Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, le titre était alléchant : « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises. » Il sonne comme un magnifique slogan publicitaire, sans en tenir, tant s’en faut, les promesses.
Bâti sur les propositions du rapport Notat-Senard, il n’en retient qu’une dose homéopathique, espérant peut-être que le résultat final conservera la mémoire de la molécule première. En réalité, ce projet traduit un libéralisme exacerbé avec des effets toxiques pour les salariés, qui assurent la prospérité et la création de richesses.
Il s’agit d’un libéralisme dogmatique jusqu’à la caricature, mêlant dans un même élan les privatisations, la quasi-suppression des certifications, le refus d’un partage équitable de la richesse et le rejet d’une juste représentation des salariés dans les instances de gouvernance.
S’y ajoutent des privatisations que rien ne vient justifier et dont on peine à saisir les véritables motivations, tant les explications sont laborieuses, les artifices si alambiqués que leur auteur, lui-même, semble ne pas y croire. Martial Bourquin a développé avec la force de conviction que je lui connais l’ineptie que représentent ces privatisations.
Bernard Lalande et de nombreux sénateurs de tous horizons se sont émus du relèvement, sans ménagement ni délai, des seuils de certification légale par les commissaires aux comptes, sous prétexte d’alignement et d’économies – en réalité, celles-ci sont illusoires – pour les PME.
Pourtant, premièrement, le seuil de certification européen n’est pas prescriptif, et les seuils d’audit légal sont différents selon les pays qui ont bien intégré que « la confiance n’exclut pas le contrôle », en adaptant les seuils à la dimension de leur tissu économique et à sa territorialité.
Deuxièmement, en supprimant le commissaire aux comptes dans les holdings en cascade, qui peuvent créer de nombreuses filiales dispensées de produire des comptes certifiés, vous donnez rendez-vous à l’opacité fiscale, à l’opacité sociale, à l’opacité financière, et ce malgré les recommandations du rapport Cambourg, qui vous appelait à sécuriser l’organisation des entreprises en groupe. Ce faisant, vous ouvrez la porte aux dérives financières et aux détournements et vous la fermez devant l’obligation d’alerte.
Troisièmement, en refusant un délai d’application au 1er janvier 2022 pour permettre à la profession d’engager sa mutation, vous mettez en péril 3 000 cabinets de proximité et le probable licenciement de 7 000 employés sur tout le territoire français.
M. le ministre se gaussait d’une alliance contre nature, selon lui, entre la droite et la gauche sur ces thèmes. Il ne devrait pourtant pas s’étonner – sauf par manque d’habitude peut-être ! – que nous puissions nous rassembler pour nous porter garant des valeurs républicaines quand les intérêts vitaux de la Nation sont en jeu.
Par ailleurs, le relèvement des seuils pour les entreprises peut s’entendre, sauf que l’occasion est saisie de pénaliser plus encore les salariés et de priver nombre d’entre eux du bénéfice de la participation ou de la protection du règlement intérieur pendant cinq ans au moins, voire, parfois, pour l’éternité.
L’Allemagne, votre modèle, madame la secrétaire d’État, accorde jusqu’à 50 % des sièges aux salariés dans les conseils d’administration, mais les salariés français n’auront que la portion congrue.
L’élargissement de l’objet de l’entreprise, que l’article 1833 du code civil définit comme servant uniquement l’intérêt commun de ses salariés, est timide : vous avez refusé que les salariés soient, enfin, admis comme l’une des deux parties constituantes.
M. le ministre n’est pas avare de déclarations vertueuses sur l’éventail des salaires et sur les avantages des dirigeants, dont Tom Enders illustre le caractère inacceptable. Ces condamnations paraîtraient plus sincères s’il n’avait rejeté nos propositions de plafonnement des hauts salaires, de limitation des retraites chapeau et autres stock-options, d’interdiction de versement de dividendes financés par l’emprunt ou à la suite de licenciements.
Il est vrai que, en chemin, le Gouvernement a trouvé plus ultra que lui en matière de libéralisme. La majorité de droite n’y était pas allée de main morte : relèvement du seuil de cinquante à cent salariés, avec une véritable régression sociale ; refus de toucher à l’objet de l’entreprise sous prétexte de fragilité juridique, argument curieux qui permet d’en rester à la mouture de 1804, remaniée en 1974 ; une économie sociale brimée par une augmentation de 20 % des cotisations, alors que celles de l’économie conventionnelle seraient divisées par deux.
Ce gouvernement affirme souvent : « C’est sans précédent ! » C’est rarement une réalité, mais le fait de puiser sans vergogne, à larges mains dans les caisses de la sécurité sociale est, de fait, sans précédent : 500 millions d’euros par la suppression du forfait social, exonération sur les heures supplémentaires, etc.