Séance en hémicycle du 9 avril 2019 à 14h30

Résumé de la séance

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  • croissance
  • motion
  • privatisation

La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d’honneur, d’une délégation de trois parlementaires de l’Assemblée nationale du Koweït, conduite par M. Abdulkarim Al Kandari, président de la commission des affaires étrangères.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la secrétaire d ’ État auprès du ministre de l ’ économie et des finances, se lèven t.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La délégation est accueillie au Sénat par les membres du groupe d’amitié France-Pays du Golfe, présidé par notre collègue Jean-Marie Bockel. Elle se trouve en France dans le cadre d’une visite d’étude consacrée au renforcement des liens entre l’Assemblée nationale du Koweït et le Parlement français.

Après une réunion de travail avec nos collègues du groupe d’amitié, la délégation sera notamment reçue par le président de la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées, notre collègue Christian Cambon.

Cette visite fait suite à la mission menée au Koweït par une délégation du groupe d’amitié du Sénat en décembre dernier, qui a permis de souligner l’importance et l’intérêt des échanges entre nos parlements, ainsi qu’à une précédente mission koweïtienne, organisée en juin 2018.

Le dynamisme de notre relation interparlementaire souligne aussi le rôle institutionnel du Parlement au Koweït. Il pourrait trouver une nouvelle expression dans des contacts prochains au niveau des présidents de nos deux assemblées, au Koweït ou en France.

Mes chers collègues, permettez-moi, en votre nom à tous, de souhaiter à nos homologues de l’Assemblée nationale du Koweït une cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la secrétaire d ’ État, applaudissent longuement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (texte n° 382, résultat des travaux de la commission n° 416, rapport n° 415).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat est saisi en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, ou Pacte, un texte dont vous savez à quel point il est attendu par notre économie.

Nous avons eu de longs débats, en commission spéciale puis en séance publique. Nous avons amélioré le texte ensemble, parce que, en tant que représentants des territoires, vous connaissez mieux que quiconque les besoins des entreprises. Vous savez qu’une entreprise ne se définit pas en premier lieu par sa taille ou son activité, mais par son territoire. Grâce à cette expertise, nous avons pu affiner le texte.

Vous savez que Pacte est attendu par les salariés, impatients de bénéficier, notamment, des nouveaux dispositifs d’intéressement et de participation et d’être mieux associés à la gouvernance de leur entreprise.

Attendu, Pacte l’est aussi par les chefs d’entreprise, impatients de voir mises en œuvre les simplifications importantes prévues en matière de création d’entreprise, d’embauche et de rebond. Ils attendent la simplification des registres, des déclarations administratives et de la transmission des entreprises. Ils attendent aussi la simplification des seuils sociaux.

Attendu, Pacte l’est en outre par les épargnants, auxquels la réforme de l’épargne retraite garantira plus de flexibilité, de liberté et de transparence.

Attendu, Pacte l’est encore par les jeunes générations, car nous redéfinissons le rôle de l’entreprise dans la société en lui donnant la possibilité de se doter d’une raison d’être. Les jeunes générations attendent des entreprises qu’elles donnent un sens à l’économie, qu’elles se battent pour l’inclusion et pour une croissance durable : c’est ce que nous avons voulu affirmer en modifiant le code civil.

Enfin, Pacte est attendu par notre industrie, car toutes ces mesures vont permettre de lever les blocages qui limitent la réindustrialisation de tous les territoires de France.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en ai la conviction : la France fait face à des défis historiques, sûrement les plus brutaux et les plus décisifs des dernières décennies. En effet, les révolutions technologiques menacent de reléguer notre économie dans les dix prochaines années, non pas à la septième ou à la huitième place dans l’ordre des économies mondiales, mais à la dixième, voire à la quinzième, derrière le Mexique, le Brésil ou l’Indonésie.

Dans ce contexte, nous devons changer de modèle de croissance et de consommation, pour le rendre plus durable. Dans le même temps, nous devons répondre à la hausse des inégalités depuis une décennie.

Le projet de loi Pacte répond à ces défis. Le rejeter, ce serait se résigner à ne pas les relever ; ce serait préférer abandonner notre souveraineté technologique, le combat pour une croissance durable et pour un capitalisme plus respectueux, plus égalitaire et plus conforme à notre tradition européenne !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Joseph Castelli applaudit également.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous aurions souhaité que la commission mixte paritaire soit abordée de façon beaucoup plus positive et soit conclusive. Tel n’a, hélas, pas été le cas.

Nous le déplorons d’autant plus que le Sénat a beaucoup travaillé sur ce projet de loi. Peut-être pourrons-nous nous consoler en considérant que, sur les 225 articles du texte, 114, soit un peu plus de la moitié, ont été votés conformes. Il n’en demeure pas moins que, sur un certain nombre de sujets extrêmement importants, un accord n’a pas pu être trouvé entre les deux chambres, ce qui est tout à fait regrettable.

Ce matin, madame la secrétaire d’État, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, a évoqué de façon plutôt positive les réformes menées en France pour favoriser la croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Il faut poursuivre dans cette direction.

Pour cela, nous avons, au Sénat, la conviction qu’il faut continuer à simplifier la vie des entreprises. Malheureusement, sur un certain nombre de points, nos propositions pour aller un peu plus loin en ce sens n’ont pas été retenues.

S’agissant des commissaires aux comptes, ils auraient accepté la version évolutive proposée par le Sénat – ma collègue Élisabeth Lamure y reviendra.

Des dispositions importantes touchent à l’orientation de l’épargne vers l’économie. Il est essentiel que des moyens financiers soient alloués à nos acteurs économiques pour leur permettre de se développer en France. Or, dans mon département, Finistère Angels, qui participe au capital de petites entreprises, a investi 148 000 euros en 2018, contre 1, 4 million d’euros l’année précédente, et la tendance est la même dans les autres départements bretons : preuve qu’il reste encore beaucoup d’efforts à faire dans ce domaine.

Nos regrets concernent notamment les taux dérogatoires pour le forfait social, qui n’ont pas pu être unifiés à hauteur de 10 % – un objectif vers lequel il faudrait tendre aussi pour la fiscalisation de l’intéressement et de la participation, des dispositifs de la plus haute importance pour favoriser l’implication des salariés dans la vie de l’entreprise.

Nous aurions souhaité aussi que le salarié ait une liberté de choix plus grande pour l’affectation de son épargne, entre placements longs, notamment pour la retraite, et perception immédiate.

En ce qui concerne l’accord d’intéressement, nous aurions voulu qu’il soit un peu simplifié : lors des récentes rencontres salariales de l’épargne organisées par l’association Fondact, auxquelles, madame la secrétaire d’État, vous avez également assisté, j’ai entendu des chefs d’entreprise expliquer qu’il faudrait pouvoir conclure des accords à tout moment de l’année. Cela nous semble tout à fait logique : pourquoi attendre, parfois longtemps, quand on s’est mis d’accord ?

J’appelle aussi l’attention du Gouvernement sur les risques très élevés de contentieux liés à la modification du code civil opérée par l’Assemblée nationale. Il me semblait que la formulation adoptée par le Sénat réduisait ces risques. Je regrette qu’elle n’ait pas été retenue.

Les sociétés à mission prévues à l’article 61 septies sont un concept intéressant, mais il eût fallu que les entreprises puissent librement s’organiser. Au lieu de quoi l’Assemblée nationale a fixé un cadre à notre sens trop contraignant.

L’article 62 quinquies, qui prévoit la nullité des délibérations si la parité n’est pas respectée, présente aussi des risques juridiques extrêmement forts. Il faut être vigilant à cet égard.

Par ailleurs, nous devrions éviter de nous trouver en situation de sur-transposition, ce qui est le cas en matière de transparence des rémunérations comme de responsabilité de plein droit des agences de voyages.

S’agissant enfin du recours aux ordonnances, si nous nous félicitons d’avoir pu introduire des évolutions en ce qui concerne le gaz et la dématérialisation des factures, cela n’a pas été possible pour l’électricité, alors que nous avions accompli un travail important sur le sujet.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au début de ces débats, je veux vous faire part du sentiment de déception partagé par les trois rapporteurs : le projet de loi Pacte a été dévoyé par les privatisations, qui auraient dû faire l’objet d’un projet de loi distinct. De fait, cette question, qui ne concerne nullement les entreprises, a masqué tout le reste, y compris dans les médias, au détriment même de la communication du Gouvernement envers les entreprises.

En dehors des privatisations, ce texte aurait pu, et même aurait dû recueillir une large majorité dans les deux assemblées, autour de mesures utiles, à défaut d’être toujours ambitieuses ou novatrices.

Des ouvertures étaient possibles sur de nombreuses dispositions, comme nous l’avons constaté en première lecture, mais peu ont été suivies d’effet, même si un certain nombre d’apports du Sénat – pas les plus importants – ont été conservés par l’Assemblée nationale. Nous avons le sentiment que ces ouvertures ont été victimes des privatisations, alors qu’elles prolongeaient la logique initiale du projet de loi, au service des entreprises.

Sur la question des seuils d’effectifs, par exemple, nous avons relevé à cent l’ensemble des seuils aujourd’hui fixés à cinquante salariés dans le code du travail, un niveau qui constitue un réel frein à la création d’emplois et à la croissance des entreprises. Nous étions prêts à trouver un compromis autour de soixante-dix, un seuil qui a du sens du point de vue économique, tout en excluant du dispositif les institutions représentatives du personnel. Nos collègues députés n’ont pas saisi cette occasion.

S’agissant de la réforme du contrôle légal des comptes, je rappelle que nous en avons accepté l’économie générale, alors même que nous avions de sérieuses réserves quant à son incidence sur la sécurité financière des sociétés, sur la profession et sur le maillage territorial des petits cabinets.

Outre des modalités de contrôle renforcées dans les groupes, nous avons proposé un report de l’entrée en vigueur de la réforme à 2021, pour permettre à la profession de s’adapter à ce changement brutal et de développer de nouveaux services. Sauf pour l’outre-mer, ces ajustements n’ont pas non plus été pris en compte, et la réforme s’appliquera dès le 1er septembre 2019.

L’Assemblée nationale n’a pas davantage conservé le droit pour les actionnaires minoritaires d’obtenir la désignation d’un commissaire aux comptes, même si elle a réintroduit cette faculté, sous une autre forme, me semble-t-il, dans la proposition de loi sénatoriale de simplification du droit des sociétés, examinée à la fin du mois de mars dernier et qui devrait revenir prochainement devant notre assemblée.

En ce qui concerne la réforme des réseaux consulaires, si les députés ont conservé l’essentiel des dispositions adoptées par le Sénat, ils sont néanmoins revenus sur plusieurs points. Ils ont ainsi rétabli l’obligation pour les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat au niveau régional d’adopter après chaque renouvellement un plan de mutualisation des actions. Ils ont réintroduit le dispositif, que le Sénat avait jugé inutile, visant à limiter le nombre de mandats d’un président de chambre de commerce et d’industrie.

L’Assemblée nationale a également rétabli son dispositif de première lecture tendant à confier à CCI France le monopole de la représentation des intérêts nationaux des chambres de commerce et d’industrie et à lui permettre de fixer des règles de recrutement des directeurs généraux de chambre. Elle a rétabli l’obligation de conclure des conventions avec les régions pour la mise en œuvre du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.

S’agissant du stage préalable à l’installation pour les artisans, l’Assemblée nationale a supprimé de nouveau purement et simplement toute obligation, alors que le Sénat avait proposé, dans une démarche de compromis, d’assouplir les modalités actuelles du stage, tout en lui conservant un caractère obligatoire.

À l’instar de notre commission spéciale, qui n’a pas été suivie en séance publique, l’Assemblée nationale a aussi fait le choix de maintenir la faculté pour l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, de s’opposer à la délivrance d’un brevet dépourvu d’activité inventive ou d’application industrielle. Il faudra veiller, madame la secrétaire d’État, aux moyens humains de l’INPI, pour que celui-ci puisse assurer de manière effective cette nouvelle mission.

Pour ce qui est de l’interdiction des produits en plastique à usage unique et des produits phytopharmaceutiques, l’intervention du Sénat a été utile, en permettant de revenir sur les excès de textes récents. Nos collègues députés ont globalement suivi nos propositions sur le fond, ce dont il faut se féliciter.

Enfin, l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a renoncé à la création d’une nouvelle délégation parlementaire à la sécurité économique, votée en première lecture sans aucune concertation avec le Sénat. Sur ce point, le dialogue bicaméral a permis de revenir à la raison.

Mes chers collègues, nous nous sommes efforcés, tout au long du parcours parlementaire de ce texte, de mieux accompagner la croissance et la transformation des entreprises. Force est de constater que l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, ne nous a pas suffisamment suivis.

C’est notamment pour cela que la commission spéciale a fait le choix de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi, motion qui sera défendue par Jean-François Husson.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

MM. Laurent Duplomb et Didier Mandelli applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je n’aime pas les questions préalables, par principe, parce qu’elles nient le rôle d’une assemblée parlementaire, qui est d’améliorer les textes. Elles traduisent une incapacité à apporter un mieux à la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

M. Philippe Adnot. Je ferai pourtant une exception cet après-midi…

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Je pense en effet que ce projet de loi aurait mérité d’être divisé en plusieurs textes : en mélangeant tous les sujets, on a fermé la discussion, alors même que l’ambiance générale actuelle, qui pousse au dialogue et à l’échange, plaidait pour le contraire.

J’ai d’autant plus de regrets que ce texte, au départ, nous laissait quelque espoir de redynamiser l’économie. Certes, on y trouve des dispositions utiles, mais il y a aussi de nombreux rendez-vous manqués. Je pense en particulier aux seuils sociaux : attendu et espéré, ce texte aurait pu être efficace pour l’emploi ; en définitive, il sera compliqué, illisible, ne satisfera personne et desservira l’emploi – personne n’y comprendra rien, et les entreprises ne s’engageront pas pleinement.

Heureusement, il y a quelques motifs de satisfaction. Chacun trouvera le sien. Pour ma part, je me réjouis que l’Assemblée nationale ait conservé la disposition que nous avons été plusieurs à proposer permettant aux chercheurs d’accroître de 20 % à 32 % leur participation au capital et leurs droits de vote. Reste que cela fait une maigre récolte…

Je n’aime pas les maigres récoltes : je voterai donc la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

M. Alain Marc applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour débattre du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Comme, manifestement, c’est la dernière fois, je tiens, au nom du groupe Les Indépendants, à saluer de nouveau le travail de la commission spéciale et de ses trois rapporteurs, Élisabeth Lamure, Michel Canevet et Jean-François Husson, sous la présidence de Catherine Fournier. Notre commission a apporté de nombreuses modifications au texte, dans un esprit à la fois constructif et exigeant ; un certain nombre d’entre elles est resté.

La commission spéciale a déposé une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi.

Par principe, comme l’orateur précédent, je le regrette, parce que je pense que le débat est toujours utile en soi, même quand on craint de ne pas avoir le dernier mot. Par principe, je ne ferai pas d’exception : je ne voterai donc pas la motion. En effet, notre rôle, en tant que sénateurs, est de porter la voix des territoires dans le débat public.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Quelle que soit l’issue du vote, je rappelle que ce projet de loi, globalement, va dans le bon sens : il apporte des solutions concrètes pour le développement de nos PME ; il encourage la création d’entreprises ; il soutient l’innovation et facilite une répartition plus équitable des richesses.

Ce texte passe au crible toute une série de scories de notre droit : des blocages qui découragent la création d’entreprises, des carcans superflus qui brident l’innovation, des règles absurdes qui absorbent l’énergie de nos entrepreneurs.

De ce point de vue, sincèrement, le projet de loi Pacte constitue une bonne nouvelle pour nos entreprises. Nos entrepreneurs étaient demandeurs. Ils disposeront pour accélérer la croissance de leur entreprise de nouveaux outils, certes perfectibles – le Sénat a proposé de nombreuses améliorations.

Le Parlement a considérablement enrichi le projet de loi initial, malgré le contexte de la procédure accélérée, qui nuit à la qualité de notre travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Le Sénat, notamment, a veillé à faire entendre la voix des territoires, avec un objectif clair : que les mesures ne restent pas hors-sol, mais répondent concrètement aux besoins des PME et ETI qui structurent notre tissu économique.

Je pense tout particulièrement à l’amendement, déposé par notre groupe et adopté en première lecture, portant sur l’organisation du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat. L’Assemblée nationale, sur ce point, a entendu la voix du Sénat et gardé l’essentiel de nos dispositions. Nous maintiendrons ainsi dans nos territoires un réseau dense pour accompagner les entrepreneurs de proximité.

Le Sénat a également soutenu des propositions ambitieuses que l’Assemblée nationale n’a pas conservées, comme le relèvement du seuil de cinquante à cent salariés, une mesure pourtant décisive pour la croissance de nos PME et l’émergence de nouvelles ETI. Nous avions l’occasion d’accélérer leur développement en faisant davantage confiance à nos entrepreneurs.

Sur ce texte comme sur tant d’autres, le Sénat s’est montré en même temps raisonnable et ambitieux. Raisonnable, car il a veillé, à l’heure où notre société paraît plus fracturée que jamais, à ce que tous les territoires bénéficient des fruits de la croissance. Ambitieux, car il a proposé d’aller encore plus loin sur nombre de mesures visant à libérer les énergies et à susciter chez nos concitoyens l’envie d’entreprendre.

C’est pourquoi je regrette que les discussions aient achoppé sur les privatisations, tout particulièrement sur celle d’ADP.

Le refus opposé à cette mesure, qui n’était pas dénué d’arrière-pensées politiques, nous a privés de l’occasion de nous faire entendre. Nous pouvions pourtant y apporter les garde-fous que nous jugions essentiels pour assurer à la puissance publique la pleine maîtrise du cadre dans lequel cette concession va s’opérer – car, mes chers collègues, elle va s’opérer.

Je ne puis pas m’empêcher de penser que, si le Sénat avait suivi les recommandations de la commission spéciale, sa voix aurait davantage pesé dans la prise de décisions, et certaines des garanties intégrées en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale l’auraient été dès la première lecture au Sénat.

M. Martin Lévrier opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Il en va de même pour la modification de l’objet social dans le code civil. Comme nombre d’entre vous sur ces travées, je considère que nous ne corrigerons pas les vices du capitalisme en inscrivant des vœux pieux dans la loi.

Les amendements proposés par la commission spéciale auraient permis de limiter les risques juridiques pour nos entreprises, tout en conservant la déclaration de principes. Le Sénat a opté pour la suppression pure et simple de l’article 61. Résultat : il a été rétabli dans sa rédaction d’origine, sans les garanties que nous espérions.

Mes chers collègues, n’oublions pas la situation dans laquelle se trouve notre pays : il étouffe sous la pression fiscale et l’excès des réglementations ! Tout ce qui simplifie l’activité de nos entreprises et recentre l’État sur ses missions régaliennes redonnera du souffle à notre économie. Il y va de notre capacité à maîtriser notre destin dans un monde incertain. Il y va de notre capacité à maintenir une souveraineté nationale.

Non, le débat n’est pas clos, tant s’en faut. Le Sénat a toujours des arguments à faire valoir et des positions à défendre, sur des textes qui ne sont jamais définitifs, quand bien même nous craindrions de ne pas avoir le dernier mot.

C’est pourquoi j’aurais souhaité que nous poursuivions l’examen de ce projet de loi. Et c’est pourquoi le groupe Les Indépendants ne votera pas la motion tendant à opposer la question préalable : une majorité d’entre nous s’abstiendra, les autres voteront contre !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, voici le projet de loi Pacte de retour dans notre hémicycle.

Au cours des dernières semaines et des derniers mois, j’ai visité de nombreuses entreprises sur mon territoire. Toutes, sans exception, m’ont fait part de leur impatience de voir franchie cette nouvelle étape dans la transformation du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Ce n’est pas le même territoire, cher collègue !

Oui, elles sont impatientes de voir levés les verrous qui bloquent depuis bien trop longtemps le développement des TPE et des PME. Elles attendent avec impatience de voir le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises promulgué et publié au Journal officiel. Elles sont impatientes de faire vivre la loi Pacte.

Je ne doute pas qu’une large majorité de notre hémicycle soit intimement convaincue que cette loi est une bonne loi. Et pour cause : entre autres effets, elle améliorera la parité femmes-hommes dans les directions des entreprises et créera un label pour les entreprises qui mènent une politique d’accessibilité et d’inclusion des personnes handicapées ; elle facilitera la création d’entreprises et réduira son coût ; elle simplifiera la croissance des entreprises en améliorant et diversifiant leur financement ; elle protégera leurs inventions et expérimentations ; elle financera l’innovation de rupture et protégera les entreprises stratégiques françaises.

Je ne m’attarderai pas sur la partie tendant à faire évoluer le capital des entreprises publiques, mon collègue Richard Yung vous en parlera beaucoup mieux que moi.

Je ne doute pas un instant, cependant, qu’il profitera de son temps de parole pour dénoncer la posture adoptée par certains de nos collègues, qui ont fait mine de s’indigner au sujet de l’article 44 de ce projet de loi. Ce n’était pas à la hauteur de l’éthique que promeut notre chambre, car, voilà tout juste deux ans, nombre de ces parlementaires soutenaient un candidat qui prévoyait de favoriser les privatisations. Les Français n’oublient pas !

Je ne vais pas détailler toutes les dispositions qui composent ce texte, mais il est indispensable de revenir sur le projet audacieux que porte le chapitre III, symbole de liberté et de protection. Celui-ci réconcilie en effet performance économique et responsabilité sociale des entreprises.

Il supprime le forfait social versé au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés et sur l’ensemble des versements d’épargne salariale pour celles qui comptent moins de cinquante salariés ; il gèle l’intéressement au-delà d’un plafond, permettant ainsi d’améliorer son rendement pour les bénéficiaires ; il développe l’épargne salariale, ainsi que l’actionnariat salarié, et donne naissance à la société à mission ; il améliore la transparence des sociétés cotées en matière de rémunération de leurs dirigeants au regard de la rémunération moyenne et médiane ; il instaure le fonds de pérennité, grâce auquel la France se dote d’un statut permettant de protéger de manière durable le capital de nos entreprises pour assurer leur croissance à long terme ; enfin, il donne une nouvelle visibilité citoyenne à l’entreprise.

La notion d’intérêt social de l’entreprise et la nécessité de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux seront ainsi inscrites dans la loi par la modification de l’article 1833 du code civil.

En réunissant tous ces éléments, ce chapitre donne un nouveau souffle aux entreprises, ce qui leur permettra d’innover, de créer et de se développer.

Plus largement, ce projet de loi relève le défi majeur de la croissance des entreprises à chaque phase de leur développement, pour renouer avec l’esprit de conquête économique. Pour cela, il transforme le modèle d’entreprise français, qu’il est temps d’adapter aux réalités du XXIe siècle.

Vous semblez pourtant être nombreux à estimer que les conditions ne sont pas réunies pour que le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale soit adopté conforme, et à déplorer que cette dernière soit revenue sur un trop grand nombre de dispositions introduites par le Sénat. C’est pourtant la raison d’être de la navette parlementaire et du bicamérisme !

N’oublions pas que l’Assemblée nationale a tenu compte de certaines améliorations apportées par le Sénat : quelque 99 articles ont été votés conformes, dont 13 articles additionnels issus de nos travaux. Ceux-ci contiennent des dispositions relatives à la limitation des seuils d’effectif pour certains dispositifs fiscaux, à la possibilité, pour les majeurs rattachés au foyer fiscal de leurs parents, d’ouvrir un plan d’épargne en actions, un PEA, à la réforme de l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale, ou ESUS, à la modernisation du certificat d’utilité, ou encore à la création d’une procédure d’opposition aux brevets.

D’autres mesures introduites par le Sénat n’ont fait l’objet que de modifications très superficielles : la création du registre dématérialisé des entreprises, l’organisation des réseaux des chambres de métiers et de l’artisanat, les CMA, autour d’un établissement unique régional ou encore la transférabilité des contrats d’assurance vie sans conséquence fiscale.

Mes chers collègues, j’insiste sur le bon fonctionnement du bicamérisme, en vous rappelant que les deux chambres sont tombées d’accord sur nombre de suppressions d’articles.

Certes, nos homologues ont enlevé des dispositions que vous aviez intégrées. Qui pouvait en douter, dès lors qu’il s’agissait des mesures les plus contradictoires avec l’esprit de cette loi, notamment celles qui se rapportaient à la notion d’objet social ?

Ils ont également rétabli des dispositions que vous aviez supprimées, comme la raison d’être ou l’écart salarial d’un à vingt, suggéré par la confédération européenne des syndicats et que nous avions tenté d’inscrire en première lecture. C’est l’outil permettant de lutter contre l’écart incompréhensible des salaires que l’on observe dans certaines entreprises, notamment celles du CAC 40, dans lesquelles il peut atteindre un ordre de grandeur d’un à deux cent cinquante.

Le philosophe Jean Bodin écrivait : « il n’est de richesse que d’hommes ». Nous sommes tous convaincus que l’épanouissement des salariés conditionne la réussite d’une entreprise. La rémunération est un facteur de bon fonctionnement de l’ascenseur social. C’est pourquoi cette mesure est si importante. Nous devons retrouver des critères de cohésion qui tirent l’ensemble des salariés vers le haut.

En conclusion, c’est du mouvement que naît la croissance, et non de l’immobilisme. L’heure est venue pour la France de s’engager fermement dans cette voie. Le projet de loi Pacte en est un vecteur essentiel, c’est pourquoi le groupe La République En Marche le soutient et désire que le débat se poursuive dans notre hémicycle, dans le plus grand respect du bicamérisme auquel vous êtes tant attachés.

Nous ne voterons donc pas la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale chargée d ’ examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Les choses sérieuses commencent !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous restons clairement opposés à ce texte du Gouvernement, qui casse les seuils sociaux, détricote la Caisse des dépôts et consignations, supprime le stage préalable à l’installation des artisans et le recours aux experts-comptables.

Alors que vous prônez la start-up nation, vous brisez l’accompagnement à la création d’entreprises, avec pour conséquence l’échec du plus grand nombre. Pis, vous n’avez pas voulu légiférer sur le statut d’auto-entrepreneur, laissant les grandes plateformes numériques continuer à exploiter nos jeunes.

Vous avez réformé l’épargne retraite, alors que vous vous apprêtez, pour répondre à la crise sociale, à allonger la durée de cotisation, à reculer l’âge de départ à la retraite et à casser la retraite par répartition. Madame la secrétaire d’État, nous n’avons pas dû visiter les mêmes ronds-points ou discuter avec les mêmes personnes, car je n’ai vu quant à moi aucune pancarte affirmant « Nous voulons mourir au travail ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Enfin, vous réalisez le tour de force de parler de partage de la valeur sans évoquer les salaires et leur augmentation. En 200 articles, ce qui devait être un pacte entre l’entreprise et l’État se transforme en pacte des loups entre l’État et les rapaces de la finance. Encore une fois, vous cédez aux revendications du Medef, offrant un panel de droits nouveaux au patronat, mais aucun pour les salariés.

Nous sommes cependant également opposés à la droite sénatoriale, qui n’a fait qu’empirer les effets du texte, avec, en particulier, l’amendement sur le plastique ou encore l’aggravation de la casse des seuils sociaux. Mes chers collègues, vous avez même réussi le tour de force de supprimer l’une des rares avancées de ce projet de loi, concernant l’objet des entreprises et leur responsabilité sociale et environnementale.

Dans ces conditions, notre groupe ne prendra pas part au vote sur la question préalable.

Alors que notre pays aspire à plus de justice fiscale et sociale, qu’il exige plus de citoyenneté et de démocratie sociale, vous répondez « compétition, libéralisme, profit. » Nous ne choisirons donc ni le parti de la droite sénatoriale ni celui de la droite gouvernementale. Pour nous, c’est blanc bonnet et bonnet blanc !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Nous regrettons seulement, madame la secrétaire d’État, de ne pas prolonger le débat avec vous sur les privatisations, notamment sur celle d’Aéroports de Paris, ou ADP.

Comme un certain nombre de mes collègues, j’ai eu accès au cahier des charges de cette opération. Sans révéler ce qu’il contient – clause de confidentialité oblige –, je puis évoquer ce qu’il ne contient pas. On n’y trouve, par exemple, aucun recensement des 8 600 hectares que détient ADP, et encore moins d’indications sur leur valeur au prix du domaine actuel.

Je pensais naïvement que, lorsque l’on vendait un bien commun, on évaluait au moins ses actifs. Sans cela, comment fixer un prix ? Le bon prix est-il 10 milliards d’euros, quand 8 600 hectares en Île-de-France constituent une pépite inestimable, qui intéressera certainement bon nombre de promoteurs ?

J’invite aussi les élus à consulter la page 38, relative aux relations avec les collectivités territoriales, qui est destinée à rassurer les nombreux élus locaux opposés à cette privatisation. Je les rassure, cette lecture sera rapide : la page en question compte trois lignes !

Enfin, je ne suis pas comme vous, madame la secrétaire d’État, un spécialiste des privatisations, mais 56 pages pour brader un actif de 10 milliards d’euros, cela me semble un peu léger. Je me souviens que, lorsque ma femme et moi avons acheté notre petit pavillon, le notaire nous a fait remplir un dossier de 65 pages. Il y aurait donc moins de paperasse à remplir pour acheter une maison qu’un aéroport ?

Rires et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Depuis le refus du Sénat, vous avez affûté vos arguments. Vous avez même publié un document intitulé Les Dix Idées fausses sur la cession d ’ Aéroports de Paris.

Vous commencez par y affirmer que l’État ne privatise pas ADP, car « au terme d’une période de soixante-dix ans, l’intégralité des infrastructures d’ADP sera rendue à l’État. » Vous oubliez toutefois de rappeler qu’il faudra indemniser le concessionnaire au prix auquel on estimera l’aéroport, non pas aujourd’hui, mais en 2089… Qui peut l’évaluer ? Personne. L’État n’aura peut-être pas les moyens de le racheter. De plus, le cahier des charges ne contient aucun alinéa relatif à la manière dont l’actif sera rendu à l’État à la fin de la concession de soixante-dix ans.

Le deuxième argument de votre document n’est pas moins surprenant : l’État ne céderait pas un monopole. Cela, seul le Conseil constitutionnel, qu’une grande majorité de sénateurs souhaite saisir, pourra le dire. Rappelons que 85 % des touristes européens et 95 % des touristes extra-européens atterrissent par ADP, ce qui ressemble tout de même à s’y méprendre à un monopole.

Vous indiquez surtout qu’ADP ferait face à une concurrence européenne et mondiale féroce, de la part des hubs de Francfort, de Londres ou des pays du Golfe. C’est étonnant : si un touriste veut visiter Paris, je ne vois pourquoi il irait atterrir à Doha…

Je ne connais personne qui choisirait sa destination pour découvrir tel aéroport ou goûter la gastronomie du fast-food de tel terminal. Imaginez-vous un Anglais souhaitant assister au tournoi des six nations au Stade de France et qui déciderait d’atterrir à Francfort ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Enfin, vous avez diffusé un autre argument dans tous les médias : l’État n’aurait pas vocation à gérer des boutiques et des magasins de luxe.

Évidemment, ce sont les taxes aéroportuaires versées par les compagnies et les magasins ainsi que les parkings utilisés par les usagers qui sont rentables, et non les pistes elles-mêmes. Toutefois, s’il n’y avait pas de pistes pour que les avions décollent et atterrissent, il n’y aurait ni compagnies aériennes versant une taxe ni passagers qui consomment dans les magasins ! Il s’agit donc d’un raisonnement par l’absurde : peut-on dissocier l’autoroute du péage, la gare de la ligne de chemin de fer, ou le port du bar de la marine ?

Rires et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Madame la secrétaire d’État, je vais conclure en vous posant une question à laquelle ni vous ni M. Le Maire n’avez encore répondu. Loin de moi l’idée de vouloir répandre des fake news, d’adhérer à une théorie du complot ou de relayer un « Vinci bashing », mais souhaitez-vous toujours vendre l’ensemble des parts à Vinci, qui sera indemnisé en tant qu’actionnaire minoritaire, ou alors, comme le Président de la République, aux collectivités territoriales adossées au groupe Ardian, ou encore à la Caisse des dépôts du Québec ? Nous avons le droit de savoir, ainsi que les Français, me semble-t-il.

Madame la secrétaire d’État, je vous fais une dernière proposition. Nous faisons partie des 185 parlementaires à avoir signé la proposition de loi en faveur d’un référendum. Si vous êtes vraiment certains d’avoir raison contre tous, organisez donc cette consultation. Donnez la parole au peuple. Demandez-lui s’il est d’accord pour vendre un bien commun et servir encore les intérêts financiers !

Vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour la nouvelle lecture de ce projet de loi fourre-tout comportant un ensemble de mesures qui n’ont souvent rien à voir les unes avec les autres. Si vous le voulez bien, je souhaite revenir sur le point de non-retour qu’il contient et qui inquiète, à juste titre, de plus en plus de citoyens : la privatisation de joyaux nationaux.

Madame la secrétaire d’État, vous entendez privatiser Aéroports de Paris, la Française des jeux et Engie, alors que tout semble aligné pour vous conduire à renoncer à ce projet : l’opinion publique, avec une pétition qui réunit plus de 150 000 signatures ; les « gilets jaunes », qui sont devant le Sénat, qui nous reprochent sans cesse les privatisations des autoroutes et qui s’interrogent avec force sur celle d’ADP, parce que ce sont les Français qui payent les erreurs des gouvernements ; mais aussi, et surtout, le bon sens économique et politique. Avouez tout de même que vos arguments ne sont pas convaincants !

Du point de vue financier, on vend normalement un bien pour gagner de l’argent. Or vous vendez des entreprises qui en rapportent beaucoup : l’État a perçu 173 millions d’euros de dividendes pour l’année 2018 de la part du seul groupe ADP, dont la rentabilité est exceptionnelle, avec une croissance de 43 % en 2018, et le patrimoine foncier unique, comme l’a rappelé Fabien Gay.

Vous voulez vendre trois entreprises qui nous rapportent aujourd’hui plus de 800 millions d’euros de dividendes chaque année, pour alimenter un fonds pour l’innovation de rupture à hauteur de 250 millions d’euros. Vous oubliez de nous dire que les seuls dividendes d’ADP pourraient quasiment financer ce fonds !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Vous allez perdre chaque année 600 millions d’euros, qui ne reviendront plus dans les caisses de l’État. Où est le bon sens économique dans tout cela ?

Madame la secrétaire d’État, je vous le dis avec gravité, la cession d’ADP offre le symbole du transfert de richesse publique vers les multinationales. C’est l’exemple parfait d’un capitalisme de connivence, je dis bien de connivence !

Protestations sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Vous souhaitez privatiser deux monopoles de fait, ADP et la FDJ, en contradiction avec l’alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946, lequel dispose qu’un « monopole de fait » ne peut pas être privatisé. On ne brade pas les biens de la Nation !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

ADP est un monopole naturel, une frontière extérieure stratégique, un outil de souveraineté par lequel passe la plus grande part des entrées et des sorties du territoire.

J’entends certains affirmer que l’État n’a pas vocation à gérer des boutiques. Mais tout de même, ADP est un des plus grands aéroports du monde, avec des passagers et des avions ! Dans l’ancien monde, la première vocation d’un aéroport ne résidait pas dans les boutiques duty free ! Il s’agit évidemment d’une entreprise stratégique, d’un actif qui doit être géré par l’État.

Un autre point suscite l’incompréhension : pourquoi privatiser, alors que nous savons que les privatisations de l’aéroport de Toulouse et des autoroutes ont été des erreurs ? Nous poursuivons dans les mêmes travers ! Vous connaissez l’adage : une erreur, ce n’est pas très grave, dès lors que l’on apprend et qu’on la corrige. Or vous persévérez. Vous accélérez, en klaxonnant, pour entrer dans le mur ! Pourquoi vous entêter ? Pourquoi privatiser ? Je le répète, ce capitalisme de connivence nous gêne beaucoup.

Vous faites un choix purement idéologique, en affirmant que le privé serait mieux à même de gérer une entreprise que le public. C’est de l’idéologie pure !

Est-ce pour satisfaire Vinci, qui n’a pas obtenu la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? Nous verrons… Le Président de la République souhaite-t-il réaliser son rêve inachevé de ministre de l’économie, à savoir la privatisation d’ADP, après celle de l’aéroport de Toulouse, incapable qu’il est de constater l’échec de cette dernière opération ?

Madame la secrétaire d’État, vous prenez une responsabilité historique : celle de vendre la France à la découpe !

Protestations sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. C’est l’argent des Français que vous dilapidez, et cela, nous ne l’autoriserons pas. Nous nous battrons jusqu’au bout pour éviter ce gaspillage des fonds publics et des actifs stratégiques de la Nation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à ce stade de l’examen du projet de loi Pacte, on ne peut exprimer que des regrets, voire une certaine frustration.

En effet, l’échec de la commission mixte paritaire, suivi, vraisemblablement, du vote par le Sénat d’une motion tendant à opposer la question préalable, interrompt le dialogue entre les deux chambres et le Gouvernement, dans un domaine où une issue consensuelle ne me semblait pas a priori hors de portée.

Je vous avais fait part, en première lecture, de mes craintes concernant le périmètre de ce projet de loi, lequel contenait à mon sens des dispositions trop disparates, au détriment de sa cohésion. Qu’y a-t-il de commun entre la suppression du stage à l’installation des artisans, la possibilité de définir la raison d’être d’une entreprise et la privatisation de trois grands groupes publics ? Le résultat donne raison au dicton : qui trop embrasse mal étreint.

Dans cet ensemble, on trouvait un gros caillou nommé Aéroports de Paris, sur lequel est venu se briser tout espoir de consensus. Malgré les efforts de la présidente de la commission spéciale, Catherine Fournier, et de son rapporteur sur ce sujet, Jean-François Husson – dont je tiens à saluer le travail, comme celui des deux autres rapporteurs, Élisabeth Lamure et Michel Canevet –, la privatisation d’ADP n’a pas trouvé grâce auprès de la majorité sénatoriale.

Le sujet méritait-il une telle opposition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Pour ma part, je n’en suis pas totalement persuadé, car on pouvait évaluer différemment son opportunité financière en termes de dividendes hier et de revenus financiers demain.

Il ne s’agit en aucun cas d’une opération de retrait patrimonial définitif, puisque la propriété reviendra au terme de la convention à l’État, qui conservera évidemment toutes les fonctions régaliennes de contrôle douanier ou aérien. La durée de concession semblait certes trop longue, mais le futur concessionnaire ne sera finalement chargé que du fonctionnement et de l’intendance à caractère commercial.

Madame la secrétaire d’État, je ne vous reprocherai pas de nous avoir soumis un texte fourre-tout, car cela se pratique depuis plusieurs décennies, mais il aurait sans doute été opportun de consacrer aux privatisations un projet de loi distinct. Celles-ci mises à part, nous partageons bien sûr les orientations générales de ce texte, destinées à favoriser la création et le développement des entreprises, en associant mieux les salariés à cette démarche.

On peut ainsi saluer la simplification des procédures de création, de transmission et de reprise des entreprises, la rationalisation du nombre de seuils d’emplois et, surtout, l’introduction de souplesse lors de leur franchissement, le relèvement du seuil de certification des comptes, la suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés et sur la participation pour les entreprises de moins de cinquante salariés ainsi que des aménagements pertinents concernant l’épargne retraite et l’assurance vie et la promotion d’un PEA-PME.

Il ne s’agit là que de quelques exemples, qui viennent s’ajouter aux multiples dispositions de réduction de délais, d’allégement de contraintes et de simplification contenues dans ce texte.

On peut cependant s’interroger sur certaines évolutions qui me semblent relever d’un affichage de simplification ou de modernité, dont l’impact à terme pourrait être incertain, voire négatif, pour les entreprises comme pour les territoires.

La centralisation à l’échelon régional des réseaux consulaires est ainsi conforme à une évolution subie depuis quelques années, mais elle sera de nature à appauvrir les territoires éloignés des métropoles et des capitales régionales. On constate d’ores et déjà les effets négatifs de cette tendance, dont le mouvement des « gilets jaunes » est un révélateur, mais on ne sait pas comment mettre en œuvre rapidement une logique différente.

Ce projet de loi présente aussi des insuffisances en matière d’accès au crédit et aux marchés pour les PME. En effet, à l’exception de dispositions concernant la gouvernance de la Caisse des dépôts et du groupe La Poste, le secteur bancaire semble avoir été laissé en dehors du texte, alors qu’il devrait jouer un rôle offensif dans le financement des PME, ce qu’il fait parfois très mal.

Enfin, je renouvelle l’expression de mon regret, voire de mon incompréhension, s’agissant du souhait de faire de l’intéressement un marqueur du partage de la richesse produite par les entreprises en rendant ce dispositif obligatoire pour toutes les entreprises de plus de dix salariés.

Cela répondait à l’objectif que se sont fixé le Gouvernement et le Président de la République, objectif qui ne pourra pas être atteint par de seules mesures incitatives. Dans les entreprises où ce dispositif est déjà en vigueur, les salariés verront leur intéressement augmenter, car un dirigeant d’entreprise raisonne en enveloppe globale incluant la somme allouée et les taxes afférentes. En revanche, la seule suppression du forfait social ne me semble pas être de nature à convertir à l’intéressement les chefs d’entreprise qui ne le pratiquent pas.

Dans le contexte actuel, cette mesure de justice sociale avait le mérite d’introduire du pouvoir d’achat, de valoriser le travail et de faire bénéficier l’entreprise de la motivation et de l’implication de ses salariés. Cette disposition, qui n’avait d’ailleurs pas non plus les faveurs de la majorité sénatoriale, aurait pu faire partie des réponses au grand débat national, dans un volet où, il faut bien le reconnaître, le développement économique, l’emploi et l’entreprise semblent relégués au second rang. Il n’est peut-être pas encore trop tard !

Telles sont, madame la secrétaire d’État, mes observations et celles de mon groupe, qui, comme vous le savez, est opposé par principe aux questions préalables lorsque celles-ci visent à empêcher le nouvel examen d’un texte auquel le dialogue aurait permis d’apporter de nouvelles améliorations. Sans surprise, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ne votera donc pas la motion.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier et féliciter les rapporteurs, ainsi que la présidente de la commission, du travail considérable qu’ils ont réalisé sur ce projet de loi. Précis et constructif, ce travail a permis au Sénat d’amender largement le texte en première lecture et d’avancer une vision et des propositions.

Malheureusement, l’Assemblée nationale n’en a retenu, ou presque, que deux désaccords, portant sur le programme de cession de deux entreprises : la Française des jeux et Aéroports de Paris.

Il faut reconnaître, pourtant, que le message du Sénat a été partiellement entendu. Sur la Française des jeux, si l’Assemblée n’a pas retenu la solution du Sénat, elle a tout de même renforcé, dans sa deuxième version, le volet concernant la régulation du secteur des jeux. J’ai la faiblesse de penser que, si le Sénat n’avait pas émis le vote qui fut le sien en première lecture, cela n’aurait pas été le cas.

Le Sénat a été entendu partiellement, encore, s’agissant d’Aéroports de Paris, sur la question de la régulation. Il a fait valoir un certain nombre d’exigences et a voté, après un dialogue fructueux avec le ministre de l’économie et des finances, plusieurs amendements importants à l’initiative du rapporteur – que je veux saluer – instaurant une régulation. Nous avons eu un débat sur le bien-fondé de la privatisation elle-même, mais cela ne doit pas cacher cet apport majeur de notre assemblée, qui pose les principes d’une vraie régulation indépendante et qui encadre ce secteur pour l’avenir.

Aujourd’hui, mes sentiments sont malheureusement mitigés. Bien que je partage les objectifs de départ du texte, bien que le Sénat ait eu la volonté d’avancer sur les différentes mesures, malgré un vote en première lecture qui permettait de trouver des points de convergence, la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, chacun le sait, a balayé en très grande partie notre travail.

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises doit permettre aux entreprises françaises d’innover, de se transformer et de créer des emplois. Comment ne pas en partager les ambitions ? C’est parce que nous approuvions ses objectifs affichés et les principales dispositions qu’il proposait que le Sénat en général, et le groupe Union Centriste en particulier, a abordé son examen avec bienveillance. Nous avions la volonté d’améliorer ou de compléter les mesures concrètes qu’il contenait.

L’échec de la commission mixte paritaire portait sur quelques points durs du texte, principalement la Française des jeux et Aéroports de Paris, nous pouvions toutefois garder espoir quant à la reprise des positions du Sénat sur le reste du texte, que le Gouvernement aurait pu soutenir s’il l’avait souhaité.

Force est de constater que les députés sont largement revenus à leur rédaction de première lecture sur les principales mesures du texte. Les points d’accroche les plus symboliques sont connus : l’évolution du stage préalable à l’installation des artisans, le doublement du seuil de cinquante à cent salariés, le refus d’un report à 2021 de la réforme du contrôle légal des comptes sans en modifier l’équilibre global, ou le rétablissement de la faculté, pour l’Institut national de la propriété industrielle, de s’opposer à la délivrance d’un brevet dépourvue d’activité inventive.

En ce qui concerne la Française des jeux, les députés ont réinstauré la privatisation, tout en améliorant légèrement la régulation du secteur. Ce n’est sans doute pas suffisant, mais cela va dans le bon sens.

En ce qui concerne Aéroports de Paris, je voudrais d’abord dire ma déception que le Sénat n’ait pas pu se saisir de cette question autrement qu’en termes politiques. C’était, à mon sens, le risque majeur, s’agissant d’une entreprise emblématique connue de tous et portant un nom qui parle au cœur des Français. J’avais eu l’occasion d’alerter le Gouvernement sur ce point.

Soyons clairs, il peut y avoir des entreprises publiques ou privées bien ou mal régulées dans ce type de secteurs, qui est largement concurrentiel, contrairement à ce que j’ai entendu. Certes, le marché primaire, celui de la destination, ne l’est pas pour ceux qui sont à deux ou trois heures de l’aéroport. Mais, pour le reste, nous sommes en compétition avec les plus grands hubs du monde.

Ensuite, il faut poser la question en se rappelant que le capital de cette entreprise a été ouvert en 2006 – c’est la droite qui en est à l’initiative. À l’époque, une large partie des actions ont été introduites en bourse. Dès lors, les choses étaient écrites, me semble-t-il.

Ce système présente un certain nombre de désavantages : aujourd’hui, il n’est pas bien régulé, et, on le voit bien, les décisions sont prises au plus haut niveau par les pouvoirs publics, qu’ils aient – ou non – une claire conscience des enjeux très techniques du secteur aéroportuaire.

Il convient de permettre aux compagnies aériennes d’améliorer leurs services. Certes, la qualité de service s’est améliorée, mais elle est sans doute perfectible. Enfin, il faut faire en sorte que cette opération se déroule dans des conditions tarifaires acceptables. Or les compagnies rappellent que, de ce point de vue, le système actuel, qui est défendu sur certaines travées, n’est pas vertueux : il incite au surinvestissement, et les redevances sont particulièrement élevées. Sur ce dernier point, nous sommes montrés du doigt.

Il fallait travailler à la réforme de ce système, mais j’aurais aimé que le Gouvernement adopte une approche différente : qu’il réaffirme son ambition pour le secteur aéroportuaire et aérien français, l’un des premiers au monde, qui fait notre fierté ; qu’il travaille beaucoup mieux lors des Assises nationales du transport aérien – le travail a été mal fait, car des mesures de compétitivité auraient dû être prises – ; et qu’il réaffirme deux manières d’agir pour donner un avenir à Aéroports de Paris, soit en améliorant la régulation dans le secteur public, soit en procédant à une privatisation, qui aura l’avantage d’apporter des capitaux à cette entreprise et de lui donner plus de souplesse, notamment à l’étranger, mais en régulant mieux.

Toutes les compagnies mondiales l’affirment, et tout un chacun qui veut bien s’intéresser à ce sujet le sait, dans les deux cas, que l’entreprise soit privée ou publique, il est possible de réguler. Aujourd’hui, l’entreprise n’est pas bien régulée et, demain, elle le sera plus, me semble-t-il, même si je n’aurais pas forcément proposé cette mesure.

Que l’on sache que le Sénat continue à aborder ce type de questions en disant les choses telles qu’elles sont, et non pas comme on souhaiterait qu’elles le soient politiquement, pour faire le procès du Gouvernement et se dédouaner des privatisations qui ont eu lieu.

À cet égard, je rappelle que le processus de privatisation de l’aéroport de Toulouse a été lancé sous la gauche, au travers d’une loi de M. Montebourg, qui a été, on le sait, mal votée et mal exécutée. En revanche, la privatisation des aéroports de Nice et Lyon, qui a été également engagée sous le précédent gouvernement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

M. Vincent Capo-Canellas. … a bien fonctionné, et, aujourd’hui, personne ne s’en plaint. Examinons la situation telle qu’elle est, en toute objectivité !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

On peut aussi se demander si le Sénat aurait pu apporter, dans le cadre de cette nouvelle lecture, des éléments d’amélioration supplémentaires. Malheureusement, tel ne sera pas le cas : l’Assemblée nationale, qui a le dernier mot, ne reprendra pas les éventuels amendements que le Sénat aurait adoptés. Les députés auraient pu faire ce pas vers nous avant cette nouvelle lecture.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera, dans sa très grande majorité, la motion tendant à opposer la question préalable proposée par la commission spéciale.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, un « plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises », avouons que l’intention de ce texte était parfaitement louable et partageable. Mais c’était sans compter la fâcheuse habitude prise par le Gouvernement de tenter d’expédier, dans un flot de mesures d’ampleur et de nature sensiblement différentes, des sujets concrets et délicats.

En l’espèce, le résultat ne s’est pas fait attendre. Ce qui devait être une loi sur un plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises s’est piteusement transformé en loi sur la privatisation d’Aéroports de Paris !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Il aura fallu là encore, et par-delà la diversité des sensibilités politiques qui s’y expriment, que la quasi-unanimité du Sénat éveille les consciences en première lecture pour que le débat prenne enfin corps et que cette hasardeuse privatisation soit repoussée.

Malheureusement bien sûr, par la suite, l’Assemblée nationale a réintroduit dans le texte les éléments favorables à cette funeste privatisation. Mais cela ne s’est tout de même pas fait sans mal : après presque trois jours de débats, une séance qui a duré neuf heures ; un vote arraché, certes démocratiquement, par vingt-sept députés, sur quarante-cinq votants et quarante-deux suffrages exprimés, un samedi aux alentours de six heures du matin !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

M. Jean-Raymond Hugonet. Je ne puis m’empêcher de relever, au passage, que, visiblement, le fameux non-cumul des mandats n’a pas amélioré l’assiduité en séance publique de nos collègues du nouveau monde !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

La vérité, c’est que ce projet est, à juste titre, extrêmement contesté. À l’instar des échanges dont notre hémicycle a été le témoin lors de l’examen du projet de loi Pacte en première lecture, nos collègues députés ont réitéré leurs critiques sur « la mauvaise affaire », « la faute économique, stratégique et historique », « l’erreur irréparable », synonyme d’un « abandon de souveraineté nationale » ; d’aucuns ont même mis en avant « un choix stupide », « un sacrilège ».

Sentant le vent de la fronde monter au sein même du groupe La République En Marche à l’Assemblée nationale, le 13 mars dernier, le Premier ministre s’est évertué à dépeindre Aéroports de Paris comme une entreprise fragile, mal gérée, dont l’État serait un actionnaire défaillant et qu’il faudrait donc mieux s’en séparer. Vous l’avouerez, c’est un argumentaire commercial surprenant pour qui cherche à vendre au meilleur prix…

Parallèlement, M. le ministre de l’économie et des finances a tenté de démonter, un par un, les arguments avancés – on peut d’ailleurs lui reconnaître une certaine constance en la matière. Il s’agirait non pas d’une privatisation, mais d’une simple concession pour soixante-dix ans – excusez du peu !

M. Martial Bourquin s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Le sommet dans cette affaire, comme si cela ne suffisait pas, c’est l’indigence du cahier des charges de cinquante-six pages mis à notre disposition avec condescendance et consultable sur place, salle A 387, au troisième étage de l’aile ouest, au bout du couloir à gauche, exclusivement sur rendez-vous et aux heures d’ouverture s’il vous plaît… des fois que l’on dérange !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

La richesse de notre si belle langue française, le foisonnement des éléments de langage produits par Bercy ne sauraient nous faire prendre des vessies pour des lanternes, madame la secrétaire d’État. Cette opération est un mauvais coup pour la France. Cette opération est un mauvais coup pour les Français, qu’ils portent un gilet jaune ou pas !

Madame la secrétaire d’État, comme pour les autoroutes en leur temps, le Gouvernement aura bientôt à répondre de ce mauvais coup porté à notre pays, au moment même où il traverse l’une des crises les plus graves de son histoire récente.

Enfin, pour quitter un peu le sujet Aéroports de Paris et conclure mon propos, à la suite du débat engagé autour d’une des mesures qui se voulait une mesure phare de la loi Pacte concernant le volet transformation des entreprises, j’évoquerai avec vous la responsabilité sociétale de l’entreprise et la participation.

En guise de commentaire sur ces thématiques, je souhaite vous lire un extrait du discours clair, net et frappé au coin du bon sens du général de Gaulle, prononcé le 1er mai 1949, lors d’une vaste manifestation sur la pelouse de Bagatelle à l’occasion de la fête du Travail : « Au niveau de la foule immense que voilà, on éprouve comme une révélation.

« “Je ne sais pas, disait, jadis, Louis Veuillot, quel souffle planant sur la multitude lui révèle qu’elle est une nation”.

« Nous tous, ici, en nous voyant nous-mêmes, nous connaissons que nous sommes un grand peuple qui s’assemble pour son salut.

« Ce qu’il faut, c’est abolir l’humiliante condition dans laquelle l’organisation économique dérivée tient la plupart des travailleurs.

« Ce qu’il faut, c’est faire cesser le système en vertu duquel les intérêts de ceux qui apportent à la production leur travail s’opposent à ceux qui y apportent soit leurs biens, soit leur autorité, et qui fait que, dans une entreprise, les ouvriers sont des instruments et non pas des participants.

« Ce qu’il faut créer et faire vivre, c’est l’association du travail, du capital et de la direction qui confère à chacun la dignité d’un sociétaire responsable et bénéficiaire du rendement collectif pour sa part et à son échelon.

« Naturellement, on ne fera pas ça si on ne passe pas outre au sectarisme des spécialistes de la lutte des classes et, en même temps, aux routines de certains dirigeants et de certains capitalistes qui voudraient voir les affaires marcher toujours comme au temps de papa. »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

, le seul commentaire que j’ajouterai, c’est que le groupe Les Républicains votera bien évidemment la motion tendant à la question préalable.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, après l’intervention de mon collègue, le débat a été recentré sur le sujet essentiel qui nous intéresse aujourd’hui dans le cadre du projet de loi Pacte.

Madame la secrétaire d’État, lorsque je vous ai vue arriver au banc du Gouvernement, j’ai eu, pendant quelques instants, un fol espoir. Vous connaissez, je le sais, le monde de l’entreprise ; vous avez exercé des fonctions dans diverses entreprises. Je me suis donc dit que le Gouvernement nous avait envoyé l’interlocuteur idoine pour aborder le sujet essentiel qui nous concerne dans ce projet de loi.

Après de nombreux efforts au Sénat, en commission, on s’est aperçu en commission spéciale que le sujet essentiel, à savoir l’amélioration des entreprises, était dénaturé et que la privatisation d’Aéroports de Paris était la seule préoccupation du Gouvernement, en ce qu’il était prêt à remettre en cause l’ensemble du texte. L’entêtement du Gouvernement devient, à nos yeux, de plus en plus incompréhensible.

Permettez-moi de revenir très rapidement sur les raisons pour lesquelles le Sénat, dans une très large majorité, s’agissant des élus partisans de l’économie libérale et, d’une manière générale, de la privatisation, comme moi, s’est opposé très fortement à la privatisation de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle.

Tout d’abord, la durée de la concession est anormalement longue. Je le rappelle, la concession du tunnel sous la Manche est de cinquante ans, considérant le risque technologique et l’incertitude des aléas économique. Là, une durée de soixante-dix ans a été fixée, d’entrée de jeu.

Ensuite, le Gouvernement a avancé l’argument de la rentabilité des dividendes. Pour autant, c’est le conseil d’administration, nommé majoritairement par le Gouvernement, qui fixe cette rentabilité. Il a donc semblé évident à de nombreux interlocuteurs qu’il ne s’agissait pas d’un véritable argument.

Par ailleurs se posent la question de la faiblesse du prix et, surtout, celle de l’incertitude liée au prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Nous n’avons pas eu, au cours de ce débat, la possibilité de savoir combien le Gouvernement attendait exactement de cette privatisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

On nous a parlé d’une valeur comprise entre vingt et trente fois les résultats de l’entreprise : trente fois les résultats de l’entreprise pour une durée de soixante-dix ans, c’est un prix extrêmement faible, d’autant qu’il ne tient pas compte, comme cela a été souligné par un certain nombre de mes collègues, de l’indemnisation éventuelle.

En réalité, il n’y a aucune transparence sur ce projet du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

On note surtout l’absence de consensus des usagers, des clients. Aucune compagnie aérienne ne réclame cette privatisation. On observe également l’absence de consensus parmi les personnes qui travaillent dans cette entreprise. C’est un paradoxe pour une loi qui est normalement censée améliorer la situation dans les entreprises, lorsque l’on parle de la raison sociale.

Quid de la réserve foncière de 7 000 hectares dans le cœur de l’agglomération parisienne ? C’est le flou le plus absolu.

Concernant le projet d’entreprise, nous avons du mal à comprendre s’il s’agit d’une entreprise bien gérée par la puissance publique, ou mal gérée, comme cela a été démontré par mon collègue, qui a cité les propos du Premier ministre.

Il y a peut-être aussi une position de fond, à savoir une situation dominante dans le domaine des transports. Peut-on laisser, si l’on fait un parallèle avec le secteur de l’audiovisuel, les mêmes entreprises détenir plus de 50 % des parkings des municipalités, 50 % des autoroutes, le CGD Express, la seule liaison de TGV concédée, et plusieurs aéroports sur le territoire national ? En réalité, il s’agit non pas d’une mise en concurrence – cela n’a rien à voir avec le libéralisme –, mais de la cession des bénéfices d’un monopole à une seule entreprise.

L’environnement de la plateforme aéroportuaire, quant à lui, n’est pas assumé financièrement. On le sait, il faudra sans doute doubler le trafic autoroutier, améliorer les liaisons ferroviaires avec la capitale et réaliser d’importants aménagements urbains. Mais là, les collectivités territoriales sont évidemment assez peu associées.

Effectivement, la solitude du Gouvernement explique aujourd’hui votre présence – votre propos à la tribune, c’est-à-dire le discours du Gouvernement, évoque peu le sujet d’Aéroports de Paris. Le ministre, en réalité, prend déjà de la distance, tout comme l’ensemble du Gouvernement : on sent très bien qu’il s’agit d’un sujet extrêmement délicat. Je comprends la prudence des autres personnalités du Gouvernement, et je regrette que l’on ait choisi un chef d’entreprise comme vous pour ne pas nous apporter d’arguments !

En outre, un certain nombre d’événements ont eu lieu depuis le débat en première lecture.

Premièrement, le cahier des charges est, il est vrai, éminemment faible, voire ridicule, comme l’a très bien relevé précédemment l’un de mes collègues. Ce document ne tient absolument pas compte des besoins des collectivités territoriales ni des départements.

Deuxièmement, on a observé l’intrusion de l’État néerlandais dans la compagnie Air France, qui est le principal utilisateur de la plateforme aéroportuaire. À cet égard, le Gouvernement et le ministre ont tenu des propos totalement différents : ils ont dit qu’il s’agissait d’une intrusion, que c’était inélégant et qu’ils n’en comprenaient pas les raisons, parce que la compagnie est stratégique. L’aéroport n’est pas stratégique, mais la compagnie l’est !

Troisièmement, le mandat du président de la compagnie a été renouvelé par le chef de l’État, confirmant un troisième mandat pour le président actuel. Pour une entreprise qui est mal gérée, cela suscite quelques incertitudes, quelques questions. Si l’État est insatisfait de l’actuel président, pourquoi renouveler son mandat ?

Ce ne sont là que trois éléments. Mais l’élément le plus important figure peut-être dans le journal Investir ; le président Romanet explique dans une interview les projets d’Aéroports de Paris : 6 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2025 ; l’ouverture du terminal 4 ; la volonté d’augmenter de 60 000 mètres carrés à 80 000 mètres carrés la superficie dédiée aux commerces ; le souhait de passer, à l’international, de 281 millions de passagers à 400 millions de passagers d’ici à 2025, ce qui représente 10 % du temps de la concession que vous voulez donner ; enfin, les 350 hectares, avec un potentiel de constructibilité de 1, 5 million de mètres carrés.

Vous pouvez lire toutes ces données dans le journal Investir de samedi dernier. Ce n’est pas un journal révolutionnaire ; il doit être sérieux dans ses informations.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Je termine, monsieur le président !

Ce journal donne des notions sur le cours de l’action et conclut en ces termes : « Il nous paraît inconcevable que la privatisation puisse se faire au cours actuel ; la valeur économique de l’entreprise est largement supérieure. » Je crois que tout est dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

M. Philippe Dominati. Compte tenu de la faible teneur des propos du Gouvernement, je me rallierai probablement à la motion référendaire, pour obliger l’État à écouter les citoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, le titre était alléchant : « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises. » Il sonne comme un magnifique slogan publicitaire, sans en tenir, tant s’en faut, les promesses.

Bâti sur les propositions du rapport Notat-Senard, il n’en retient qu’une dose homéopathique, espérant peut-être que le résultat final conservera la mémoire de la molécule première. En réalité, ce projet traduit un libéralisme exacerbé avec des effets toxiques pour les salariés, qui assurent la prospérité et la création de richesses.

Il s’agit d’un libéralisme dogmatique jusqu’à la caricature, mêlant dans un même élan les privatisations, la quasi-suppression des certifications, le refus d’un partage équitable de la richesse et le rejet d’une juste représentation des salariés dans les instances de gouvernance.

S’y ajoutent des privatisations que rien ne vient justifier et dont on peine à saisir les véritables motivations, tant les explications sont laborieuses, les artifices si alambiqués que leur auteur, lui-même, semble ne pas y croire. Martial Bourquin a développé avec la force de conviction que je lui connais l’ineptie que représentent ces privatisations.

Bernard Lalande et de nombreux sénateurs de tous horizons se sont émus du relèvement, sans ménagement ni délai, des seuils de certification légale par les commissaires aux comptes, sous prétexte d’alignement et d’économies – en réalité, celles-ci sont illusoires – pour les PME.

Pourtant, premièrement, le seuil de certification européen n’est pas prescriptif, et les seuils d’audit légal sont différents selon les pays qui ont bien intégré que « la confiance n’exclut pas le contrôle », en adaptant les seuils à la dimension de leur tissu économique et à sa territorialité.

Deuxièmement, en supprimant le commissaire aux comptes dans les holdings en cascade, qui peuvent créer de nombreuses filiales dispensées de produire des comptes certifiés, vous donnez rendez-vous à l’opacité fiscale, à l’opacité sociale, à l’opacité financière, et ce malgré les recommandations du rapport Cambourg, qui vous appelait à sécuriser l’organisation des entreprises en groupe. Ce faisant, vous ouvrez la porte aux dérives financières et aux détournements et vous la fermez devant l’obligation d’alerte.

Troisièmement, en refusant un délai d’application au 1er janvier 2022 pour permettre à la profession d’engager sa mutation, vous mettez en péril 3 000 cabinets de proximité et le probable licenciement de 7 000 employés sur tout le territoire français.

M. le ministre se gaussait d’une alliance contre nature, selon lui, entre la droite et la gauche sur ces thèmes. Il ne devrait pourtant pas s’étonner – sauf par manque d’habitude peut-être ! – que nous puissions nous rassembler pour nous porter garant des valeurs républicaines quand les intérêts vitaux de la Nation sont en jeu.

Par ailleurs, le relèvement des seuils pour les entreprises peut s’entendre, sauf que l’occasion est saisie de pénaliser plus encore les salariés et de priver nombre d’entre eux du bénéfice de la participation ou de la protection du règlement intérieur pendant cinq ans au moins, voire, parfois, pour l’éternité.

L’Allemagne, votre modèle, madame la secrétaire d’État, accorde jusqu’à 50 % des sièges aux salariés dans les conseils d’administration, mais les salariés français n’auront que la portion congrue.

L’élargissement de l’objet de l’entreprise, que l’article 1833 du code civil définit comme servant uniquement l’intérêt commun de ses salariés, est timide : vous avez refusé que les salariés soient, enfin, admis comme l’une des deux parties constituantes.

M. le ministre n’est pas avare de déclarations vertueuses sur l’éventail des salaires et sur les avantages des dirigeants, dont Tom Enders illustre le caractère inacceptable. Ces condamnations paraîtraient plus sincères s’il n’avait rejeté nos propositions de plafonnement des hauts salaires, de limitation des retraites chapeau et autres stock-options, d’interdiction de versement de dividendes financés par l’emprunt ou à la suite de licenciements.

Il est vrai que, en chemin, le Gouvernement a trouvé plus ultra que lui en matière de libéralisme. La majorité de droite n’y était pas allée de main morte : relèvement du seuil de cinquante à cent salariés, avec une véritable régression sociale ; refus de toucher à l’objet de l’entreprise sous prétexte de fragilité juridique, argument curieux qui permet d’en rester à la mouture de 1804, remaniée en 1974 ; une économie sociale brimée par une augmentation de 20 % des cotisations, alors que celles de l’économie conventionnelle seraient divisées par deux.

Ce gouvernement affirme souvent : « C’est sans précédent ! » C’est rarement une réalité, mais le fait de puiser sans vergogne, à larges mains dans les caisses de la sécurité sociale est, de fait, sans précédent : 500 millions d’euros par la suppression du forfait social, exonération sur les heures supplémentaires, etc.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire que le Gouvernement et vous aviez une occasion de diffuser un message intéressant et satisfaisant aux Français, mais que vous avez fait exactement le contraire. Ne soyez donc pas étonnés que les Français ne vous suivent pas !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de cette discussion générale, qui revient sur un certain nombre de sujets, lesquels avaient déjà été assez largement débattus. En effet, ce texte a fait l’objet de trente-six heures de discussion en séance publique, et une assez grande partie des discussions s’est concentrée sur Aéroports de Paris, comme vous l’avez mentionné. Toutes les questions que vous remettez de nouveau sur la table ont donc été assez largement traitées et discernées.

Vous parlez de quatre articles sur une loi qui en compte plus de deux cents, des articles qui, je le rappelle – tel était bien mon propos introductif –, visent à donner plus de potentiel de croissance à nos entreprises, plus de pouvoir d’achat aux Français et plus de capacités d’innovation à notre pays. Ce sont les trois objectifs auxquels le Gouvernement est très attaché ; je regrette cette particulière myopie.

Je veux revenir sur certains éléments.

Monsieur Canevet, je vous rassure, il est tout à fait possible de conclure des accords d’intéressement tout au long de l’année : si vous concluez un, par exemple, au troisième trimestre, celui-ci sera applicable pour l’ensemble du deuxième semestre. Ce point a donc été traité.

Madame Lamure, s’agissant des commissaires aux comptes, nous avons amélioré le texte à l’Assemblée nationale, suivant en cela d’ailleurs un certain nombre de recommandations formulées dans le cadre de la réforme de l’audit et des propositions du Sénat.

Vous avez mentionné une entrée en vigueur différée pour la réforme outre-mer. Il s’agit pour les commissaires aux comptes d’une disposition couperet – nous avions assez largement développé cette question –, puisque, je le rappelle, les mandats sont conclus pour six ans : il faudrait donc que les entreprises soient extrêmement rapides pour pouvoir appliquer cette disposition dès le 1er janvier 2019.

Monsieur Adnot, vous avez indiqué que les seuils sociaux étaient compliqués et illisibles. Pour en avoir discuté avec nombre d’entreprises, j’ai l’impression que cela leur convient parfaitement. Leur principale préoccupation est de savoir quand la loi sera promulguée.

Monsieur Gay, nous détricotons la Caisse des dépôts et consignations, avez-vous dit. Vos propos ont sans doute dépassé votre pensée ! Nous cassons les retraites par répartition, soulignez-vous. Or je n’ai pas vu une seule disposition sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d ’ État. Certes, vous n’avez jamais vu, sur les ronds-points, des « gilets jaunes » revendiquer de mourir au travail. Mais ils revendiquent d’avoir du travail !

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Or tel est bien l’objectif qui nous motive aujourd’hui.

Je me réjouis de votre soutien sur les responsabilités sociales de l’entreprise. Je regrette que vous ne mentionniez pas les progrès qu’apporte ce texte sur la parité, la participation des salariés, l’intéressement, la participation des salariés au conseil d’administration, la transition écologique et énergétique, avec le fléchage de l’épargne des Français en la matière, et je pourrais citer encore d’autres mesures.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Concernant les privatisations, nous en avons déjà largement débattu, comme je l’ai dit, je ne reviendrai donc que très rapidement sur le sujet. Je rappelle qu’Engie a été privatisée en 2003. Je n’aborderai pas longuement ce sujet, que je connais un peu…

Vous avez évoqué la question des monopoles. Après le Stade de France, lorsque le match retour a lieu à Wembley, par exemple, vous pouvez passer, suivant la ville de votre départ, par Francfort, par Paris, par Schiphol, voire, si vous venez d’un peu plus loin, par Doha. C’est bien de cela que l’on parle. Aujourd’hui, le trafic ne se fait pas d’un point à l’autre ; il se fait via des hubs.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

C’est ainsi que se déroule l’essentiel du trafic aéroportuaire, monsieur le sénateur.

Le cahier des charges de cinquante-six pages que vous avez cité concerne les charges d’exploitation. Il est évident que le cahier des charges relatif à la cession comportera une description précise des actifs, comme cela existe dans ce genre de cas.

De manière générale, je veux dire qu’un certain nombre de sénateurs et d’élus qui siègent sur les travées de cette assemblée ont été associés à des opérations de privatisation, qui, pour certaines, comme cela a été rappelé, se sont très bien passées. Ils doivent donc se souvenir que ces dernières sont extrêmement encadrées, …

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

… par la Commission des participations et des transferts ou en application d’autres règles.

Il est évident que nous n’allons pas vous dire comment cela va se passer, car il y a compétition !

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Quel est le prix de vente ? Si nous l’annoncions tout de suite, nous n’aurions aucune chance d’en obtenir un meilleur ! En effet, le prix de vente d’une entreprise dépend de la perspective que l’on a de ses revenus futurs. C’est la raison pour laquelle votre discours est vain.

Monsieur Gay, vous avez évoqué ma connaissance des entreprises. Pour avoir un peu d’expérience en matière de cessions et d’acquisitions, je puis vous dire que, lorsque vous achetez une entreprise, vous cherchez à évaluer les perspectives de gains sur le long terme. Cela s’appelle la valeur actuelle nette, et c’est l’un des éléments qui intervient dans le mécanisme de formation du prix.

M. Fabien Gay s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Affirmer que l’on se prive de richesses futures est faux, puisque l’on en tient compte dans le prix de vente, sauf à penser que l’entreprise aurait caché des perspectives et un potentiel de croissance qui ne seraient pas connus du marché aujourd’hui, ce qui ne me semble pas être le cas. Vous-même, monsieur Dominati, avez d’ailleurs parlé de perspectives solides.

Pour moi, ces perspectives sont correctement reflétées dans le prix de l’action. J’espère même qu’elles nous permettront de réaliser une plus-value. Cela étant, je ne puis dire aujourd’hui : c’est tout l’enjeu de l’opération que nous allons mener.

Je veux m’arrêter un instant sur la notion de « capitalisme de connivence ». Ce genre d’expression, permettez-moi d’être un peu solennelle, est irresponsable, voire inacceptable, quand bien même elle est censée faire impression sur le peuple. Ce genre de formules toutes faites, qui font plaisir à tout le monde, explique ce qui se passe aujourd’hui sur les ronds-points !

Mme Patricia Schillinger et M. Philippe Bonnecarrère applaudissent.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Pour ma part, je ne me permettrais pas de rebondir sur les revendications des « gilets jaunes » qui souhaitent supprimer cette assemblée, parce que je ne trouve pas que cette revendication soit raisonnable !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Vincent Capo-Canellas, Jean-Paul Émorine et Bruno Sido applaudissent également. – Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

On attend de connaître le nombre de parlementaires que vous allez supprimer !

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

C’est là un autre sujet, madame la sénatrice !

Dans le même ordre d’idée, monsieur Hugonet, je ne rappellerai pas ici les conditions dans lesquelles l’Assemblée nationale a adopté ce texte un samedi à six heures trente du matin ; je rappellerai simplement que les scrutins publics à l’Assemblée nationale ne permettent pas à un député de voter pour quarante autres, comme c’est le cas au Sénat.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d ’ État. D’ailleurs, il est normal que tout le monde ne puisse pas siéger sur ces travées au même moment : certains parlementaires travaillent en commission, et c’est très bien, ou font d’autres choses utiles pour la Nation.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Cela s’appelle le travail parlementaire. Heureusement d’ailleurs que nous sommes là pour l’expliquer, parce que c’est avec ce genre de formule que l’on invalide le travail intense et remarquable – pardonnez-moi de le dire – du Parlement. En effet, pour le coup, on travaille bien plus que trente-cinq heures par semaine à l’Assemblée nationale et au Sénat !

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

En outre, monsieur Hugonet, je me reconnais parfaitement dans la citation du général de Gaulle. Je note d’ailleurs qu’il avait inventé avant tout le monde le « en même temps » : voilà qui me réjouit !

Vives exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson, rapporteur. Il avait tout de même plus de hauteur de vue !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

C’était il y a soixante-dix ans ! Il faudrait se réveiller !

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Monsieur Dominati, je ne rappellerai que la durée de la concession pour le tunnel sous la Manche est de quatre-vingt-dix-neuf ans… Vous conviendrez donc qu’une durée de soixante-dix ans n’est pas inédite.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Vous savez également que le niveau des redevances sera revu tous les ans dans le cadre d’un contrat de régulation économique, sous l’égide d’une autorité indépendante, à la suite d’ailleurs des améliorations que vous avez apportées au texte. Ce contrat sera lui-même révisé ou rediscuté tous les cinq ans.

Enfin, monsieur Tourenne, vous affirmez que l’on prive les salariés de participation dans les entreprises de plus de cinquante ETP ; en réalité, le dispositif est facultatif et reste applicable sous ce seuil. Quand une entreprise met en place un accord de participation, elle a évidemment intérêt à le maintenir, car il s’agit d’un atout pour retenir ses salariés.

C’est d’ailleurs faire peu de cas de tout le travail que nous avons accompli sur l’intéressement que de prétendre une telle chose. Nous avons d’ores et déjà envoyé nos ambassadeurs sur le terrain pour faire en sorte que les PME déploient des accords d’intéressement sur la base des informations mises en ligne sur le site de Bercy pour faciliter les démarches.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi, par M. Canevet, Mme Lamure et M. Husson, au nom de la commission spéciale, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (382, 2018-2019).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.

M. Michel Canevet, rapporteur, applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour défendre la motion que notre commission spéciale a adoptée sur l’initiative de ses trois rapporteurs, je développerai trois axes : premièrement, la plus-value apportée par le Sénat à l’occasion de l’examen de ce texte, plus-value dont nous pouvons être fiers collectivement ; deuxièmement, la situation de blocage qui résulte du texte adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale ; troisièmement, et enfin, les perspectives, les enseignements que nous pouvons tirer de ce parcours législatif.

Commençons par ce qui reste du travail sénatorial sur ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Tout n’est pas négatif dans ce texte. Le Sénat, comme toujours, s’est attaché à produire un travail de qualité. Il a pu « engranger », si j’ose dire, quelques avancées sur chacune des parties du projet de loi, mais trop souvent sur des aspects que je qualifierai de « secondaires ».

Mes collègues rapporteurs Élisabeth Lamure et Michel Canevet ont souligné ces points de satisfaction : ils concernent la dématérialisation des factures d’électricité et de gaz, les tarifs réglementés, les rattrapages de la loi Égalim s’agissant des plastiques et des produits phytopharmaceutiques, l’ouverture en soirée des commerces de détail alimentaires, ou le droit des entreprises en difficulté.

Pour ma part, j’évoquerai plusieurs modifications apportées par le Sénat sur la création des reçus d’entreposage, la réforme de l’assurance vie, les crypto-actifs, la réforme du PEA et du PEA-PME, la fiscalité des jeux, la finance solidaire, ou encore l’émission d’actions de préférence.

Je crois aussi que nous pouvons nous satisfaire d’avoir introduit des garde-fous et un cadre de régulation pour Aéroports de Paris. Le Sénat a également joué son rôle quand il a alerté le Gouvernement du risque d’inconstitutionnalité de certaines mesures, des insuffisances du texte et des nouvelles contraintes que celui-ci risque de faire peser sur les entreprises.

Venons-en à la situation de blocage consécutive au vote de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Celle-ci, de son propre fait ou sur l’initiative du Gouvernement, a détricoté avec méthode quasiment tout ce que le Sénat avait fait en première lecture sur les sujets les plus importants.

Ce n’est évidemment pas une surprise s’agissant des articles que le Sénat avait supprimés, que ce soit les privatisations d’ADP et de la Française des jeux, ou l’objet social et la raison d’être des sociétés. Il s’agit là de divergences profondes et insurmontables.

En revanche, c’est plus regrettable lorsque le texte voté par le Sénat en première lecture était un texte de compromis, favorisant l’acceptabilité des dispositions proposées par le Gouvernement dans son projet initial. Or ces cas de figure sont nombreux : je pense au stage préalable à l’installation des artisans, sur lequel les propositions du Sénat ont été balayées, à la question de la réforme du contrôle légal des comptes, ou aux prêts interentreprises, par exemple.

Je pense également à l’avis conforme de la commission de surveillance dans la détermination du dividende versé par la Caisse des dépôts et consignations, ou encore à la réforme de l’épargne retraite : pour cette dernière disposition, l’Assemblée nationale est revenue sur le nouveau dispositif de déblocage anticipé visant à financer les travaux d’adaptation du domicile en cas de perte d’autonomie, dispositif que nous avions introduit dans le texte avec le soutien du ministre, d’ailleurs…

Comme l’a souligné Mme Lamure devant la commission, la question des seuils est significative de l’absence d’un véritable débat. Un échange avait été envisagé en commission mixte paritaire sur la possibilité de créer un seuil à soixante-dix salariés, tout en conservant les obligations en matière d’institutions représentatives du personnel. Mais rien n’a suivi et cette proposition est restée lettre morte. Quel dommage, madame la secrétaire d’État !

Dans cette situation, il est inutile de reprendre aujourd’hui un débat dont tout le monde a compris qu’il n’aboutirait pas. À ce stade de la navette, après engagement de la procédure accélérée, je le rappelle, nous n’obtiendrons aucune concession supplémentaire de l’Assemblée nationale. Il vaut bien mieux marquer clairement notre désaccord et éviter que la voix de notre assemblée se perde dans la répétition des mêmes arguments.

Pour autant, après ce vote, il reste beaucoup à faire. Tout d’abord pour les entreprises, auxquelles ce projet de loi était destiné, puisqu’il était question de favoriser leur croissance et leur transformation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Or, de ce point de vue, nous ne sommes pas au rendez-vous de l’ambition, et ce texte suscitera sans doute autant de déceptions qu’il a suscité d’espoirs. Qu’il s’agisse des seuils, de la participation et de l’intéressement, de la simplification des procédures, de la compétitivité, ce projet de loi manque incontestablement de souffle. Et je fais devant vous le pari que certaines mesures fortes adoptées par le Sénat finiront par prospérer dans les années à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Il reste aussi beaucoup à faire en direction de l’opinion et de nos concitoyens.

Sur les mesures les plus importantes de ce texte, et malgré ce que l’on nous a présenté comme une concertation exemplaire de plus d’un an, c’est finalement le débat au Sénat en première lecture qui a été le révélateur. Qui parlait de la privatisation d’Aéroports de Paris et de la Française des jeux avant que le Sénat ne pose à la fois la question de son contenu, de son bien-fondé et surtout celle de la régulation ?

Sur ce sujet, comme sur d’autres, le débat n’est sûrement pas clos. Nous sommes d’ailleurs nombreux à considérer que les articles concernant les privatisations ont été introduits sous un prétexte fallacieux, celui du financement des aides à l’innovation. La vraie raison, c’est la volonté du Gouvernement de contenir la progression de la dette publique et d’obtenir, si possible, sa diminution d’ici la fin du quinquennat.

C’est peu de dire qu’il existe une profonde frustration de l’opinion et des sénateurs face à ce débat tronqué. C’est particulièrement dommage dans le contexte actuel de grand débat, sur fond de revendications pour une démocratie plus active.

À cet égard, je veux souligner l’erreur du Gouvernement de ne pas avoir intégré ce temps de contestation et d’expression des colères de l’opinion publique, alors qu’il était prévu que le Sénat examine le texte en ce début d’année.

Au-delà de nos opinions différentes, mais parfois aussi convergentes, il y a aussi une question de méthode et un problème lié au comportement du Gouvernement à l’égard du Parlement et de la revalorisation du rôle de ce dernier. En effet, nous avons dû batailler au Sénat pour obtenir certaines informations, et il reste encore bien trop de zones d’ombre aujourd’hui.

Nos collègues ont évoqué les lacunes du brouillon de cahier des charges d’ADP. Je prendrai deux autres exemples.

Celui des ordonnances, tout d’abord. Il y a dans ce texte, comme dans d’autres, beaucoup trop de demandes d’habilitation à légiférer par ordonnance. Grâce au travail de Michel Canevet, le Sénat a réussi à inscrire dans la loi, sur le sujet des tarifs réglementés du gaz, les dispositions relatives à l’information et à la protection des consommateurs, mesures que vous vouliez renvoyer à une ordonnance. Mais, pour le reste, j’ai dénombré pas moins de onze habilitations et vingt-sept ratifications dans le texte !

Or, je le rappelle, les ordonnances sont l’instrument par lequel l’exécutif préempte les sujets qui ne seront pas évoqués au Parlement. Les déclarations sur la coconstruction des ordonnances avec les parlementaires sont parfaitement illusoires, madame la secrétaire d’État. Elles ne remplacent aucunement le débat parlementaire, surtout quand la ratification se fait par voie d’amendement. Et elles ne permettent pas non plus d’échanger avec l’Assemblée nationale.

Je prendrai ensuite l’exemple de la Française des jeux. Pour cette opération de privatisation, nous avions dès l’examen en commission refusé de donner un chèque en blanc au Gouvernement.

Or, à ce jour, tant le périmètre des droits exclusifs confiés à l’opérateur que les contours de la régulation du secteur demeurent incertains. Je continue de penser que rien ne nous assure aujourd’hui que le Gouvernement ne favorisera pas la valorisation de l’entreprise, au détriment des impératifs de santé publique et d’addiction au jeu.

Mes chers collègues, compte tenu de l’ensemble de ces observations, votre commission spéciale vous invite à voter la motion tendant à opposer la question préalable au présent projet de loi. Pour autant, il nous semble que le Sénat aura une nouvelle fois démontré sa capacité à être un législateur minutieux, précis et vigilant au service de la qualité de la loi.

Je veux ici réaffirmer avec force l’utilité et l’intérêt du bicamérisme pour une démocratie vivante et forte, dont la France peut et doit s’enorgueillir !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la majorité de droite de notre assemblée a choisi de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au texte adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.

Selon les termes de cette motion, le texte ne permettrait pas « d’aller plus loin dans la recherche de compromis et de dispositifs plus équilibrés entre les deux assemblées sur les différents volets du texte ». En fait, vous cherchez à imposer vos vues à l’Assemblée nationale, en particulier sur la question de la privatisation d’ADP.

Vous cherchez un prétexte pour rejeter ce texte, afin de pouvoir mener campagne contre celui-ci, une fois qu’il sera adopté et la loi promulguée. C’est dommage, car la recherche du compromis est l’essence même du débat parlementaire, d’autant que le groupe Les Républicains s’est fixé « comme objectif de garantir l’équilibre des pouvoirs en se gardant de toute opposition caricaturale ». C’est écrit noir sur blanc dans la déclaration politique publiée sur le site internet du Sénat ! Je vous laisse juge de vos écrits, chers collègues.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Encore une fois, avec le vote de cette motion, le Sénat sortira de la scène et ne sera pas un acteur législatif actif. Après cela, étonnez-vous que la suppression du Sénat soit l’une des premières revendications du moment !

Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Ces propos sont honteux dans notre assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Ce n’est pas acceptable ! Qu’est-ce que c’est que ce chantage ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Chers collègues, ce n’est pas du chantage, c’est la vérité !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, la parole est à M. Richard Yung, et à lui seul.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Madame, messieurs les rapporteurs, dans l’exposé des motifs de votre motion, vous expliquez que le projet de loi « devait favoriser la croissance et la transformation des entreprises ». L’utilisation de l’imparfait traduit le refus de la majorité sénatoriale de reconnaître que la loi Pacte est un bon texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cette loi permettra aux entreprises de grandir, d’embaucher et d’innover. Cette loi facilitera l’accès des entreprises à des financements diversifiés. Cette loi aidera les entrepreneurs à rebondir. Enfin, cette loi est importante sur le plan social avec, par exemple, la protection des conjoints collaborateurs, le développement de l’actionnariat salarié, le développement de l’épargne salariale et la suppression du forfait social dans les entreprises de moins de cinquante salariés.

Si la loi Pacte est une bonne loi, c’est aussi parce que le Sénat a permis d’obtenir plusieurs avancées qui ont été maintenues par l’Assemblée nationale.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Au lieu de s’en réjouir et de reconnaître que le texte soumis à notre examen est équilibré, les auteurs de la question préalable continuent de faire des privatisations la pomme de discorde entre les deux chambres.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet argument est d’autant moins recevable qu’il émane de parlementaires qui, en 2017, ont soutenu un candidat à l’élection présidentielle, qui plaidait pour la reprise des privatisations.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet argument n’a pas non plus de sens au regard des garanties supplémentaires qui ont été apportées en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et le Gouvernement. J’en ai dénombré au moins treize, mais je n’en citerai que quatre.

Tout d’abord, le texte prévoit la possibilité pour l’État de révoquer les dirigeants d’ADP chargés des principales missions opérationnelles, en cas de manquement d’une particulière gravité à leurs obligations.

Ensuite, il y aura une évaluation tous les dix ans, et non au bout de trente-cinq ans, des dispositions du cahier des charges et de leur mise en œuvre.

En outre, le Gouvernement est habilité à conférer à l’Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires le statut d’autorité administrative indépendante, dont elle ne dispose pas aujourd’hui.

Enfin, le projet de loi prévoit la possibilité, pour les collectivités territoriales, de déléguer à leur exécutif le droit de prendre des participations au capital d’ADP.

L’avenir montrera que ces mesures sont fondées et permettront d’aller de l’avant.

Non, la privatisation d’ADP ne porte pas atteinte à la souveraineté de l’État ! Ce dernier conservera ses missions régaliennes, dont la police aux frontières, le contrôle des douanes, l’autorité de la Direction générale de l’aviation civile.

Non, il n’y a pas de monopole naturel pour les aéroports franciliens.

Non, la privatisation d’ADP ne reproduira pas les mauvaises pratiques de la privatisation de la gestion des autoroutes, qui a été engagée, il y a quelques années, par la droite. L’existence d’un cahier des charges et d’un contrat de régulation économique rendra impossible la conclusion d’accords secrets préjudiciables aux usagers, comme celui qui a été signé en 2015 par le gouvernement Valls et qui accorde la neutralité fiscale aux concessionnaires d’autoroutes.

Non, la privatisation d’ADP ne devrait pas entraîner de hausse des tarifs des redevances, en dehors de ce qui est prévu.

Pour ce qui concerne la privatisation de la Française des jeux, le dispositif soumis à notre examen rend inopérantes les critiques exprimées en première lecture par la majorité sénatoriale.

Outre le maintien des mesures relatives à la réforme de la fiscalité des jeux d’argent et de hasard – au fond, la Française des jeux est essentiellement une machine à générer du « cash fiscal » –, les députés ont précisé l’habilitation du Gouvernement à refondre la régulation du secteur. La qualité d’autorité de supervision sera ainsi attribuée à la future autorité de régulation unique. Il s’agira d’un grand progrès en matière de contrôle du secteur.

Par ailleurs, je note avec satisfaction que treize articles additionnels issus des travaux du Sénat figurent parmi les quatre-vingt-dix-neuf articles qui ont déjà été adoptés conformes. Plusieurs d’entre eux concernent la modernisation du réseau des chambres de commerce et d’industrie.

Je me réjouis également de constater que d’autres dispositions sénatoriales sont quasi conformes, comme la possibilité pour un cédant d’entreprise de proposer un tutorat bénévole au repreneur, l’interdiction du démarchage, de la publicité en ligne, du parrainage et du mécénat pour les offres sur actifs numériques non régulées – cela concerne les bitcoins, par exemple –, ou encore la clarification et l’harmonisation des règles de prescription applicables aux actions en contrefaçon.

Il faut également se féliciter que le Sénat ait été suivi par l’Assemblée nationale s’agissant de l’assurance vie. Le dispositif relatif à la transférabilité des contrats sans conséquence fiscale apparaît tout à fait satisfaisant. De plus, grâce au Sénat, les assureurs auront l’obligation de présenter des unités de compte orientées vers des fonds labellisés « ISR», c’est-à-dire « verts» et « solidaires». Il s’agit, là encore, d’un grand progrès social.

Par ailleurs, il importe de rappeler que l’Assemblée nationale a confirmé la suppression de douze articles. Je tiens toutefois à souligner que plusieurs de ces dispositions, dont certaines avaient été introduites par le Sénat, étaient discutables.

Plusieurs d’entre elles constituaient un mauvais message envoyé aux salariés et aux organisations syndicales : je pense notamment au relèvement de cinquante à cent salariés des seuils fixés dans le code du travail, ainsi qu’au relèvement de deux cents à deux cent cinquante salariés du seuil pour l’obligation de mise à disposition d’un local syndical. À mon sens, il s’agissait d’une mesure tout à fait vexatoire et inutile.

Je me réjouis aussi que l’Assemblée nationale ait rétabli les mesures de progrès qui avaient été supprimées par la majorité sénatoriale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… en particulier la possibilité pour les sociétés de se doter d’une « raison d’être », c’est-à-dire d’ajouter un objectif de nature sociale, culturelle ou associative dans leur statut.

Mes chers collègues, les remarques que je viens de formuler montrent que ce texte est un bon compromis, contrairement à ce que j’ai entendu. Le groupe La République En Marche souhaite que notre assemblée l’adopte conforme, en vue d’envoyer un signal fort en direction des entreprises et de leurs salariés.

C’est pourquoi nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Sans surprise, le Gouvernement est défavorable à cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a dit mon collègue Fabien Gay, nous ne prendrons pas part au vote sur la motion tendant à opposer la question préalable, déposée au nom de la commission spéciale.

Nous regrettons en effet que la majorité sénatoriale refuse de débattre de nouveau d’un texte d’une telle ampleur. Nous rejetons aussi et dénonçons la surdité du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, en particulier sur la question des privatisations.

Comme nous l’avons indiqué lors de la première lecture, madame la secrétaire d’État, le modèle économique et social que nous défendons est à l’opposé de votre projet de loi, qui promeut la financiarisation de l’entreprise et de la société, en général. Alors que notre pays aspire à plus de justice, justice fiscale, justice sociale, mais aussi justice au sein de l’entreprise, c’est finalement l’injustice sociale que vous érigez en modèle de réussite au nom d’une certaine conception de la compétitivité !

Alors que nos concitoyens rejettent en bloc la destruction ordonnée des services publics qui ont fait de notre pays un véritable modèle, vous continuez dans la voie du désengagement de l’État.

Vous faites le choix de la dérégulation, au risque de fragiliser l’ensemble de nos PME. Vous prétendez vouloir libérer les entreprises, en particulier les plus petites. Pourtant, rien dans ce texte ne remet en cause la domination des grands groupes donneurs d’ordre, qui pressurent au quotidien nombre de ces entreprises. Rien sur la sous-traitance, rien sur la chaîne de valeur !

Enfin, et c’est le cœur de notre opposition, ce projet de loi accélère le désengagement de l’État, garant d’un certain ordre économique, mais aussi de l’État actionnaire.

Il y a de trop nombreux renoncements dans ce texte. Vous renoncez à contrôler les jeux d’argent. Vous renoncez à un service public de l’énergie à l’heure ou la précarité énergétique n’a jamais été aussi forte dans notre pays. Vous renoncez à la véritable maîtrise publique du transport aérien.

C’est sans doute pourquoi ce texte ne passe pas. Au milieu d’un grand débat au cours duquel vos orientations ont été sévèrement critiquées, vous faites preuve d’un entêtement et d’un aveuglement qui défient toute rationalité et pèsent sur tout choix futur de politiques publiques différentes. La fronde gronde de toute part contre ces privatisations, qui sont un non-sens constitutionnel, économique, stratégique, financier et politique.

Dès lors, quand on examine de près ce projet de loi, on se demande où se trouve le nouveau pacte dont vous vous targuez. Surtout, on se demande qui seront les grands gagnants. Une chose est sûre : avec ces privatisations, ce ne seront ni la République ni nos concitoyens !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous aurions aimé avoir un débat jusqu’au bout sur ce projet de loi. Nous regrettons cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous ne participerons pas à ce vote, parce que nous aurions voulu un débat global.

Je formulerai simplement trois remarques.

La première a trait à l’un des propos de Richard Yung. Notre collègue a parlé d’opposition caricaturale.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Mais vouloir s’opposer à la privatisation d’ADP, de la Française des jeux et d’Engie – 800 millions d’euros par an pour l’État ! –, est-ce une caricature ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Parler ainsi, c’est une plaisanterie ! Au contraire, le rôle du Parlement, c’est de défendre les intérêts de la France, j’y insiste !

Ma deuxième remarque porte sur les propos de notre collègue concernant la suppression du Sénat et le comportement des sénateurs. Qu’est-ce que c’est que cette affaire ? Qu’est-ce que c’est que ce chantage ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Comment peut-on exercer ouvertement un tel chantage auprès des sénateurs ? Cela en dit long sur la conception qu’a M. Yung du Parlement, et qui est celle du macronisme : le Parlement doit être à genoux, sinon il ne sert à rien !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – Protestation sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Troisième remarque, des parlementaires de toutes tendances ont entrepris d’engager un référendum d’initiative partagée contre la privatisation d’ADP : nous sommes 197 à cette heure, et nous serons bientôt davantage, à avoir lancé cette démarche. Je suis sûr que nous y parviendrons. Simplement, madame la secrétaire d’État, ne croyez-vous pas qu’il aurait été préférable, plutôt que de nous obliger à vous le demander avec l’aide de 4, 5 millions de Français, de placer cette question des privatisations au cœur du grand débat national ?

Connaissez-vous la citation attribuée à Jean-Louis Barrault : « La dictature, c’est “ferme ta gueule” ! La démocratie c’est “cause toujours” ! » ? Pour vous, la démocratie, c’est « cause toujours » et c’est insupportable ! Faisons en sorte d’organiser un référendum, une grande consultation nationale, pour empêcher le braquage des bijoux de famille !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Je serai bref, car beaucoup a déjà été dit, et les différentes interventions montrent, en outre, une tendance un peu trop lourde à la caricature.

Tout d’abord, ce débat sur la motion tendant à opposer la question préalable est légitime. On peut se poser la question de savoir si une nouvelle lecture aurait permis, ou non, d’améliorer le texte. En l’état, cette tentative aurait certainement été vaine, mais cela aurait peut-être pu s’envisager avec un résultat différent en première lecture et avec une convergence des points de vue sur certains points, notamment sur la question des privatisations.

Concernant Aéroports de Paris, ma position personnelle, qui est aussi celle de mon groupe, est la suivante : nous n’aurions pas avancé une telle proposition, mais, dès lors qu’elle était faite, il fallait l’encadrer et apporter sa plus-value.

C’est ce que nous avons fait, mais, en même temps, nous avons fait verser le texte sur ce point. Le Sénat y a gagné que, ne pouvant aller plus loin, il n’a, in fine, apporté aucune valeur ajoutée. Je le regrette ! Nous avions réussi à le faire sur la loi, dite « Macron », du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Le Sénat aurait pu opter pour une autre position, qui pouvait se tenir.

Je n’en ajouterai pas plus sur le sujet. Nous versons effectivement tous dans la caricature, et je le déplore. Le débat n’est pas responsable ! Cette entreprise mérite mieux

Mme la secrétaire d ’ État opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Cela dit, le Gouvernement aurait dû faire un pas vers le Sénat, et il n’a pas su le faire ; nos collègues députés auraient dû également faire un pas vers le Sénat, et ils n’ont pas su le faire.

Dans ces conditions, nous préférons voter la motion. Nous déplorons les faits que je viens de mentionner, mais il ne servirait à rien que nous continuions à discuter ensemble de ce texte, bien au contraire.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Mon groupe votera évidemment la motion tendant à opposer la question préalable.

Je voudrais néanmoins revenir sur certains propos. C’est parce que le Sénat a fait preuve de sérieux, notamment sur le dossier d’Aéroports de Paris, que nous nous retrouvons, aujourd’hui, dans une impasse politique. En réalité, le Gouvernement n’a nullement été à l’écoute ; aucune volonté d’aboutir ne s’est manifestée au moment de la commission mixte paritaire, alors que, sur tous les sujets, un consensus allait se dégager.

Pour le bien des entreprises françaises, nous étions tous d’accord. Mais le Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

… s’est concentré sur l’objectif qu’il s’était fixé concernant Aéroports de Paris, et, ce faisant, il a cassé toute possibilité de consensus sur le projet de loi Pacte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Il ne faut pas inverser les rôles !

Le Sénat, on le voit bien, est maintenant puni. Le ministre se désintéresse du sujet. Le Premier ministre ne se déplace plus pour répondre aux questions d’actualité. Lors d’une récente session, la ministre chargée des transports n’était même pas là, et c’est M. Benjamin Griveaux qui a dû, en réponse à une question, expliquer au nom du Gouvernement pourquoi on allait privatiser Aéroports de Paris. Chacun se refile la patate chaude !

C’est précisément parce que nous avons joué notre rôle à fond et essayé, jusqu’à la commission mixte paritaire, d’aboutir que, devant l’échec de tout dialogue, nous nous voyons contraints d’examiner aujourd’hui cette motion. Tout cela relève d’une décision politique. Quels que soient les argumentaires qu’il développe sur les autres sujets, le Gouvernement ne veut pas parler de l’essentiel, c’est-à-dire de cette décision politique !

Cela nous oblige, pour attirer l’attention de l’opinion publique, à nous pencher sur l’aspect technique du dossier.

Dans votre très courte intervention dans ce débat, madame la secrétaire d’État, vous n’avez apporté aucune réponse technique. Vous avez préféré orienter votre discours sur un examen du rôle du Sénat. Je ne sais pas si telle était votre mission ou si vous avez témoigné, ainsi, de votre mécontentement à vous retrouver dans une impasse technique, incapable d’opposer des arguments aux critiques qui sont exprimées sur ce dossier.

En tout cas, nous, nous attendions des réponses. Une fois de plus, nous ne les avons pas eues. C’est pourquoi nous voterons la motion.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d ’ État. Je serai très brève, monsieur le président. Je signale que, parmi les sujets ayant émergé dans le cadre du grand débat, on trouve la santé ou l’éducation, mais pas les privatisations !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Par ailleurs, monsieur Dominati, j’ai apporté des réponses assez précises à vos questions. Je ne vais pas entrer dans le détail et « refaire le match », car, comme l’a très bien résumé le sénateur Capo-Canellas, notre discussion est tout à fait caricaturale. Je ne crois pas que ce soit la teneur qu’elle doive avoir.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Enfin, je ne me suis pas permis de commenter le rôle du Sénat. J’ai simplement observé que tenir des propos caricaturaux, c’est faire beaucoup de mal à toute la démocratie !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 75 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi est rejeté.

La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Fournier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au terme de cet examen, je souhaite tout d’abord remercier les membres de la commission spéciale de leur présence et leur implication.

Cela a été rappelé, les décisions prises dans le cadre de cette commission spéciale nous ont permis de mener des débats très intéressants, qui, en cas de refus systématique, n’auraient pu se tenir, ici, au sein de cette assemblée. En effet, le choix de la privatisation était déjà très contesté au stade de la commission et, si nous n’avions pas pu pousser la discussion plus loin, c’eût été regrettable. Cela explique, peut-être, le vote de cette motion ce soir.

J’aurais aimé remercier le ministre Bruno Le Maire, mais c’est vous, madame la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher, que je vais remercier, ainsi que les administrateurs et responsables de cabinet.

Je souhaite également remercier les administrateurs du Sénat au sein de cette commission spéciale, qui nous ont énormément soutenus et aidés dans notre travail.

Je voudrais, enfin, faire une petite mise au point liée à l’actualité, mise au point qui me paraît indispensable.

Comme vous le savez, au nom de la commission, nous devions aujourd’hui recevoir, à leur demande, d’ailleurs, une délégation de « gilets jaunes ». Il s’agissait, conformément au souhait qu’ils avaient formulé voilà quelques semaines auprès de la présidence, d’évoquer avec eux les privatisations d’ADP et de FDJ. Nous acceptions de les rencontrer, au même titre que les personnes que nous avons entendues au cours des trois cent soixante auditions réalisées tout au long de l’examen de ce projet de loi.

L’appel à manifester lancé dès hier soir et le dévoiement de l’objet de la réunion nous ont contraints à annuler la rencontre. Nous ne souhaitons pas faire de la surenchère et nous ne voulons pas nous soumettre à une telle forme d’instrumentalisation et de récupération.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Fournier

Le Sénat est à l’écoute de tous, mais il est indépendant dans ses décisions. Je déplore cette polémique, qui survient en clôture de l’examen du projet de loi Pacte. Je regrette l’appropriation personnelle, parfois, et médiatique qu’elle suscite.

Pour revenir au texte de loi lui-même, nous avons effectivement un sentiment quelque peu mitigé. Je ne reviendrai pas sur tous les détails évoqués et les explications données. Je rappelle simplement que, dans le contexte actuel et passé, le texte est arrivé à l’Assemblée nationale avec 73 articles, et on en sort 196 ! Sur ce total, seuls 73 ont donc fait l’objet d’une étude d’impact, ce qui explique le travail mené par le Sénat au cours des trois cent soixante auditions mentionnées. Je souhaitais le souligner.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Fournier

Par là même, madame la secrétaire d’État, je tiens à réitérer une plainte que nous avons déjà formulée : nous sommes systématiquement en procédure accélérée et, lorsque cette procédure est retenue pour des textes comme le présent projet de loi, tellement hétéroclites – on a pu constater, ici, qu’il nous manquait une ligne conductrice –, il est impossible de traiter les sujets au fond ou de prendre des décisions avec clairvoyance.

Pour rassurer mon collègue Richard Yung – je pense néanmoins qu’il en vient là à la fin de son propos –, le Sénat cherche, non pas à être inutile, mais à débattre objectivement des sujets, afin que chacun soit en capacité de prendre ses décisions.

Nous avons mené ici une discussion complète, mais certaines mesures importantes de ce projet de loi n’ont pas été approuvées au niveau de l’Assemblée nationale. Il faut, je crois, que chacun prenne ses responsabilités ! Avec notre vote de ce soir sur cette motion tendant à opposer la question préalable, la responsabilité de ce texte, tel qu’il est rédigé, reviendra à l’Assemblée nationale !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 10 avril 2019 :

À quatorze heures trente :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (procédure accélérée ; texte de la commission n° 425, 2018-2019) et projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 426, 2018-2019).

À seize heures trente :

Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, relative au Grand débat national, en application de l’article 50-1 de la Constitution

Le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (procédure accélérée ; texte de la commission n° 425, 2018-2019) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 426, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à seize heures quarante-cinq.