Intervention de Michel Didier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 avril 2019 à 9h35
Transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune isf en impôt sur la fortune immobilière ifi et la création du prélèvement forfaitaire unique pfu — Audition commune de Mm. Boris Cournède chef-adjoint de la division des finances publiques de l'organisation de coopération et de développement économiques ocde michel didier président du comité de direction de rexecode jonathan goupille-lebret chercheur en économie à l'école normale supérieure de lyon et luc jaillais co-président de la commission fiscalité du patrimoine de l'institut des avocats conseils fiscaux iacf

Michel Didier, président du comité de direction de Rexecode :

Un créateur d'entreprise n'a pas intérêt à se verser un salaire élevé, qui grèverait les comptes de sa société. Il est plus rationnel de se verser un salaire très bas et de miser sur les dividendes, c'est-à-dire sur la réussite de son entreprise. Ce n'est pas une question d'abus, mais simplement d'usage du droit. Le PFU est un progrès car il clarifie, pour le créateur d'entreprise, ce qu'il aura à payer s'il réussit - c'est-à-dire s'il dégage des dividendes. À mes yeux, la préoccupation essentielle qui doit fonder la fiscalité est la simplicité, car celle-ci est gage de transparence et d'acceptabilité de l'impôt.

La justice sociale figure au coeur des débats actuels, mais la notion comporte trois dimensions bien distinctes. L'égalité d'abord : tous conviennent de la nécessité d'une redistribution de ceux qui ont le plus vers ceux qui ont le moins, mais où doit-elle s'arrêter ? L'égalité générale n'étant pas souhaitable, il faut distinguer les inégalités justes des inégalités injustes. Pour des économistes comme Amartya Sen, il faut corriger les inégalités dépendant des circonstances, en épargnant les inégalités qui sont le produit de l'effort. Les très riches ont toujours trouvé des moyens d'échapper à l'ISF, et même à l'impôt sur le revenu, par le jeu combiné de l'assurance-vie et de l'emprunt notamment. Tout cela n'est pas très propice à la correction des inégalités.

Quant à la pauvreté, John Rawls identifiait comme priorité absolue d'une société d'éviter qu'il y ait des miséreux en son sein. La politique fiscale juste est celle qui élimine la pauvreté, or celle-ci est surtout liée à la mauvaise allocation des dépenses publiques, qui représentent 56,5 % du PIB - contre 0,2 % pour l'ISF... Difficile de prétendre que l'ISF y change quoi que ce soit.

Enfin l'équité, qui doit être l'enjeu majeur de la fiscalité. Il faut distinguer l'équité verticale, qui inverse des situations, de l'équité horizontale qui veut que deux personnes dont la situation est analogue paient un montant d'impôt analogue. Or la première n'était pas satisfaisante parce que les très riches ne payaient pas l'ISF, et la seconde parce que de deux personnes qui avaient le même patrimoine, celle qui avait une retraite se voyait appliquer un plafonnement sur son revenu total et payait donc l'ISF avec sa retraite, ce qui lui laissait 25 % de son revenu pour vivre. Comme l'a noté le grand économiste Anthony Atkinson, « ce que l'on peut faire par l'intermédiaire de la solution de second choix « impôts-transferts » est limité ».

Le PFU est à mon sens une très bonne mesure, une simplification majeure pour ceux qui veulent entreprendre. Je citerai pour conclure Thomas Piketty, dont personne ici ne contestera l'autorité, dans L'Économie des inégalités : la flat tax « n'est sans doute pas adapté[e] à la redistribution fiscale des revenus du travail, qui exige et qui permet une plus grande liberté, mais pourrait bien convenir à la réalité contemporaine des revenus du capital ».

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