Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 14 septembre 2006 à 9h30
Prévention de la délinquance — Article 1er

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle :

Mon intervention sera un peu longue, mais cela me semble indispensable pour une juste compréhension de ma démarche.

Le texte que nous discutons représente, ainsi que nous l'avons largement développé dans la discussion générale, une véritable avancée en faisant du maire le pivot de la politique de prévention de la délinquance à l'échelle de son territoire.

Pourtant, nous savons tous qu'une des premières préoccupations des maires tient au fait qu'ils ne sont pas informés des délits et des crimes qui sont commis sur le territoire de leur commune. J'adhère évidemment à l'ensemble des dispositions qui renforcent leur rôle de coordination. Mais comment pourront-ils l'assurer s'ils ne sont pas mieux informés des infractions qui les concernent par la police ou la gendarmerie ?

L'information des maires est une problématique que nous portons depuis de nombreuses années au Sénat. Cette idée fut initialement développée en 2000 dans des travaux de la majorité sénatoriale. Les conclusions de ces ateliers avaient alors donné lieu au dépôt d'une proposition de loi cosignée par les quatre présidents de groupe de la majorité de l'époque - Henri de Raincourt, Jean Arthuis, Guy Cabanel et Josselin de Rohan. Cette disposition fut adoptée par le Sénat, sous la forme d'un amendement du rapporteur, notre ancien collègue Jean-Pierre Schosteck, lors de l'examen de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, soutenue par Daniel Vaillant. La navette n'avait pas alors permis le maintien de cette disposition.

Dès l'alternance, le décret du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance pris par Nicolas Sarkozy a apporté des précisions sur cette question. Son article 4 prévoit notamment que « les maires sont informés sans délai des actes graves de délinquance commis dans leur commune ». Cette information doit être donnée par les responsables locaux de la police et de la gendarmerie.

Enfin, l'examen du projet de loi Perben II en octobre 2003 a permis de consacrer législativement cette mesure. Dominique Perben avait mis en place un groupe de travail rassemblant des élus et des procureurs de la République, notamment pour réfléchir à la question de l'information des maires afin d'aboutir à une rédaction permettant de « respecter le secret de l'instruction et les règles de la procédure pénale ».

Aux termes de la rédaction actuelle de l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales : « Les maires sont informés sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie des infractions causant un trouble grave à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune, dans le respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale ».

Or, forts de quatre années de pratique, nous savons tous maintenant que la notion de « trouble grave à l'ordre public » restreint considérablement le champ d'application des dispositions alors souhaitées par le législateur.

Pour que ce principe trouve sa pleine application, il convient de consacrer législativement la forme la plus protectrice du droit à l'information des maires, alors même que nous souhaitons faire d'eux les personnages centraux de la coordination de la prévention des actes de délinquance.

En conséquence, l'amendement que je vous propose en revient à la rédaction du décret de 2002, lequel proposait que les maires soient « informés sans délai des actes graves de délinquance commis dans leur commune », étant toutefois entendu que cette information devra s'inscrire dans le respect des dispositions actuelles de l'article 11 du code de procédure pénale, qui garantit le respect du secret de l'instruction.

Cette évolution peut susciter, je le sais, un certain nombre de réticences, notamment de la part des parquets. Je sais aussi qu'il vaut parfois mieux un accord mesuré que l'adoption d'une disposition de posture qui ne sera jamais suivie d'effet dans la pratique.

Pour ces raisons, je suis prête à rectifier mon amendement pour vous proposer une rédaction moins extensive mais qui représentera, néanmoins, une réelle avancée pour les maires. La notion de « trouble grave à l'ordre public » est trop restrictive, mais nous pourrions nous contenter de supprimer le terme « grave ».

Je souhaite néanmoins vous poser deux questions au préalable, monsieur le ministre délégué.

En premier lieu, pouvez-vous nous assurer que, en dépit du maintien de la notion de trouble à l'ordre public, les actes de délinquance qui concernent le maire, notamment parce qu'ils touchent à des relations de voisinage ou affectent la vie d'un quartier, lui seront signalés avec la rédaction que je vous propose ?

En second lieu, comptez-vous prendre devant nous un engagement solennel que la loi, si nous la modifions, sera suivie d'effet et que des instructions seront données aux responsables locaux de la police ou de la gendarmerie afin de garantir aux maires cette information si précieuse ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion