Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 14 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Article 1er

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Puisque nous avons le plaisir de débattre en présence du ministre délégué aux collectivités territoriales, nous pouvons revenir sur la question essentielle, à savoir le rôle du maire.

Cela a été dit à plusieurs reprises, le maire, malgré l'importance de son rôle, n'a pas vocation à diriger la politique de prévention de la délinquance dans sa ville.

Je comprends que ce rôle, qui relève souvent de l'informel, soit reconnu comme étant au coeur de la prévention. Mais cela ne peut en rien justifier le fait que soient accordés au maire des pouvoirs exorbitants, lesquels se retourneront inévitablement contre lui, car ils porteront atteinte, à un moment donné, à sa crédibilité.

Élu favori des Françaises et des Français, le maire ne peut continuer à bénéficier de ce statut privilégié qu'à la condition qu'il demeure dans son rôle de réflexion, d'animation et de coordination d'une politique de prévention.

D'ailleurs, les maires, dans leur majorité, sont réticents à cet accroissement de leurs pouvoirs. Au cours des auditions, nous avons souvent entendu les maires souligner l'importance qu'ils attachaient à la reconnaissance de leur rôle et dire combien il pouvait être risqué et dangereux de codifier ce rôle de manière officielle.

Nombreux sont ceux qui demandent que leur rôle actuel soit reconnu par les différents partenaires - la police nationale, la justice, le préfet - qui, trop souvent, ne daignent même pas répondre à leurs courriers ou à leurs appels. Les maires veulent que s'instaure un véritable partenariat, sans que ce dernier soit obligatoirement axé sur cette politique.

D'un côté, vous clamez haut et fort que vous désirez faire du maire le patron de la politique de prévention de la délinquance, alors que, de l'autre, vous maintenez sa soumission au plan préfectoral de prévention de la délinquance et, pratiquement, vous le maintenez sous la tutelle du préfet en ce domaine ! N'est-ce pas contradictoire ?

Du reste, ce projet de loi est truffé de dispositions qui entretiennent la confusion des compétences et des responsabilités, et sont parfois en contradiction avec d'autres textes.

On observe une confusion entre les compétences et les responsabilités du maire, mais aussi avec celles du préfet, du juge, des conseillers généraux - car c'est souvent le conseil général qui gère la politique sociale -, des travailleurs sociaux, voire des membres du corps enseignant.

Cette confusion institutionnelle est de nature à entraîner une rupture de confiance à trois niveaux.

Il s'agit, d'abord, d'une rupture de confiance entre le maire et ses habitants. Ces derniers considéreront désormais que le maire a basculé du camp de la prévention à celui de la répression. Ce personnage politique le plus proche des préoccupations des citoyens, celui qui représente souvent l'espoir, suscitera, à n'en pas douter, la crainte, voire la délation.

Il s'agit, ensuite, d'une rupture de confiance entre les familles en difficulté et les travailleurs sociaux, lesquels risquent d'apparaître aux yeux de celles-ci comme des agents de contrôle social, contraints de communiquer des informations confidentielles, nominatives, à un grand nombre de personnes, dont le maire et ses représentants.

Il s'agit, enfin, d'une rupture de confiance entre le maire et les travailleurs sociaux, qui peuvent être amenés à considérer le maire non plus comme un recours, une personne au plus près du terrain, avec qui l'on collabore librement et efficacement, mais plutôt comme quelqu'un qui imposera une politique dans ce domaine d'intervention, au risque de perturber le modèle de la coopération et d'aller parfois jusqu'à la délation.

Cet amendement tend précisément à faire en sorte que cet élu voit sa place reconnue au coeur de ce partenariat, sans que sa mission soit dénaturée.

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