Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 14 septembre 2006 à 9h30
Prévention de la délinquance — Article 1er

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Je souscris aux interventions sur l'article de ma collègue Éliane Assassi et de M. Jean-Pierre Michel, y compris la façon tout à fait intéressante avec laquelle ce dernier a exprimé ce qu'il avait envie de dire. Franchement, monsieur le ministre délégué, vous êtes mal placé pour affirmer que les propos qu'il a tenus ne sont pas dignes de notre assemblée !

Pourquoi voulons-nous supprimer l'article 1er ?

Vous envisagez d'accroître les pouvoirs du maire, mais quelle est la réalité derrière ce texte ? Je rappelle au passage que le maire a d'ores et déjà des pouvoirs et des obligations fixés par des textes et qu'il dispose de structures permettant d'échanger et d'évaluer la situation dans sa commune au regard de l'insécurité. Affirmer qu'il faut, par la loi, lui conférer en la matière de nouveaux pouvoirs cache donc quelque chose.

Que cela cache-t-il effectivement ? Vous proposez que le maire ait de nouvelles compétences, mais aucun pouvoir de décision ne lui sera accordé pour sa collectivité. Il sera animateur et coordinateur de la prévention de la délinquance dans sa commune. De plus, ses actions devront être « compatibles » - il y aurait toute une exégèse à faire de ce qualificatif - avec le plan départemental de prévention de la délinquance élaboré par le préfet, ce qui représente une contrainte pour le maire. La commission des lois nous a d'ailleurs soumis un amendement visant à assouplir quelque peu ce qui serait sinon une véritable tutelle du préfet.

C'est la première fois que serait introduite aussi clairement dans une loi une disposition enlevant au maire le droit, sinon l'obligation, issu du suffrage universel de respecter les engagements qu'il a pris lui-même envers les habitants de sa commune. Pourtant, vous aimez beaucoup parler de l'autonomie des communes !

Il aura d'autant moins de pouvoirs que le projet de loi ne prévoit aucun moyen spécifique à cette fin et que nous avons eu la démonstration que le fonds créé sera sans fonds.

J'ajoute que le transfert des charges en matière de police de proximité aux collectivités locales est sous-jacent dans ce texte. Une fois de plus, vous voulez faire porter la responsabilité des conséquences de votre politique par les élus locaux, alors que vous avez décrété que l'État devait continuer à exercer ses pouvoirs régaliens de police et de justice, les seuls que vous voulez bien lui laisser.

Déjà, la police nationale se retire des villes et ce sont bien souvent la police municipale ou des médiateurs qui interviennent sur le terrain. Tout le monde s'accorde à reconnaître que l'existence de deux polices - la police nationale et la gendarmerie - est suffisante. Vous allez de ce fait introduire de nouvelles inégalités de traitement.

Le maire aura en revanche des pouvoirs de sanction sur les individus. L'obligation pour les professionnels de l'action sociale de lui donner des informations sur les familles en difficulté - informations qui aujourd'hui relèvent du secret professionnel -, les rappels à l'ordre, le conseil pour les droits et devoirs des familles, participent de ce pouvoir de sanction.

Le travail social et l'accompagnement demandent du temps, de la confiance. C'est pourquoi les travailleurs sociaux refusent leur instrumentalisation - les personnes la ressentiront comme telle - au service de politiques répressives.

Alors que les maires ont pour mission de recréer du lien social, et on a mesuré, en novembre dernier, le rôle positif que les compétences dont ils sont dotés d'ores et déjà leur ont permis de jouer, du moins à ceux qui l'ont bien voulu, on leur demande de faire l'inverse.

Il est évident que le maire ne peut pas être exonéré de certaines responsabilités en matière de délinquance et que sa proximité lui permet de jouer un rôle essentiel en ce domaine. Mais attention à ce que vous voulez lui faire faire : il n'est pas question ici d'un échange avec les travailleurs sociaux ; il s'agit de lui permettre de prendre seul une décision, avec le risque d'arbitraire qu'elle comporte.

Si les décisions collégiales et, ponctuellement, l'échange d'informations sont nécessaires, ce ne peut être une norme et la concertation peut se faire dans le respect des règles de confidentialité.

Votre projet a non pas pour objet de contribuer au règlement des problèmes, mais bien de faire des maires des « Pères Fouettards», ce que certains refusent.

Car vous semblez penser que tous les maires sont d'accord. C'est faux ! Nombre d'entre eux ne le sont pas, ils nous l'ont dit, et il serait intéressant de les dénombrer.

Votre texte consiste donc à transférer aux maires la responsabilité du maintien de l'ordre et de faire payer les communes. En cela, il est en tout point conforme à vos conceptions puisque l'État se décharge ainsi de ses responsabilités sur les collectivités territoriales. Mais si certains maires espèrent être mieux à même de réagir avec ces dispositions, ils déchanteront vite, notamment dans les communes qui rencontrent le plus de difficultés, notamment les communes les plus pauvres.

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