Intervention de Laura Georges

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 28 mars 2019 : 1ère réunion
Audition de Mme Laura Georges secrétaire générale de la fédération française de football

Laura Georges, secrétaire générale de la Fédération française de football :

En effet, la question du double projet constitue l'un des éléments les plus compliqués pour les joueuses de très haut niveau. Le championnat de football français féminin est amateur, mais les joueuses s'entraînent comme des professionnelles. Les matchs ont lieu en semaine et le week-end pour les équipes du PSG et de l'OL, qui jouent en Ligue des Champions. Pour les dix autres clubs, les matchs ont lieu le week-end.

Dans les plus grands clubs français, il reste difficile de s'entraîner en journée tout en ayant une scolarité. Je manque de chiffres sur le sujet, mais certaines filles arrêtent leurs études parce qu'elles sont frustrées de mener deux projets de front. Certaines joueuses suivent des formations qui sont proposées par leur club. À l'OL par exemple, des professeurs de management viennent certains jours de la semaine pour dispenser des cours étalés durant l'année. Au PSG, des cours d'anglais sont proposés aux filles.

Il me semblerait pertinent que des personnes dédiées proposent des formations aux filles et les accompagnent dans leur projet professionnel au sein de chaque club féminin. En Allemagne, il est possible de jouer à haut niveau et de suivre des hautes études également, notamment grâce au e-learning. J'ignore combien de joueuses françaises de haut niveau se forment en e-learning aujourd'hui, mais cela n'existait pas dans les clubs où j'ai joué. Il faudrait donc organiser un rapprochement entre les universités et les clubs féminins. À l'heure actuelle, certains établissements refusent d'accueillir des sportives qui sont régulièrement absentes. Le milieu scolaire peut avoir une image du footballeur ou de la footballeuse comme étant un sportif qui ne veut que gagner de l'argent. Certaines de mes coéquipières m'ont fait part de réactions négatives de la part de directeurs d'établissement en raison de leurs absences répétées.

Je ne dirais pas que le système américain est parfait, mais le milieu universitaire aux États-Unis encourage les athlètes qui veulent étudier. Les universités sont fières de les accueillir. Nos mentalités doivent donc évoluer. Au ministère, la volonté politique est affirmée pour que les athlètes puissent étudier au plus haut niveau, mais je ne sais pas comment cela se décline dans les universités. Nous devons convaincre et envisager des solutions au cas par cas. Certains athlètes sont découragés d'étudier parce qu'on leur rétorque qu'il sera trop compliqué de cumuler leurs études avec leur pratique de haut niveau. Il faudrait au contraire adapter les programmes plutôt que de décourager les athlètes.

Ces derniers doivent au moins être écoutés lorsqu'ils manifestent l'envie de suivre une formation. La vie de sportif de haut niveau est parfois en décalage avec les rythmes scolaires, mais il est important d'accompagner les sportifs. J'encourage en tout cas les joueuses à étudier en parallèle de leur pratique sportive. Nous savons que les formations à distance mènent souvent au décrochage, mais elles peuvent constituer une solution intéressante. Le fait de ne pas être dans une classe reste néanmoins préjudiciable pour la motivation. Certaines écoles de management proposent du e-learning, mais cela n'est pas le cas des universités. Par conséquent, certaines joueuses se voient obligées d'arrêter soit leurs études, soit le football. Nous devons donc accompagner les établissements pour qu'ils s'adaptent, qu'ils proposent une écoute aux athlètes et qu'ils cherchent une adaptation pour les sportives de haut niveau.

Par ailleurs, l'objectif des mille arbitres femmes a été atteint durant cette saison. Nous continuerons à progresser, notamment grâce à un séminaire lors duquel nous inviterons les directeurs de l'Union nationale du sport scolaire, les responsables de l'Union sportive de l'enseignement du premier degré (USEP) et de l'Union générale sportive de l'enseignement libre (UGSEL) ainsi que le corps militaire. Nous devons développer une relation de proximité avec les acteurs de l'éducation si nous voulons continuer à développer l'arbitrage féminin.

S'agissant du Mondial, il est vrai que l'équipe de France subit une forte pression. Les conditions de préparation sont exceptionnelles pour les joueuses. Elles iront dans les meilleurs hôtels et bénéficieront d'un staff élargi, et notamment de préparateurs physiques et d'assistants vidéo.

La Coupe du monde se déroulera dans neuf villes : Valenciennes, Reims, Le Havre, Grenoble, Paris, Lyon, Montpellier, Nice et Rennes. Les terrains sont ceux des stades de la Ligue 1 masculine. Ils sont de haute qualité. Ces villes ont été choisies en fonction de leur volonté et de leur implication. Nous voulions organiser le Mondial avec des villes qui ont à coeur de mettre des moyens pour remplir les stades, car cela est notre premier objectif. Certaines villes, comme Nice, souhaitent relancer le sport dans leur territoire. Paris a comme objectif d'accueillir le monde. L'OL souhaite mettre en oeuvre une politique de diversité.

De notre côté, nous voulons avoir des stades pleins pour l'ensemble de la compétition, pas uniquement pour les matches de l'équipe de France. La Jamaïque, par exemple, ne fait pas partie des grandes nations du football, mais nous souhaitons que les spectateurs soient ouverts à l'ensemble des équipes présentes. Les premières ventes sont encourageantes. Nous sommes en avance sur nos objectifs, ce qui montre que les spectateurs ont une réelle considération pour le football féminin. Nous voulons bien sûr que notre équipe gagne le titre, mais nous aimerions surtout que ce Mondial soit l'occasion d'offrir une belle fête sur le territoire. La Coupe du monde ne concerne pas uniquement les pratiquants du football, mais elle concerne tout le monde, comme cela était le cas en 1998. Par conséquent, nous ne voulons pas que ce Mondial soit considéré comme une compétition féminine, mais comme une compétition que la France organise.

Enfin, nous avons des programmes sur l'arbitrage dans le milieu scolaire, tels que la Quinzaine du football dans les collèges et les lycées. Les jeunes font une restitution vidéo à l'issue d'une saison de football. Des lauréats du concours sont ensuite invités à rencontrer les joueurs professionnels et à assister à des matchs nationaux et internationaux. Nous initions également les jeunes à l'arbitrage. Ils peuvent avoir l'occasion de rencontrer des arbitres lors des matchs de l'équipe de France, par exemple.

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