Intervention de Elisabeth Doineau

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 avril 2019 à 9h05
Audition commune des agences sanitaire sur la borréliose de lyme

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

Les tables rondes que nous avons organisées ont suscité beaucoup d'intérêt, si j'en juge par le nombre de mails que nous avons reçus, et des manifestations diverses... Merci à nos interlocuteurs de tous les éléments fournis, car il existe effectivement une controverse, qui a occasionné une grande confusion.

Rien n'est admis comme certain dans les connaissances sur la maladie de Lyme et sur les soins. Néanmoins sont revenues, dans les propos des professeurs Faust et Salomon, les expressions de « pragmatic decision » et de « recommandations pragmatiques »...

L'Institut national de santé public canadien dispense une formation, en particulier pour les médecins généralistes, sur le diagnostic et le traitement de la maladie de Lyme. Qu'en est-il en France ? Une formation à la prise en charge de Lyme ne devrait-elle pas être une priorité dans la formation continue des généralistes ?

Pourriez-vous nous donner plus de précisions sur les moyens financiers que la puissance publique consacre à la maladie de Lyme ? Certains de nos interlocuteurs se sont plaints de ne pas disposer des moyens nécessaires pour des recherches cliniques...

L'existence supposée, récusée, d'une maladie de Lyme chronique cristallise les tensions entre au sein de la communauté médicale mais aussi avec les communautés associatives de patients.

Le courrier que vous avez adressé à la Spilf, professeur Salomon, a déclenché beaucoup de réactions. Comment penser que les recommandations qui seront finalement émises seront de nature à apaiser le débat ?

Professeur Jérôme Salomon. - Sur la prévention, nous en sommes à l'étape de la mobilisation : l'application signalement-tiques rencontre un grand succès, il s'agit presque de science participative, ludique. Les participants envoient des photos, des données de géolocalisation.

Au titre de la prévention, pas moins de 800 documents ont été diffusés, ils sont disponibles en ligne. Les associations, les collectivités jouent un rôle majeur dans la prévention. L'Office national des forêts a affiché plus de 2 000 panneaux d'information à l'entrée des forêts. Nous avons diffusé des spots de conseils ; ils ont été réalisés en étroite collaboration avec les associations - qui ont écrit d'excellents scripts !

On peut éviter des morsures de tiques, on peut gérer les piqûres lorsqu'elles se produisent. Nous avons un partenariat avec l'Association française des maladies vectorielles à tiques. La recherche sur la maladie concerne l'ensemble des grands opérateurs de la recherche : Inserm, INRA, CNRS, CEA aussi, qui travaille sur des tests. On pourrait mobiliser encore plus les Alliances, mais l'intérêt s'accroît continument pour les maladies vectorielles à tiques. L'Agence nationale de la recherche peut faire des appels à projets ; le programme hospitalier de recherche clinique est également un outil important pour les praticiens qui souhaitent développer des recherches ; enfin, il faut aller chercher les financements européens, qui existent, en particulier sur les questions d'impact de l'environnement sur la santé, priorité de l'Horizon 2020.

Sur cette maladie, le savoir est récent, les professionnels de santé la découvrent, ils n'en ont pas entendu parler durant leur formation initiale. Je crois beaucoup aux vertus pédagogiques de la relation patients et médecins, qui pousse les seconds à mettre à jour leurs connaissances. Ils ont besoin d'un site d'information fiable, de recommandations nationales. Le site sante.fr collecte des informations fiables à destination du grand public ; il est à présent disponible en application. Il y a aussi les Mooc. Mais attention, les connaissances évoluent en permanence, avoir suivi une formation en 2018 ne serait pas l'assurance de tout connaître ! C'est une maladie dont on ne sait pas grand-chose, le champ d'investigation - humain, vétérinaire, environnemental - est immense.

Maladie chronique ou non ? Le Pr Faust a la bonne attitude : il rappelle que les patients n'inventent pas leurs symptômes, et qu'ils ont des symptômes chroniques, liés ou non à l'exposition aux tiques, liés ou non à une maladie vectorielle à tiques. Mais ces patients ont-ils reçu un traitement d'une durée convenable ? L'étiologie est fondamentale, afin d'éviter les stigmatisations et l'enfermement dans un diagnostic, à l'exclusion de toute autre pathologie. Souvenez-vous comment l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'ouest a fait tomber tous les dogmes. On disait que le virus resterait localisé, il a franchi les frontières des villages pour atteindre les grandes villes ; que le port de gants et de lunettes protégeait efficacement le personnel de santé, des dizaines de professionnels de santé en sont morts ; qu'Ebola n'avait pas de forme asymptomatique, qu'il était hémorragique et mortel à chaque fois, or des centaines de personnes sont porteuses mais sans symptômes. On croyait qu'on en mourait ou en guérissait, mais une infirmière contaminée conserve aujourd'hui une persistance du virus. Que cela nous incite à l'humilité...

L'important est de définir quelle attitude les professionnels doivent adopter - et de rester dans le champ classique de la médecine, pour poser un diagnostic et proposer des traitements.

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