La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Michèle André.
La séance est reprise.
M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, le rapport de la Cour sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, conformément à l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Nous poursuivons la discussion de l'article 1er.
Au sein des amendements faisant l'objet d'une discussion commune, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 163.
L'amendement n° 163, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
I. Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour insérer un article L. 2211-4 dans le code général des collectivités territoriales, après les mots :
le territoire de la commune,
insérer les mots :
la réflexion sur
II. Après les mots :
prévention de la délinquance
supprimer la fin de ce même alinéa
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Puisque nous avons le plaisir de débattre en présence du ministre délégué aux collectivités territoriales, nous pouvons revenir sur la question essentielle, à savoir le rôle du maire.
Cela a été dit à plusieurs reprises, le maire, malgré l'importance de son rôle, n'a pas vocation à diriger la politique de prévention de la délinquance dans sa ville.
Je comprends que ce rôle, qui relève souvent de l'informel, soit reconnu comme étant au coeur de la prévention. Mais cela ne peut en rien justifier le fait que soient accordés au maire des pouvoirs exorbitants, lesquels se retourneront inévitablement contre lui, car ils porteront atteinte, à un moment donné, à sa crédibilité.
Élu favori des Françaises et des Français, le maire ne peut continuer à bénéficier de ce statut privilégié qu'à la condition qu'il demeure dans son rôle de réflexion, d'animation et de coordination d'une politique de prévention.
D'ailleurs, les maires, dans leur majorité, sont réticents à cet accroissement de leurs pouvoirs. Au cours des auditions, nous avons souvent entendu les maires souligner l'importance qu'ils attachaient à la reconnaissance de leur rôle et dire combien il pouvait être risqué et dangereux de codifier ce rôle de manière officielle.
Nombreux sont ceux qui demandent que leur rôle actuel soit reconnu par les différents partenaires - la police nationale, la justice, le préfet - qui, trop souvent, ne daignent même pas répondre à leurs courriers ou à leurs appels. Les maires veulent que s'instaure un véritable partenariat, sans que ce dernier soit obligatoirement axé sur cette politique.
D'un côté, vous clamez haut et fort que vous désirez faire du maire le patron de la politique de prévention de la délinquance, alors que, de l'autre, vous maintenez sa soumission au plan préfectoral de prévention de la délinquance et, pratiquement, vous le maintenez sous la tutelle du préfet en ce domaine ! N'est-ce pas contradictoire ?
Du reste, ce projet de loi est truffé de dispositions qui entretiennent la confusion des compétences et des responsabilités, et sont parfois en contradiction avec d'autres textes.
On observe une confusion entre les compétences et les responsabilités du maire, mais aussi avec celles du préfet, du juge, des conseillers généraux - car c'est souvent le conseil général qui gère la politique sociale -, des travailleurs sociaux, voire des membres du corps enseignant.
Cette confusion institutionnelle est de nature à entraîner une rupture de confiance à trois niveaux.
Il s'agit, d'abord, d'une rupture de confiance entre le maire et ses habitants. Ces derniers considéreront désormais que le maire a basculé du camp de la prévention à celui de la répression. Ce personnage politique le plus proche des préoccupations des citoyens, celui qui représente souvent l'espoir, suscitera, à n'en pas douter, la crainte, voire la délation.
Il s'agit, ensuite, d'une rupture de confiance entre les familles en difficulté et les travailleurs sociaux, lesquels risquent d'apparaître aux yeux de celles-ci comme des agents de contrôle social, contraints de communiquer des informations confidentielles, nominatives, à un grand nombre de personnes, dont le maire et ses représentants.
Il s'agit, enfin, d'une rupture de confiance entre le maire et les travailleurs sociaux, qui peuvent être amenés à considérer le maire non plus comme un recours, une personne au plus près du terrain, avec qui l'on collabore librement et efficacement, mais plutôt comme quelqu'un qui imposera une politique dans ce domaine d'intervention, au risque de perturber le modèle de la coopération et d'aller parfois jusqu'à la délation.
Cet amendement tend précisément à faire en sorte que cet élu voit sa place reconnue au coeur de ce partenariat, sans que sa mission soit dénaturée.
L'amendement n° 4, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Au second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour insérer un article L. 2211-4 dans le code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
il préside
par les mots :
le maire ou son représentant préside
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a simplement pour objet de remédier à une lacune juridique, puisque, en l'état actuel des textes, il n'est pas évident que le maire puisse être représenté à la présidence du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.
La commission prévoit donc cette possibilité de manière expresse, ce qui permet d'ailleurs d'aligner le droit sur le fait. En effet, nombre de maires se font d'ores et déjà représenter, ce qui est indispensable, car, outre ce conseil, d'autres organismes existent, comme les cellules de veille, et on ne peut demander au maire d'être présent partout.
L'amendement n° 133 rectifié, présenté par M. Bockel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour insérer un article L. 2211-4 dans le code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu'il est fait application de l'article L. 5211-59, la mise en place par les communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance est facultative.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
L'amendement n° 241 rectifié bis, présenté par Mme Gourault, MM. Hérisson, Jarlier, Détraigne et Houel, est ainsi libellé :
Compléter le 2° de cet article par un article ainsi rédigé :
« . - Les membres composant un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance sont autorisés à partager entre eux les informations et documents nécessaires à la continuité et à l'efficacité de leurs interventions. Les informations ainsi communiquées ne peuvent être divulguées à des tiers, non membres du conseil, sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal ».
La parole est à M. Yves Détraigne
Cet amendement vise à transposer au conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance le dispositif du secret partagé qui est prévu pour le conseil pour les droits et devoirs des familles.
L'objet du CLSPD étant très proche de celui du conseil pour les droits et devoirs des familles, celui-ci jouant un rôle éminent dans la lutte contre la délinquance et la prévention de la délinquance, il nous semble utile, par souci d'efficacité, que les membres du CLSPD soient autorisés à partager entre eux les informations et les documents nécessaires à l'efficacité de leurs interventions.
J'ajoute que cette disposition est pratiquement la copie conforme de celle qui nous est soumise par le Gouvernement à l'article 5 du projet de loi s'agissant du conseil pour les droits et devoirs des familles.
L'amendement n° 170 rectifié, présenté par M. Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 2512-13-1 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
et le maire de Paris
par les mots :
, le maire de Paris et, par délégation, les maires d'arrondissement
La parole est à M. Yves Détraigne
Il s'agit de prévoir que les compétences du maire de Paris pourraient être déléguées aux maires d'arrondissement.
Les arrondissements parisiens ont bien souvent une taille supérieure à celle de la plupart des communes et de plusieurs villes de province. Dès lors, il paraît quelque peu anachronique que les maires d'arrondissement ne puissent pas recevoir délégation du maire de Paris dans un certain nombre de domaines.
L'amendement n° 103 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales, ajouter les mots :
Sous réserve des compétences d'action sociale confiées au département,
La parole est à Mme Valérie Létard.
Cet amendement tend simplement à réaffirmer la compétence générale du département en matière d'action sociale.
L'amendement n° 5, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Au dernier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
doivent être compatibles
par les mots:
ne doivent pas être incompatibles
La parole est à M. le rapporteur.
Le projet de loi prévoit que les actions de prévention conduites par les collectivités territoriales devraient être compatibles avec le plan de prévention de la délinquance arrêté par le représentant de l'État. Lors des auditions, la crainte a été exprimée à de nombreuses reprises par des maires de voir une compétence qu'on leur donne d'une main leur être reprise de l'autre.
Il ne faut pas exagérer la portée de cette disposition. De toute manière, l'État ne pourrait pas contraindre une commune à engager des actions de prévention de la délinquance contre son gré, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales. Ces mesures expriment uniquement le souci de préserver la cohérence globale de la politique de prévention de la délinquance.
Il n'en reste pas moins qu'afin de trouver un équilibre plus respectueux du rôle du maire, la commission vous soumet cet amendement prévoyant que les actions de prévention de la délinquance des collectivités territoriales doivent non pas être compatibles, mais ne pas être incompatibles avec le plan départemental de prévention de la délinquance, ce qui modifie sensiblement les choses.
L'amendement n° 6, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après le 4° de cet article, insérer un 4° bis ainsi rédigé :
4° bis L'article L. 2512-15 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2512-15. - Sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le préfet de police associe le maire à la définition des actions de lutte contre l'insécurité et l'informe régulièrement des résultats obtenus.
« Les modalités de l'association et de l'information du maire mentionnées au précédent alinéa peuvent être définies par des conventions que le maire signe avec l'État.
« Les actions de prévention de la délinquance conduites par le département de Paris, la commune de Paris et leurs établissements publics, ne doivent pas être incompatibles avec le plan de prévention de la délinquance arrêté par le préfet de police, dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
L'article L. 2512-15 du code général des collectivités territoriales dispose que, à Paris, le préfet de police « associe le maire à la définition des actions de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité ».
Cet article ne peut plus être maintenu en l'état puisqu'il est prévu au 3° de l'article 1er du projet de loi que le préfet de police et le maire de Paris animent ensemble la politique de prévention de la délinquance.
L'amendement vise donc à corriger l'article L. 2512-15 de façon que l'association du maire de Paris et du préfet de police ne soit désormais prévue que pour la lutte contre l'insécurité, et non plus pour la prévention de la délinquance. Il a également pour objet de clarifier la répartition de leurs compétences.
Le sous-amendement n° 319, présenté par M. Goujon, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 6 pour l'article L. 2512-15 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
par le préfet de police
par les mots :
conjointement par le préfet de Paris et le préfet de police
La parole est à M. Philippe Goujon.
L'amendement n° 6, que vient de présenter M. le rapporteur, a pour objet de tenir compte de la dévolution tout à fait particulière des pouvoirs de police à Paris. Nous avons eu ce matin un long débat à ce sujet, je n'y reviendrai pas, même s'il me semble inévitable que nous le rouvrions un jour.
Le sous-amendement n° 319 tend à faire également état du rôle important que joue l'État, en dehors de la préfecture de police, en ce qui concerne la politique de prévention de la délinquance, notamment dans l'établissement du plan de prévention de la délinquance, puisque le préfet de Paris est amené à diriger les actions de l'État qui ne relèvent pas de la police en matière sanitaire et sociale ou au titre de la politique de la ville.
L'amendement n° 318 rectifié, présenté par MM. Bockel, Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales, ajouter une phrase ainsi rédigée :
Le conseil général concourt aux actions de prévention de la délinquance, dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
L'amendement n° 104 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Remplacer la seconde phrase du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales par deux phrases ainsi rédigées :
Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance, une convention peut être conclue entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale intéressé et le département. Elle détermine notamment les territoires prioritaires, les moyens communaux et départementaux engagés et leur mode de coordination, l'organisation du suivi et de l'évaluation des actions mises en oeuvre.
La parole est à M. Yves Détraigne.
Nous souhaitons que ne soit pas bouleversée la logique de la répartition actuelle des compétences. Cet amendement tend donc à rendre facultative la signature de conventions entre les communes et le département pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance.
L'amendement n° 129 rectifié, présenté par M. de Broissia, Mme Garriaud-Maylam, MM. Huré, Grignon, Doligé, Milon, Besse, Cléach, Houel, Jarlier, Sido, Billard, Fournier, Esneu, Vial, Leroy et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et M. Retailleau, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots :
Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance
insérer les mots :
, dans les communes définies à l'article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale définis à l'article L. 5211-59,
La parole est à M. Michel Houel.
L'idée d'une convention passée entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale et le département est très opportune. Toutefois, sa généralisation risquerait d'alourdir inutilement la mise en oeuvre du dispositif.
C'est pourquoi le présent amendement vise à ne rendre obligatoire la signature d'une convention que dans les communes et EPCI disposant d'un conseil local ou intercommunal de prévention de la délinquance.
L'amendement n° 248, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales, remplacer le mot :
détermine
par les mots :
peut déterminer
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
S'inscrivant dans la logique des amendements n° 104 rectifié et 129 rectifié, l'amendement n° 248 illustre lui aussi le fait que le projet de loi rend les choses plus complexes encore et que les sénateurs « rament », si je puis employer cette expression, pour essayer d'y réintroduire une certaine cohérence.
Il a donc pour objet que les conventions soient librement consenties. Ce n'est pas ici le principe qui est visé, comme dans les amendements précédents, mais plutôt le contenu : la discussion entre les collectivités est nécessaire et doit être volontaire ; à défaut, on risquerait d'aboutir à des coquilles vides.
L'amendement n° 7, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots :
le département détermine
supprimer le mot :
notamment
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement n° 164, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le 6° de cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Le sujet abordé dans cet amendement a déjà été plus ou moins évoqué, puisque le transfert de compétences dont il a été question aura des conséquences importantes. Dans la plupart des cas, en effet, les nouvelles compétences du maire seront, dans les faits, exercées par ses représentants, en particulier par nombre d'adjoints et de conseillers municipaux qu'il déléguera : dans les grandes villes, on le sait, le maire ne peut pas tout faire. Seront également concernées de nombreuses personnes à la légitimité parfois plus contestable.
La loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers assouplissait de façon tout à fait inacceptable le régime de la mise en oeuvre de la vidéosurveillance. Aujourd'hui, vous amoindrissez encore les garanties résiduelles en permettant aux responsables des établissements publics intercommunaux d'acquérir, d'installer et d'entretenir des dispositifs de vidéosurveillance. C'est un saut supplémentaire vers une situation dont l'ambiguïté ne fera que renforcer les risques de dérive et d'abus de droit.
Qui plus est, votre texte reste muet quant à la qualité des personnes chargées d'exploiter ce système de vidéosurveillance ou habilitées à visionner les images enregistrées et quant à l'utilisation de celles-ci.
Ces divers aspects nous laissent tout à fait pantois, et c'est la raison pour laquelle nous avons proposé cet amendement.
L'amendement n° 300, présenté par MM. Courtois, Dassault et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 6° de cet article pour l'article L. 5211-60 du code général des collectivités territoriales :
« Art. L. 5211 -60. - Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, il peut décider, sous réserve de l'accord de la commune d'implantation, en application de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, d'acquérir, installer et entretenir des dispositifs de vidéosurveillance. Il peut mettre à disposition de la ou des communes intéressées du personnel pour visionner les images. »
La parole est à M. Philippe Goujon.
L'objet de cet amendement est de favoriser le développement de la vidéosurveillance en précisant les compétences respectives de la commune et de l'EPCI pour la mise en oeuvre de ces dispositifs.
En effet, l'article 10 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, dont M. Courtois, cosignataire de cet amendement, avait été le rapporteur pour la Haute Assemblée, prévoit que les moyens de vidéosurveillance « peuvent être mis en oeuvre par les autorités publiques compétentes ».
En matière de prévention de la délinquance, il faut entendre par « autorité publique compétente » une autorité investie du pouvoir de police. Or, le président de l'EPCI n'ayant bien évidemment pas de pouvoir de police, seul le maire de la commune d'implantation peut décider de mettre en oeuvre un dispositif de vidéosurveillance.
L'amendement n° 242 rectifié bis, présenté par Mme Gourault, MM. Hérisson, Jarlier, Détraigne et Houel, est ainsi libellé :
Compléter le 6° de cet article par un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Les membres composant un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance sont autorisés à partager entre eux les informations et documents nécessaires à la continuité et à l'efficacité de leurs interventions. Les informations ainsi communiquées ne peuvent être divulguées à des tiers, non membres du conseil, sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
Comme l'amendement n° 241 rectifié bis pour les CLSPD, cet amendement a pour objet que le principe du secret partagé puisse être instauré dans les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, afin d'améliorer leur efficacité.
La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression n° 180 et 247. Je crois avoir suffisamment abordé ce point dans la discussion générale pour que mes collègues ne se formalisent pas du fait que je ne m'en explique pas davantage.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 293 rectifié, qui soulève un problème relativement complexe.
En effet, l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales dispose que « les maires sont informés sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie des infractions causant un trouble grave à l'ordre public », dans le respect du secret de l'instruction et de l'enquête. L'amendement n° 293 tendait à remplacer la notion d'« infractions causant un trouble grave à l'ordre public » par celle d'« actes graves de délinquance commis ». La commission n'est pas certaine que celle-ci soit plus précise ou soit plus large que celle-là.
Ce matin, Mme Troendle a rectifié ledit amendement, qui vise désormais à supprimer de l'article L. 2211-3 le qualificatif « grave ». Notre crainte est que le maire ne soit éventuellement débordé d'informations, ce qui peut être une façon de ne pas lui en donner : quand il y en a trop, c'est comme s'il n'y en avait pas assez.
Sur cet amendement, nous nous rangerons à l'avis du Gouvernement.
L'amendement n° 128 rectifié vise à affirmer la place particulière du département en matière de prévention de la délinquance, à laquelle sa compétence en matière d'action sociale contribue, indirectement, de façon importante. La précision apportée nous paraît tout à fait utile, et nous avons émis un avis favorable.
Aux termes de l'amendement n° 163, le maire ne ferait qu'animer la réflexion sur la politique de prévention de la délinquance : il ne s'agirait donc que de l'amorce de l'esquisse d'un début de compétence. Dans la mesure où cela nous paraît retirer toute sa portée à l'article 1er du projet de loi, nous émettons un avis défavorable.
La commission a émis à l'unanimité un avis favorable sur l'amendement n° 133 rectifié. Celui-ci précise en effet que, lorsqu'il existe un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, les communes de plus de 10 000 habitants membres de cet établissement public ne sont pas obligées de créer un CLSPD. Cela nous paraît effectivement frappé au coin du bon sens.
L'amendement n° 241 rectifié bis vise à lever partiellement le secret professionnel dans le cadre des CLSPD. Bien qu'il soit inspiré par l'Association des maires de France, la commission s'est prononcée défavorablement, et ce pour deux raisons.
D'une part, elle estime que la composition du conseil local est trop vaste pour autoriser une levée du secret. Les formations générales des CLSPD peuvent compter jusqu'à une cinquantaine de personnes : un secret partagé à cinquante n'est plus un secret du tout.
D'autre part, à la différence du conseil des droits et devoirs des familles, siègent souvent au sein des CLSPD, et c'est tout à fait naturel, des personnes dont les objectifs peuvent être diamétralement opposés. Il ne serait donc pas opportun d'ouvrir à ce point le secret, et les travailleurs sociaux risqueraient de considérer cela comme dommageable du point de vue de leur déontologie.
L'amendement n° 170 rectifié tend à prévoir que, à Paris, le CLSPD soit coprésidé par les maires d'arrondissement, par délégation du maire de Paris. La commission des lois a émis, là aussi, un avis défavorable, ce pour deux raisons : d'abord, elle redoute une complexité accrue, alors que la situation parisienne est déjà dérogatoire au droit commun ; ensuite, il est bien évident que les maires d'arrondissement, si c'est la volonté des électeurs, peuvent être d'une sensibilité politique différente de celle du maire de Paris, ce qui ajoute encore à la complexité et peut éventuellement nuire à la cohérence du plan général de prévention de la délinquance communal.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 103 rectifié au bénéfice de l'amendement n° 128 rectifié, dans lequel sont déjà posées la compétence particulière du département en matière d'action sociale et son autonomie par rapport à la politique de prévention de la délinquance. Il ne nous semble pas utile d'aller plus loin.
Sur le fond, nous n'avons bien évidemment aucune objection à la proposition de Mme Létard, et si d'autres rédactions permettaient de concilier ces deux amendements, je pense pouvoir affirmer, au nom de la commission, que nous n'y serions pas hostiles. Néanmoins, sa rédaction actuelle nous paraissant alourdir par trop les choses, nous demandons le retrait de cet amendement.
La commission n'ayant pu l'examiner, je ne m'exprimerai qu'à titre personnel sur le sous-amendement n° 319, qui vise à préciser qu'à Paris le plan de prévention de la délinquance est élaboré conjointement par le préfet de Paris et le préfet de police. Le préfet de Paris paraît être également compétent puisqu'il a la responsabilité de la politique de la ville et des affaires sanitaires et sociales. J'émets donc un avis favorable.
Sur l'amendement n° 318 rectifié, nous formulons une objection de forme et non de fond, car il nous semble redondant.
Mes chers collègues, si nous acceptions l'amendement, le début du second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales serait ainsi rédigé : « Le conseil général concourt aux actions de prévention de la délinquance, dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale. Il statue sur l'organisation et le financement des services et des actions sanitaires et sociaux qui relèvent de sa compétence, notamment des actions qui concourent à la politique de prévention de la délinquance. »
La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 104 rectifié tend à rendre facultative la conclusion de conventions entre le département et les communes pour coordonner leurs actions de prévention de la délinquance. La commission des lois en demande le retrait au profit de l'amendement n° 129 rectifié, qui limite le caractère obligatoire de ces conventions aux seules communes disposant d'un CLSPD ou aux EPCI comportant un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance.
S'agissant de l'amendement n° 129 rectifié, la commission émet un avis favorable sous réserve d'une légère rectification. Le 5° de l'article 1er du projet de loi prévoit en effet la conclusion obligatoire de conventions entre le département et les communes afin de coordonner leurs actions respectives en matière de prévention de la délinquance. Cet amendement vise donc à limiter la conclusion de cette convention aux seules communes de plus de 10 000 habitants et aux intercommunalités qui sont dotées d'un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. La généralisation de ces conventions risquerait à notre sens d'alourdir inutilement la mise en oeuvre du dispositif.
Il nous semble qu'il conviendrait de viser non pas l'article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales mais le deuxième alinéa dudit article. Dès lors, la commission émettrait un avis favorable.
L'amendement n° 248 a le même objet que l'amendement n° 104 rectifié. Il rendrait totalement facultative la conclusion de conventions entre le département et les communes. La commission en demande le retrait au profit de l'amendement n° 129 rectifié.
L'amendement n° 164 est totalement contraire à la position de la commission. Il remet en cause toute possibilité de prévention de la délinquance dans un cadre intercommunal. La commission émet un avis défavorable.
L'amendement n° 300 est un amendement de précision qui vise à rappeler que, dans un EPCI, chaque maire devra obtenir individuellement une autorisation préfectorale pour installer des systèmes de vidéosurveillance, même si c'est l'EPCI qui finance tout le réseau. C'est une façon de rappeler le caractère tout à fait propre de la compétence des maires en matière de police. La commission émet donc un avis favorable.
S'agissant de l'amendement n° 242 rectifié bis, la réponse est de même nature que celle qui a été faite précédemment. La commission émet un avis défavorable, car elle craint que cette levée de la confidentialité ne soit par trop dangereuse.
En ce qui concerne les amendements identiques n° 180 et 247, le Gouvernement émet un avis défavorable puisqu'il est, bien sûr, hostile aux amendements de suppression.
À ce stade de la discussion, permettez-moi de préciser de nouveau l'esprit de l'article 1er, car cet article a une histoire.
Depuis la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, le maire est associé par le préfet à la définition des actions de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité. Le décret de juillet 2002 a institutionnalisé les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, qui sont présidés par les maires et qui constituent l'instance de concertation des différents partenaires sur le plan local.
Cependant, il est vrai que les différentes politiques de prévention de la délinquance ne sont pas suffisamment coordonnées ; le constat à cet égard est à peu près unanime. Cela signifie qu'il manque une autorité qui soit clairement identifiée, qui soit capable d'agir dans la proximité et de faciliter la cohérence des différentes interventions. C'est pourquoi le projet de loi confie aux maires la responsabilité de la prévention de la délinquance. Mais cette attribution s'exerce dans le respect des compétences du préfet, de l'autorité judiciaire et des autres collectivités locales. Le rôle du maire est ainsi consacré, tout en fixant les limites de sa responsabilité.
Pour autant, nous avons entendu les préoccupations qui ont été exprimées sur les différentes travées de cet hémicycle, notamment de la part des présidents de conseils généraux.
Je remercie de nouveau MM. Mercier et de Broissia des signaux explicites qu'ils nous ont adressés. Je veillerai - je l'ai dit ce matin lors du congrès de l'Assemblée des départements de France - à ce que nous trouvions ensemble les formulations les plus appropriées pour bien manifester notre intention : nous ne souhaitons revenir ni sur les lois de décentralisation ni sur le rôle primordial que jouent aujourd'hui les départements en matière sociale.
Le Gouvernement a choisi de présenter d'abord devant la Haute Assemblée ce texte important, de manière qu'un certain nombre de remarques puissent être intégrées dans l'intérêt de tous.
J'en viens à l'amendement n° 293 rectifié. L'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales est issu de la loi de 2004 présentée par Dominique Perben, alors garde des sceaux, et le texte qui est proposé est inspiré du décret du 17 juillet 2002. Entre les deux, il est difficile de choisir.
Pour autant, je comprends la préoccupation de Mme Troendle. Les dispositions de 2002 comme celles de la loi Perben sont encore, il est vrai, inégalement appliquées. Il n'est donc pas question de fermer la porte à cette démarche visant à une application non seulement renforcée mais élargie de ces mesures.
A ce titre, la notion de « trouble grave à l'ordre public » nous semble trop restrictive. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement rectifié qui, en supprimant le mot « grave », retient la notion plus large et moins subjective de « trouble à l'ordre public ». Cela permettra d'assurer sans ambiguïté l'information du maire quand il s'agira de troubles de voisinage et de troubles touchant à la vie d'un quartier, puisque ce sont à l'évidence des troubles à l'ordre public.
Quant à l'application effective de ces dispositions, je m'engage devant vous à la rappeler aux services de la police et de la gendarmerie et je sais que le garde des sceaux agira de même auprès des parquets.
L'amendement n° 128 rectifié vise à faire une mention particulière du département dans l'ensemble des collectivités publiques ; le maire doit tenir compte des compétences du département dans sa politique de la prévention de la délinquance.
À l'évidence, l'objet du projet de loi n'est pas d'aller à l'encontre du mouvement de décentralisation qui, loi après loi, - ce débat a été tranché en 2004 - renforce le rôle confié au département en matière d'action sociale.
Il ne s'agit pas de créer une forme de concurrence entre les différents niveaux de collectivité. Nous donnons au contraire la priorité à la complémentarité, c'est-à-dire que nous veillons à mettre en place toutes les articulations nécessaires entre les différents dispositifs.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
L'amendement n° 163 vise à priver le maire de son pouvoir de coordonner la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance. Je ne sais pas, madame Boumediene-Thiery, comment vous envisagez concrètement la vie d'un maire qui animerait une politique sans en coordonner la mise en oeuvre. Ce serait ne faire que la moitié du chemin. Telle n'est pas la volonté du Gouvernement et il émet donc un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 4, avec un bon sens une nouvelle fois renouvelé, la commission propose de prévoir explicitement que le maire puisse être représenté par un adjoint ou un membre du conseil municipal dans son rôle de président de conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Cela permettra à l'évidence d'en favoriser le fonctionnement. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
L'amendement n° 133 rectifié vise à ne pas imposer la coexistence, sur le territoire d'un établissement public de coopération intercommunale, d'un conseil intercommunal et d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, tout en respectant la liberté de chaque maire de se doter, s'il le souhaite, de cette instance. Le Gouvernement émet un avis favorable.
L'amendement n° 241 rectifié bis tend à préciser que les informations et documents communiqués aux membres du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ne peuvent pas être divulgués auprès de tiers.
Il faut bien distinguer le rôle du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et celui que le projet de loi confie aussi bien au coordonnateur institué par l'article 5 qu'au conseil des droits et devoirs des familles créé par l'article 6.
Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance a vocation non pas à examiner des situations individuelles, mais à jouer un rôle de pilotage sur son territoire. Le Gouvernement souhaite éviter qu'il n'y ait une confusion en sous-entendant que les membres du CLSPD peuvent disposer d'informations couvertes par le secret professionnel.
Telle est la raison pour laquelle il demande le retrait de cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 170 rectifié, j'ai déjà répondu à un amendement de cette nature présenté par M. Pozzo di Borgo. Nous ne souhaitons pas bouleverser l'équilibre des pouvoirs à Paris, ni entre le maire et le préfet de police ni entre le maire et les maires d'arrondissements actuels ou futurs.
D'ailleurs, s'agissant du cas de Paris, il existe dans les arrondissements des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance qui ont permis d'aboutir à la signature, dans les vingt arrondissements, de contrats locaux de sécurité.
L'amendement n° 103 rectifié a, me semble-t-il, le même objet que l'amendement n° 128 rectifié, c'est-à-dire la réaffirmation solennelle dans le texte des compétences d'action sociale du département. Mais cette proposition est difficilement acceptable en l'état car, au 4° de l'article 1er, on se situerait dans le champ de la lutte contre l'insécurité et on inscrirait la réserve relative aux compétences d'action sociale du département à côté d'une réserve concernant les dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire. Ce n'est pas le meilleur moyen de clarifier les rôles respectifs des différentes institutions.
En revanche, monsieur Mercier, si vous retiriez cet amendement n° 103 rectifié et que vous présentiez un sous-amendement à l'amendement n° 128 rectifié pour bien viser les compétences d'action sociale confiées aux départements, le Gouvernement serait favorable à cette nouvelle rédaction.
J'en viens à l'amendement n° 5. Le projet de loi pose le principe selon lequel les actions de prévention conduites par les collectivités doivent être compatibles avec le plan de prévention de la délinquance adopté par le préfet. Je comprends que cette disposition puisse susciter quelques interrogations, en particulier au sein de la Haute Assemblée qui est attachée aux libertés locales et à la libre administration des collectivités locales. Cela mérite donc quelques explications.
La prévention de la délinquance est à la fois une politique locale et une politique nationale. Pour être efficace, elle doit être menée de manière cohérente et coordonnée.
J'ajoute que le fait de donner un cadre aux politiques locales de prévention de la délinquance par le biais du plan départemental constitue un élément important pour dissiper certaines inquiétudes tant des maires que de certains de nos concitoyens.
Pour autant, je comprends les interrogations que peut susciter la notion de compatibilité et, même si nous n'en avons pas parlé, mais cela va de soi, celle de conformité.
Pour lever toutes les ambiguïtés, je suis donc favorable à cet amendement.
L'amendement n° 6 vise à clarifier la répartition des compétences entre le maire de Paris et le préfet de police. À la différence de ceux que nous venons d'examiner, il s'agit d'un amendement de cohérence avec les dispositions déjà prévues par le projet de loi. En effet, dès lors que le maire et le préfet de police animent ensemble la politique de prévention de la délinquance, il n'y a plus lieu de prévoir que le préfet de police associe le maire à la prévention de la délinquance. Cette disposition reste en revanche tout à fait pertinente s'agissant de la lutte contre l'insécurité.
M. Goujon propose que le plan de prévention de la délinquance de Paris soit arrêté conjointement par le préfet de police et le préfet de Paris, compte tenu de leurs compétences respectives. Je n'y suis pas hostile.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 6 et au sous-amendement n° 319.
Avec l'amendement n° 318 rectifié, monsieur Peyronnet, vous souhaitez apporter une contribution à la clarification des rôles respectifs des différents niveaux de collectivités locales. M. le rapporteur vous a fait part des interrogations que suscite votre amendement. Le Gouvernement partage ces interrogations dans une large mesure.
Initialement, cet amendement était présenté par M. Bockel. Vous avez observé que nous avons retenu un certain nombre de ses propositions. Toutefois, je ne peux être favorable à l'amendement n° 318 rectifié et j'en demande le retrait.
J'en viens à l'amendement n°104 rectifié. L'article 1er prévoit que les départements passeront des conventions avec les communes et avec les établissements publics de coopération intercommunale pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance.
Sur ce point, le souci du Gouvernement est clairement de garantir la coordination entre ces différentes collectivités, afin qu'elles définissent conjointement les territoires prioritaires et, surtout, les moyens qu'elles engagent.
Le Gouvernement ne souhaite pas rendre cette convention facultative. La coordination des acteurs publics en matière de prévention de la délinquance est, sans doute plus que dans tout autre domaine, une nécessité et non pas une possibilité.
L'auteur de l'amendement a souligné, dans une observation pleine de bon sens, que l'obligation générale posée par le projet de loi était sans doute excessivement contraignante et très vraisemblablement peu réaliste. Que cette nécessité ne soit pas partout de même intensité, c'est une évidence. M. de Broissia nous propose d'ailleurs, dans l'amendement n° 129 rectifié, de limiter ces obligations aux seules villes de plus de 10 000 habitants et aux EPCI qui sont dotés d'un conseil intercommunal de prévention de la délinquance, c'est-à-dire au coeur de cible du projet de loi.
J'ajoute que la signature de la convention suppose un accord entre les parties sur le contenu de celle-ci et sur les moyens.
Au-delà de cette obligation apparente, le projet de loi préserve la liberté des collectivités locales, à laquelle vous êtes, monsieur Mercier, à juste titre très attaché.
Je vous invite donc à retirer l'amendement n° 104 rectifié au bénéfice de l'amendement n° 129 rectifié.
S'agissant précisément de l'amendement n° 129 rectifié, la nécessité de coordonner les actions de prévention de la délinquance que mène le conseil général dans son champ de compétences avec celles des communes et de leurs groupements n'a pas la même portée dans une commune rurale et dans une commune urbaine. C'est la raison pour laquelle il est proposé de limiter le champ de cette coordination aux communes et groupements qui constituent, comme je viens de le dire, le coeur de cible du texte et qui sont dotés des instances facilitant cette coordination, c'est-à-dire le conseil local ou le conseil intercommunal de prévention de la délinquance.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement n° 248 a le même objet que celui de M. Mercier. J'en demande donc le retrait au profit de l'amendement n° 128 rectifié.
En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 7 qui tend à supprimer le mot « notamment ».
Madame Boumediene-Thiery, je ne comprends pas très bien l'objet de votre amendement de suppression n° 164 puisque le sixième alinéa de l'article 1er renforce la dimension intercommunale de prévention de la délinquance.
S'agissant du caractère liberticide du régime de vidéosurveillance, je tiens à rappeler à la Haute Assemblée que le Conseil constitutionnel, qui a été saisi, n'a pas trouvé matière à censurer ces dispositions.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 164.
J'en viens à l'amendement n° 300. La LOPSI dispose effectivement que les systèmes de vidéosurveillance peuvent être mis en oeuvre par les autorités compétentes, en l'occurrence par les maires qui sont investis des pouvoirs de police.
Il faut donc qu'un EPCI qui décide de mettre en place un dispositif de vidéosurveillance recueille d'abord l'avis du maire de la commune d'implantation. Cette précaution me paraît indispensable et c'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Enfin, l'amendement n° 242 rectifié bis est très proche de l'amendement n° 241 rectifié bis. Ses auteurs souhaitent que les informations et documents communiqués aux membres du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance ne puissent être divulgués à des tiers. Qu'il soit intercommunal ou local, le conseil de sécurité et de prévention de la délinquance n'a pas vocation, je le répète, à examiner les situations individuelles ; il doit jouer un rôle de pilotage sur son territoire. Je ne souhaite pas qu'il y ait de confusion sur ce point. Si tel était le cas, cette confusion devrait désormais être dissipée.
Je souhaite donc le retrait de l'amendement n° 242 rectifié bis. À défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 180 et 247.
Je souhaite revenir sur deux points qui demeurent confus après cette longue discussion.
Tout d'abord, quelle est la position des associations d'élus sur ce texte ?
On nous a affirmé que tout le monde était content. Je continue de penser, à la lecture de ce qui a été publié sur ce sujet, que tel n'est pas le cas. Hormis l'Association des maires ruraux de France, qui ne comprend pas très bien en quoi peut consister la fonction de coordinateur pour un maire rural, l'Association des maires de France, l'Association des maires des villes de banlieue, comme les associations regroupant les petites villes et les villes moyennes adoptent des positions qui sont toutes le même modèle : d'un côté, elles reconnaissent avec satisfaction la gratification symbolique accordée aux maires qui deviendront des coordinateurs, des fédérateurs, mais, de l'autre côté, elles mettent unanimement en garde contre l'objet essentiel du texte, c'est-à-dire le caractère obligatoire des dispositions prévues, le risque de confusion lié au nouveau rôle du maire et le manque de moyens nouveaux pour accompagner ces mesures.
Ensuite, et c'est essentiel, on ne sait pas trop en quoi le rôle du maire sera différent.
D'une part, on nous dit : voilà enfin des mesures révolutionnaires, qui changent les choses. Avant Nicolas Sarkozy, il n'y avait rien !
D'autre part, lorsqu'on demande quel sera le rôle du maire, lorsqu'on souhaite savoir s'il pourra continuer à jouer son rôle de médiateur et quelles seront les conséquences de ce texte en matière de responsabilité pénale, on nous répond : Ne vous inquiétez pas, cela ne change rien !
Il faut savoir : soit c'est la révolution, soit on continue comme par le passé. L'ambiguïté est totale !
Tous ces éléments constituent pour moi un obstacle majeur au vote de ce texte.
Mon explication de vote vaudra également pour l'article 1er.
Les maires, qui sont bien évidemment au plus près du terrain, jouent un rôle essentiel dans l'animation et la coordination des actions de prévention de la délinquance.
Le texte que vous nous présentez va, doucement, faire glisser cette animation de la prévention vers une responsabilité de la sécurité, l'une étant la conséquence logique de l'autre : une mauvaise prévention entraîne de mauvais résultats, donc une mauvaise sécurité.
En outre, vous ne prévoyez pas de crédits supplémentaires. Les maires devront donc travailler à moyens constants.
Permettez-moi d'insister sur un point qui nous a profondément opposés à M. Sarkozy, à savoir les chiffres de la délinquance.
Si un maire ne dispose pas de données exactes, il travaillera dans le flou. Il pourra croire que la situation de sa commune s'est améliorée alors qu'elle s'est au contraire détériorée.
Je prendrai l'exemple de ma commune. J'ai bien conscience que les plaintes n'y sont pas toutes répertoriées. Malgré cela, la délinquance sur la voie publique augmente de 14 % alors qu'elle aurait dû diminuer de 24 %.
Les chiffres traduisent-ils la réalité de la délinquance sur le plan national ? Est-ce que l'on nous trompe ? Eh bien ! oui, manifestement, on nous trompe !
À l'appui de mon affirmation, permettez-moi de faire état d'un rapport sur les modalités d'évaluation de la qualité de l'accueil dans les services de police et de gendarmerie, qui a été établi par des responsables : contrôleur général de la police, inspecteur général de l'administration, inspecteur de l'administration, colonel de la gendarmerie nationale.
Je vous donne lecture de ce rapport : « L'illustration la plus flagrante en est indiscutablement la propension des services à ne pas systématiquement prendre de plaintes pour des faits apparemment avérés.
« Les dysfonctionnements à ce sujet sont au coeur de doléances itératives relayées par plusieurs canaux :
« selon la DGPN, le thème majeur des courriers relatifs à l'accueil adressés au cabinet du ministre traite de refus de prise de plainte ;
« et, selon les principales associations de victimes, le refus de prise de plainte est la question qu'elles placent sans hésitation, compte tenu de son acuité, au premier rang de celles auxquelles il convient à présent de s'attaquer. »
L'Observatoire national de la délinquance, dont je suis membre, a conduit une enquête de victimation, que j'ai suivie avec intérêt. Celle-ci a permis d'obtenir une première mesure globale.
Permettez-moi de vous donner également lecture de ses observations, car elles valent leur pesant d'or.
« L'analyse des chiffres publiés au mois d'octobre dernier par l'Observatoire national de la délinquance montre qu'en 2004, parmi les faits signalés aux services de police et de gendarmerie, ont été classés en main courante - donc pas comptés dans les chiffres de la délinquance, puisque le maire ne reçoit pas d'informations concernant les mains courantes - notamment :
« près d'un quart des vols et tentatives de vols (23, 2 %), soit près de 400 000 faits ;
« près d'un tiers des violences physiques (31, 8 %), soit plus de 92 000 faits ;
« et près d'un quart des vols avec violence (24, 8 %), soit plus de 36 000 faits ».
« Ainsi, s'agissant des vols ou des tentatives de vol de téléphones portables (qu'ils soient avec ou sans violence), ce sont plus de 158 000 faits déclarés aux services compétents qui auraient donné lieu à une seule inscription sur le registre de main courante, soit entre un cas sur 4 et un cas sur 5 des vols signalés. »
Et le rapport conclut en ces termes : « L'ampleur de ces chiffres surprend. »
Si j'insiste sur ce point, c'est parce que votre raisonnement est trop facile. Vous affirmez que vous avez fait baisser la délinquance - moins 9 % s'agissant de la délinquance générale et moins 24 % pour celle de voie publique - et vous en tirez argument pour justifier la poursuite de votre politique de répression.
Or la réalité est tout autre ! Le refus de déclarer les plaintes, qui sont simplement inscrites sur le registre de main courante, est devenu un sport national.
Tant que les mains courantes des commissariats n'auront pas été supprimées, les chiffres de la délinquance ne seront pas fiables. Vous me répondrez que, du temps du gouvernement de Lionel Jospin, il en allait déjà de même.
La police de la proximité était à l'écoute et elle enregistrait les plaintes ; j'ai pu l'observer dans la commune dont je suis le maire.
Pour que tout le monde s'accorde sur les statistiques, il faudra un jour ou l'autre supprimer ces mains courantes et confier aux procureurs, et non plus aux officiers de police, le pouvoir de décider si une plainte doit ou non être classée.
Pour être les animateurs de la politique de prévention de la délinquance, les maires doivent disposer de chiffres fiables et non d'interprétations. Le plus terrible, c'est que M. Sarkozy, qui a créé l'Observatoire national de la délinquance, n'attend pas que cet établissement fasse connaître ses statistiques : il les publie avant ! Cette méthode est sans doute plus sûre pour obtenir de bons chiffres.
Monsieur le ministre, vous faites fausse route, de façon générale, avec les lois sur la délinquance, car vos hypothèses de départ sont fausses ; vous proposez donc des mesures qui ne contribuent pas à la prévention de la délinquance.
Si vous agissez de façon identique à l'échelon local, si les maires, eux aussi, sont privés d'informations fiables, les mêmes erreurs risquent d'être commises, ce qui serait dommage pour nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Une mission avait été confiée sur ce thème à Robert Pandraud et Christophe Caresche, ce qui supposait un certain pluralisme. Or leur rapport est enterré depuis 2002, ce qui est regrettable, car il aurait pu contribuer utilement à la mise en place d'un nouvel outil statistique.
À l'évidence, les maires ont aujourd'hui beaucoup de pouvoir, et surtout de nombreuses responsabilités, ce qui mériterait, me semble-t-il, un débat plus large. C'est le sens de l'appel que nous avons adressé à tous les maires, et pas seulement aux maires communistes, pour leur expliquer que ce projet de loi méritait d'être rejeté et qu'en tout cas ils devaient, pour leur part, refuser d'exercer des responsabilités supplémentaires en matière de délinquance.
La loi pour la sécurité intérieure de 2003 a déjà attribué d'importants pouvoirs de police au maire et la loi sur l'égalité des chances de 2006 des attributions quasi-judiciaires. Or, avec ce texte, nous augmentons encore ses pouvoirs de police et nous lui attribuons clairement des pouvoirs de contrôle social qui, bien sûr, rendront extrêmement difficile sa mission ordinaire. En effet, le maire ne peut en même temps jouer un rôle de médiateur, garantir l'exécution des politiques pour lesquelles il a été élu et être le juge de ses concitoyens et le responsable de tout ce qui pose problème dans la commune.
D'ailleurs, qui peut croire que le maire n'est pas soucieux que tout se passe au mieux dans sa commune ? Le problème n'est pas là ! Il est évident que le maire s'intéresse à la prévention de la délinquance et à la sécurité. Toutefois, je crois qu'il ne peut à la fois être élu au suffrage universel et exercer un contrôle social sur la population de sa commune !
En outre, comment accepter que d'importantes politiques relevant de l'État soient de plus en plus fréquemment confiées aux maires, avec toutes les responsabilités qu'elles impliquent, sans que les conséquences en soient tirées s'agissant des finances locales ?
J'ai souligné tout à l'heure que, derrière ce projet de loi, se profilait un transfert des charges de police vers les collectivités territoriales, car la police nationale se désinvestit de plus en plus des missions de proximité. Il ne suffit pas d'ergoter sur la police de proximité, car celle-ci n'a rien à voir avec la proximité de la police avec les habitants !
Personne ne m'a contredite, mais rien n'a été dit des moyens dont disposeraient les collectivités locales et, en particulier, les communes, pour exercer les nouvelles attributions qui leur sont confiées. Pourtant, chacun le sait, tout transfert de compétence doit s'accompagner de transferts financiers de l'État vers les collectivités locales.
Mes chers collègues, je sais que je ne vous convaincrai pas et que je n'aurai pas de réponse sur ce point de la part du ministre des collectivités territoriales. Toutefois, les maires devraient se préoccuper activement de ce problème, car leur vision de ce projet de loi changerait peut-être. Ceux qui trouvent positif la reconnaissance de leur rôle - ce qui, en effet, est une nécessité -, pourraient dire alors s'ils approuvent vraiment le texte qui nous est soumis.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet article du projet de loi.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement est adopté.
Je suis saisie d'un sous-amendement n° 324, présenté par M. Mercier, qui est ainsi libellé :
Remplacer le texte proposé par l'amendement n° 128 rectifié pour remplacer les mots :
ainsi que des collectivités publiques
par les mots :
, des compétences d'action sociale confiées au département et des compétences des collectivités publiques
La parole est à M. Michel Mercier.
M. le rapporteur et M. le ministre m'ont tous deux indiqué que l'amendement n° 103 rectifié n'était pas forcément à sa place, et qu'il serait préférable de modifier la rédaction de l'amendement n° 128 rectifié de M. de Broissia.
C'est bien volontiers que je contribue à améliorer cette oeuvre collective en déposant ce sous-amendement n° 324 et en retirant l'amendement n° 103 rectifié.
L'amendement n° 103 rectifié est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 324.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
Les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre m'ont convaincu que, compte tenu du nombre des membres du CLSPD, le secret professionnel serait mis à mal.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
L'amendement n° 241 rectifié bis est retiré.
Monsieur Détraigne, l'amendement n° 170 rectifié est-il maintenu ?
L'amendement n° 170 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
L'amendement est adopté.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Oui, je le maintiens, madame la présidente.
En effet, dans le département dont je suis l'élu, le conseil général propose depuis quatre ans aux communes qui comptent des équipes de prévention de la délinquance de signer des conventions, qui ont exactement le même objet que celui qui se trouve visé dans les trois dernières lignes du 5° de l'article 1er du projet de loi : « le département détermine notamment les territoires prioritaires, les moyens communaux et départementaux engagés et leur mode de coordination, l'organisation du suivi et de l'évaluation des actions mises en oeuvre. »
Un certain nombre de communes ont accepté de signer ces conventions et cela fonctionne très bien. J'invite d'ailleurs ceux qui le voudront, notamment les représentants du ministère, à venir le constater sur place. Des réunions d'évaluation avec les maires ont lieu tous les quinze jours. Ces maires sont de toutes tendances politiques.
Plusieurs communes n'ont pas souhaité passer de convention, et ce pour une raison fort simple : elles devaient, comme cela est prévu, participer financièrement en apportant des moyens communaux. Or ces communes, pour des raisons qui leur sont propres, ne le souhaitaient pas.
Nous avons décidé, bien qu'aucune convention n'ait pas été passée, de continuer à mettre en place des équipes de prévention dans ces communes, car une action devait être menée.
Si nous adoptions le texte tel qu'il nous est présenté, la convention deviendrait obligatoire, puisqu'il est indiqué très exactement que la convention « détermine » les modes d'intervention.
Il me semble donc qu'il faut laisser aux communes la possibilité de passer de telles conventions, mais non leur imposer d'apporter des moyens dont elles ne disposent peut-être pas. Dans le même temps, on maintiendrait sur le territoire de ces communes la présence d'équipes de prévention ou de clubs de prévention.
C'est pourquoi nous maintenons l'amendement n° 104 rectifié, qui vise à prévoir le caractère facultatif des conventions.
Il s'agit ici non pas de préserver un pouvoir du département mais, au contraire, de permettre aux communes qui ne peuvent pas participer à ces actions, ou qui ne le souhaitent pas, d'en bénéficier quand même+.
L'amendement n'est pas adopté.
Monsieur Houel, acceptez-vous la modification suggérée par la commission pour l'amendement n° 129 rectifié ?
Je suis donc saisie d'un amendement n° 129 rectifié bis, présenté par M. de Broissia, Mme Garriaud-Maylam, MM. Huré, Grignon, Doligé, Milon, Besse, Cléach, Houel, Jarlier, Sido, Billard, Fournier, Esneu, Vial, Leroy et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et M. Retailleau, et ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214 1 du code général des collectivités territoriales, après les mots :
Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance
insérer les mots :
, dans les communes définies au deuxième alinéa de l'article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale définis à l'article L. 5211-59,
Je le mets aux voix.
L'amendement est adopté.
Je le maintiens, madame la présidente, d'autant qu'il a le même objet que l'amendement de M. Mercier.
Les collectivités territoriales doivent absolument conserver leur liberté dans ce domaine, faute de quoi les conventions perdront tout leur sens.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 242 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 223 :
Le Sénat a adopté.
L'amendement n° 249, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans chaque commissariat, il est créé un poste de travailleur social, financé conjointement par l'État et le département, qui aura pour mission, dès l'accueil des plaignants, d'assurer la prise en charge sur le plan social des publics en détresse dont le traitement et le suivi ne relèvent pas de la compétence ni des attributions de la police nationale et orienter et accompagner ces personnes vers les instances les plus adéquates grâce aux réseaux existants ou à créer le cas échéant. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
Cet amendement tend à créer des postes de travailleurs sociaux dans les commissariats, postes qui seraient cofinancés par les conseils généraux et l'Etat.
Cette proposition n'est pas nouvelle. Certains conseils généraux ont déjà mis en oeuvre une telle mesure depuis une quinzaine d'années, mais celle-ci n'a pas été généralisée, comme cela avait été imaginé à la suite du rapport de Mme Marie-Noëlle Lienemann en 1999.
L'intérêt d'un tel dispositif est double : il permet un meilleur accueil des victimes et, de ce fait, une meilleure orientation.
Le travailleur social peut constituer une interface entre la police et le monde social, alors que ces deux parties ne communiquent pas toujours facilement : elles obéissent parfois à des logiques, à des idéologies différentes. Le travailleur social permet, en quelque sorte, de les souder et d'obtenir des informations à la fois plus fiables et plus rapides et un meilleur ciblage des personnes vulnérables ou en situation de risque. Le conseil général est ainsi à même de mieux travailler à la prévention.
Par ailleurs, et c'est ce qui justifie la participation de l'État au financement de ces postes, les travailleurs sociaux doivent contribuer à la reconnaissance du droit des victimes. Ils améliorent les conditions d'accueil des victimes.
Il s'agit d'un vaste chantier qui avait été ébauché au commencement de l'an 2000, mais qui n'a pas été mené à son terme faute de moyens. Le gouvernement actuel a privilégié la répression.
Il me semble nécessaire de réfléchir aux conditions d'accueil des victimes : c'est une question majeure. Les travailleurs sociaux, au contact des victimes d'agression ou d'autres délits, doivent assurer un accueil et une information plus adaptés. Ils doivent permettre aux victimes de mieux connaître leurs droits et de les faire respecter.
L'objectif poursuivi est tout à fait pertinent. Les premières expériences montrent d'ailleurs la grande utilité de ces travailleurs sociaux, notamment en ce qui concerne l'accueil des victimes.
La commission note également que le financement serait réparti entre l'État et les départements. Les auteurs de l'amendement ne demandent donc pas à l'État de financer la totalité de cette mesure.
Toutefois, la question du financement n'est pas totalement réglée. La portée normative de cet amendement n'est pas évidente. Et la généralisation de ce dispositif à tous les commissariats pourrait peut-être poser problème.
La commission souhaite donc connaître l'avis du Gouvernement, notamment afin d'obtenir des informations quant au nombre de travailleurs sociaux actuellement présents au sein des commissariats et s'agissant des objectifs que se fixe le Gouvernement en ce domaine.
Cet amendement vise à créer dans chaque commissariat un poste de travailleur social qui serait financé, pour partie du moins, par le département.
Sur le fond, j'approuve l'idée de développer la présence de travailleurs sociaux au sein des commissariats : cela permettrait sans doute une meilleure prise en charge des victimes.
Je rappelle d'ailleurs que Nicolas Sarkozy, ministre d'État, avait lui-même demandé l'extension de ce réseau, qui compte aujourd'hui trente postes. Ce sont donc quarante-six postes qui sont en cours de création, en partenariat avec les collectivités volontaires, et le volontariat est ici d'importance. Le ministre de l'intérieur a adressé une circulaire en ce sens aux préfets le 1er août dernier.
Nous bénéficions également de la très efficace coopération des associations d'aide aux victimes.
Enfin, pour faire face à la montée des violences, notamment intrafamiliales, nous avons décidé d'ouvrir les commissariats à des psychologues. On peut considérer qu'au 1er janvier 2007 une trentaine de psychologues seront affectés aux commissariats.
Je vois dans une telle démarche le signal positif que les collectivités s'engageront dans ce dispositif. Pour autant, je ne suis pas favorable à ce qu'une obligation en la matière figure dans le code de l'action sociale et des familles, d'autant que la présence des travailleurs sociaux dans les commissariats est déjà très encadrée.
En clair, à une démarche unilatérale et contraignante, je préfère une démarche progressive et qui avance à son rythme, rythme que j'estime positif.
C'est pourquoi je préconise le retrait de l'amendement.
La préparation du rapport sur la sécurité des mineurs qu'avec Luc Rudolph j'ai remis, voilà près de deux ans, au ministre de l'intérieur m'a amenée à visiter l'ensemble des départements où cette expérience des travailleurs sociaux en commissariat était conduite, expérience menée pour la première fois dans les Yvelines et dont l'initiative revient à ce même Luc Rudolph, à qui je voudrais rendre hommage.
Il s'agit d'une expérience remarquable, mais je ne crois qu'elle puisse être généralisée de la même façon sur l'ensemble du territoire.
Cela étant, monsieur le ministre, il est en effet important qu'elle soit largement connue, car elle permet de conduire une action de prévention conjointe, ce qui permet d'éviter certains drames.
Madame Hermange, si vous me le permettez, j'apporterai une petite correction à vos propos : c'est non pas dans les Yvelines qu'a eu lieu la première expérience, mais à Limoges, alors que j'étais président du conseil général, et nous avons travaillé avec M. Rudolph.
Monsieur le ministre, je connais bien ce dossier et c'est pourquoi je propose cette solution.
J'ignorais que vous aviez envoyé une circulaire, mais, si vous demandez un financement total par les communes, il est compréhensible que les maires soient réticents, à l'image de ces trois maires de la région parisienne qui ont fait l'objet d'une saisine par le préfet pour créer, à la charge de leur commune, des postes de travailleurs sociaux dans les commissariats.
Cependant, le fait que les conseils généraux soient responsables de l'action sociale et ma propre expérience m'incitent, au regard des très bons résultats obtenus dans mon département - je sais, madame Hermange, que M. Rudolph a ensuite fait « essaimer » l'expérience dans d'autres départements -, à vous dire que nous pouvons, si vous le voulez, en rester là, mais que cette question devra être reprise à un moment donné pour déterminer par qui seront financés les postes de travailleurs sociaux en commissariat.
Je conçois qu'imposer une telle mesure puisse créer des problèmes, mais soyez assurés que si ces postes sont cofinancés les maires seront beaucoup moins réticents qu'ils ne le sont actuellement.
Je devine le sort qui sera réservé à mon amendement, mais je le maintiens et j'exprime le souhait que la question soit reprise.
Je veux insister sur ce que vient de dire M. Peyronnet.
Je fais partie des maires qui, dans mon département, ont été sollicités par le responsable de la police du département pour créer un poste de travailleur social dans le commissariat de leur commune. J'étais, bien sûr, favorable à cette proposition tout à fait positive. Eh bien ! m'a-t-il été dit, il faut que vous déléguiez un salarié à ce poste, lequel sera payé par la commune, mais exercera dans le commissariat.
Outre le fait que les communes ne sont pas responsables de l'action sociale, j'ai quand même trouvé « fort de café » que l'on fasse la manche auprès d'une commune pauvre pour financer un accueil social, auquel elle est évidemment favorable, mais qui devrait relever de la responsabilité conjointe du département et de l'État, puisque cet accueil serait assuré sous la responsabilité départementale et dans un lieu où exercent des fonctionnaires d'État.
J'insiste, monsieur le ministre, car il est peut-être possible de trouver un terrain d'entente. Certes, il est un peu péremptoire de prévoir la création d'un poste dans chaque commissariat et sans doute conviendrait-il de préciser qu'il doit s'agir d'une démarche volontaire, mais permettre une telle coopération est une nécessité.
Je suis désolé d'avoir à vous dire que, dernièrement, j'ai été obligé de demander à Mme la commissaire de venir me voir en raison de l'attitude de certains fonctionnaires se conduisant comme des shérifs. On peut aussi être victime de certaines attitudes policières et, dans ce cas, la présence d'un travailleur social peut permettre d'adoucir les moeurs.
M. Charles Pasqua s'exclame.
Monsieur Pasqua, vous avez toujours été partisan de la manière forte, voire très forte, mais cela n'a jamais donné de bons résultats ! Au contraire : quand on veut juguler la violence par la violence, on augmente la violence. Ce genre de petite guerre est inadmissible sur les travées de notre assemblée.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de ne pas rejeter cet amendement et de faire en sorte que nous puissions trouver un terrain d'entente. Nous n'y parviendrons peut-être pas dans l'immédiat mais, en mettant en quelque sorte cet amendement en réserve, nous nous donnerions le temps d'y réfléchir pour y revenir plus tard dans la discussion.
Je veux préciser un point et formuler une proposition.
Tout d'abord, monsieur Peyronnet, comme pour la circulaire, il n'a visiblement pas été porté à votre connaissance qu'une réunion du comité interministériel de prévention de la délinquance qui s'est tenue au mois de mai dernier a prévu, sans entrer dans le détail, le principe d'une participation financière de l'État pouvant aller jusqu'à 50 % du budget des projets sur une période de trois ans, ce qui répond à votre préoccupation.
L'État ne fait donc preuve ni d'incompréhension ni d'inaction en ce domaine, mais accomplit au contraire un effort. Je ne mets pas du tout en cause la sincérité de votre intervention ; je vous communique un élément d'information que vous n'aviez pas.
Ensuite, monsieur Mahéas, dans votre intervention, je mets de côté les propos injustifiés concernant l'action menée par Charles Pasqua lorsqu'il était ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour m'en tenir au fond de votre proposition : je ne suis pas hostile à ce que nous prenions quelques minutes pour affiner la rédaction de l'amendement, car si, comme vous le proposez, l'on se place sur la base du volontariat, je ne suis pas défavorable à ce que l'on inscrive ces mesures dans la loi.
La commission rejoint d'autant plus volontiers M. le ministre qu'elle a déjà manifesté son intérêt pour cette proposition.
Afin de permettre l'élaboration d'une nouvelle rédaction, je demande donc, madame la présidente, une brève suspension de séance.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.
La séance est reprise.
Je suis saisie d'un amendement n° 249 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus- Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud- Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene- Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Une convention entre l'Etat, le département et, le cas échéant, la commune peut prévoir les conditions dans lesquelles un ou plusieurs travailleurs sociaux participent, au sein des commissariats, à une mission de prévention à l'attention des publics en détresse. »
La parole est à M. le président de la commission des lois.
Cet amendement me paraît excellent en ce qu'il permet de développer un partenariat entre les départements et les commissariats ; je pense qu'il s'agit là d'une disposition suffisante pour le moment.
Cela étant, la France dispose, à l'heure actuelle, de deux forces de sécurité, celle des villes et celle des campagnes, et il existe de très grosses brigades de gendarmerie, qui sont parfois situées dans les zones périurbaines. Dès lors, ne devrait-on pas, au cours de la navette, s'intéresser également aux gendarmeries, sauf à prétendre que les gendarmes accomplissent un travail social et que la présence de travailleurs sociaux n'est pas nécessaire ; mais ce serait sans doute excessif !
À l'évidence, j'émets un avis favorable sur cet amendement n° 249 rectifié.
J'indiquerai simplement à M. Hyest qu'il convient de profiter du délai que nous laisse la navette pour étendre le processus à la gendarmerie.
Sous réserve de cette remarque, je rejoins la position défendue par M. le président de la commission des lois.
Je souhaite vous faire part de mon étonnement devant l'objet de cet amendement : « Il convient de poursuivre l'effort engagé par le Gouvernement...».
Or, depuis le début de l'examen de ce texte, tant les sénateurs du groupe CRC que les travailleurs sociaux ou certains professionnels travaillant en liaison étroite avec les collectivités locales, notamment les départements, ne cessent d'émettre de vives protestations contre le texte qui nous est présenté.
Lors de la suspension de séance, vous avez tout de même réussi le tour de force de glisser dans l'objet de l'amendement un élément tout à fait significatif, à savoir que ce texte est non seulement dangereux, mais aussi et surtout électoraliste. Ainsi est confirmé le fait que le Gouvernement persévère dans sa démarche de stigmatisation d'un certain nombre de publics et, surtout, poursuit des visées électorales, ce qui est très largement dénoncé dans notre pays.
Il est vrai que l'objet de cet amendement offre peut-être au Gouvernement l'occasion de se tailler une part qui n'est pas tout à fait la sienne.
Cela étant, ce qui restera, c'est le texte de l'amendement et non pas son objet, et si M. Muzeau craint la collaboration de classes, qu'il se rassure : nous sommes tout à fait hostiles à la philosophie générale du texte qui nous est soumis, texte que nous rejetons en bloc.
Toutefois, cela ne nous empêche pas de penser que toute amélioration en faveur des familles et des victimes est une bonne chose.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 2.
Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À l'article L. 121-2, après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Actions de prévention de la délinquance. » ;
2° L'article L. 121-6 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 121-6. - Par convention passée avec le département, une commune peut exercer directement tout ou partie des compétences qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2.
« La convention précise l'étendue et les conditions financières du transfert de compétences. Les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la commune. »
Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 181 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 250 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 181.
Cet article contient deux dispositions que nous refusons catégoriquement.
La première disposition tend à inscrire dans le code de l'action sociale et des familles que l'une des missions d'action sociale menées par le département est la prévention de la délinquance.
Cette mesure dénature complètement la mission principale de chef d'orchestre de la protection de l'enfance qui est celle du conseil général. De façon plus insidieuse encore, elle entretient la confusion voulue entre protection de l'enfance et prévention de la délinquance. De quelle délinquance est-il question ? La protection de l'enfance doit-elle être confondue avec les actions de prévention de la délinquance ?
Cet amalgame est particulièrement inquiétant.
Nous savons tous que M. le ministre d'État aime à proclamer haut et fort que la meilleure prévention reste la répression. Que restera-t-il des missions d'action sociale des départements en direction de l'enfance et de la jeunesse ?
Et cette inquiétude est nourrie par la seconde disposition de l'article, car celle-ci va dans le même sens. Elle prévoit, en effet, que, par dérogation, une commune peut se voir octroyer les pouvoirs du président du conseil général en matière d'action sociale.
Cette mesure s'annonce particulièrement floue et complexe. Comment les services d'un département pourront-ils être mis à la disposition d'une commune ? On peut même s'interroger sur l'avenir des centres d'action sociale.
Au-delà de ces incohérences, c'est surtout le fond de cette disposition qui est alarmant. Pourquoi retirer ses prérogatives au président du conseil général ? Pour des raisons d'efficacité, de proximité ?
L'argument de l'inefficacité des services départementaux n'est pas recevable. En effet, les initiatives sont nombreuses, les réussites aussi, même si elles sont moins visibles que les échecs. Ce sont les moyens qui manquent, en personnel notamment.
Tout le monde le sait, cette disposition n'est qu'un moyen d'accroître la répression sur certaines catégories de population. Vous souhaitez centraliser les informations de toute sorte concernant les familles pour justifier une politique d'exclusion.
Si un tel article était adopté, le maire se retrouverait omnipotent, sans aucun contre-pouvoir. Les citoyens n'auraient aucun moyen pour contrer les décisions que celui-ci pourrait prendre de façon tout à fait arbitraire.
Le code de l'action sociale et des familles prévoit trois types d'action relevant de la responsabilité du département : des actions tendant à permettre aux intéressés d'assurer leur propre prise en charge et leur insertion sociale, des actions dites de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu, enfin des actions d'animation socio-éducatives. Le Gouvernement propose d'ajouter une quatrième compétence, et c'est ce que nous récusons.
La suppression de l'article 2 se justifie pour trois raisons.
Premièrement, l'extension du champ des compétences du département en matière de prévention de la délinquance représenterait un glissement du champ éducatif vers le champ sécuritaire, au risque de dénaturer la mission d'action sociale des conseils généraux.
Ce n'est pas parce que le département exerce des compétences à la lisière de la prévention de la délinquance qu'il doit nécessairement recourir à des actions en ce domaine où il n'est pas directement compétent ; cela ne relève pas de sa mission.
La protection de l'enfance et l'action sociale font l'objet d'une législation et de procédures spécifiques, dont la responsabilité incombe aux conseils généraux dans un maillage étroit avec les autorités judiciaires, les travailleurs sociaux et les associations. La présence de ces deux dernières catégories d'acteurs nous rappelle d'ailleurs que la prévention spécialisée est une forme d'action éducative née en 1945. En d'autres termes, la prévention spécialisée s'inscrit dans le prolongement de l'action éducative, et non de la prévention à vocation répressive.
Par ailleurs, les missions de protection de l'enfance ne doivent pas être confondues avec la prévention de la délinquance. Avec cette nouvelle mesure, le département pourrait participer à toutes formes d'actions de prévention de la délinquance, y compris celles qui ne revêtiraient plus un aspect social. Les animateurs de la prévention spécialisée prédisent que de nombreuses associations seraient déconventionnées et leurs actions remises en causes dans le cadre d'appels d'offre aujourd'hui obligatoires au profit d'associations qui seraient retenues parce qu'elles auraient inscrit dans leur cahier des charges, prioritairement, un objectif de sécurité et de contrôle.
Deuxièmement, cette spécificité en matière d'action sociale doit être préservée et confirmée, sauf à créer des incohérences et des confusions hasardeuses entre le rôle du département et celui des communes. Lorsque les institutions se mettent à croître démesurément, c'est mauvais signe : à force d'ajouter des compétences, des organismes, à force de compliquer, de créer de nouvelles strates, on rend le dispositif illisible. C'est cette confusion que nous ne cessons de dénoncer depuis le début de ce débat.
Troisièmement, la possibilité de délégation des compétences du département en matière d'aide sociale existe déjà, mais elle reste peu utilisée en direction des communautés urbaines ou des communautés d'agglomération, sinon de façon exceptionnelle en dehors de Paris.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de l'article 2.
L'amendement n° 130 rectifié, présenté par M. de Broissia, Mme Garriaud-Maylam, MM. Huré, Grignon, Doligé et Milon, Mme B. Dupont, MM. Besse, Cléach, Houel, Jarlier, Sido, Billard, Fournier, Esneu, Vial, Leroy et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et M. Retailleau, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 121-6 du code de l'action sociale et des familles :
« La convention précise l'étendue et les conditions financières de la délégation de compétence, ainsi que les conditions dans lesquelles les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la commune. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
Cet amendement vise à la fois à lever une ambiguïté et à combler une lacune.
S'agissant de l'ambiguïté, l'article 2 utilise l'expression « transfert de compétences ». Il convient de lui préférer celle de « délégation de compétences ». En effet, le transfert est définitif et la délégation provisoire. À plusieurs reprises, il a été rappelé que les lois de décentralisation avaient confié la compétence sociale au département.
Pour ce qui est de la lacune à combler, il convient, bien entendu, d'inclure les moyens financiers dans le champ de la convention, mais les présidents de conseils généraux souhaitent y inclure également les services mis à disposition. Il convient d'apporter cette précision dans l'article, afin que cela soit explicitement prévu dans les futures conventions.
L'amendement n° 105 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 121-6 du code de l'action sociale et des familles :
Elle précise également les conditions dans lesquelles les services départementaux concourent à la mise en oeuvre du présent article.
La parole est à M. Michel Mercier.
L'amendement n° 105 rectifié est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes 3° et 4° ainsi rédigés :
3° Le III de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
a) Les mots : « d'aide sociale que celui-ci lui confie » sont remplacés par les mots : « qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles ».
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La convention précise l'étendue et les conditions financières de la délégation. Les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la communauté urbaine. »
4° Le V de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
a) Les mots : « d'aide sociale que celui-ci lui confie » sont remplacés par les mots : « qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles ».
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La convention précise l'étendue et les conditions financières de la délégation. Les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la communauté d'agglomération. ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les autres amendements.
L'amendement n° 8 vise à mettre en cohérence les conditions de délégation de compétences, d'une part, entre le département et la commune, d'autre part, entre le département et les établissements publics de coopération intercommunale, c'est-à-dire les communautés urbaines et les communautés d'agglomération. Actuellement, la terminologie utilisée n'est pas la même, ce qui pourrait susciter des interprétations divergentes.
S'agissant des amendements identiques n° 181 et 250, la commission émet un avis défavorable.
Concernant les délégations de compétences, j'ai quelques difficultés à comprendre votre raisonnement, Mme Mathon-Poinat. Ces dispositions remontent à la loi du 22 juillet 1983 ; elles ont donc été mises en place par une majorité que vous souteniez. Si elles n'ont pas donné des résultats très importants sur le plan quantitatif, il n'en reste pas moins qu'elles répondent aux principes affirmés lors de l'acte I de la décentralisation.
Pour ce qui est de la compétence des départements en matière de prévention de la délinquance, je perçois mal la dichotomie dans les fonctions des clubs de prévention entre l'aspect social et la prévention de la délinquance.
De nombreux départements - notamment celui du Nord, dont je suis l'élu -, incitent les clubs de prévention à se préoccuper exclusivement des vieux adolescents, si je puis m'exprimer ainsi, ou des jeunes adultes. Ils se heurtent à d'importantes difficultés pour convaincre les éducateurs spécialisés, qui oeuvrent de façon tout à fait remarquable à des heures où d'autres ne travaillent généralement plus, à centrer leurs actions sur des publics beaucoup plus jeunes, où la dimension sociale est beaucoup plus marquée.
Aujourd'hui, il s'agit davantage du suivi individuel de jeunes adultes rencontrant de très grandes difficultés. C'est donc déjà un travail de prévention de la délinquance.
S'agissant de l'amendement n° 130 rectifié, la commission émet un avis favorable. L'expression « délégation » est en effet préférable à celle de « transfert » : la délégation entraîne une possibilité de précarité, alors que le transfert présente un caractère définitif.
Par ailleurs, assouplir la rédaction de l'article sera de nature à inciter un plus grand nombre de départements à déléguer certaines de leurs compétences aux communes.
S'agissant des amendements identiques n° 181 et 250, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Il est prévu que le département apporte, au travers de ses actions sociales, notamment celles qui sont relatives à la prévention spécialisée, un concours à la prévention de la délinquance, en prévenant la marginalisation des personnes et en facilitant leur insertion. La coopération entre le département et les communes pourra être mise en oeuvre en fonction des besoins locaux : elle pourra concerner aussi bien l'aide sociale que la prévention spécialisée ou l'action sociale départementale. Une convention fixera l'étendue de la délégation.
Dans ces conditions, comment considérer que l'effort qui est engagé pour définir le rôle de chaque niveau de collectivité aboutirait à un démantèlement de l'action sociale et familiale des départements ?
L'amendement n° 130 rectifié concerne les conventions qui permettront à un département de déléguer tout ou partie de ses compétences d'action sociale à une commune. La mise à disposition des services concernés du conseil général est prévue, afin d'éviter les doublons et de favoriser non seulement les délégations de compétences, mais aussi les transferts d'expériences.
Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur le principe de mise à disposition, qui figure dans le droit positif actuel. Il émet donc un avis favorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l'amendement n° 8, le Gouvernement ne peut que partager le souci de rendre homogènes les conditions dans lesquelles un département peut déléguer ses compétences en matière d'action sociale, que le délégataire soit la commune, la communauté urbaine ou la communauté d'agglomération.
Cette mise en cohérence étant très utile, le Gouvernement émet un avis favorable
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 2 est adopté.
I. - La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs est ainsi modifiée :
1° Après l'article 13-2, il est inséré un article 13-3 ainsi rédigé :
« Art. 13-3. - Les autorités organisatrices de transports collectifs de voyageurs concourent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers dans ces transports. » ;
2°Après la première phrase du quatrième alinéa de l'article 21-1, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Elle concourt aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers dans ces transports. »
II. - Après la deuxième phrase du premier alinéa du II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Il concourt aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers. »
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 182, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
L'article 3 du projet de loi organise la participation des autorités administratives de transports collectifs de voyageurs aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers. Il vise donc indirectement les régions puisque, y compris l'Île-de-France, elles sont maintenant des autorités organisatrices de transports collectifs.
De ce fait, elles devront à l'avenir concourir aux actions d'une part, de prévention de la délinquance, et, d'autre part, de sécurisation des usagers, ce qui est également une nouveauté, et non plus se contenter seulement des actions de sécurité technique.
Deux remarques peuvent être formulées.
Tout d'abord, la rédaction de cet article consacre légalement la possibilité offerte aux autorités administratives de transports collectifs de généraliser, par exemple, la mise en place de dispositifs de vidéosurveillance. Sur ce point, les membres de mon groupe partagent les inquiétudes émises par Mme Boumediene-Thiery lors de la présentation de l'un de ses amendements.
Une telle mesure ne constitue pas un progrès pour les voyageurs, non seulement parce que ces derniers seront filmés lors de tous leurs déplacements sans savoir ce que deviendront ces films, mais aussi parce que la vidéosurveillance n'empêche pas la commission d'une infraction. Les membres du groupe CRC ayant développé cette idée à l'occasion de l'examen de la loi sur le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, je n'y reviendrai pas.
Par ailleurs, le transfert de compétence de l'État vers les régions est, en l'occurrence, évident. Une fois de plus, l'État se décharge de ses missions fondamentales, en l'espèce la sécurité, sur les collectivités locales.
Or, la sécurité des voyageurs est confiée aux régions sans aucun transfert financier, ce qui est manifestement en contradiction avec le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.
Par conséquent, sans ce transfert financier indispensable, ce seront inévitablement les impôts locaux et le prix du billet de transport qui financeront ces actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers.
Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer cet article 3.
L'amendement n° 299, présenté par MM. Karoutchi, Courtois et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Dans le II de cet article, après les mots :
il concourt
insérer les mots :
, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat,
La parole est à M. Michel Houel.
La rédaction actuelle de l'article 3 ne permet pas d'inclure dans le décret en Conseil d'État envisagé, en application de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, la définition des modalités du concours de l'autorité organisatrice de transports compétente dans la région d'Île-de-France, à savoir le syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers.
Par conséquent, il est nécessaire de compléter le dispositif proposé par un nouvel ajout à l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, ce qui permettra de préciser les mesures envisagées dans un décret unique, s'appliquant sur l'ensemble du territoire.
La commission est bien évidemment défavorable à l'amendement n° 182, qui tend à supprimer l'article 3 du projet de loi.
Ce dernier tend à placer la prévention de la délinquance parmi les responsabilités collectives. De ce fait, au-delà du maire, du conseil général, de l'État, les autorités organisatrices de transports doivent également exercer des compétences en la matière.
Par ailleurs, s'il était présent en cet instant dans cet hémicycle, le président de la communauté urbaine de Lille, dont j'ai été vice-président pendant longtemps, pourrait peut-être mieux que moi encore évoquer l'importance de la présence de dispositifs de vidéosurveillance pour assurer une sécurité élémentaire dans le métro, le tramway et, plus généralement, dans les transports en commun de voyageurs.
L'amendement n° 299, quant à lui, tend simplement à préciser qu'un décret en Conseil d'État fixera les conditions dans lesquelles le syndicat des transports d'Île-de-France concourt aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers. Cette précision est tout à fait naturelle, puisque l'article 3 fait référence à un tel décret à l'égard des autres autorités organisatrices de transports collectifs de voyageurs. La commission émet donc un avis favorable.
Madame Assassi, j'ai déjà évoqué vos principales préoccupations lors de la discussion générale comme cet après-midi.
Le Gouvernement rejoint la position de la commission sur l'amendement n° 182 et émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 299 a pour objet de réparer un oubli. En effet, la rédaction actuelle de l'article 3 ne permet pas d'inclure le STIF dans le décret qui encadrera l'élaboration d'un plan de sécurité et de prévention de la délinquance. Pour cette raison, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 3 est adopté.
1° Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa de l'article 35, après les mots : « procureurs de la République » sont insérés les mots : «, en ce qui concerne tant la prévention que la répression des infractions à la loi pénale, » ;
b) Après l'article 39, il est inséré un article 39-1 ainsi rédigé :
« Art. 39-1. - Dans le cadre de ses attributions en matière d'alternative aux poursuites, de mise en mouvement et d'exercice de l'action publique, de direction de la police judiciaire, de contrôle d'identité et d'exécution des peines, le procureur de la République veille à la prévention des infractions à la loi pénale.
« À cette fin, il anime et coordonne dans le ressort du tribunal de grande instance la politique de prévention de la délinquance dans sa composante judiciaire, conformément aux orientations nationales de cette politique déterminées par l'État, telles que précisées par le procureur général en application des dispositions de l'article 35. » ;
2° L'article L. 2211-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités d'échange d'informations prévues au présent article peuvent être définies par les conventions mentionnées aux articles L. 2215-2 et L. 2512-15 que signe également le procureur de la République. »
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 251, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
L'article 4 du projet de loi nous semble inopportun pour deux raisons.
Il est vrai que si le traitement des plaintes et des procès-verbaux individuels constitue l'axe majeur des missions du procureur de la République, ce dernier est aussi chargé d'appliquer la politique pénale définie par le Gouvernement. Le présent projet de loi ajoute à ses missions la prévention de la délinquance.
Mais, en pratique, comment le ministère public s'y prendra-t-il ? Par définition, une infraction n'est constituée qu'à partir du moment où un acte délictueux est commis. Avant la commission de l'infraction, le parquet n'a pas vocation à être saisi. La simple intention n'est pas, en principe, punissable. Par conséquent, dans un tel cas de figure, les missions confiées au procureur de la République sont ambiguës.
Qu'il soit chargé de l'application de la loi pénale et donc, éventuellement, de la prévention de la récidive est justifié, mais il n'en est pas de même pour ce qui concerne la prévention de la délinquance.
De surcroît, l'article 4 risque d'entretenir un climat de défiance entre le juge des enfants et le procureur.
Rappelons que l'article 38 du présent projet de loi vise à étendre explicitement au tribunal pour enfants les dispositions de l'article 399 du code de procédure pénale actuellement applicables au tribunal correctionnel. J'ai déjà évoqué cette question lors de la discussion générale. Cependant, en renforçant le rôle du ministère public, le projet de loi risque d'accroître l'emprise de ce dernier sur le magistrat du siège, spécifiquement sur le juge des enfants à l'égard duquel le projet de loi que nous examinons fait preuve d'une grande défiance.
Les préoccupations d'ordre public et de célérité des décisions de justice vont prendre le pas sur les considérations éducatives. Il est à craindre que l'équilibre entre les fonctions civiles et pénales de la juridiction des mineurs ne soit rompu.
Ces raisons font partie de celles qui nous ont conduits à être opposés au présent projet de loi, dont la philosophie ne nous satisfait pas, comme nous avons pu l'indiquer à plusieurs reprises.
L'amendement n° 10, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le troisième alinéa (b) du 1° de cet article pour insérer un article 39-1 dans le code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est également consulté par le représentant de l'État dans le département avant que ce dernier n'arrête le plan de prévention de la délinquance. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 251.
Cet amendement tend à prévoir la consultation du procureur de la République sur le plan de prévention de la délinquance avant que ce dernier ne soit arrêté par le préfet, puisque le procureur de la République devient l'une des autorités en charge de la prévention de la délinquance.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 251, il est à noter une opposition de fond entre M. Peyronnet et la majorité des membres de la commission des lois. En effet, ces derniers estiment que prévention et sanction ne font pas l'objet d'un clivage aussi étanche que notre collègue semble le supposer.
Nous avons d'ailleurs un peu de mal à comprendre que les maires puissent à la fois reprocher que le procureur de la République ne soit pas assez associé à l'élaboration des contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et ne noue pas de suffisamment relations de confiance avec les élus locaux et évoquer parallèlement une éventuelle confusion des missions dès lors que ledit procureur est intégré à cette action de prévention.
Au contraire, il est de l'intérêt des uns et des autres que les différents partenaires agissent de conserve. Associer encore plus les autorités judiciaires à la prévention de la délinquance permettra d'améliorer non seulement la prévention, mais également la réponse à l'infraction.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Tout d'abord, monsieur Peyronnet, vous êtes un élu local de longue date. Comme nous tous dans cette enceinte, vous connaissez les conseils départementaux de prévention de la délinquance, mis en place régulièrement par les préfets. Dans l'hypothèse où le procureur de la République n'y participerait pas, je vous imagine aisément prendre la parole pour dénoncer cette absence. Vous seriez le premier choqué. Or, le procureur assiste auxdits conseils. Je suppose que vous avez déjà pu le constater à Limoges.
En réalité, de quoi s'agit-il ? L'article 4 vise à consacrer législativement une pratique qui relève actuellement du domaine réglementaire. Il ne s'agit en aucun cas, comme vous l'avez soutenu, d'une atteinte à l'indépendance du juge du siège. Vous faites fausse route.
À ce jour, la présence du procureur de la République dans les différents conseils départementaux de prévention de la délinquance est déjà effective, même si elle peut paraître quelque peu subsidiaire puisqu'elle n'est pas expressément prévue par un texte législatif. Or, il convient de la rendre essentielle et obligatoire afin, notamment, qu'il donne un avis autorisé sur le plan de prévention de la délinquance.
À ce sujet, monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous faire remarquer que, par définition, s'il est présent, c'est bien pour donner son avis. Par conséquent, la demande formulée par la commission dans l'amendement n° 10 est presque un peu redondante.
Comme chacun le sait, la prévention de la délinquance fait bien partie des responsabilités du parquet.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 251 et favorable à l'amendement n° 10.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur l'amendement n° 251.
Je n'ai pas du tout été convaincu par les explications, ni de M. le rapporteur, ni de M. le garde des sceaux. Si la situation actuelle est satisfaisante, pourquoi avoir recours à la loi ? C'est bien la manifestation d'une volonté de procéder autrement et de renforcer la position de tel ou tel.
Lorsque nous étudierons ultérieurement le cas du maire, nous vous tiendrons des propos semblables au sujet des rappels à l'ordre. Pourquoi vouloir absolument inscrire dans la loi une situation de fait ? Des changements d'attitude et de comportement, nécessaires, doivent être notés.
Conforter la présence du procureur dans ce cadre là va de pair avec les dispositions figurant à l'article 18 relatives à l'audiencement.
Il existe un danger quant à la mainmise sur les magistrats du siège.
Je partage totalement les propos de M. Peyronnet. Quelle est l'utilité de faire relever du domaine législatif un état de fait jusqu'à présent d'ordre réglementaire ? En réalité, il s'agit d'une volonté affirmée du Gouvernement de donner plus de poids au parquet. En l'occurrence, on peut s'interroger sur la distinction opérée entre prévention de la délinquance et prévention de la récidive.
D'ailleurs, tout le texte est imprégné de cette préoccupation - si l'on peut dire ! - de la prévention de la récidive, qui suscite un battage médiatique.
Cependant, la prévention de la délinquance touche un domaine beaucoup plus large - certes, la présence du procureur est prévue, mais pourquoi pas celle des juges pour enfants ? - et correspond, pour nous, à une position de fond.
Nous aurons l'occasion de revenir sur le deuxième attendu de l'amendement de M. Peyronnet lors de l'examen de l'article 38.
Il ne faut pas nous prendre pour des idiots ! Cette nouvelle disposition législative n'est absolument pas indispensable au bon fonctionnement des conseils locaux.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'amendement est adopté.
L'article 4 est adopté.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS DE PRÉVENTION FONDÉES SUR L'ACTION SOCIALE ET ÉDUCATIVE
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 113 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A- Le chapitre VI du titre II du livre II du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 226-2, il est inséré un article L. 226-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 226 -2 -1. - Sans préjudice des dispositions du II de l'article L. 226-4, les personnes qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ainsi que celles qui lui apportent leur concours transmettent dans les meilleurs délais au président du conseil général ou au responsable désigné par lui, conformément aux dispositions de l'article L. 226-3, toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l'être, au sens de l'article 375 du code civil. Lorsque cette information est couverte par le secret professionnel, sa transmission est assurée dans le respect des dispositions de l'article L. 221-6-1. Cette transmission a pour but de permettre d'évaluer sa situation et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur en sont préalablement informés selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant. » ;
2° L'article L. 226-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 226 -3. - Le président du conseil général est chargé du recueil, du traitement et de l'évaluation, à tout moment et quelle qu'en soit l'origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être. Le représentant de l'État et l'autorité judiciaire lui apportent leur concours.
« Des protocoles sont établis à cette fin entre le président du conseil général, le représentant de l'État dans le département et l'autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d'une cellule opérationnelle de recueil, de traitement et d'évaluation de ces informations.
« Après évaluation, les informations individuelles font, si nécessaire, l'objet d'un signalement à l'autorité judiciaire.
« Les services publics, ainsi que les établissements publics et privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l'être, participent au dispositif départemental. Le président du conseil général peut requérir la collaboration d'associations concourant à la protection de l'enfance.
« Les informations mentionnées au premier alinéa ne peuvent être collectées, conservées et utilisées que pour assurer les missions prévues au 5° de l'article L. 221-1. Elles sont transmises sous forme anonyme à l'observatoire départemental de la protection de l'enfance prévu à l'article L. 226-3-1 et à l'Observatoire national de l'enfance en danger prévu à l'article L. 226-6. La nature et les modalités de transmission de ces informations sont fixées par décret. » ;
3° L'article L. 226-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 226 -4. - I. - Le président du conseil général avise sans délai le procureur de la République :
« 1° Lorsqu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil et que les actions mentionnées aux articles L. 222-3 et L. 222-4-2 et au 1° de l'article L. 222-5 ne permettent pas de remédier à la situation ;
« 2° Lorsqu'un mineur est présumé être en situation de danger au sens de l'article 375 du code civil et qu'il est impossible d'évaluer cette situation, ou que la famille refuse manifestement d'accepter l'intervention du service de l'aide sociale à l'enfance ou qu'elle est dans l'impossibilité de collaborer avec le service.
« Le président du conseil général fait connaître au procureur de la République les actions déjà menées, le cas échéant, auprès du mineur et de la famille intéressés.
« Le procureur de la République informe dans les meilleurs délais le président du conseil général des suites qui ont été données à sa saisine.
« II. - Toute personne travaillant au sein des organismes mentionnés au quatrième alinéa de l'article L. 226-3 qui avise directement le procureur de la République de la situation d'un mineur en danger adresse une copie de cette transmission au président du conseil général. Lorsque le procureur a été avisé par une autre personne, il transmet au président du conseil général les informations qui sont nécessaires à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance confiée à ce dernier. » ;
B- Après l'article L. 226-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 226-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 226 -2 -2. - Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale, le tuteur, l'enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant. »
La parole est à Mme Valérie Létard.
Cet amendement reprend deux articles du projet de loi relatif à la protection de l'enfance, l'un ayant trait au signalement des mineurs en danger, l'autre au secret professionnel partagé.
Compte tenu de la similitude des sujets traités par ces deux articles avec l'objet du présent projet de loi, nous avons souhaité interroger solennellement le Gouvernement pour qu'il nous garantisse que l'examen du texte relatif à la protection de l'enfance sera bien poursuivi et qu'une véritable réflexion sur l'articulation entre ces deux projets de loi sera entamée.
Le fait que les sujets traités par ces deux textes soient très proches est susceptible de créer une confusion pour les acteurs de la protection de l'enfance. En outre, il nous semble important de signaler clairement notre attachement au texte relatif à la protection de l'enfance, qui a déjà fait l'objet, ici, d'un travail long, sérieux et concerté.
Nous espérons donc que la navette parlementaire nous permettra de progresser sur cette question.
M. Philippe Bas, ministre, fait un signe d'assentiment.
L'amendement n° 306 rectifié, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 226-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale, le tuteur, l'enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant. »
L'amendement n° 305 rectifié, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 226-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Sans préjudice des dispositions du II de l'article L. 226-4, les personnes qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ainsi que celles qui lui apportent leur concours transmettent dans les meilleurs délais au président du conseil général ou au responsable désigné par lui, toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l'être, au sens de l'article 375 du code civil. Lorsque cette information est couverte par le secret professionnel, sa transmission est assurée dans le respect des dispositions de l'article L. 221-6-1. Cette transmission a pour but de permettre d'évaluer sa situation et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur en sont préalablement informés selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant. »
La parole est à M. André Lardeux.
Ces deux amendements ont le même objet.
En juin dernier, notre assemblée examinait et votait à l'unanimité des suffrages exprimés le projet de loi relatif à la protection de l'enfance. Celui-ci prévoit un dispositif de coordination et de partage d'informations entre les professionnels qui interviennent dans le champ particulier de l'action sociale.
Selon ce dispositif est confiée de façon logique au département la coordination des interventions sociales en la matière. Il permet aux travailleurs sociaux, normalement soumis au secret professionnel, d'échanger entre eux des informations sur les situations individuelles sans encourir de mise en cause de leur responsabilité pénale.
Très équilibré, il avait recueilli l'assentiment de toutes les parties prenantes, qu'il s'agisse des élus, des professionnels ou des associations représentant les enfants victimes de maltraitances.
Le présent projet de loi traite lui aussi de la question de la coordination des travailleurs sociaux et du partage des informations entre intervenants. Malheureusement, il prévoit en la matière un mécanisme sensiblement différent de celui que nous avons adopté en juin dernier.
Or, quoi qu'on en dise, ces procédures concerneront les mêmes travailleurs sociaux et la problématique des familles en grande difficulté se trouve souvent à cheval entre la protection de l'enfance et l'action sociale générale.
Il me paraît donc indispensable de coordonner ces deux textes. D'ailleurs, lors du débat, au mois de juin dernier, chacun était convenu de cette nécessité, aussi bien les différents intervenants dans l'hémicycle que le Gouvernement.
Plus encore, il est primordial que le projet de loi sur la protection de l'enfance, qui fait l'objet d'une forte attente sur le terrain, aille à son terme.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale l'a déjà étudié et a élaboré son rapport. Il devrait donc être possible d'avancer rapidement sur ce sujet.
Vous l'aurez compris, messieurs les ministres : ces deux amendements sont des amendements d'appel ou, si je puis me permettre, des piqûres de rappel. Ils reprennent la rédaction des articles 5 et 7 du projet de loi relatif à la protection de l'enfance. J'attends un engagement du Gouvernement de poursuivre la navette dans les meilleurs délais et des précisions sur le calendrier qu'il envisage.
Si le projet de loi sur l'enfance devait ne pas aboutir, j'estime, au nom du principe selon lequel un « tiens vaut mieux que deux tu l'auras », que l'adoption de ces amendements dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance permettra au moins d'avancer sur la question du signalement des enfants en danger.
Comme, de plus, je suis présomptueux, je suis d'avis que leur adoption permettrait de gagner du temps dans l'examen de l'article 5, qui va débuter dans quelques instants.
J'ajoute que la question du secret professionnel est extrêmement sensible, non seulement pour les travailleurs sociaux, qui, bien sûr, risquent à chaque fois la mise en cause, malgré les précautions qu'ils peuvent prendre - il ne faudrait pas que, dans chacun des deux textes, on aboutisse à des positions divergentes - mais aussi pour les familles concernées, puisque des informations parfois très confidentielles seront puisées au sein de leur intimité.
L'avis de la commission est similaire sur les trois amendements, puisque tous trois posent exactement le même type de problèmes : elle souhaite leur retrait.
Ils tendent, comme vient de le dire M. Lardeux, à ce que soient repris dans le présent projet de loi les articles 5 et 7 du texte relatif à la protection de l'enfance, qui a été adopté en juin dernier par le Sénat.
Ces articles sont relatifs à la procédure du secret partagé en matière de protection de l'enfance et au dispositif départemental de signalement des enfants en danger.
Comme je l'ai indiqué devant la commission, le présent projet de loi n'est nullement incompatible avec le texte relatif à la protection de l'enfance et ne remet absolument pas en cause le rôle de chef de file du département en matière d'action sociale.
L'article 5 du présent projet de loi, qui a trait au partage de l'information, fixe un cadre général.
Toutefois, en matière de protection de l'enfance, la procédure applicable sera spécifique en raison de la nature même des problématiques qui lui sont liées. Nous nous trouvons dans l'hypothèse de l'application d'une règle assez traditionnelle, selon laquelle le spécial déroge au général.
J'ajoute que le projet de loi relatif à l'enfance a une cohérence très forte et que le dépouiller de deux articles fondamentaux n'aurait, à mon avis, pas de sens. Si nous adoptions ces articles, y aurait-il encore un espoir pour que, globalement, le texte restant soit lui-même adopté ?
J'ai cru comprendre que le dépôt de ces amendements était guidé par le principe de précaution. J'ai entendu le Gouvernement s'engager de la manière la plus ferme, à trois reprises déjà, à ce que les deux projets de loi aillent de concert au terme du parcours parlementaire. La répétition étant l'art de la pédagogie, je ne doute pas qu'il pourra le répéter une quatrième fois.
Cette demande de retrait va dans le sens de la préoccupation exprimée par les auteurs des amendements.
Je tiens, tout d'abord, à remercier les auteurs de ces amendements : en effet, ils ont entendu renouveler leur soutien à la réforme de la protection de l'enfance, examinée dans cette enceinte voilà maintenant quelques mois et adoptée sans la moindre opposition de quelque groupe que ce soit de cette assemblée...
..., et même avec l' « abstention positive » du groupe socialiste, que rappelait hier M. Godefroy.
Ce projet de loi, qui a été élaboré au terme d'une grande concertation et qui vise tout simplement à promouvoir les meilleures pratiques de protection de l'enfance, à développer la prévention mais aussi à diversifier les modes d'action en faveur des enfants en difficulté, sera, je l'espère, adopté également - en tout cas examiné - par l'Assemblée nationale avant la fin de cette année.
Je réitère là un engagement formulé non seulement par le Gouvernement, ici même, hier, au cours du débat, mais aussi par le Président de la République, lors de l'entretien du 14 juillet dernier qu'il a accordé à plusieurs chaînes de télévision. Je rappelle, d'ailleurs, que, lors de l'examen du texte relatif à la protection de l'enfance en conseil des ministres, il avait souhaité que ce dernier soit adopté avant la fin de cette année 2006.
Il s'agit donc bien, pour le Gouvernement, d'une priorité.
De même est une priorité la discussion du présent projet de loi, relatif à la prévention de la délinquance.
Le Gouvernement est soucieux de la bonne articulation de ces deux textes qui, bien que l'un concerne l'action sociale et l'autre l'aide sociale à l'enfance, s'inspirent des mêmes principes, notamment - nous allons le voir en examinant l'article 5 - s'agissant du partage de l'information, de la coordination et du rôle respectif du président du conseil général et du maire, et souhaite donc qu'ils connaissent une égale progression au sein du Parlement afin d'aboutir à deux grandes lois d'ici à la fin de cette année.
J'espère être parvenu à rassurer les auteurs de ces amendements et, peut-être, ceux des membres de cette assemblée qui s'inquiètent au sujet de la discussion de ces projets à l'Assemblée nationale.
Tous deux y seront examinés d'ici à la fin de cette année.
Sous le bénéfice de ces explications, je demande à mon tour aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer.
Mon souhait n'est pas que nous n'ayons plus, ici, l'occasion de traiter de textes relatifs à la protection de l'enfance. Bien au contraire !
Je rappelle, une fois de plus, que la clé de la réussite de toute politique d'accompagnement des jeunes vers la réussite de leur projet de vie réside dans l'équilibre entre une véritable prévention précoce, une véritable action familiale et sociale menée dès la petite enfance, et - nous en avons très peu parlé jusqu'à présent et j'espère que nous aurons l'occasion d'aborder ce sujet plus tard - la prévention spécialisée, conduite par les départements.
Celle-ci concerne aujourd'hui les jeunes de quatorze à dix-huit ans. Or, les jeunes âgés de dix à quatorze ans commencent à connaître des problèmes du fait, quelquefois, d'un système qui fait qu'ils sont plus vulnérables, plus fragiles, plus sujets à des risques de dérive vers la délinquance.
Les jeunes peuvent bénéficier de l'accompagnement dispensé par les clubs de prévention à partir de treize ou quatorze ans mais, bien souvent, il est trop tard. Une action éducative menée plus tôt, dès l'âge de dix ou onze ans, serait sans doute beaucoup plus efficace.
Ainsi, dès les premières difficultés rencontrées par le jeune, dès les premières difficultés rencontrées par sa famille pour l'accompagner, il conviendrait de mettre en place une mesure d'action sociale et familiale. Elle pourrait consister en un retour à l'école ou un travail en relation avec les services de l'éducation nationale, par le biais des dispositifs de réussite éducative. C'est bien cette réflexion que nous devons engager, afin d'articuler les mécanismes existants avec les dispositions du présent projet de loi.
Le sujet ne doit pas être éludé. Il y a véritablement des liens à trouver entre le volet « prévention spécialisée », qui doit être mis en oeuvre en liaison avec les départements, et les propositions que nous sommes en train d'examiner. Dans le cadre de cette navette parlementaire, dans le cadre du travail mené sur ce texte par toute l'équipe gouvernementale, notamment par vous-même, monsieur Bas, nous pourrons peut-être trouver de nouveaux liens et de nouvelles articulations. Il s'agira alors de les mettre en oeuvre, pour ne plus avoir l'impression que la seule solution à notre disposition à l'égard des jeunes, c'est la sanction.
Certes, vous avez tous travaillé dans le même sens, mais votre action n'est pas lisible. L'objectif est de trouver un équilibre. C'était ce que nous voulions rappeler par cet amendement, que, bien évidement, je vais retirer.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, l'essentiel était de préciser les choses. Je vous fais effectivement confiance puisque vous venez de prendre l'engagement de poursuivre le travail sur la protection de l'enfance, pour que le projet de loi soit voté avant la fin de l'année.
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Il serait en effet dommage de « mettre au panier » tout le travail qui a été réalisé avec les conseils généraux, les services sociaux de terrain et les services de votre ministère et d'oublier les promesses d'aujourd'hui. J'espère que vous tiendrez compte de mes observations.
L'amendement n° 113 rectifié est retiré.
Monsieur Lardeux, les amendements n° 306 rectifié et 305 rectifié sont-ils maintenus ?
L'objectif était, bien sûr, d'obtenir des assurances de la part du Gouvernement, ce qui a été fait. J'en prends acte et je n'ai pas de raison, bien au contraire, de mettre en doute les propos de M. le ministre, qui s'est clairement engagé sur ce sujet.
Simplement, sur le secret professionnel, il ne faudrait pas que les règles édictées dans les divers textes soient trop différentes les unes des autres, s'agissant notamment des exceptions prévues. Si les travailleurs sociaux ne sont pas soumis aux mêmes règles en matière de partage du secret professionnel selon les actions menées, ils seront incités, pour se protéger, à ne rien partager du tout, je vous le garantis !
Après l'article L. 121-6-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 121-6-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-6-2. - Lorsque la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou de personnes composant une même famille, constatée par un professionnel de l'action sociale telle que définie à l'article L. 116-1, appelle l'action de plusieurs intervenants, celui-ci en informe le maire de la commune de résidence pour assurer une meilleure efficacité de l'action sociale.
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille, un coordonnateur est désigné parmi eux par le maire, après consultation du président du conseil général. À défaut, le président du conseil général peut procéder à cette désignation.
« Ces professionnels et le coordonnateur sont autorisés à partager les informations et documents nécessaires à la continuité et à l'efficacité de leurs interventions. Les informations ainsi communiquées ne peuvent être divulguées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal.
« Le professionnel intervenant seul dans les conditions prévues au premier alinéa et le coordonnateur sont autorisés à révéler au maire ou à son représentant, au sens de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, les informations confidentielles qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif. »
Messieurs les ministres, l'article 5 est l'un des piliers de la politique de prévention que vous nous proposez : il prévoit d'assurer une coordination, qui, si elle est effectivement mise en place au moment adéquat, permettra d'éviter bien des drames.
M. le ministre d'État a cité hier l'exemple du petit Nicolas. Neuf intervenants ont été consultés sur ce dossier, mais il n'y a eu aucune coordination entre eux. Comme nombre de mes collègues qui ont également été chargés du secteur de l'aide sociale à l'enfance, je me suis toujours interrogée sur le fait qu'autant d'enfants maltraités et violentés étaient si tardivement orientés vers l'ASE, jusqu'au jour où je me suis aperçue qu'il pouvait y avoir jusqu'à dix-sept intervenants sur un même dossier et que la situation d'urgence et de prévention n'entrait donc pas en ligne de compte ! Au sein même du conseil général, il n'existait aucune coordination entre les services. Même à Paris, où il est possible de réunir ces compétences, le département, la commune et les CHU ne se coordonnaient pas.
La situation a commencé à évoluer lorsqu'un gynécologue du Var a pris conscience du problème en découvrant un jour dans Var Matin qu'une femme qu'il avait suivie pendant sa grossesse avait défenestré son enfant âgé de quatre mois. Il a alors mis en place un staff sanitaire et social, à l'instar des staffs médicaux, pour assurer une bonne coordination, poser le bon diagnostic et, au final, délivrer la bonne ordonnance.
Au demeurant, j'avais moi-même préconisé d'assurer la coordination de l'ensemble des intervenants autour d'un chef de réseau, à savoir le gynécologue à la maternité et le directeur à la crèche ou à l'école. Ainsi, lorsqu'un élève trop souvent absent appartient à une famille connue de l'assistante sociale, lorsqu'un bébé ne supportant pas la crèche est le énième enfant d'une mère qui a subi des violences, une telle coordination est essentielle : il faut aider au mieux les professionnels à travailler sur l'ensemble des données, pour qu'ils disposent d'une vision qui ne soit plus uniquement parcellaire. Il importe donc de faire le bon choix, au moment adéquat, en identifiant les professionnels qui seront concernés, ainsi que l'instance qui sera chargée de les coordonner.
C'est dans ce but que j'avais déposé le sous-amendement n° 176 rectifié. Or, dans l'amendement n° 11 rectifié, la commission des lois a décidé de reprendre l'essentiel du dispositif que j'ai proposé et qui, je le répète, me paraît fondamental. Madame la présidente, j'en remercie vivement mes collègues et je retire donc par avance ce sous-amendement.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le chapitre II, notamment ses articles 5, 6 et 7, engendre la confusion.
S'agissant du rôle du maire en matière de coordination de l'action sociale, la définition retenue dans le projet de loi est en contradiction avec celle de l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles, lequel énonce : « Le département définit et met en oeuvre la politique d'action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l'État, aux autres collectivités territoriales ainsi qu'aux organismes de sécurité sociale. Il coordonne les actions menées sur son territoire qui y concourent. »
En définitive, qui fait quoi ?
Une telle confusion des rôles risque de conduire à des malentendus regrettables et d'instaurer une concurrence entre les prérogatives du maire et celles du conseil général. Dans tous les cas, cette situation paradoxale conduira le maire à coordonner l'intervention de services qui relèvent d'une autre collectivité.
S'agissant du secret professionnel partagé, une confusion apparaît également, cette fois-ci entre les dispositions du projet de loi réformant la protection de l'enfance, qui a été voté en première lecture au Sénat, et celles qui nous sont soumises aujourd'hui. Le législateur aurait pu imaginer plus de cohérence entre ces deux textes : d'une session à l'autre, nous sont proposées deux versions différentes sur le même sujet !
Les logiques affichées dans ces deux textes sont, il est vrai, diamétralement opposées : la prévention pour l'un, la répression pour l'autre !
D'un coté, le secret professionnel est strictement bordé. Seules les personnes préalablement et également soumises au secret professionnel peuvent se partager les informations, qui restent confidentielles à l'égard des tiers.
De l'autre, le secret professionnel explose. Les informations peuvent être partagées avec des professionnels, qui ne sont d'ailleurs pas soumis au secret professionnel, et peuvent être révélées à un tiers, notamment au maire.
Tout cela participe à la confusion. Comment les travailleurs sociaux vont-ils pouvoir s'y retrouver ?
D'un coté, la vie privée est préservée et respectée ; de l'autre, elle est sacrifiée à un intérêt de sécurité publique. Je le répète, alors que le projet de loi réformant la protection de l'enfance privilégie l'action sociale, le texte relatif à la prévention de la délinquance met en avant la répression et l'exclusion.
En outre, la mise en place du contrat de responsabilité parentale n'échappe pas à cette confusion.
Dans le décret paru le 1er septembre dernier, en corrélation avec les dispositions de la loi pour l'égalité des chances, c'est le président du conseil général qui propose un tel contrat. Dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui, c'est le maire qui peut proposer l'accompagnement parental.
Comment la coordination va-t-elle s'effectuer ?
Les mesures proposées ici diffèrent peu de celles qui sont proposées dans la loi pour l'égalité des chances. Ainsi, aux termes de l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles inséré par cette dernière, en cas d'absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement d'un établissement d'enseignement ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale, il pourra être proposé un contrat de responsabilité parentale.
Par conséquent, deux formes d'accompagnement parental sont en train de se mettre en place. Nous assistons à une superposition des rôles avec, d'un coté, le conseil général dans le rôle du gentil, puisqu'il fera de la prévention et, de l'autre, le maire dans le rôle du méchant, puisqu'il fera de la répression.
M. Michel Mercier approuve.
Le risque de confusion prévaut également pour ce qui est de l'aide à la gestion ou au contrôle de la gestion des prestations familiales.
Ainsi, le présent projet de loi fait intervenir les caisses d'allocations familiales pour la mise en place d'une aide à la gestion des prestations familiales, alors que le projet de loi réformant la protection de l'enfance met en place un accompagnement en économie sociale et familiale.
D'un coté, il s'agit de s'attacher à gérer le budget des familles qui ont des difficultés pour répondre aux besoins de leurs enfants : c'est une mesure éducative et préventive. De l'autre, il s'agit de pénaliser les familles des enfants dont le comportement est susceptible de compromettre l'ordre public : c'est une mesure répressive.
En définitive, nous sommes, non plus dans l'éducatif, mais dans la sanction.
Par ailleurs, le risque de confusion et de mauvaise coordination apparaît également en matière de tutelle aux prestations familiales.
Dans le texte réformant la protection de l'enfance, cette tutelle est supprimée et remplacée par une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial relevant du code civil.
Dans le présent projet de loi, le professionnel coordonnateur d'une commune peut, dans le cadre des dispositions du code de la sécurité sociale, exercer la tutelle aux prestations familiales. D'un coté, on supprime, de l'autre, on renforce !
Messieurs les ministres, avez-vous pensé aux travailleurs sociaux ?
Outre le fait qu'ils seront pieds et poings liés à la politique sécuritaire du maire, comment pourront-ils s'y retrouver dans cet amalgame et dans cette confusion des rôles et des textes ?
Les membres de la commission des affaires sociales, qui ont travaillé sur ces deux textes, sont à même, aujourd'hui, de relever toutes ces incohérences. À ce sujet, le rapport de M. About est tout à fait révélateur, et nous partageons bon nombre de ses positions.
Deux logiques s'opposent, deux postures idéologiques semblent s'affronter. Mais qui va gagner ? Il semble aujourd'hui que le texte réformant la protection de l'enfance n'ait jamais existé. À cet égard, monsieur Bas, nous aurions aimé vous voir intervenir hier dans la discussion générale, mais il est vrai que vous, vous n'êtes pas en campagne électorale !
Pourtant, ce texte, que nous avons adopté en première lecture, est fondamental et constitue le socle du dispositif.
C'est indéniable, les enfants délinquants sont souvent des enfants en difficulté. Par conséquent, ce qui est bon pour la protection de l'enfance est évidemment, au final, bon pour la prévention de la délinquance des mineurs.
Or, dans le climat politique de cette rentrée, le risque est majeur qu'une nouvelle fois le débat sur la délinquance vienne polluer celui sur la protection de l'enfance.
La protection sociale doit être la règle et le préliminaire à toute politique dans ces domaines, l'intervention de la justice devant être réservée à résoudre les conflits, pour garantir le droit de chacun.
En conclusion, le trop grand recours à la justice et la multiplication des sanctions et des mesures de répression nous inquiètent. La lutte contre la délinquance passe, à notre avis, par une augmentation de l'offre de service social aux familles, dans le respect des compétences de chacun, et non pas par des réponses textuelles et artificielles, comme celles qui nous sont aujourd'hui proposées.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Les articles que nous nous apprêtons à examiner sont particulièrement dangereux. S'ils sont votés, ils vont mettre en pièce, sachons-le, toute notre tradition d'action sociale.
Dans ce chapitre II, la confusion est totale entre les enjeux sociaux d'une politique de la famille et les questions liées à la délinquance. D'ailleurs, cette confusion n'a pas échappé au rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, et je me permettrai de citer plusieurs des positions énoncées dans son rapport.
À ses yeux, en effet, il ne faudrait pas que ce texte conduise à une confusion des rôles. Il note pourtant que, en matière d'action sociale, la plupart des moyens d'intervention ne relèvent pas de la commune.
M. About dit comprendre le souci du Gouvernement, mais il indique immédiatement après que la délégation de compétence, avec le président du conseil général en tant que maître d'oeuvre, aurait encore plus de sens que les modifications sur lesquelles nous sommes appelés à délibérer.
Sa deuxième observation concerne le contrat de responsabilité parentale que nous avons créé en mars dernier -ce n'est pas loin ! - dans la loi pour l'égalité des chances et qui n'a pas encore eu le temps de faire ses preuves. Il souligne que le présent projet de loi institue un dispositif d'accompagnement parental qui ressemble étrangement à ce contrat, à cette nuance près qu'il relève du maire et non du président du conseil général.
Bien évidemment, M. About, qui appartient à la majorité présidentielle, dit tout cela avec tendresse
sourires
Dans une troisième observation, qui porte sur la sécurisation des règles de partage d'informations entre travailleurs sociaux intervenant auprès d'une même famille, il précise que ce dispositif diffère sensiblement de celui qui a été retenu dans le cadre de la protection de l'enfance, ce qui risque de semer la confusion parmi les travailleurs sociaux.
Enfin, et j'enfonce le clou, M. About indique que sa préférence va au mécanisme de secret professionnel partagé, plus protecteur et mieux encadré, retenu par le projet de loi réformant la protection de l'enfance, et suggère que nous nous en inspirions pour amender le présent texte. Malheureusement, ce n'est pas possible, car les amendements de l'UC-UDF et de notre collègue M. Lardeux, qui étaient pourtant pertinents, ont été retirés.
La volonté du Gouvernement est ici clairement exprimée : il veut organiser le dépistage des prétendus « asociaux » dès la maternelle et organiser sa politique de répression en direction des plus démunis.
Messieurs les ministres, vous encouragez la stigmatisation des familles pauvres et vous voulez transformer les caisses d'allocations familiales en organismes de contrôle et de délation des familles. Le maire deviendrait le pivot de ce dispositif, en tant que détenteur d'éléments confidentiels qui lui seront obligatoirement fournis par les professionnels sociaux et éducatifs. Il se trouverait doté d'un pouvoir discrétionnaire énorme, qui lui permettrait d'accroître la répression policière sur les adolescents.
Son pouvoir ne s'arrêterait malheureusement pas là puisqu'il aurait aussi la possibilité de sanctionner les familles en leur imposant des stages de responsabilité parentale ou en plaçant leurs allocations familiales sous tutelle, tout en ayant connaissance de la profonde détresse dans laquelle elles sont plongées. Pénaliser toute une famille pour un enfant qui commet des actes délictueux, ce n'est pas la formule que nous avions envisagée en juin, monsieur Bas !
Les nouvelles fonctions dévolues aux CAF sont unanimement contestées. Le conseil d'administration de la CNAF est ainsi sorti de sa réserve, en s'inquiétant ouvertement de cette dérive.
Les CAF souhaitent fondamentalement demeurer des organismes sociaux et non pas être transformées en auxiliaires de police. Elles ont pour mission une redistribution plus juste des richesses et, en aucun cas, elles ne sont des organes de sanction ou de délation. C'est pourquoi la transmission au maire de données relatives aux enfants scolarisés s'avère particulièrement inadmissible.
En conclusion, je rappellerai que l'empilement des textes législatifs relatifs aux familles que vous considérez comme « mauvaises » devient caricatural. La suspension des allocations familiales a été instaurée, puis supprimée. Quant aux stages parentaux, ils existent déjà. En outre, voilà quelques mois, cette même majorité a mis en place le contrat de responsabilité parentale. Plus récemment encore, le projet de loi réformant la protection de l'enfance a modifié la législation relative aux conseillères en économie sociale et familiale.
Pourquoi un tel acharnement législatif sur les mêmes catégories de population ? Pourquoi multiplier à tout prix les possibilités de sanction et de culpabilisation à l'encontre des familles les plus démunies ?
Cette majorité, nous le savons, souhaite par ce biais accroître la confusion dans l'opinion publique entre pauvreté, difficultés sociales, difficultés scolaires et délinquance, voire - et c'est plus grave - entre délinquance et immigration. Nous nous opposons fermement à une telle conception de la société et c'est pourquoi nous défendrons la suppression de chacun des articles suivants.
L'article 5 de ce projet de loi est l'un de ceux qui soulève le plus d'interrogations et de questions de principe.
Quelles sont les principales dispositions prévues par cet article ?
Son champ d'application couvre l'ensemble du domaine de l'action sociale et contient deux mesures très importantes, l'une relative au secret professionnel partagé et l'autre à l'organisation même des services d'action sociale.
Une question préalable se pose cependant. Dans son intervention d'hier, le ministre d'État chargé de l'intérieur a très judicieusement rappelé que l'action sociale et la prévention de la délinquance constituaient deux politiques distinctes. Je ne suis donc pas certain que cet article soit à sa place dans un texte qui ne traite que de l'action sociale et pas spécifiquement de la prévention de la délinquance.
Le ministre d'État a eu raison de le dire. Aujourd'hui, nous devons, ensemble, affirmer clairement que l'objet de la politique de l'action sociale est d'abord d'aider les personnes les plus démunies qui connaissent des difficultés, et que ce n'est pas parce que l'on est pauvre que l'on est délinquant !
Murmures d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Ne pas le dire serait déplacé de notre part et, en tant que législateurs, nous commettrions une grave faute. Il me paraissait fondamental de commencer par cette introduction.
J'en viens désormais aux deux mesures essentielles contenues dans l'article 5.
La première concerne le secret professionnel partagé.
Le secret professionnel, ce n'est pas le secret pour le secret. Ce n'est pas la CIA ! Quant aux services sociaux, ce ne sont pas des services de renseignements ! L'objet du secret professionnel est de rendre le travail social le plus efficace possible, afin qu'il puisse s'accomplir dans la confiance réciproque entre les plus démunis et les travailleurs sociaux.
C'est le fondement de l'action sociale ; je dirais même que c'est le but de la politique. Aujourd'hui, la politique doit d'abord et avant tout se préoccuper des plus faibles. Les autres se débrouillent tout seuls et n'ont pas besoin de nous ! Il ne faut jamais perdre de vue cet aspect des choses.
Le projet de loi dispose que des travailleurs sociaux intervenant sur un cas particulier peuvent partager entre eux ce qui relève du secret professionnel, dans la mesure où ce partage est nécessaire à l'efficacité de leur travail. Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point.
Dans le département que j'ai l'honneur d'administrer, nous avons créé il y a bien longtemps des groupes techniques qui se réunissent régulièrement sous la présidence du responsable du service de l'enfance : les travailleurs sociaux, qu'ils relèvent de la mairie, de la CAF ou du département, y partagent des informations, dans le respect des personnes susceptibles d'être aidées.
Que la loi officialise ces pratiques, cela ne nous pose pas de problème. Mais il n'en reste pas moins qu'elles existent déjà : on n'invente pas l'eau tiède tous les matins !
Le projet de loi dispose ensuite que ce secret pourra être partagé avec le maire, mais uniquement dans le domaine de compétences de ce dernier, notamment en matière sociale et éducative.
Pour ma part, je n'ai jamais demandé aux travailleurs sociaux de partager leurs secrets avec moi, mais je ne suis pas hostile au fait que l'on informe le maire sur ce qu'il doit faire, notamment en matière éducative. Je rappelle d'ailleurs que la loi du 30 octobre 1886 dispose que le maire doit procéder à l'inscription des enfants dans les écoles primaires et qu'il est chargé d'y vérifier leur présence. Là encore - pourquoi ne pas le rappeler ? -, il suffisait d'appliquer la loi existante.
Enfin, le maire n'est concerné par le secret partagé que dans le cadre de ses compétences, et aucunement de façon générale.
En ce qui concerne le domaine d'application du secret professionnel partagé, qui vise en premier lieu l'enfance, il existe deux hypothèses d'intervention des travailleurs sociaux.
La première hypothèse est le mandat judiciaire : un juge confie au département, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, le mandat de placer un jeune dans un établissement ou de faire l'objet d'une mission d'éducation en milieu ouvert. C'est alors au juge que l'on doit rendre compte.
Pour ma part, en tant que président de conseil général, je n'autoriserai pas les fonctionnaires de mon département à partager leur secret professionnel tant que le juge n'aura pas autorisé ce partage par écrit, dans la mesure où c'est lui qui nous a confié la mission. Nous ne pouvons donc agir qu'en liaison avec le juge.
Dans la seconde hypothèse, le recours au juge a été évité et les travailleurs sociaux ont pu convaincre les parents d'accepter une mesure administrative. Il ne faut pas rompre cette relation de confiance qui s'est établie entre le travailleur social et les parents.
Si l'on doit donner des renseignements sur la famille ou sur l'enfant visé par cette mesure éducative décidée en concertation avec ses parents, la moindre des choses est d'obtenir l'accord préalable de ceux-ci : c'est une question de confiance. Si on ne le fait pas, le lendemain matin, les parents sauront que l'on a divulgué ces informations et nous retireront l'autorisation de prendre la mesure administrative.
Messieurs les ministres, je souhaite que nous précisions entre nous tous ces points, de façon très concrète. Il ne s'agit pas de corporatisme de notre part. Vous savez bien que les conseillers généraux n'ont jamais gagné les élections grâce au travail social. Pourtant, ils s'en occupent, car ce travail est nécessaire à notre vie en société. Il ne faut pas casser le ressort du bon fonctionnement du travail social.
J'ai été maire pendant de longues années, jusqu'à la loi sur le cumul des mandats. Je pense donc qu'il faut informer le maire, afin qu'il ne se sente pas frustré et participe pleinement à ces opérations, mais que cela doit se faire dans un cadre strict et défini.
S'agissant du secret professionnel partagé, il me semble que nous parviendrons facilement à un accord.
En revanche, la seconde mesure, qui concerne la nouvelle organisation du travail social, peut davantage prêter à discussion. Elle fait l'objet d'un article L. 121-6-2 nouveau, inséré dans le code de l'action sociale et des familles.
Je rappelle que la loi sur le handicap que nous avons votée ici oblige le département à désigner au moins cinq travailleurs sociaux pour traiter le cas d'une même personne. L'un d'eux ira-t-il informer le maire que cinq travailleurs sociaux travaillent sur ce cas difficile ? Non seulement le maire en aura vite assez, mais cela ne présente aucun intérêt pour lui. Ce n'est pas du tout ce qu'il faut faire !
Je comprends que l'on veuille coordonner les actions et que le maire souhaite participer au travail social. Il est en effet frustrant pour un maire, que ses administrés viennent consulter et qui est seul face à eux, de ne pas pouvoir leur répondre. Il faut donc qu'il sache, mais il ne saurait être question de lui reprocher de ne pas faire. Nous devons donc veiller à protéger les maires.
En effet, si le maire doit coordonner, être responsable sans avoir de moyens, on aura vite des problèmes ! Il faut trouver le bon système.
Notre département, qui n'est pas meilleur que les autres, pratique la convention. M'obligerez-vous, par une position un peu brutale, à retirer toutes les équipes de prévention maintenues dans les communes malgré l'absence de moyens ?
Non, les départements ne veulent pas garder toute l'aide sociale pour eux. Pas du tout. ! L'aide sociale, plus cela se partage, mieux c'est. Il n'y a pas de corporatisme, mais, face à la demande, il faut que les textes autorisent un peu de souplesse.
Imaginons un département où cinq travailleurs sociaux interviennent sur un même cas. Va-t-on demander au maire de nommer un coordonnateur? Aussi inconcevable que cela paraisse, le texte le prévoit ! On ne peut pas faire cela, sauf à casser l'administration de l'aide sociale qui a mis si longtemps à voir le jour.
Je suis tout à fait d'accord pour trouver des systèmes qui, informant les maires, rompent leur isolement. Voilà bien longtemps que je leur envoie tous les deux mois la liste des bénéficiaires du RMI de leur commune. Jamais un seul ne m'a répondu par écrit que telle personne ne devrait pas y figurer. Il arrive que j'en entende parler, rien de plus.
Il est tout aussi normal qu'on envoie régulièrement au maire le montant des allocations journalières versées par le département à des familles de sa commune. Il faut bien lui permettre de voir ce qu'il donne dans le cadre du bureau d'aide sociale et ce que les gens reçoivent déjà du département.
Honnêtement, connaissez-vous un ministre, un préfet, un maire qui accepterait, parce que plusieurs personnes dans son service interviennent sur un cas, qu'une personne nommée par l'extérieur soit chargée de la coordination ? C'est mettre par terre toute l'organisation hiérarchique du travail social !
Il faut réfléchir avant de casser ce qui existe et qui s'est construit lentement. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on cherche à améliorer la place des maires. Il faut les rendre plus réactifs.
On pourrait, par exemple, rétablir les commissions cantonales qui leur permettaient de connaître tous les bénéficiaires d'une action.
Il existe des formules plus modernes. Profitons de la navette pour trouver une solution qui préserve l'organisation de toute l'administration, donnant leur place aux maires sans casser les outils du travail social.
Transférer aux communes l'action sociale, après tout, pourquoi pas ? Il n'y a pas de raison de l'exclure d'emblée. Mais il faudra établir la relation de confiance entre le bénéficiaire de l'action sociale et le travailleur social. Sinon, cela ne marchera pas. Et le maire, pas plus que le président du conseil général, ne pourra pas tout faire.
Mon intervention, qui n'a rien de corporatiste - si d'autres voulaient faire cet énorme travail, ce serait très bien - ! -vise à éviter que notre vote ne détruise des outils qui, pour gagner à être améliorés, n'en sont pas moins vraiment nécessaires au maintien de notre cohésion sociale.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je partage ce que vient de dire Michel Mercier, en tout cas la philosophie qu'il a exprimée sur le travail social, qui se fait dans la durée, et sur le secret professionnel, qui répond à un souci d'efficacité. Je suis tout particulièrement d'accord quand il dit que ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on est délinquant.
Néanmoins, je ne partage pas les conclusions qu'il en tire parce que je rejette complètement les dispositions de ce texte.
Oui, il s'agit bien d'une question d'idéologie. La vôtre est décelable à l'oeil nu. Pas besoin d'être expert pour s'en rendre compte !
Ce texte est en préparation depuis trois ou quatre ans. Les commissions ont auditionné quantité de personnes. Je suppose que le Gouvernement a auditionné tant et plus et qu'il a consulté des travailleurs sociaux, des élus, les médecins, des psychiatres, des magistrats, des éducateurs... En tout cas, on peut le penser.
Moi aussi, j'en ai auditionné, ne vous inquiétez pas !
D'ailleurs, je m'adressais aux représentants du Gouvernement. Monsieur le rapporteur, ne prenez pas tout pour vous !
Entendez-vous la misère sociale ? Entendez-vous la misère de la médecine scolaire ? Entendez-vous la misère de la psychiatrie de proximité ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Quand vous étiez au pouvoir, l'entendiez-vous ?
Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Madame Hermange, il vaudrait mieux ne pas intervenir dans cette discussion et, en tout cas, ne pas me couper la parole pour dire ce que je viens d'entendre ! C'est parfaitement inutile !
Le travail de prévention s'inscrit dans la durée et demande beaucoup de moyens, mais, alors, cela marche. Si vous ne l'entendez pas, c'est que vous partez d'un a priori : pour vous, d'abord, il ne faut pas plus de moyens et, ensuite, le travail social, « c'est du pipeau », cela ne sert à rien.
Murmures sur les travées de l'UMP.
En revanche - et cette philosophie, on la retrouve dans tout le texte, particulièrement aux articles 5 et 6 - la prévention, c'est la sanction et le contrôle social pour se débarrasser des nuisibles.
Devant l'énorme mobilisation des psychologues, psychiatres, chercheurs, travailleurs sociaux, infirmiers, enseignants..., vous avez retiré de votre projet de loi les dispositions préconisées dans le rapport de la commission Bénisti, à savoir le dépistage précoce des difficultés chez les enfants dès trois ans.
Les 200 000 signataires de l'appel « pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans » - je vous invite, les uns et les autres, à lire ce qui est consigné dans le livre recueil ; je vous assure que vous apprendrez beaucoup de choses - vous ont fait reculer. Allez, convenez- en, vous avez reculé, peut-être pour mieux sauter, hélas ! mais vous avez provisoirement reculé.
Pourquoi ces 200 000 pétitionnaires ? Ce n'est pas rien de recueillir 200 000 signatures dans ces professions ! Parce que vous avez catalogué un être humain dès l'enfance ! Cette mobilisation est profondément importante parce qu'elle est le fait de gens de terrain, qui connaissent la réalité du travail social, la réalité des problèmes psychiatriques et, surtout, leurs liens avec tout ce que la société inflige aux plus défavorisés.
Cataloguer dès l'enfance un être humain qui l'est déjà par sa situation sociale, c'est totalement incohérent sur le plan scientifique. Comme vous n'avez pas la capacité de démontrer le contraire, mieux vaudrait vous abstenir de cette démarche éthiquement scandaleuse, en particulier du point de vue des élus de la République. Elle aboutit à un véritable enfermement de l'enfant dans les difficultés du parcours qui lui est attribué, pour lequel il est désigné d'avance, parce qu'elle vise tout particulièrement les enfants des familles le plus en difficulté.
Vous voulez dépister les comportements tous azimuts ? Soit ! Il y aurait beaucoup à dire sur les enfants de toutes les familles de France et de Navarre. Mais ce ne sont pas eux que vous visez, ce sont les enfants des familles en difficulté, soyons clairs !
La courbe évolutive d'un jeune qui, au fur et à mesure des années, s'écarte du droit chemin pour s'enfoncer dans la délinquance, sur laquelle se fondaient les propositions du rapport Bénisti, est particulièrement édifiante : elle témoigne d'une volonté préétablie de faire croire qu'il existe chez certains enfants une tendance, une sorte de prédisposition à devenir un jour quasi inévitablement délinquants.
Au fil des lois que votre majorité a votées, vous déclinez des populations à risques qu'il faut montrer du doigt, ficher, contrôler et, le cas échéant, enfermer pour que la société puisse se sentir à l'abri.
Une nouvelle fois, vous stigmatisez les pauvres, les enfants de pauvres, coupables précisément d'être pauvres. Pour vous, chacun est responsable de son propre malheur social. La société n'y est pour rien, et les réponses de fond, solidaires, n'ont pas lieu d'être, et surtout pas sur le long terme.
Allez-vous reprendre à votre compte la proposition de Tony Blair qui n'hésite pas à prôner le contrôle des foetus en voulant contraindre les adolescentes enceintes à accepter l'intervention de l'État ?
C'est le programme de Ségolène Royal ! Ce n'est pas le nôtre !
Je vous parle de Tony Blair, de la Grande-Bretagne et des théories comportementalistes américaines et anglo-saxonnes !
S'agit-il d'aider une adolescente enceinte à trouver des structures sociales, à l'accompagner pour avoir un enfant ? Non ! Il s'agit d'éviter que ces futurs enfants ne deviennent « une menace pour la société » ! Franchement, c'est tout à fait la philosophie qui transpire dans tous vos textes !
De plus, l'idée pour le moins paradoxale de « contraindre » à « accepter », c'est ce que vous faites avec le contrat de responsabilité parentale, par exemple.
Nous avons bien conscience que vous n'avez pas renoncé à mettre ces idées en oeuvre et, avec nos collègues députés, nous resterons vigilants pour que cela ne se fasse pas.
Je ne crois pas qu'on puisse se contenter de faire attention et d'essayer d'aménager les choses face à cette philosophie qui imprègne votre texte, assortie d'une l'absence totale de moyens réels pour le travail social.
Madame Létard, vous dites qu'il faut débattre. Mais il y a deux textes. Celui sur la protection de l'enfance que, pour notre part, nous n'avons pas voté même s'il contenait des éléments tout à fait intéressants et acceptables, et celui-ci, qui vient en contrepoids. Pourquoi ne sont-ils discutés en même temps, alors qu'ils traitent des mêmes sujets ? Pourquoi ce texte, qui annihile tout ce que contient l'autre ?
Je pose la question : quand débattrons-nous ? Nous ne débattrons pas et on ne peut donc que rejeter ces dispositions.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Je voudrais répondre à l'ensemble de ces interventions, dont certaines m'ont surpris et d'autres beaucoup intéressé.
Non seulement j'ai été surpris, mais j'ai été un peu choqué par les propos que nous venons d'entendre : quand on veut renforcer l'efficacité de l'action sociale, on stigmatise les pauvres ! Madame Borvo Cohen-Seat, vous prétendez définir vous-même les intentions du Gouvernement. Permettez-moi de vous dire que nous sommes mieux placés que vous pour les exprimer !
Notre souci, dans ce texte, comme d'ailleurs dans la loi réformant la protection de l'enfance, c'est de venir en aide à des familles en difficulté et à des parents désemparés.
Eh oui, j'ose le dire, à partir du moment où nous permettrons à ces familles de jouer pleinement leur rôle, à ces enfants de s'épanouir, l'une des conséquences de notre action sera sans doute que nous aurons dans notre pays moins d'enfants livrés à eux-mêmes, moins d'enfants tentés par la délinquance, moins d'enfants séduits par des caïds de quartiers qui les entraînent sur le mauvais chemin.
Alors, oui, madame la sénatrice, je crois à l'efficacité de l'action sociale ! C'est la raison pour laquelle je voulais défendre aujourd'hui cet article 5, qui, je le pense, va dans le sens d'une meilleure protection des enfants, dans leur propre intérêt. Mais lorsque les enfants s'épanouissent, c'est aussi l'intérêt de la société, je n'hésite pas à le dire ; je le dis même avec fierté.
Monsieur Mercier, notre souci est, bien sûr, d'améliorer l'organisation du travail social, dont la situation n'est pas satisfaisante. Qui peut s'accommoder - Mme Hermange le disait justement tout à l'heure - de tous ces cloisonnements, qui nous empêchent de faire circuler les informations nécessaires au bon traitement social des difficultés des familles ?
Nous voulons précisément mettre fin à ces cloisonnements, en instaurant une bonne articulation entre l'action des maires qui s'engagent dans le domaine social, celle des présidents de conseils généraux qui disposent, effectivement, des moyens les plus importants en matière de travail social, et celle des caisses d'allocations familiales et d'autres intervenants qui, naturellement, ont leur rôle à jouer dans ce domaine, comme Mme Létard le rappelait tout à l'heure.
Aujourd'hui, une telle coordination n'existe pas. L'opposition veut en rester à la situation actuelle : ce n'est pas la volonté du Gouvernement, nous le confessons bien volontiers. Nous souhaitons au contraire assurer une meilleure efficacité de l'action sociale, en mettant en place une coordination, car nous savons bien que des difficultés peuvent se poser s'agissant de l'articulation entre l'action sociale des départements et celle des communes, que nous voulons renforcer parce que les maires jouent un grand rôle de proximité avec les familles.
Nous avons effectivement rédigé l'article 5 du projet de loi en veillant à ce que le président du conseil général soit partie prenante. Mais nous sommes également ouverts à la discussion. M. le ministre délégué aux collectivités territoriales le disait justement hier soir, à propos des amendements qui ont été déposés, notamment l'amendement n° 11 rectifié de la commission, dont nous discuterons tout à l'heure. Nous pouvons encore, répondant à la préoccupation de M. Mercier, améliorer notre texte. La délibération parlementaire est naturellement là pour ça !
Je vous propose de ne pas être plus long, car l'essentiel de ma réponse interviendra au moment de la discussion de chacun des amendements qui ont été déposés sur cet article.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je suis saisie de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 183 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 252 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 183.
Cet article prévoit le partage d'informations entre les acteurs sociaux et les professionnels de la santé ou de l'action sociale, en donnant de nouvelles prérogatives aux maires.
Avec cette modification du code de l'action sociale et des familles, tout professionnel aura l'obligation d'informer le maire des situations spécifiques des familles et des éventuelles interventions sociales en cours.
Les dispositions de cet article font, une fois encore, coexister les missions de l'action sociale et les objectifs fixés en matière de prévention de la délinquance.
Plus avant, il y a bel et bien inversion des rôles actuels du président du conseil général et du maire, puisque le premier n'interviendrait qu'en cas de carence du second, ce qui pose le problème de la lisibilité des compétences respectives de ces deux autorités.
Par ailleurs, la désignation d'un coordonnateur à la discrétion du maire soulève de nombreuses questions, d'autant plus que le texte reste particulièrement évasif sur ce thème.
On peut noter cependant l'avis unanimement défavorable des organisations qui interviennent dans le domaine de la protection de l'enfance. Actuellement, les professionnels exercent, sachons-le, dans le cadre d'une mission dévolue à une association, ce qui les préserve en partie, dans le cadre de leurs relations hiérarchiques, d'une trop grande mise en cause de leur responsabilité individuelle.
Enfin, l'obligation de signalement au maire de toutes les personnes en graves difficultés sociales, éducatives ou matérielles risque de déstructurer complètement le fondement du travail social.
En effet, la relation professionnelle ne peut s'établir qu'à partir d'une relation de confiance dont la confidentialité est garantie. C'est pour cette raison que le secret professionnel existe. Arrêtons de dire que les professionnels ne se parlent pas entre eux ! Comme M. Mercier, chacun peut témoigner ici que, dans les communes ou les départements, les travailleurs sociaux communiquent entre eux.
Ces derniers ne peuvent devenir les « contrôleurs », au service du maire, de certaines populations. La confiance, qui s'établit difficilement, jour après jour, avec les familles, disparaîtra dès que celles-ci sauront que ce qu'elles peuvent confier aux travailleurs sociaux sera, ou pourra être, immédiatement divulgué au maire.
Ainsi, on peut craindre que les familles qui ont le plus besoin d'aide et de soutien développent des stratégies d'évitement des travailleurs sociaux, par crainte d'être éventuellement expulsées de leur logement ou de voir leurs allocations familiales suspendues.
L'article 5 du projet de loi est bien à l'opposé de ce qui constituerait une réelle politique de prévention de la délinquance. C'est pourquoi nous tenons particulièrement à sa suppression.
La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 252.
Avec l'examen de l'article 5, nous abordons un point qui pose un énorme problème : celui du secret professionnel, du secret partagé et du partage d'informations.
En fait, cet article remet en cause, comme cela a déjà été dit, le secret professionnel, en établissant une confusion entre les missions de sécurité, de justice et de cohésion sociale.
Monsieur le ministre, selon vous, cet article permet la coordination. Mais, non, il sème la pagaille ! Il instaure, comme M. Mercier l'a fort bien dit, une confusion s'agissant des rôles respectifs du maire et du président du conseil général. Il remet en cause l'un des fondements du travail social, le secret professionnel, élément indispensable pour sauvegarder un espace de confiance nécessaire entre les familles et les professionnels.
Par la création de l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, vous organisez la levée de ce secret professionnel par une obligation d'information du maire, quand la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou de plusieurs personnes composant une même famille est constatée par un travailleur social et appelle l'intervention de plusieurs intervenants. Dans ce cas, le coordonnateur désigné par le maire sera autorisé à lui révéler les informations confidentielles qu'il détient.
Vous instaurez ainsi, monsieur le ministre, une véritable confusion des pouvoirs, qui ne satisfera ni les familles, qui se sentiront trahies et qui risqueront de s'éloigner durablement des professionnels, ni les professionnels eux-mêmes, qui se sentiront dévalorisés et mis en cause, ni les maires, que vous placez dans une situation insupportable.
Voilà quelques semaines, au cours du débat sur le projet de loi réformant la protection de l'enfance, notre assemblée faisait du président du conseil général le chef de file de la protection de l'enfance. M. le ministre délégué à la sécurité sociale déclarait alors : « D'ores et déjà, je peux cependant vous indiquer qu'aucun autre texte ne prévoit un partage d'informations au service de ce que vous appelez un « contrôle social », impliquant la communication aux élus d'informations couvertes par le secret professionnel, en dehors des cas prévus explicitement ». Sans doute auriez-vous pu ajouter : « Je suis tenu dans l'ignorance de ce qui se trame place Beauvau » ! Mais nous avons l'habitude de telles situations !
En tout état de cause, les dispositions introduites par l'article 5 contreviennent à l'exercice et à l'efficacité même du travail social.
Comment envisager sérieusement que des familles connaissant de grandes difficultés se confient aux travailleurs sociaux dès lors qu'elles sauront que la loi ne garantit plus la confidentialité ? Cela a été dit, le travail social demande du temps, de la confiance et de la discrétion. Tout cela est bien souvent assujetti à l'existence du secret professionnel. Si, dans certains cas, nous pensons que le maire doit effectivement être informé, et il l'est généralement, il n'est pas nécessaire qu'il ait en sa possession l'ensemble des informations relevant du secret professionnel.
Au contraire, il doit se prévaloir d'une indépendance, tant vis-à-vis des travailleurs sociaux...
... que des forces de police, indépendance qui lui confère une légitimité aux yeux des familles. C'est cette autonomie qui a permis de dédramatiser bien des situations, dans bien des villes et bien des quartiers, en particulier - je ne peux pas ne pas y penser - en novembre dernier.
Nous estimons que le travailleur social est, par essence et par définition, apte à alerter les élus de l'existence de cas graves.
Qui plus est, le Gouvernement a-t-il envisagé les répercussions que pourrait avoir sur les maires une telle remise en cause, si, d'aventure, un drame survenait et que les mesures appropriées n'avaient pas été prises ?
Dans la même logique, le travailleur social, qui ne sera plus couvert par le secret professionnel, en butte à ces situations, mais également conscient des insuffisances, notamment en matière de personnels, dont souffre le secteur social, ne sera-t-il pas mécaniquement poussé à informer le maire de toutes les situations, dès lors qu'un risque existera ?
Pour en revenir à cette confusion entre les missions du maire et celles du président du conseil général, je rappelle que l'article 5 instaure un coordonnateur « lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille ». Cette rédaction est inquiétante à plus d'un titre.
En effet, comment ne pas s'interroger sur les personnes désignées par le terme de « professionnels » ? Nous avons besoin d'une clarification ! Tous les professionnels ne sont pas soumis aux mêmes règles, notamment au regard du secret professionnel. Serait-il imaginable, par exemple, que la police se retrouve en situation de coordonnateur de l'action sociale ?
Enfin, une telle rédaction permet de mettre en concurrence les prérogatives du maire et celles du président du conseil général, qui - je le rappelle parce que c'est essentiel - est chargé de l'action sociale de son département. En effet, si la responsabilité du maire en matière de prévention de la délinquance est réelle, elle l'est beaucoup moins en matière d'action sociale, domaine jusqu'ici réservé au conseil général.
En donnant au maire la possibilité de nommer ce coordonnateur, cet article le place en situation d'acteur direct et essentiel de l'action sociale, ce qui ne peut être accepté, comme en témoigne d'ailleurs la rédaction de l'amendement n° 11 rectifié de la commission. Ce point nous semble d'autant plus important que, si le maire peut nommer un coordinateur, il ne dispose d'aucun levier pour influer sur l'ensemble des facteurs, notamment en matière de personnel et de finances, qui conditionnent l'action sociale telle qu'elle est définie à l'article L. 116-1 du code de l'action sociale et des familles.
Parce que cet article 5 remet dangereusement en cause le secret professionnel, dans une vision qui est non pas éducative et sociale, mais uniquement répressive, parce que le fait que le maire soit effectivement en possession des informations lui permettant d'assurer ses missions ne doit pas remettre en cause le secret professionnel, et parce que cet article introduit une confusion entre les missions des présidents de conseils généraux et celles des maires, nous vous demandons, mes chers collègues, de le supprimer.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles:
« Art. L. 121-6-2. - Lorsqu'un professionnel de l'action sociale, définie à l'article L. 116-1, constate que la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels, il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil général. L'article 226-13 du code pénal n'est pas applicable aux personnes qui transmettent des informations confidentielles dans les conditions et aux fins prévues au présent alinéa.
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le maire désigne un coordonnateur parmi eux, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du président du conseil général.
« Le coordonnateur est soumis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel ou à une obligation de réserve ou de discrétion et qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret, afin d'évaluer leur situation, de déterminer les mesures d'action sociale nécessaires et de les mettre en oeuvre. Le coordonnateur a connaissance des informations ainsi transmises. Le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l'accomplissement de la mission d'action sociale.
« Le coordonnateur est autorisé à transmettre au président du conseil général et au maire de la commune de résidence les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respectives. Les informations ainsi transmises ne peuvent être communiquées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal. »
La parole est à M. le rapporteur.
Concernant cet amendement important, le travail du rapporteur a été plus un travail artisanal qu'un travail philosophique.
Cet amendement est le fruit de longues discussions avec M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il traduit le souci de rapprocher les points de vue partiellement différents de nos deux commissions.
Mes chers collègues, je dois tout de suite vous dire, avant même d'aborder le détail de cet amendement, que je suis favorable non seulement à la reconnaissance du rôle de chef d'orchestre, de pilote, du maire s'agissant de la prévention de la délinquance, mais aussi à certaines modalités de secret partagé.
Si certains redoutent que ce dernier porte atteinte à la crédibilité des travailleurs sociaux vis-à-vis des familles, je rappelle que, parfois, l'absence de partage des informations - je pense en particulier aux affaires d'Outreau et d'Angers - a pu nuire considérablement à la crédibilité de certains travailleurs sociaux.
Je m'inscris également dans la logique de désignation d'un coordonnateur qui aurait pour mission, aux côtés des professionnels du travail social, de définir avec eux les informations, y compris celles qui sont couvertes par le secret professionnel, devant être confiées à la fois au maire et au président du conseil général, de façon à ce que ces derniers puissent assumer leurs responsabilités.
Nous n'avons pas dû rencontrer les mêmes interlocuteurs ! Le rapporteur de la commission des lois que je suis n'a pas noté chez les représentants des associations, qu'elles soient de grandes communes, de petites communes, de communes rurales ou de communes urbaines, ni chez les élus, qu'ils soient de droite, de gauche ou du centre, une quelconque opposition de nature politique, idéologique, sur ce dossier. Tous, au contraire, ont été particulièrement attentifs et ouverts au principe de compétences nouvelles, plus précisément de rôle nouveau, en termes de prévention de la délinquance pour les maires. Ils se sont montrés également intéressés par la possibilité d'accéder à des informations que, jusqu'à présent, ils ne parvenaient pas à obtenir.
Nous n'avons pas dû rencontrer non plus les mêmes travailleurs sociaux ! En effet, même si ces derniers auraient préféré, comme je l'ai dit dans la discussion générale, être en rapport avec le président du conseil général en raison de son expérience - je n'aurai pas l'outrecuidance d'ajouter en raison parfois d'un certain éloignement - plutôt que le maire, dont ils redoutent la proximité, je n'ai décelé aucune hostilité de leur part au partage de l'information. Les travailleurs sociaux m'ont même dit que des chartes de confidentialité étaient mises en place de manière tout à fait pragmatique dans leur département.
J'en reviens tout simplement à ce qui a été dit hier lors de la discussion générale, ce projet de loi vise effectivement à étendre et à généraliser ce qui a été mis en place sur le terrain, parfois de manière empirique et pragmatique, et qui fonctionne bien, et donc à partir de l'expérimentation pour en tirer ensuite une généralisation. C'est une logique qui me paraît satisfaisante.
Ces premières précautions oratoires étant prises, permettez-moi d'entrer maintenant dans le détail de ce travail d'artisanat auquel nous sommes parvenus, avec les dispositions de l'amendement n° 11 rectifié, pour tenter de rapprocher nos points de vue.
Selon le premier alinéa, lorsqu'un professionnel de l'action sociale constate que la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels, il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil général. C'est la première modification importante par rapport à l'amendement initial de la commission des lois. Sur ce point, nous avons donc une information conjointe des deux autorités qui participent, l'une comme l'autre, à ce rôle de prévention de la délinquance dans le cadre de leurs responsabilités en matière d'action sociale.
À diverses reprises, des associations de prévention ou des présidents de conseils généraux avaient fait valoir qu'il serait particulièrement choquant qu'un coordonnateur fût désigné au sein d'une hiérarchie, sans que le responsable de cette hiérarchie y soit totalement associé. C'est l'objet du deuxième point que nous avons voulu régler à l'occasion de ce travail de partenariat. Désormais - c'est le deuxième alinéa de l'amendement -, lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le maire désigne un coordonnateur parmi eux - c'est-à-dire les professionnels de l'action sociale -, après accord de l'autorité dont ils relèvent et consultation du président du conseil général.
Nous prévoyons donc l'accord de l'autorité hiérarchique dont relève le travailleur social. Cela signifie que, quatre-vingt fois sur cent, ce sera effectivement un accord du président du conseil général qui devra être donné et qui retirera d'ailleurs toute utilité à la consultation ultérieure du même président. On ne va pas, en effet, en faire un codécideur et lui demander ensuite un avis que, par hypothèse, il a déjà donné !
Je vous rappelle, mes chers collègues - le président About nous l'a déjà rappelé hier -, que les travailleurs sociaux relèvent pour 80 % des départements, pour 4 % des communes et pour 16 % du mouvement associatif ou des CAF.
L'avant-dernier alinéa de l'amendement étant très largement inspiré des textes relatifs à la protection de l'enfance, permettez-moi d'insister maintenant sur le dernier alinéa.
Nous avons prévu que le coordonnateur est autorisé à transmettre au président du conseil général et au maire de la commune de résidence les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respective. Nous sommes en quelque sorte parvenus à un équilibre en citant, dans le premier alinéa, le maire avant le président du conseil général et, dans le dernier alinéa, le président du conseil général avant le maire !
Permettez-moi de reprendre maintenant un certain nombre des points qui, lors de la discussion, ont été abordés par différents collègues, notamment André Lardeux - M. Michel Mercier avait également évoqué longuement cette question.
Des exemples ont été cités de l'action menée par les professionnels de l'action sociale du département, notamment dans le cadre des mesures administratives prises à l'égard des enfants, et M. André Lardeux a insisté avec beaucoup de pertinence sur le problème indispensable de l'adhésion des familles pour qu'une réussite puisse être effectivement escomptée.
Sur ce point, chacun rejoint les propos qui ont été tenus. Mais, dans le cadre de la protection de l'enfance, d'une part, de la prévention de la délinquance, d'autre part, il existe des aspects similaires et d'autres qui autorisent un certain nombre de distinctions.
En matière de prévention de la délinquance, les problèmes de violences conjugales, de mariages forcés, concernent, que je sache, non une catégorie particulière de population, mais toute la société française d'aujourd'hui. Pour ce type de problèmes, il existe une différence fondamentale sur l'adhésion qui peut être exigée des personnes concernées. S'il va de soi qu'un professionnel de l'action sociale doit immédiatement informer les familles des mesures qui seront prises à leur égard pour ne pas perdre leur confiance, on comprendrait mal qu'il agisse de même en cas de suspicion de violences conjugales ou, dans le cas de mariages forcés, d'une pression inadmissible exercée sur une personne, car cela mettrait cruellement en danger la finalité de son action.
J'ai pris ces exemples pour tenter de démontrer que le secret partagé ne s'exerce pas exactement de la même manière dans le domaine de la protection de l'enfance et dans celui de la prévention de la délinquance.
Le hasard fait que j'ai été désigné rapporteur du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, qui viendra bientôt en discussion devant notre assemblée après avoir été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. À l'occasion des auditions auxquelles j'ai procédé, il m'a été rappelé maintes fois, s'agissant des mariages, que, tant dans les consulats que sur le territoire de la République française, la « future épouse » pouvait avoir deux attitudes différentes : l'une pour demander, soit au consul, soit au maire, de ne pas célébrer le mariage pour lequel elle n'était pas absolument pas consentante, l'autre, radicalement différente - et l'on comprend pourquoi -, lorsqu'elle est en compagnie de sa famille ou de son futur conjoint ! Par conséquent, l'information des uns, indispensable dans certains cas, comme le disait M. Michel Mercier, peut être particulièrement dommageable dans d'autres cas.
Tels sont, mes chers collègues, les efforts qui ont été réalisé par les deux commissions pour tenter de rapprocher leurs points de vue. Si du travail reste à faire, beaucoup a déjà été réalisé !
Le sous-amendement n° 146 rectifié, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 11 pour le premier alinéa de l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
il en informe
insérer les mots :
dans les meilleurs délais
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
Le sous-amendement n° 176 rectifié, présenté par Mme Hermange et M. Gournac, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles :
Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le maire confie la coordination de leurs actions à l'instance qui a constaté, en premier lieu, ces difficultés ou, à défaut, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du président du conseil général, à l'un des professionnels intervenant auprès d'elles.
Je rappelle que ce sous-amendement a été retiré par Mme Marie-Thérèse Hermange.
Le sous-amendement n° 321, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles :
Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le président du conseil général désigne un coordonnateur parmi eux, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du maire de la commune de résidence. Il peut également, en application de l'article L. 121-6, déléguer au maire cette compétence.
La parole est à Mme Létard.
Michel Mercier a exposé brillamment les raisons qui nous motivaient, partant du travail accompli par la commission des lois et son rapporteur, pour améliorer le texte de l'article 5 par le biais de sous-amendements destinés à rappeler tout ce qui vient d'être exposé sur la nécessaire réaffirmation de la place du conseil général, de ses missions d'action sociale, cela afin d'éviter toute confusion dans la nouvelle rédaction de cet article sur le rôle et la compétence obligatoire du président du conseil général.
Ce premier sous-amendement n° 321 est essentiel pour nous. Dans les faits, le coordonnateur sera désigné de la même manière parmi les travailleurs sociaux existants. Mais réaffirmer qu'il le sera par le président du conseil général, après consultation du maire, c'est réaffirmer que l'action sociale menée auprès des mineurs relève bien de la compétence du président du conseil général. Si, parmi les quatre ou cinq professionnels qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, un travailleur social doit toujours être au coeur de l'accompagnement du mineur et de l'action menée, et avoir obligatoirement mandat pour ce faire, c'est bien celui qui dépend du conseil général !
A partir d'un tel constat, comment pourrait-on imaginer, lorsqu'il y a plusieurs travailleurs sociaux, que ce soit quelqu'un d'autre que le président du conseil général qui procède à la désignation du pilote de l'action en quelque sorte, le coordonnateur ? Il est impossible qu'il en soit autrement, sauf à changer les lois de décentralisation.
Le sous-amendement n° 322, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles, supprimer le mot :
consultation
La parole est à Mme Valérie Létard.
Il s'agit d'un sous-amendement de repli visant à prévoir que, lorsque le maire désigne un coordonnateur, celui-ci sollicite un accord du président du conseil général, et pas seulement son avis.
Bien évidemment, ce sous-amendement a été déposé pour éviter à tout prix une confusion en cas de rejet du sous-amendement n°321. Il était donc nécessaire de présenter toutes les formulations possibles. Mais j'espère que nous n'aurons pas à nous replier sur cette rédaction, car elle ne rendrait pas suffisamment efficace l'article 5.
Le sous-amendement n° 315 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes concernées en sont préalablement informées, sauf si cette information risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Ce sous-amendement vise à sécuriser les règles applicables en matière de partage d'informations entre travailleurs sociaux intervenant auprès d'une même famille.
Le sous-amendement n° 317 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles :
« Les professionnels mentionnés à l'alinéa précédent peuvent également autoriser le coordonnateur à transmettre au maire de la commune de résidence et au président du conseil général les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respectives sous réserve d'en informer préalablement les personnes concernées, sauf si cette information risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale. »
La parole est à Mme Valérie Létard.
Ce sous-amendement a un double objet.
Il vise d'abord à autoriser la transmission d'informations concernant les familles en difficulté non seulement au maire, mais aussi au président du conseil général dans la mesure où celui-ci est responsable à titre principal de l'aide et de l'action sociale.
Il vise ensuite à clarifier les règles applicables à la transmission d'informations au maire et au président du conseil général. Il subordonne cette transmission d'informations à un accord préalable de l'auteur initial de l'information.
Voilà, madame la présidente, tous nos sous-amendements de repli, du plus fort au plus faible, ont été présentés, mais, personnellement, j'ai bien l'intention de me battre pour que soit retenu le plus ambitieux !
L'amendement n° 80, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les deux premiers alinéas du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles :
« Lorsqu'un professionnel de l'action sociale, définie à l'article L. 116-1, constate que la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels, il en informe le président du conseil général et le maire de la commune de résidence. L'article 226-13 du code pénal n'est pas applicable aux personnes qui transmettent des informations confidentielles dans les conditions et aux fins prévues au présent alinéa.
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le président du conseil général désigne un coordonnateur parmi eux, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du maire de la commune de résidence. Il peut également, en application de l'article L. 121-6, déléguer au maire cette compétence.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Comme vous l'a dit tout à l'heure M. Lecerf, nous avons beaucoup travaillé depuis les réunions de la commission des lois et de la commission des affaires sociales. Ce travail a abouti à la présentation de l'amendement n° 11 rectifié par le rapporteur de la commission des lois.
Pour autant, cet amendement nous donne-t-il parfaitement satisfaction ? Nous avons le sentiment qu'il est nécessaire de faire encore quelques progrès.
Nous sommes tombés d'accord sur l'idée que, dans la logique de ce texte, le maire est au centre des dispositifs de prévention de la délinquance. Malheureusement, l'article 5 traite essentiellement, voire exclusivement, la question de l'action sociale. Or, en vertu de l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles, c'est le département, c'est-à-dire le président du conseil général, qui définit et met en oeuvre la politique d'action sociale sur son territoire. Aussi, une harmonisation était nécessaire.
Pardonnez-moi de ne pas en venir immédiatement à l'amendement n° 80 de la commission des affaires sociales puisque la position que j'adopterai à son égard découlera de l'analyse à laquelle je vais me livrer.
S'agissant du premier alinéa de l'amendement n° 11 rectifié de la commission des lois, nous sommes tombés d'accord sur l'idée qu'il fallait que le maire et le président du président conseil général soient tous deux informés.
Nous sommes aussi tombés d'accord sur le fait que, dans le cas ou plusieurs professionnels interviennent, il appartiendra au maire, en raison de sa proximité, de désigner le coordonnateur, même si la compétence en matière d'action sociale appartient au président du conseil général.
En revanche, nous estimons qu'il n'est pas possible que le maire et le président du conseil général puissent s'opposer : on ne peut pas opposer la proximité à la compétence. Par conséquent, il nous semble indispensable que le président du conseil général donne son accord à la désignation du coordonnateur.
Dans 80 % des cas, dira-t-on, le coordonnateur étant un employé du conseil général, la disposition que propose la commission des lois règlera le problème. Or tel n'est pas du tout le cas, parce que, en cas de tension entre le président du conseil général et le maire, ce dernier choisira le coordonnateur non parmi les employés du conseil général, mais parmi ceux de la caisse d'allocations familiales ou parmi les travailleurs sociaux d'une association.
Dès lors, nous sommes de nouveau confrontés au problème qu'a soulevé tout à l'heure le président Mercier. En cas de tension, la coordination de l'action des travailleurs sociaux ne pourra se faire sereinement et l'on aboutira à un échec. C'est le contraire de ce que nous souhaitons. C'est la raison pour laquelle nous estimons que même si le coordonnateur n'est pas désigné parmi les salariés du conseil général, il est important d'obtenir l'accord de ce dernier dans la mesure où 80 % des travailleurs sociaux sont placés sous sa dépendance.
S'agissant de la question du partage du secret professionnel, nous avons avancé. Pourtant, tant les sous-amendements défendus à l'instant par Mme Létard ou par M. Lardeux que les exemples qui ont été donnés par les uns et les autres, y compris par M. le ministre - mais pas par M. le rapporteur - portaient sur la protection de l'enfance. Tous, madame Hermange.
De fait, le rapporteur, qui a bien saisi le danger, a évoqué d'autres cas qui pourraient survenir. Néanmoins, il faut apporter une réponse. Les sous-amendements de Mme Létard apportent une réponse partielle. Néanmoins, je pense qu'il faut aller plus loin et qu'il faut non seulement permettre que les personnes concernées, comme le demandait le président Mercier, soient préalablement informées - la confiance dans les travailleurs sociaux est en jeu -, mais que cette information ne nuise pas à l'efficacité de l'action sociale, comme le disait Valérie Létard. Enfin, pour répondre à M. le rapporteur, il faut aussi que cette information ne nuise pas à la sécurité des personnes.
C'est pourquoi je retire les amendements n°s 80 et 81 au profit de trois sous-amendements, que je dépose, à l'amendement n° 11 rectifié : le premier vise à ce que le coordonnateur soit désigné conjointement par le maire et par le président du conseil général ; les deuxième et troisième ont pour objet de prévenir préalablement toute personne visée par une transmission d'information la concernant, sauf si cette mesure risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale ou à la sécurité des personnes.
Ces sous-amendements répondent à toutes les préoccupations qui ont été exprimées tant par nos collègues que par le Gouvernement.
L'amendement n° 80 est retiré. Par conséquent, le sous-amendement n° 144 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Milon, et tendant, dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 80, à supprimer le mot : « consultation », n'a plus d'objet.
Je suis donc saisie de trois sous-amendements.
Le sous-amendement n° 325, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles, supprimer le mot :
consultation
Le sous-amendement n° 326, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes concernées en sont préalablement informées, sauf si cette information risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale ou à la sécurité des personnes.
Le sous-amendement n° 327, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles par les mots :
sous réserve d'en informer préalablement les personnes concernées, sauf si cette information risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale ou à la sécurité des personnes
Ces sous-amendements ont déjà été défendus.
L'amendement n° 117 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
en informe
insérer les mots :
le président du conseil général et
La parole est à Mme Valérie Létard.
Dans la mesure où le conseil général est le chef de file en matière d'action sociale, il importe qu'il soit également informé par un professionnel des graves difficultés sociales, éducatives ou matérielles rencontrées par une personne ou plusieurs personnes d'une famille.
L'amendement n° 106 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, supprimer les mots :
pour assurer une meilleure efficacité de l'action sociale
La parole est à Mme Valérie Létard.
Il revient au conseil général d'être le chef de file en matière d'action sociale. Cet amendement vise donc à éviter toute confusion entre les différentes compétences des collectivités territoriales.
L'amendement n° 110 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles :
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille, un coordonnateur peut être désigné parmi eux, par le président du conseil général, après consultation du maire et l'accord de l'autorité dont il relève. »
La parole est à Mme Valérie Létard.
Cet amendement tend, d'une part, à rendre facultative la désignation d'un coordonnateur et, d'autre part, à confier cette responsabilité au président du conseil général plutôt qu'au maire dans le but de respecter la compétence de principe du département en matière d'action sociale.
L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Girod et Houel, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles :
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille, un coordonnateur peut, après accord de l'autorité dont il relève, être désigné parmi eux par le maire.
La parole est à M. Michel Houel.
Il importe que le maire soit libre de décider de l'opportunité et de la nécessité de désigner un coordonnateur parmi les professionnels de l'action sociale. Quant à la désignation elle-même, il paraît nécessaire qu'elle se fasse avec l'accord de l'autorité dont ce coordonnateur relève hiérarchiquement et, notamment, du président du conseil général.
Il semble, en revanche, peu pertinent de reconnaître un pouvoir, même facultatif, de substitution au président du conseil général si le maire a décidé de ne pas recourir à un coordonnateur.
L'amendement n° 81, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Remplacer les deux derniers alinéas du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le coordonnateur est soumis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel ou à une obligation de réserve ou de discrétion et qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret, afin d'évaluer leur situation, de déterminer les mesures d'action sociale nécessaires et de les mettre en oeuvre. Le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l'accomplissement de la mission d'action sociale. Les personnes concernées en sont préalablement informées.
« Les professionnels mentionnés à l'alinéa précédent peuvent également autoriser le coordonnateur à transmettre au président du conseil général et au maire de la commune de résidence les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respectives sous réserve d'en informer préalablement les personnes concernées. Les informations ainsi transmises ne peuvent être communiquées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal. »
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 142 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Jarlier, Girod et Houel, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles :
Tous les professionnels de l'action sociale intervenant auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille sont autorisés...
La parole est à M. Michel Houel.
Le professionnel de l'action sociale intervenant seul ainsi que le coordonnateur désigné par le maire lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille sont habilités, selon le texte, à révéler au maire ou à son représentant, au sens de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, les informations confidentielles qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif.
Pour plus d'efficacité, le maire doit disposer d'une information complète et directe de la part des professionnels de l'action sociale, notamment lorsqu'il existe plusieurs intervenants auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille.
Par conséquent, dans cette dernière hypothèse, tous les professionnels doivent être habilités à révéler au maire les informations confidentielles qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences, et non le seul coordonnateur, comme le texte le prévoit.
L'amendement n° 111 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après les mots :
du code général des collectivités territoriales,
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code l'action sociale et des familles :
les informations confidentielles dans les domaines sanitaire, social et éducatif qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences en matière de prévention de la délinquance.
La parole est à M. Yves Détraigne.
Le secret partagé est délicat à mettre en oeuvre. Il convient d'éviter tout abus. Aussi, par cet amendement, nous proposons que le champ d'application de cet article en matière d'échange d'informations soit parfaitement canalisé et que ne puissent être divulguées que les informations qui sont étroitement liées aux compétences confiées au maire en matière de prévention de la délinquance.
L'amendement n° 141 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Jarlier, Girod et Houel, est ainsi libellé :
À la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
dans les domaines sanitaire, social et éducatif.
par les mots :
en matière de prévention de la délinquance.
La parole est à M. Michel Houel.
Le professionnel de l'action sociale intervenant seul ou le coordonnateur sont autorisés, selon le texte, à révéler au maire ou à son représentant les informations confidentielles qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif.
Afin de cadrer avec l'économie générale du texte, les informations fournies au maire doivent lui permettre d'exercer ses compétences en matière de prévention de la délinquance.
La suppression de l'article 5 retirerait tout intérêt au projet de loi. Ce serait un peu comme si nous décidions de ne pas en délibérer. Or, des motions de procédure ont été déposées, qui ont été rejetées. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur les amendements de suppression n°s 183 et 252.
Le sous-amendement n° 321, présenté par Mme Létard, vise à ce que le coordonnateur soit désigné par le président du conseil général, ce dernier pouvant toutefois déléguer cette compétence au maire. Il est radicalement contraire à la position de la commission, qui s'appuie sur la proximité du maire.
Je rappelle que l'amendement n° 11 rectifié de la commission prévoit l'accord de l'autorité dont relève le coordonnateur, qui, dans 80 % des cas, sera effectivement le président du conseil général, puisque 80% des travailleurs sociaux dépendent du département.
Bien qu'elle ne l'ait pas examiné, la commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, fidèle en cela à la logique de son analyse. Nous estimons que la désignation du coordonnateur par le président du conseil général ruine la relation de proximité du maire dans son action en faveur de la prévention de la délinquance.
Les sous-amendements n° 322 et 325 sont identiques. Ils visent à instaurer la codécision du maire et du président du conseil général pour la désignation du coordonnateur. La décision n'émanerait donc pas seulement du président du conseil général.
La commission émet un avis défavorable sur ces sous-amendements. Nous estimons en effet que c'est au maire de procéder à la désignation du coordonnateur, même si cela doit se faire en étroite collaboration avec le président du conseil général.
Les maires que j'ai rencontrés ont mis en avant leur situation et leur autorité morale. Ils sont globalement reconnus par l'ensemble de la population de leur commune. En outre, à partir du moment où la désignation est effectuée à un niveau supérieur, c'est-à-dire par le président du conseil général, une certaine politisation peut se produire. Ce dernier est effectivement considéré comme une autorité plus politique §
Nous avons estimé que, à partir du moment où nous avions prévu que la hiérarchie du travailleur social devait donner son accord, nous laissions une toute petite fenêtre à l'hypothèse, à mon sens rarissime, où le président du conseil général et le maire seraient obligés de s'asseoir à la même table pour travailler ensemble, sans a priori, et désigner un travailleur social de la caisse d'allocations familiales ou d'une association.
Le sous-amendement n° 315 rectifié, qui a trait à l'information préalable et qui tend à reprendre certaines dispositions relatives à la protection de l'enfance, nous semble souffrir d'un certain nombre de défauts.
En effet, nuire à l'efficacité de l'action sociale, c'est une chose, mais présenter un danger pour les personnes, c'est une autre chose. D'ailleurs, un sous-amendement présenté par le président de la commission des affaires sociales tend à ajouter une précaution supplémentaire.
La commission n'est pas favorable à cette information préalable, qui peut s'avérer dangereuse dans certains cas. Elle estime qu'il vaut mieux faire confiance au travailleur social, qui a la possibilité de prévenir lorsqu'il estime que son devoir et sa déontologie l'exigent. Mais il existe des hypothèses où il n'est pas nécessaire d'ériger cette information en règle générale. Cela pourrait se retourner contre l'intérêt des uns et des autres ; je pense aux cas de violences conjugales ou de mariages forcés, que j'ai évoqués.
La parole est à M. Michel Mercier, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
M. Michel Mercier. Je viens d'entendre des propos inadmissibles, selon lesquels les décisions du président du conseil général seraient influencées par ses opinions politiques. Comme si les maires n'en avaient pas !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame la présidente, en application des dispositions du règlement, je demande une suspension de séance afin que mon groupe puisse se réunir et adopter une position commune.
Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le rapporteur est là pour rapporter ce que lui ont dit les maires et les associations d'élus locaux qu'il a rencontrés.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Le nombre de maires, toutes tendances politiques confondues, qui ont soulevé le risque d'une telle situation était trop important pour que je le cache. Et vous savez très bien vous-même, mon cher collègue, que ce risque existe et qu'il serait naïf de vouloir le masquer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.
Je ne préside plus de conseil général, mais je soutiens M. Mercier, car je suis scandalisé par les propos de M. le rapporteur !
Je crois vraiment que, si les présidents de conseils généraux n'avaient qu'à se préoccuper de questions politiques de ce type, ce serait lamentable. L'éloignement du conseil général est au contraire une garantie importante que les opinions politiques n'interféreront pas dans cette affaire. J'appuie totalement la demande de suspension de séance de M. Mercier.
J'essaie de vous faire imaginer comment vont oeuvrer les travailleurs sociaux sur le terrain.
Retenons l'hypothèse de M. le rapporteur et supposons que le président du conseil général et le maire soient en farouche opposition politique. Même si ce problème peut sembler mineur sur le plan intellectuel, il est important, puisque les élus refusent de s'entendre dans l'intérêt des citoyens et des êtres les plus défavorisés. Admettons-le.
Imaginons que, grâce à ce texte, qui n'aurait pas prévu la codécision, le maire puisse désigner d'autorité le travailleur social de son choix comme coordonnateur, et que, pour éviter les ennuis, il choisisse un travailleur social hors du conseil général. Puisque 80 % des travailleurs sociaux appartiennent au conseil général, on se demande comment cette coordination va fonctionner lorsque le président du conseil général aura enjoint à ses collaborateurs de ne pas travailler avec le maire et le coordonnateur qu'il a choisi...
Nous sommes donc condamnés à nous entendre pour défendre l'intérêt des plus fragiles d'entre nous. C'est l'honneur de la loi de défendre les plus faibles, c'est l'honneur aussi des élus. Et imaginer que deux élus, un président de conseil général et un maire, puissent s'opposer farouchement pour choisir le meilleur coordonnateur, quitte à mettre en péril des êtres en situation de fragilité, c'est pour moi impensable ! Et si cela se produit, ils seront comptables de leurs actes devant l'ensemble des citoyens.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons accéder à la demande de M. Mercier et interrompre nos travaux. Je vous propose de les reprendre à vingt et une heures trente.
Assentiment.
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quarante.