Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 9 avril 2019 à 14h30
Croissance et transformation des entreprises — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au début de ces débats, je veux vous faire part du sentiment de déception partagé par les trois rapporteurs : le projet de loi Pacte a été dévoyé par les privatisations, qui auraient dû faire l’objet d’un projet de loi distinct. De fait, cette question, qui ne concerne nullement les entreprises, a masqué tout le reste, y compris dans les médias, au détriment même de la communication du Gouvernement envers les entreprises.

En dehors des privatisations, ce texte aurait pu, et même aurait dû recueillir une large majorité dans les deux assemblées, autour de mesures utiles, à défaut d’être toujours ambitieuses ou novatrices.

Des ouvertures étaient possibles sur de nombreuses dispositions, comme nous l’avons constaté en première lecture, mais peu ont été suivies d’effet, même si un certain nombre d’apports du Sénat – pas les plus importants – ont été conservés par l’Assemblée nationale. Nous avons le sentiment que ces ouvertures ont été victimes des privatisations, alors qu’elles prolongeaient la logique initiale du projet de loi, au service des entreprises.

Sur la question des seuils d’effectifs, par exemple, nous avons relevé à cent l’ensemble des seuils aujourd’hui fixés à cinquante salariés dans le code du travail, un niveau qui constitue un réel frein à la création d’emplois et à la croissance des entreprises. Nous étions prêts à trouver un compromis autour de soixante-dix, un seuil qui a du sens du point de vue économique, tout en excluant du dispositif les institutions représentatives du personnel. Nos collègues députés n’ont pas saisi cette occasion.

S’agissant de la réforme du contrôle légal des comptes, je rappelle que nous en avons accepté l’économie générale, alors même que nous avions de sérieuses réserves quant à son incidence sur la sécurité financière des sociétés, sur la profession et sur le maillage territorial des petits cabinets.

Outre des modalités de contrôle renforcées dans les groupes, nous avons proposé un report de l’entrée en vigueur de la réforme à 2021, pour permettre à la profession de s’adapter à ce changement brutal et de développer de nouveaux services. Sauf pour l’outre-mer, ces ajustements n’ont pas non plus été pris en compte, et la réforme s’appliquera dès le 1er septembre 2019.

L’Assemblée nationale n’a pas davantage conservé le droit pour les actionnaires minoritaires d’obtenir la désignation d’un commissaire aux comptes, même si elle a réintroduit cette faculté, sous une autre forme, me semble-t-il, dans la proposition de loi sénatoriale de simplification du droit des sociétés, examinée à la fin du mois de mars dernier et qui devrait revenir prochainement devant notre assemblée.

En ce qui concerne la réforme des réseaux consulaires, si les députés ont conservé l’essentiel des dispositions adoptées par le Sénat, ils sont néanmoins revenus sur plusieurs points. Ils ont ainsi rétabli l’obligation pour les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat au niveau régional d’adopter après chaque renouvellement un plan de mutualisation des actions. Ils ont réintroduit le dispositif, que le Sénat avait jugé inutile, visant à limiter le nombre de mandats d’un président de chambre de commerce et d’industrie.

L’Assemblée nationale a également rétabli son dispositif de première lecture tendant à confier à CCI France le monopole de la représentation des intérêts nationaux des chambres de commerce et d’industrie et à lui permettre de fixer des règles de recrutement des directeurs généraux de chambre. Elle a rétabli l’obligation de conclure des conventions avec les régions pour la mise en œuvre du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.

S’agissant du stage préalable à l’installation pour les artisans, l’Assemblée nationale a supprimé de nouveau purement et simplement toute obligation, alors que le Sénat avait proposé, dans une démarche de compromis, d’assouplir les modalités actuelles du stage, tout en lui conservant un caractère obligatoire.

À l’instar de notre commission spéciale, qui n’a pas été suivie en séance publique, l’Assemblée nationale a aussi fait le choix de maintenir la faculté pour l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, de s’opposer à la délivrance d’un brevet dépourvu d’activité inventive ou d’application industrielle. Il faudra veiller, madame la secrétaire d’État, aux moyens humains de l’INPI, pour que celui-ci puisse assurer de manière effective cette nouvelle mission.

Pour ce qui est de l’interdiction des produits en plastique à usage unique et des produits phytopharmaceutiques, l’intervention du Sénat a été utile, en permettant de revenir sur les excès de textes récents. Nos collègues députés ont globalement suivi nos propositions sur le fond, ce dont il faut se féliciter.

Enfin, l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a renoncé à la création d’une nouvelle délégation parlementaire à la sécurité économique, votée en première lecture sans aucune concertation avec le Sénat. Sur ce point, le dialogue bicaméral a permis de revenir à la raison.

Mes chers collègues, nous nous sommes efforcés, tout au long du parcours parlementaire de ce texte, de mieux accompagner la croissance et la transformation des entreprises. Force est de constater que l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, ne nous a pas suffisamment suivis.

C’est notamment pour cela que la commission spéciale a fait le choix de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi, motion qui sera défendue par Jean-François Husson.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion