en 2019, dont les modalités précises sont en cours de définition.
Par ailleurs, vous le savez, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales a été lancée pour étudier le système de collecte et de répartition de la contribution à la formation professionnelle entre les fonds d’assurance formation des non-salariés et la situation comptable et financière du Fafcea et des conseils de la formation, afin de trouver une solution pérenne. Le rapport de cette mission sera remis à la fin du mois de juin prochain, afin d’inscrire les propositions qui seront retenues dans la durée, au plus tard le 1er janvier 2020.
Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse me satisfait. L’urgence de la situation est évidente. Des formations n’ont pas lieu, d’autres sont interrompues ; or permettre à chacun de se former est une impérieuse nécessité.
Je rappelle que l’Agefice attend des garanties de l’État. Un certain nombre de critères n’étant pas remplis, les formations ne peuvent pas avoir lieu. Nous sommes évidemment dans l’attente d’une résolution rapide, sachant que le rapport de l’IGAS ne sera rendu qu’en juillet, mais des réunions sont en cours.
La parole est à M. Jean-Claude Luche, auteur de la question n° 685, transmise à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur la même problématique que celle de Cédric Perrin, mais j’en rappellerai brièvement les étapes.
Depuis le 15 mars dernier, c’est-à-dire depuis presque un mois, les artisans ne peuvent plus bénéficier de leur droit à la formation. Pourtant, ces artisans restent prélevés de leurs cotisations. Surtout, dans plusieurs domaines d’activités, ces formations sont obligatoires pour exercer leur activité et travailler.
Quelle est la cause de cette perte du droit à la formation ? Une fois n’est pas coutume, il s’agit d’un problème lié à des changements administratifs ! En effet, la charge de la collecte des contributions à la formation professionnelle des artisans est transférée de la direction générale des finances publiques vers les Urssaf. Ensuite, les contributions sont reversées auprès des fonds d’assurance formation, notamment du Fafcea, que vous avez mentionné, monsieur le secrétaire d’État.
Lors de ce transfert de collecte, 170 000 entreprises artisanales répertoriées par le Trésor public ont disparu du fichier des Urssaf. La conséquence est que le fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale affiche un déficit de 32 millions d’euros au titre de l’exercice 2018 et a dû suspendre le financement des formations des artisans le 15 mars dernier.
Le Gouvernement a été alerté sur ce sujet par nombre de mes collègues, notamment lors des questions au Gouvernement et par différents courriers. Aux dernières nouvelles, il semblerait qu’un autre fonds, l’Agefice, vienne temporairement financer la formation des artisans. Cette solution ne peut être que provisoire puisque cet organisme exclut les dirigeants salariés et les salariés des entreprises artisanales.
Monsieur le secrétaire d’État, l’artisanat représente de nombreux emplois dans nos territoires, pour la plupart non délocalisables. Un geste serait le bienvenu, comme de suspendre pour un temps les cotisations à la formation. Il serait logique, puisqu’ils ne peuvent plus être formés, qu’ils ne paient plus pour la formation.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ? Surtout, quand les artisans pourront-ils de nouveau bénéficier de leur droit à la formation ?
Monsieur le sénateur Luche, permettez-moi de commencer par réaffirmer, s’il en était besoin, à quel point le Gouvernement partage avec vous la conviction que l’artisanat est le tissu économique de proximité qui irrigue tous nos territoires, le savoir-faire à la française dans toute son expression. Ces derniers mois, les actions que le Gouvernement mène pour développer la filière d’excellence qu’est l’apprentissage comme les différentes réformes conduites par Muriel Pénicaud concourent à conforter ces professionnels et à renforcer notre tissu d’artisans. C’est en tout cas notre volonté.
Vous attirez notre attention sur les risques de suspension du financement des actions du Fafcea. Cet organisme nous a interpellés, comme vous et un certain nombre de vos collègues.
C’est bien une mesure de simplification nous paraissant nécessaire qui est à l’origine d’un problème de cotisations, et in fine de financement, lié à une réduction du nombre de cotisants recensés au moment du basculement, certains d’entre eux ayant refusé de cotiser, je l’ai dit, se considérant comme doublement assujettis.
Afin de garantir la continuité du financement par le Fafcea et les conseils de la formation des actions de formation des artisans pour l’année 2019, plusieurs réunions ministérielles et interministérielles ont été organisées avec l’ensemble des acteurs, encore tout récemment. Elles ont abouti à proposer un certain nombre de mesures d’ordre financier pour parer à l’urgence. Comme je le disais précédemment, des versements de l’Acoss au Fafcea et aux conseils de la formation sont intervenus le 18 mars dernier, permettant de traiter la situation à court terme.
Parallèlement, un gel des remboursements des avances accordées en 2018 a été décidé et un complément exceptionnel de financement sera apporté en 2019, dont les modalités restent à définir, mais qui permettra d’assurer, à défaut d’un système pérenne, la dispense des formations sur l’année 2019.
Je rappelle à la Haute Assemblée qu’une mission de l’Inspection générale des affaires sociales portant sur le système de collecte et de répartition de la contribution à la formation professionnelle entre les fonds d’assurance formation des non-salariés et la situation comptable et financière du Fafcea et des conseils de la formation a été lancée, afin de trouver une solution durable. Son rapport sera remis fin juin, pour une décision au plus tard le 1er janvier 2020.
Nous avons le même objectif. Nous avons sauvé la situation à court terme cette année, mais l’enjeu est maintenant de trouver une situation pérenne. Ce sera l’objet du rapport et des décisions qui en découleront.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’ai bien noté les efforts qui vont être réalisés pour assurer la mise en place et la continuité de la formation. Je forme le vœu que tout se passe pour le mieux.
La parole est à Mme Mireille Jouve, auteur de la question n° 705, adressée à Mme la ministre des sports.
Monsieur le secrétaire d’État, la presse s’est de nouveau fait l’écho, il y a quelques jours, d’une note selon laquelle l’hypothèse d’un détachement progressif des conseillers techniques sportifs du ministère des sports vers les fédérations demeurait largement à l’étude.
Une lettre plafond du 26 juillet 2018 émanant du Premier ministre demande en effet une réduction du schéma d’emplois du ministère des sports à hauteur de 1 600 équivalents temps plein pour la période 2018-2022. Cette lettre précise que le schéma d’emplois reposera sur une transformation du mode de gestion des conseillers techniques sportifs et sur la réduction de leur nombre.
Cette perspective continue de susciter une très forte inquiétude dans le milieu sportif. Dès la nomination de Mme la ministre des sports, au mois de septembre dernier, le président du Comité national olympique et sportif français lui a fait part de son opposition au bouleversement d’un « système sur lequel repose en très grande partie l’organisation fédérale ».
Un rapport établi par l’Inspection générale de la jeunesse et des sports a aussi récemment pointé qu’un « scénario de rupture pourrait notamment se traduire par une désorganisation totale du système de performance sportive français », alors que notre pays doit, cent ans après les huitièmes olympiades, accueillir de nouveau les jeux Olympiques. Les auteurs de la mission d’évaluation soulignent « les réelles contraintes juridiques et financières, ainsi que le caractère déstabilisant pour le sport français » d’une telle ambition.
Au mois de mars dernier, réunis en assemblée générale, les inspecteurs généraux du sport ont aussi fait part de leur crainte d’une « dispersion d’effectifs déjà réduits, au risque d’une rupture majeure de la continuité du service public de l’État dans le champ du sport ».
Les caractéristiques démographiques actuelles du réseau des conseillers techniques sportifs doivent également nous appeler à la prudence. En effet, sans remplacement des départs à la retraite dans les dix années à venir, ce dernier perdrait 50 % de ses effectifs durant cette période.
Monsieur le secrétaire d’État, alors qu’un comité technique ministériel doit se tenir le 16 avril prochain, pouvez-vous nous faire part des axes actuellement retenus par le Gouvernement dans sa réflexion ?
Madame Jouve, vous me permettrez de répondre au nom de la ministre des sports, Roxana Maracineanu, qui s’excuse d’être retenue par d’autres obligations.
S’agissant des conseillers techniques et sportifs, les CTS, et comme l’a rappelé le Président de la République en novembre dernier dans une lettre adressée aux sportifs, en particulier aux athlètes, « l’objectif poursuivi à travers ce changement de mode de gestion est simple : intégrer davantage ces personnels, dont le caractère public de l’emploi n’apparaît pas toujours nécessaire, à la vie des fédérations et leur permettre de mieux répondre aux attentes des clubs et des bénévoles ».
La ministre des sports a, pour sa part, souhaité dès son arrivée engager un travail de concertation, d’écoute et de dialogue sur ce sujet. Elle l’a rappelé récemment lors de son audition devant les députés de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Il est important de le redire : ces agents exercent des missions clés.
La rénovation du modèle que nous sommes en train de mener vise à renforcer l’autonomie des fédérations sportives en leur permettant de tirer pleinement parti de ces personnels, dont la compétence et la qualité du travail sont reconnues comme absolument nécessaires au développement du sport français.
Entraîneurs, formateurs et développeurs expérimentés, les CTS sont devenus des rouages clés du système fédéral et de la réussite de nos sportifs.
Rappelons d’ailleurs que c’est au lendemain de la « déroute » française aux jeux Olympiques de Rome que ces agents de l’État ont été placés au sein des fédérations sportives pour redresser les résultats tricolores, ce qu’ils ont fait avec succès.
Néanmoins, leur statut protégé fait débat depuis plusieurs décennies et leur multiple tutelle – État, mouvement sportif, collectivités – mérite d’être clarifiée. À l’heure où nous nous projetons vers une organisation plus responsable, plus autonome et plus transparente du mouvement sportif, cette forme d’ingérence de l’État dans la construction de la performance et de la formation paraît caduque.
Il s’agit non pas de supprimer les métiers des CTS, mais de revoir les modalités de gestion de ces professionnels. Dans ce cadre, un détachement de ces fonctionnaires vers les fédérations est en cours d’examen. Il se ferait sur la base du volontariat, après dialogue et examen au cas par cas.
Évidemment, il n’est pas question de fragiliser les petites fédérations, qui sont souvent des pourvoyeuses essentielles de médailles, mais il importe de trouver un dispositif équilibré permettant aux fédérations de mettre en œuvre leur stratégie sportive et de déployer leurs ressources humaines de manière autonome.
L’État n’a aucune intention de se désengager du sport ; l’évolution du statut des CTS se fera avec les agents et les présidents de fédération, dans le respect des métiers et dans un climat de confiance.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 614, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le secrétaire d’État, la Cour de cassation a rejeté, en décembre, le pourvoi des associations de défense des victimes de l’amiante du campus de Jussieu et du chantier naval Normed de Dunkerque. Ce pourvoi faisait suite à l’annulation, par la cour d’appel de Paris, des mises en examen des personnes impliquées dans ce scandale sanitaire, pour la plupart membres de l’ex-Comité permanent amiante, ou CPA, composé d’industriels, de scientifiques et de hauts fonctionnaires.
Vingt-deux ans après le dépôt des plaintes, alors que des dizaines de milliers de victimes sont à déplorer, la décision est sans appel : pas de procès pénal, car pas de responsables, et encore moins de coupables !
Les juges estiment qu’aucune responsabilité ne peut « être imputée à quiconque », en « l’absence de faute caractérisée » et compte tenu « du contexte scientifique de l’époque et de la méconnaissance des risques encourus ».
Faut-il rappeler pourtant que des travaux scientifiques ont démontré, dès les années soixante-dix, les dangers de l’exposition à l’amiante et qu’un rapport sénatorial de 2005 qualifiait le CPA de « lobby de l’amiante », cet organisme ayant fait « le choix de continuer à utiliser l’amiante et de retarder le plus possible son interdiction » ?
Madame la ministre, ce dossier ne peut pas être refermé. L’amiante tue toujours dix personnes par jour et tuera encore pendant de nombreuses années. Beaucoup de personnes se battent pour obtenir ce procès pénal.
Il n’est pas possible de continuer à se « réfugier » derrière la séparation des pouvoirs et de se contenter du sentiment du devoir accompli au moyen des indemnisations, aussi justifiées soient-elles.
À ce propos, j’accueille avec satisfaction une autre décision de la Cour de cassation, qui ouvre à tous les salariés ayant été en contact avec l’amiante la possibilité de faire valoir le préjudice d’anxiété.
Toutefois, il faut aller plus loin : l’injustice doit être réparée et les responsables doivent répondre de leurs actes. Cela passe par un procès pénal.
Je souhaite donc savoir, madame la ministre, ce que compte faire le Gouvernement pour empêcher toute impunité pénale des responsables dans le drame de l’amiante.
Madame la sénatrice, prenant toute la mesure des souffrances des victimes de l’exposition à l’amiante, la ministre de la justice partage la légitime préoccupation de voir les procédures judiciaires engagées en ce domaine traitées avec toute l’efficacité et la célérité requises.
Il est vrai que la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté, dans deux arrêts du 11 décembre 2018, les pourvois formés par les associations de défense des victimes de l’amiante dans les dossiers de l’affaire de Jussieu et du chantier naval Normed de Dunkerque.
Dans le cadre de l’affaire du campus de Jussieu, qui a débuté le 15 novembre 1996, plusieurs personnes physiques avaient été mises en examen des chefs d’homicides involontaires aggravés et de blessures involontaires aggravées, ainsi que trois personnes morales du chef de mise en danger de la vie d’autrui : l’université Paris VI Pierre-et-Marie-Curie, l’université Paris VII Denis-Diderot et l’Institut de physique du globe de Paris.
Par arrêt du 15 septembre 2017 confirmé par la chambre criminelle de la Cour de cassation en décembre 2018, la chambre de l’instruction de Paris a annulé les mises en examen des personnes physiques.
Concernant l’affaire du chantier naval Normed de Dunkerque, qui a fait l’objet d’une ouverture d’information judiciaire en 2006, trois personnes physiques avaient été mises en examen. Par arrêt du 15 septembre 2017, confirmé également par la Cour de cassation en décembre 2018, la chambre de l’instruction de Paris a annulé la mise en examen du membre du Comité permanent amiante.
Ces arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation confirment l’analyse de la chambre de l’instruction selon laquelle il n’existe pas d’éléments suffisants justifiant la mise en examen des personnes physiques précitées en « l’absence de faute caractérisée susceptible de [leur] être reprochée du fait de [leurs] fonctions au ministère du travail et de [leur] participation aux activités du [comité permanent amiante], d’autre part, faute pour [elles] d’avoir pu, dans le contexte des données scientifiques de l’époque, mesurer le risque d’une particulière gravité auquel [elles auraient] exposé les victimes ».
Pour autant, ces arrêts ne viennent pas mettre fin aux dossiers concernés et ne permettent donc pas de préjuger de l’issue judiciaire de ces procédures.
Un assistant spécialisé a d’ailleurs été spécifiquement recruté pour améliorer le traitement des dossiers de l’amiante.
Je vous affirme que la mobilisation du Gouvernement sur ce sujet est entière et n’a d’autre motivation que d’aboutir à une solution humainement acceptable et juridiquement incontestable.
Les proches des victimes décédées, toutes ces personnes empoisonnées qui vivent ou survivent aujourd’hui avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, demandent que justice soit rendue.
L’argent et les indemnisations ne font pas revenir les disparus, pas plus qu’ils ne rendent la justice. Il n’est pas acceptable que les responsables n’aient pas de comptes à rendre.
Cela dépasse la question de l’amiante. Cette décision de justice est comme un permis de continuer à empoisonner. Je pense au glyphosate ou autres pesticides, par exemple.
Rendre justice aux victimes de l’amiante, c’est aussi protéger les générations futures.
La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, auteur de la question n° 660, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, le Gouvernement a décidé d’augmenter drastiquement les frais d’inscription à l’université pour les jeunes étrangers non européens.
Les frais passent ainsi de 230 euros à 2 770 euros pour les licences et de 243 euros à 3 770 euros pour les masters. Cela aura des conséquences sur l’attractivité de notre enseignement supérieur à l’étranger.
Ma question porte sur l’impact de cette mesure sur les jeunes étrangers qui ont effectué toute leur scolarité dans l’un de nos 500 établissements scolaires installés à l’étranger.
Ce sont eux qui permettent de maintenir la viabilité financière de ce réseau mondial. Ces établissements accueillent aujourd’hui près de 60 % d’élèves étrangers, parmi lesquels 67 % envisagent de poursuivre leurs études supérieures en France.
L’objectif fixé par le Président de la République d’un doublement des effectifs dans les écoles françaises installées à l’étranger à l’horizon 2025 passe nécessairement par un accroissement des étrangers scolarisés, si l’on veut respecter l’équilibre financier.
C’est la raison pour laquelle je vous demande, madame la ministre, pour les jeunes n’appartenant pas à la communauté européenne, mais ayant suivi l’intégralité de leur cursus dans un établissement français à l’étranger, de bien vouloir envisager une diminution des frais d’inscription universitaires en France.
Madame la sénatrice Renaud-Garabedian, vous l’avez rappelé, dans de nombreux pays, des familles font le choix de l’enseignement français pour son excellence reconnue et consentent des sacrifices financiers importants, les frais de scolarité s’élevant en moyenne à 5 300 euros par an et par élève dans un lycée français.
L’objectif de la stratégie Bienvenue en France est d’attirer davantage d’étudiants internationaux dans notre pays, francophones ou anglophones, pour leur permettre de s’insérer dans la francophonie.
C’est pourquoi nous avons choisi d’améliorer très fortement les conditions d’accueil, qui ne sont pas dignes de celles que les étudiants trouvent ailleurs sur les campus internationaux. Nous triplons également le nombre de bourses et d’exonérations à la disposition des postes diplomatiques et des ambassades, pour que tous les étudiants qui veulent choisir la France puissent le faire.
Vous m’interrogez sur la possibilité de déroger à ces droits d’inscription ou de les moduler lorsque les jeunes ont fait leurs études dans des lycées français.
Cela fait partie des discussions que nous avons avec les présidents d’université, ces derniers ayant la capacité, dans la construction de leur stratégie d’accueil et d’augmentation du nombre d’étudiants internationaux, de travailler avec des établissements partenaires et de passer des conventions avec ces derniers.
Plusieurs universités se sont déjà engagées à le faire avec un certain nombre d’écoles françaises, et je serai bien entendu très attentive à ce que tous les jeunes qui veulent venir étudier en France aient les moyens d’y être accueillis.
Parmi les élèves inscrits dans les lycées français à l’étranger, nous avons effectivement une proportion importante de jeunes qui souhaitent poursuivre leurs études en France. Ils le font néanmoins aujourd’hui majoritairement au sein de classes préparatoires ou d’écoles qui pratiquent des droits d’inscription bien plus élevés que ce que nous prévoyons pour les universités.
Il revient donc aux universités de construire avec ces établissements français à l’étranger leur stratégie d’attractivité.
Madame la ministre, j’espère que nous pourrons trouver ensemble un compromis. Cela me paraît à la fois nécessaire et juste.
La parole est à Mme Véronique Guillotin, auteure de la question n° 594, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, en tant que membre du groupe de travail « Attractivité des emplois et des carrières scientifiques », qui a pour mission de faire des propositions à votre ministère en vue de la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés rencontrées par les étudiants en double cursus médecine-sciences.
Ce cursus permet l’acquisition d’une formation à la recherche et d’un doctorat de sciences au cours des études médicales.
L’objectif est de former des cliniciens à la recherche fondamentale, clinique et translationnelle. Grâce à leur double compétence, ces médecins participent à des activités de recherche et jouent ainsi un rôle déterminant dans le développement des innovations cliniques au service des patients.
Or, selon une étude de l’association Médecine Pharmacie Sciences, l’articulation entre les formations médicales et scientifiques reste insuffisante.
Parmi les problèmes évoqués par les étudiants figure notamment l’organisation actuelle des deuxième et troisième cycles des études médicales, qui, en l’absence d’aménagements, les oblige à interrompre pendant plusieurs années leurs activités de recherche. Les conséquences en sont un taux important de renoncement à la poursuite du parcours de recherche, voire, pour certains, un départ vers des pays valorisant davantage les doubles parcours.
Il apparaît par ailleurs difficile de mener un travail de recherche prolongé pendant l’internat de médecine. Il est nécessaire pour cela d’interrompre transitoirement son internat, un effort qui, pour l’instant, n’est pas valorisé dans la suite de la formation médicale.
Enfin, les difficultés se prolongent ensuite dans l’aboutissement d’un projet professionnel médecine-recherche, que les seules carrières hospitalo-universitaires ne suffisent pas à combler.
Ces éléments expliquent en partie les effectifs relativement faibles des étudiants engagés et persévérant dans un double cursus en France. Ils sont évalués à une centaine par an, soit environ 1, 25 % des effectifs, contre 3 % à 5 % en Suisse, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Le volume de publications et de citations scientifiques de la France n’a pas non plus suivi la même croissance que celle des autres pays ces dernières années.
S’agissant d’un enjeu important pour l’attractivité et l’optimisation de la qualité des soins, mais aussi pour l’avenir de la recherche française, à laquelle je vous sais particulièrement attachée, madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que ces éléments seront bien pris en compte dans le cadre de la réforme des études médicales ?
Certains de ces étudiants nous écoutent aujourd’hui. Ils reflètent l’excellence de notre système éducatif et sont en attente de solutions concrètes qui contribueront à maintenir, voire à faire progresser notre pays dans ce domaine.
Madame la sénatrice Véronique Guillotin, les questions de l’articulation entre les études de médecine et les cursus scientifiques au sens large et de la consolidation du lien avec la recherche pendant le temps des études sont au cœur des préoccupations du Gouvernement. Cela vaut pour le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation de notre système de santé comme pour la préparation du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, qui comprendra un volet spécifique consacré à la recherche médicale.
Comme vous le savez, l’article 1er du projet de loi Santé supprime le numerus clausus et ouvre la voie à une diversification des cursus, qui permettra de réserver une meilleure place aux sciences dès le premier cycle. Des étudiants ayant une appétence pour les sciences dites « dures » ou « inhumaines » pourront ainsi plus facilement s’engager dans un cursus médical.
L’accès au troisième cycle fait également l’objet d’une transformation substantielle à l’article 2 du projet de loi. Toutefois, une concertation est toujours en cours sur ce point et nos objectifs ambitieux ont justifié, à l’Assemblée nationale, un report d’un an de cette mesure.
Ce qui est certain, c’est que nous avons à cœur d’inciter les étudiants à s’initier à la recherche scientifique durant leur cursus et à en tenir compte pour l’accès au troisième cycle.
De façon générale, l’attractivité des carrières scientifiques est un enjeu majeur pour notre pays. Nous partageons cette conviction, et c’est pourquoi j’ai souhaité que vous participiez à l’un des groupes de travail dédié à cette question dans le cadre de la préparation du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche.
Ce groupe de travail a vocation à aborder la question de l’entrée dans la carrière scientifique, et donc de la découverte de la recherche pendant les études, y compris en médecine.
Pleinement conscient de cet enjeu majeur, le Gouvernement souhaite aussi associer pleinement la communauté scientifique et le Parlement, afin d’ouvrir la discussion et de coconstruire les solutions qui nous permettront de mieux faire vivre et découvrir la recherche tout au long des études supérieures.
La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la question n° 668, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Ma question est simple et porte sur la problématique des sorties pédagogiques des élèves scolarisés en milieu rural. Elle s’adressait à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, mais, monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, j’aurai le plaisir d’écouter la réponse que vous me ferez !
Il y aura accord sur la nécessité de faciliter, en ville comme à la campagne, l’accès aux activités et sites culturels, ainsi qu’à la pratique sportive. Cet accès est déterminant dans des territoires de ruptures économiques et de précarités sociales. Des bassins de vie dans l’Aisne, la Thiérache par exemple, illustrent cette situation.
Aller à la découverte de l’art, favoriser la créativité, ouvrir sur le monde ou d’autres époques, donner confiance en soi, tout cela passe, pour les collèges et les lycées, par l’organisation de sorties pédagogiques. Mais les projets initiés sont confrontés à la problématique des transports dans le monde rural, où la route – le sujet est d’actualité – garde une place incontournable.
À Hirson, à la cité scolaire, le conseil d’administration a décidé en décembre 2016 d’acquérir un minibus d’une capacité de neuf places destiné à des déplacements pour la visite d’expositions, des compétitions sportives départementales, voire nationales, des voyages pédagogiques ou encore des forums de lycéens, dans le cadre du programme scolaire de l’année.
Pour ces déplacements autorisés par le chef d’établissement, les professeurs, sur la base du volontariat, conduisaient le véhicule avec la couverture d’une assurance tous risques.
Or récemment, Mme la rectrice de l’académie d’Amiens a rappelé l’interdiction faite aux enseignants de convoyer leurs élèves, pour quelque sortie que ce soit.
En conséquence, des projets ont dû être mis en suspens ou ont vu leur coût fortement augmenter, ce qui a eu pour conséquence de pénaliser les élèves malgré les initiatives et prises de responsabilité de leurs enseignants.
Monsieur le ministre, est-il possible d’envisager une évolution des textes réglementaires visant à donner plus de souplesse, au lycée ou au collège, avec l’accord du chef d’établissement et sur la base du volontariat des enseignants, à l’organisation des déplacements à caractère pédagogique ?
Une telle évolution bénéficierait d’abord à des établissements de territoires éloignés des métropoles ou des grands centres urbains. Elle contribuerait à faciliter l’ouverture à la culture et à garantir les mêmes chances en milieu rural qu’en milieu urbain.
Monsieur le sénateur Daudigny, je vais répondre à la place de Jean-Michel Blanquer. Il regrette de ne pas être présent parmi nous ce matin, n’ayant finalement pas pu se rendre disponible au dernier moment.
Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse encourage les sorties scolaires dans la mesure où elles offrent des expériences diversifiées en lien avec les apprentissages.
S’agissant du transport des élèves pendant des activités scolaires obligatoires et certaines activités périscolaires les prolongeant, un seul principe prévaut sur les autres, le recours à un conducteur professionnel. Ce principe est précisé dans la circulaire n° 2011-117 du 3 août 2011 relative aux sorties et voyages scolaires au collège et au lycée.
Ainsi, un personnel enseignant ne peut conduire un véhicule personnel qu’à titre exceptionnel, après y avoir été autorisé par l’autorité académique et quand l’intérêt du service le justifie. Il s’agit donc d’une mesure supplétive qui n’est utilisée qu’en dernier recours, c’est-à-dire en cas d’absence momentanée d’un transporteur professionnel ou de refus de celui-ci.
Par exception, sous réserve qu’une police d’assurance spéciale soit souscrite, une autorisation permanente d’utiliser leur véhicule personnel pour transporter les élèves peut être accordée aux enseignants et, dans les mêmes conditions, aux personnes privées détentrices de la carte de membre de l’Union nationale du sport scolaire, l’UNSS, de l’Union sportive de l’enseignement du premier degré, l’USEP, de l’Office central de la coopération à l’école, l’OCCE et des foyers socio-éducatifs, étant précisé que l’autorisation accordée peut être étendue aux départements limitrophes.
Toutefois, le Gouvernement a bien conscience de vos préoccupations liées aux déplacements en milieu rural, où la question du transport reste cruciale. La mise en place de projets pédagogiques se heurte aux contraintes du monde rural, où le moindre déplacement doit se faire en voiture ou en transport collectif, les principaux lieux culturels ou sportifs étant concentrés dans les zones urbaines.
Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse encourageant les sorties scolaires pour favoriser les expériences éducatives et pédagogiques, il est disposé à ouvrir une réflexion sur la circulaire du 3 août 2011 et les règles de conduite d’un véhicule de service dans le cadre d’une sortie scolaire.
La parole est à M. Olivier Henno, auteur de la question n° 700, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Ma question s’adressait elle aussi au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Le projet de loi pour une école de la confiance a été adopté le 19 février dernier par nos collègues de l’Assemblée nationale et sera examiné dans les prochaines semaines au sein de notre assemblée.
Les articles 2 à 4 de ce projet de loi traitent directement de l’extension de l’obligation scolaire, actuellement fixée de 6 à 16 ans, dès l’âge de 3 ans. C’est une mesure qui concrètement, on le voit, est indispensable.
Cette extension du principe fondamental d’instruction obligatoire est une bonne nouvelle pour les plus jeunes de nos concitoyens, notamment pour les familles les plus fragiles ou les plus éloignées de l’éducation.
Pour autant, si cette avancée est louable, il est nécessaire de rappeler qu’actuellement 97 % des enfants âgés de 3 à 6 ans sont déjà scolarisés.
Il me semble donc que ce projet de loi est l’occasion de conforter à la fois le rôle de l’école maternelle dans les premiers apprentissages des enfants et le rôle des enseignants du premier degré. C’est aussi une façon de renforcer les communes dans leur compétence en termes d’accès à l’éducation, comme le définit le code de l’éducation.
En effet, l’école maternelle obligatoire, c’est aussi la reconnaissance par l’État d’une équité de traitement avec l’école élémentaire, notamment en termes de remplacement des enseignants, de carte scolaire, d’ouvertures et de fermetures de classes.
L’article 4 du projet de loi prévoit que l’État attribuera des ressources aux communes qui justifieront, au titre de l’année scolaire 2019-2020 et du fait de cette seule extension de compétence, une augmentation de leurs dépenses obligatoires par rapport à celles qu’elles ont exposées au titre de l’année scolaire 2018-2019.
Un certain nombre de maires s’interrogent en vue de la prochaine rentrée. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que l’État prendra en charge les frais liés aux nouveaux élèves qui s’inscriront au regard de l’extension de l’obligation scolaire – 3 % des enfants environ –, mais aussi, et surtout, que l’État continuera à contribuer pour les élèves de 3 à 6 ans déjà scolarisés, qui représentent l’immense majorité de cette classe d’âge ?
Pouvez-vous aussi nous éclairer quant à la nature de la prise en charge financière par l’État des investissements réalisés par les communes, notamment pour construire ou agrandir des écoles maternelles au regard du caractère obligatoire du service public de l’éducation dès l’âge de 3 ans ?
Monsieur le sénateur, je vous prie de nouveau de bien vouloir excuser M. Blanquer pour son absence et je vais vous lire la réponse qu’il a préparée à votre intention.
Vous avez appelé l’attention du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire, et plus précisément sur les moyens mis à la disposition des communes pour compenser les surcoûts occasionnés par cette mesure.
L’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans correspond à une extension de compétences des collectivités territoriales. En application de l’article 72-2 de la Constitution, une telle extension doit faire l’objet d’un accompagnement financier de l’État. Les modalités de celui-ci seront précisées par un décret en Conseil d’État.
L’article 4 du projet de loi pour une école de la confiance prévoit, vous l’avez dit, que l’État attribuera des ressources aux communes qui enregistreraient durant l’année scolaire 2019-2020, et du fait de cette seule extension de compétences, une augmentation de leurs dépenses obligatoires par rapport à celles qu’elles ont exposées au titre de l’année scolaire 2018-2019.
L’augmentation des dépenses obligatoires de la commune s’appréciera au niveau de l’ensemble des dépenses relatives aux écoles élémentaires et maternelles publiques et des dépenses de fonctionnement des classes maternelles ou élémentaires des établissements privés sous contrat d’association.
Une fois déterminé, à l’issue de l’année scolaire 2019-2020, cet accompagnement fera l’objet d’un versement annuel pérenne. Il sera versé, selon les situations locales, soit à la commune, soit à un syndicat intercommunal ou à une intercommunalité ayant la compétence de scolarisation.
Par ailleurs, concernant les dépenses d’investissement qui seraient occasionnées par l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, elles pourront être inscrites parmi les dépenses prioritaires que le représentant de l’État dans le département peut subventionner dans le cadre de la dotation de soutien à l’investissement local, de la dotation de politique de la ville et de la dotation d’équipement des territoires ruraux.
Enfin, compte tenu des perspectives démographiques pour l’ensemble de la population des élèves du premier degré, qui anticipent une baisse de 64 000 élèves à la rentrée 2019, une diminution significative des dépenses obligatoires du bloc communal est à attendre.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 718, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous lirez avec le même talent que votre collègue de l’éducation nationale et de la jeunesse les éléments de réponse à cette question qui vous ont été transmis. Vous me permettrez de noter que, au regard de votre portefeuille ministériel, vous n’étiez peut-être pas le mieux à même de répondre à une question sur le clitoris.
Sourires.
Le clitoris est l’organe essentiel du plaisir sexuel des femmes. Pourtant, il demeure un organe oublié de l’éducation nationale.
Selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, en 2016, un quart des filles de 15 ans ne savaient pas qu’elles possédaient un clitoris et 83 % d’entre elles ignoraient sa fonction érogène. En revanche, elles étaient 53 % à savoir représenter le sexe masculin. Cette méconnaissance n’est pas surprenante ! En France, le corps de la femme n’est jamais représenté intégralement et correctement – ou il l’est très rarement – par les outils éducatifs à disposition des enseignants. En 2019, seul un manuel de sciences de la vie et de la terre sur huit décrit correctement le clitoris, les sept autres éditeurs ayant conservé des dessins erronés.
Il s’agit là d’une forme d’analphabétisme sexuel contre lequel l’école doit lutter : c’est un enjeu d’égalité. Le sexe de la femme n’est ni tabou ni honteux. Il faut que les nouvelles générations apprennent, enfin, comment est fait un sexe féminin – les familles ne sont pas toujours à même de transmettre cette information –, en particulier qu’elles sachent situer et comprendre l’organe qui est la source primaire du plaisir sexuel chez la femme.
Cette démarche a également des répercussions symboliques. Penser que le vagin est le symétrique du pénis, alors que c’est le clitoris, c’est se tromper au point de croire que les femmes sont dépourvues d’un organe de plaisir. La reconnaissance du clitoris permet donc de sortir de ce schéma sexuel dans lequel les femmes sont en situation de passivité ou de reproduction. Mettre sur un pied d’égalité les sexualités féminine et masculine, c’est lancer les bases d’une sexualité beaucoup plus respectueuse du désir et du consentement de l’autre.
Reconnaître le clitoris comme un organe de plaisir à part entière, c’est aussi mesurer la portée des mutilations sexuelles dans la volonté de détruire le désir féminin. L’excision est encore très largement pratiquée dans le monde et concerne également la France : l’Organisation mondiale de la santé estime à 180 000 le nombre de femmes risquant l’excision chaque année au sein de l’Union européenne.
Je sais que le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse répond traditionnellement que la liberté des enseignants et la rédaction des manuels scolaires ne lui permettent pas d’imposer totalement le contenu des programmes.
Pour autant, il lui revient de donner aux enseignants des consignes claires. Qu’entend-il faire pour que soit enseignée l’anatomie réelle des femmes et non une représentation tronquée ?
M. Didier Guillaume, ministre de l ’ agriculture et de l ’ alimentation. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, je ne répondrai pas à votre remarque liminaire, pour m’éviter des soucis !
Sourires.
L’enseignement du fonctionnement et de l’organisation du corps humain est prévu dans le cas de l’éducation à la sexualité. Cet enseignement doit évidemment être adapté à chaque âge de l’enfant, comme le ministère de l’éducation nationale l’a rappelé dans une circulaire du mois de septembre 2018. C’est dans ce contexte de l’enseignement sur le corps humain et dans le respect du développement progressif de l’enfant que l’enseignement sur le clitoris s’inscrit.
Concernant la déclinaison de ces programmes dans les manuels scolaires, au nom des principes de la liberté d’édition et de la liberté pédagogique, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse n’intervient pas directement dans le choix des manuels auquel procèdent les établissements.
Par ailleurs, vous appelez l’attention sur la question des mutilations sexuelles féminines. Vous avez raison, ces pratiques méconnaissent les droits fondamentaux de la personne, notamment l’intégrité physique et psychologique. Elles constituent l’une des formes de discrimination à l’égard des femmes. Ces violences sont enracinées dans les inégalités historiques entre les femmes et les hommes. Elles ont des conséquences non seulement immédiates, mais aussi durables sur la santé des femmes.
L’engagement de la France dans la lutte contre ces pratiques a été consolidé par la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, le 4 juillet 2004. Des mesures de sanctions sont prévues par le code pénal et le système judiciaire prévoit également des outils pour protéger les victimes sur le territoire national.
Ce cadre légal a été rappelé tout récemment dans une lettre adressée au mois de mars dernier aux recteurs et inspecteurs de l’éducation nationale, afin de renforcer la vigilance de la communauté éducative. En effet, les actions de prévention sur les pratiques de mutilation sexuelle peuvent se conduire à différents niveaux au sein des établissements. Des documents pédagogiques ont été réalisés pour accompagner la formation des personnels et la mise en œuvre des actions auprès des élèves. Ils ont été diffusés dans les rectorats et les établissements scolaires.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 612, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre, ma question porte sur la simplification des dossiers PAC, ou politique agricole commune, et la célérité du paiement des aides, problème que vous connaissez bien et auquel vous répondrez sans doute plus aisément qu’à la question précédente.
Sourires.
Nous pensions que la question des dossiers PAC et des délais de paiement des primes correspondantes était derrière nous. Nous avons tous en mémoire les changements de 2015 : les difficultés rencontrées par nos agriculteurs pour constituer leurs dossiers, les mesures de contrôle, les fonds de plan, la question de savoir si les bois pouvaient être pâturés ou pas, etc. Tout cela a entraîné des retards importants dans le paiement des primes au titre de la PAC.
À la fin de l’année 2017, vous avez estimé que ces problèmes étaient derrière nous. C’est pourquoi, dans le budget 2018, aucune mesure d’avance n’a été prévue – vous pensiez que les règlements pourraient maintenant intervenir dans des délais raisonnables.
Or le problème s’est de nouveau posé, notamment dans le cadre des contrôles. Si je ne suis pas opposé aux contrôles, reste que, à partir du moment où un agriculteur faisait l’objet d’un contrôle, les primes étaient bloquées de manière anticipée, ce qui est intellectuellement curieux et a posé des problèmes pratiques non négligeables.
Je souhaite donc savoir ce qui peut être fait. Laissez-moi reformuler la question de manière plus directe : les difficultés auxquelles sont confrontés nos agriculteurs sont-elles de nature européenne et provoquées par la structure de ces aides ou sommes-nous retombés dans nos errements franco-français en matière de modalités d’application ?
Monsieur le sénateur Philippe Bonnecarrère, la réponse est : un peu les deux ! Cependant, ce problème a surtout une origine européenne. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi.
Vous le savez, la France a une capacité formidable pour mettre en place des règles et des transpositions qui rendent les situations difficiles.
En l’occurrence, votre question précise est très importante. Il est impossible de verser des aides européennes lorsqu’un contrôle a lieu. C’est une règle, une directive européenne, à l’encontre de laquelle je suis au regret de vous le dire que l’on ne peut pas aller.
La réglementation européenne impose que l’ensemble des contrôles soient réalisés avant le versement des avances ou des aides PAC. La France a déjà obtenu de la Commission européenne une dérogation pour pouvoir verser des avances après les seuls contrôles administratifs, lesquels comprennent les visites rapides. Il n’est pas envisageable de faire évoluer cette règle de bonne gestion, qui évite d’avoir ensuite à recouvrer auprès des agriculteurs les sommes indûment versées. Cette situation est pire – il n’est qu’à se rappeler ce qui s’est passé voilà une vingtaine d’années.
La règle est normalement bien connue de tous les agriculteurs, mais a pu être oubliée depuis 2015, lorsque des avances de trésorerie – il ne s’agissait donc pas d’avances PAC – avaient été consenties à tous les agriculteurs et payées par l’État. La différence est là.
De même, pour préserver l’efficacité des contrôles, il n’est pas possible de prévenir les agriculteurs contrôlés plusieurs semaines à l’avance. En compensation, les avances PAC sont versées de manière régulière pour intégrer les résultats des contrôles au fil de l’eau.
Pour mémoire et je veux le rappeler, je le dis souvent à mes interlocuteurs, la France est l’un des rares pays européens – ils se comptent sur les doigts d’une main ! – à avoir mis en place ce système d’avances. En Allemagne, les agriculteurs ne perçoivent les aides qu’au début du mois de janvier, lorsque l’ensemble des contrôles ont été réalisés.
Je connais bien ce sujet. On pourrait toujours aller plus loin, mais le mieux est l’ennemi du bien et il faut veiller à ne pas avoir à réclamer aux agriculteurs des aides qu’ils auraient pu percevoir indûment. Aussi, les avances sont versées lorsque des contrôles administratifs ont lieu. Pour le reste, je suis au regret de ne pas pouvoir répondre favorablement à votre question. Toutefois, je vous indique que je veille comme le lait sur le feu à ce que tout se passe dans les règles de l’art.
Monsieur le ministre, je retiens votre dernière formule. Même si le mieux est l’ennemi du bien, je ne peux que vous inciter, même si vous avez bien conscience du problème, à continuer ce travail de décorsetage et de « facilitation » à l’échelon tant franco-français qu’européen. Ce dernier échelon n’est jamais qu’une part de nous-mêmes, puisque, en cette matière, notre pays est tout à fait codécideur.
Je vous remercie de votre action de simplification et d’amélioration pour nos agriculteurs.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset, auteur de la question n° 638, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, un grand quotidien national titrait en première page le 19 mars dernier : « Aides européennes, un fiasco français ». Vous l’avez compris, je souhaite évoquer la situation du programme européen de liaison entre actions de développement de l’économie rurale, ou programme Leader.
Au mois de septembre 2016, deux ans après le début de la période de programmation, l’association Leader France nous alertait. Deux tiers des conventions n’avaient pas été signés. La désorganisation des régions était principalement pointée du doigt à la suite de leur mouvement de fusion et de réorganisation.
En 2018, la même association appelait à un plan de sauvetage face au retard accumulé dans l’engagement et le paiement des projets. Les régions, devenues autorités de gestion sans toutefois en maîtriser ni l’instruction ni le paiement, espéraient alors pouvoir résorber le retard.
Alors que près de 700 millions d’euros de fonds européens ont été accordés à la France, seuls 13, 5 % des fonds ont été programmés à ce jour et 5 % ont été payés en France. Dans le plus récent classement européen, la France se situe en avant-dernière position devant la Slovaquie en matière de consommation des fonds.
Dans mon territoire, en particulier pour le Leader du pays de Gâtine, depuis le 29 février 2016, 80 porteurs de projets ont été accompagnés : 67 ont déposé des dossiers, 12 comités de programmation ont été tenus, 36 dossiers ont été validés, mais seulement 14 demandes de paiement ont pu être envoyées en instruction et, à ce jour, 1 seul dossier a été payé… Alors que 1 614 745 euros ont été alloués au pays de Gâtine, combien pourra-t-il en consommer ?
Symboliquement, c’est l’idée européenne qui pâtit de notre incapacité à nous organiser et à bâtir un système efficient aux dépens d’un système administré et nébuleux.
On nous dit qu’une année pourrait être accordée en plus pour récupérer ce retard. Quant à la renégociation des nouveaux dispositifs, la France sera-t-elle en mesure de demander de nouvelles enveloppes significatives ?
Monsieur le ministre, vous n’êtes pas responsable du circuit de gestion français du programme Leader, mais que comptez-vous faire avec les régions pour sauver durablement le bateau Leader avant qu’il ne finisse par s’échouer ?
Monsieur le sénateur Morisset, que voulez-vous que je vous dise ? Vous avez raison ! La situation est incroyable, inacceptable : si, à un mois des élections, la France perdait 700 millions d’euros et devait les rendre à l’Union européenne, nous aurions bien du mal, vous et moi, à convaincre nos concitoyens d’aller voter pour cette belle idée qu’est l’Europe – parce que c’est une belle idée.
Sur ce dossier, la complexité est réelle. Cela montre combien la future PAC devra être beaucoup plus simple d’utilisation, beaucoup plus simple dans les relations entre l’État et les régions afin que l’on ne se retrouve plus dans cette situation.
Nous parlons de 700 millions d’euros pour la PAC 2014-2020 destinés à des projets en milieu rural. Je partage votre avis, monsieur le sénateur, nous connaissons la situation de nos territoires.
Cette enveloppe – et c’est pour cela qu’on ne pourra pas continuer ainsi dans la prochaine PAC – a la particularité d’être mise en œuvre par les groupes d’action locale sous la responsabilité des conseils régionaux : cela fait déjà trois structures ! Depuis 2014, cela relève de la responsabilité des conseils régionaux, qui ont sélectionné 340 groupes d’action locale et qui ont en charge la sélection et l’instruction des projets.
L’État est lui chargé de la production des outils informatiques nécessaires à l’instruction et au paiement.
Depuis le mois de mars 2018, le Gouvernement a renforcé sa mobilisation en tant que facilitateur pour appuyer l’action des régions, dans le cadre d’un plan de sauvetage de Leader. C’est en effet un plan de cette nature qu’il faut mettre en œuvre.
Le premier point a été de livrer les outils informatiques nécessaires à l’instruction des dossiers.
Le Gouvernement a aussi mis en place un groupe d’échange entre les régions et l’Agence de services et de paiement pour favoriser la diffusion des bonnes pratiques des régions les plus en avance ; il y en a pour lesquelles cela marche plutôt bien et sur lesquelles je veux m’appuyer.
Enfin, au mois d’avril 2018, l’État a déployé un programme de formation et d’accompagnement des personnels des régions chargés de l’instruction. Je regrette néanmoins que toutes les régions n’aient pas souhaité y participer.
Aujourd’hui, le rattrapage du retard accumulé relève de la compétence des conseils régionaux. Cette situation illustre bien la nécessaire simplification des responsabilités pour la future PAC. Les services du ministère, que j’appuie, mettent tout en œuvre avec les régions pour y arriver.
Il serait absolument inacceptable de perdre cet argent. J’ai évidemment commencé à discuter et à négocier à l’échelon européen, afin que, pour le cas où nous n’arriverions pas à rattraper l’ensemble du retard, nous puissions reporter l’enveloppe.
Monsieur le ministre, il faut se rappeler que, en 2013, la France a restitué 1, 2 milliard d’euros d’aides européennes qu’elle n’avait pas utilisées.
Il faut éviter que cela ne se reproduise. Vous m’en avez donné l’assurance.
Il est vrai que les régions sont totalement mobilisées pour sauver le programme Leader. Elles ont mis en place des plans de sauvetage des porteurs de projet. Elles déploient des moyens considérables en termes de personnels. Certaines financent même des avances de trésorerie. D’autres ont fait le choix de financer directement sur leurs crédits propres les projets urgents.
Tout cela sera-t-il suffisant ? Il est à craindre que de nombreux projets ne restent dans les cartons et que des porteurs de projets ne se trouvent en difficultés. En effet, les règles se sont tellement complexifiées depuis le dépôt de leur dossier…
… qu’ils risquent de ne pas retrouver l’aide demandée au moment du règlement final.
Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.