Ce n’est pas le même territoire, cher collègue !
Oui, elles sont impatientes de voir levés les verrous qui bloquent depuis bien trop longtemps le développement des TPE et des PME. Elles attendent avec impatience de voir le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises promulgué et publié au Journal officiel. Elles sont impatientes de faire vivre la loi Pacte.
Je ne doute pas qu’une large majorité de notre hémicycle soit intimement convaincue que cette loi est une bonne loi. Et pour cause : entre autres effets, elle améliorera la parité femmes-hommes dans les directions des entreprises et créera un label pour les entreprises qui mènent une politique d’accessibilité et d’inclusion des personnes handicapées ; elle facilitera la création d’entreprises et réduira son coût ; elle simplifiera la croissance des entreprises en améliorant et diversifiant leur financement ; elle protégera leurs inventions et expérimentations ; elle financera l’innovation de rupture et protégera les entreprises stratégiques françaises.
Je ne m’attarderai pas sur la partie tendant à faire évoluer le capital des entreprises publiques, mon collègue Richard Yung vous en parlera beaucoup mieux que moi.
Je ne doute pas un instant, cependant, qu’il profitera de son temps de parole pour dénoncer la posture adoptée par certains de nos collègues, qui ont fait mine de s’indigner au sujet de l’article 44 de ce projet de loi. Ce n’était pas à la hauteur de l’éthique que promeut notre chambre, car, voilà tout juste deux ans, nombre de ces parlementaires soutenaient un candidat qui prévoyait de favoriser les privatisations. Les Français n’oublient pas !
Je ne vais pas détailler toutes les dispositions qui composent ce texte, mais il est indispensable de revenir sur le projet audacieux que porte le chapitre III, symbole de liberté et de protection. Celui-ci réconcilie en effet performance économique et responsabilité sociale des entreprises.
Il supprime le forfait social versé au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés et sur l’ensemble des versements d’épargne salariale pour celles qui comptent moins de cinquante salariés ; il gèle l’intéressement au-delà d’un plafond, permettant ainsi d’améliorer son rendement pour les bénéficiaires ; il développe l’épargne salariale, ainsi que l’actionnariat salarié, et donne naissance à la société à mission ; il améliore la transparence des sociétés cotées en matière de rémunération de leurs dirigeants au regard de la rémunération moyenne et médiane ; il instaure le fonds de pérennité, grâce auquel la France se dote d’un statut permettant de protéger de manière durable le capital de nos entreprises pour assurer leur croissance à long terme ; enfin, il donne une nouvelle visibilité citoyenne à l’entreprise.
La notion d’intérêt social de l’entreprise et la nécessité de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux seront ainsi inscrites dans la loi par la modification de l’article 1833 du code civil.
En réunissant tous ces éléments, ce chapitre donne un nouveau souffle aux entreprises, ce qui leur permettra d’innover, de créer et de se développer.
Plus largement, ce projet de loi relève le défi majeur de la croissance des entreprises à chaque phase de leur développement, pour renouer avec l’esprit de conquête économique. Pour cela, il transforme le modèle d’entreprise français, qu’il est temps d’adapter aux réalités du XXIe siècle.
Vous semblez pourtant être nombreux à estimer que les conditions ne sont pas réunies pour que le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale soit adopté conforme, et à déplorer que cette dernière soit revenue sur un trop grand nombre de dispositions introduites par le Sénat. C’est pourtant la raison d’être de la navette parlementaire et du bicamérisme !
N’oublions pas que l’Assemblée nationale a tenu compte de certaines améliorations apportées par le Sénat : quelque 99 articles ont été votés conformes, dont 13 articles additionnels issus de nos travaux. Ceux-ci contiennent des dispositions relatives à la limitation des seuils d’effectif pour certains dispositifs fiscaux, à la possibilité, pour les majeurs rattachés au foyer fiscal de leurs parents, d’ouvrir un plan d’épargne en actions, un PEA, à la réforme de l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale, ou ESUS, à la modernisation du certificat d’utilité, ou encore à la création d’une procédure d’opposition aux brevets.
D’autres mesures introduites par le Sénat n’ont fait l’objet que de modifications très superficielles : la création du registre dématérialisé des entreprises, l’organisation des réseaux des chambres de métiers et de l’artisanat, les CMA, autour d’un établissement unique régional ou encore la transférabilité des contrats d’assurance vie sans conséquence fiscale.
Mes chers collègues, j’insiste sur le bon fonctionnement du bicamérisme, en vous rappelant que les deux chambres sont tombées d’accord sur nombre de suppressions d’articles.
Certes, nos homologues ont enlevé des dispositions que vous aviez intégrées. Qui pouvait en douter, dès lors qu’il s’agissait des mesures les plus contradictoires avec l’esprit de cette loi, notamment celles qui se rapportaient à la notion d’objet social ?
Ils ont également rétabli des dispositions que vous aviez supprimées, comme la raison d’être ou l’écart salarial d’un à vingt, suggéré par la confédération européenne des syndicats et que nous avions tenté d’inscrire en première lecture. C’est l’outil permettant de lutter contre l’écart incompréhensible des salaires que l’on observe dans certaines entreprises, notamment celles du CAC 40, dans lesquelles il peut atteindre un ordre de grandeur d’un à deux cent cinquante.
Le philosophe Jean Bodin écrivait : « il n’est de richesse que d’hommes ». Nous sommes tous convaincus que l’épanouissement des salariés conditionne la réussite d’une entreprise. La rémunération est un facteur de bon fonctionnement de l’ascenseur social. C’est pourquoi cette mesure est si importante. Nous devons retrouver des critères de cohésion qui tirent l’ensemble des salariés vers le haut.
En conclusion, c’est du mouvement que naît la croissance, et non de l’immobilisme. L’heure est venue pour la France de s’engager fermement dans cette voie. Le projet de loi Pacte en est un vecteur essentiel, c’est pourquoi le groupe La République En Marche le soutient et désire que le débat se poursuive dans notre hémicycle, dans le plus grand respect du bicamérisme auquel vous êtes tant attachés.
Nous ne voterons donc pas la motion tendant à opposer la question préalable.