Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur le football féminin et la Coupe du monde 2019. J'ai l'honneur de remplacer notre présidente, Annick Billon, qui intervient ce matin à la Journée des entreprises.
C'est pour moi un grand plaisir d'accueillir parmi nous Laura Georges, secrétaire générale de la Fédération française de football (FFF) et ancienne joueuse de l'équipe de France au palmarès impressionnant. Vous êtes une femme de caractère et une grande championne. Vous répandez autour de vous l'envie de faire du football pour les femmes et les petites filles.
Je précise que notre réunion est ouverte au groupe d'étude « Pratiques sportives et grands événements sportifs », comme nos précédentes auditions. Je souhaite donc la bienvenue à ses membres et je remercie chaleureusement nos collègues qui nous font l'amitié d'être présents à nos côtés ce matin. Le président Savin s'est excusé de ne pas pouvoir assister à cette audition, mais je salue la présence de nos collègues Jean-Raymond Hugonet et Claude Kern. Nous sommes habituellement plus nombreux, mais plusieurs événements sont organisés ce matin au Sénat.
J'ai également le plaisir d'accueillir parmi nous des auditeurs de la quatrième promotion de l'Institut du Sénat, à qui je souhaite la bienvenue au nom de toute la délégation.
Je précise à l'intention de Laura Georges que la délégation aux droits des femmes a décidé à l'unanimité de s'intéresser au football féminin, dans la perspective de la Coupe du monde de football féminin qui se tiendra en France du 7 juin au 7 juillet 2019. Nous souhaitons mettre à l'honneur l'équipe française à l'occasion de cette compétition qui représente une opportunité de valoriser les joueuses qui portent nos couleurs.
Notre objectif est également d'encourager le développement de la pratique du football féminin dans nos territoires. Pour mener ce travail, nous avons désigné quatre co-rapporteures représentant différentes sensibilités politiques de notre haute assemblée. Sachez que nous travaillons en parfaite harmonie pour la promotion des droits des femmes.
Les co-rapporteures sont :
- Annick Billon, présidente de la délégation pour le groupe Union centriste ;
- Céline Boulay-Espéronnier, pour le groupe Les Républicains ;
- Victoire Jasmin, pour le groupe Socialiste et républicain ;
- et Christine Prunaud, pour le groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste.
Nous avons lancé nos travaux le 13 décembre 2018 avec l'audition de Roxana Maracineanu, ministre des Sports. Nous avons entendu la semaine dernière Frédérique Jossinet, directrice du football féminin et de la féminisation à la FFF, que vous connaissez bien. Nous auditionnerons aussi Brigitte Henriques, vice-présidente de la FFF et du comité d'organisation du Mondial.
Nous nous efforçons de compléter ces auditions par des déplacements dans les territoires, ce qui est extrêmement important à nos yeux. Ces déplacements nous ont permis d'échanger avec des dirigeants et des joueuses du Paris Football Club au centre d'entraînement d'Orly, mais aussi avec des clubs vendéens. Enfin, nous organiserons une table ronde au mois de mai qui sera plus particulièrement dédiée à la Coupe du monde elle-même sous le prisme de la visibilité et de la médiatisation.
Le football féminin a beaucoup progressé en termes de visibilité et de présence dans les médias depuis quelques années, sans malheureusement égaler le football masculin dans le coeur du grand public. Toutefois, j'ai entendu un certain nombre de supporters dire qu'ils s'intéressaient de plus en plus au football féminin, à la fois pour la qualité de la prestation des joueuses et pour l'ambiance des matchs, qui est plus apaisée et plus respectueuse des règles du sport que lors des matchs masculins.
Madame Georges, vous avez connu une carrière exceptionnelle de joueuse internationale, membre de l'équipe de France, tout en évoluant dans les meilleurs clubs féminins en France, en Europe et aux États-Unis. Depuis le mois de mars 2017, vous êtes secrétaire générale de la Fédération française de football. L'une de vos missions consiste notamment à développer l'attrait de la fonction d'arbitre auprès des jeunes filles. J'étais par exemple impressionnée par le parcours de Nelly Viennot et cela me paraît important qu'il y ait davantage d'arbitres femmes. Nous connaissons votre engagement en faveur de la promotion du football féminin et plus généralement du sport féminin. Depuis votre nomination à la FFF, vous êtes une véritable ambassadrice du football féminin auprès des jeunes et des médias.
Nous sommes donc particulièrement heureuses et heureux de vous recevoir, car vous symbolisez un modèle de réussite pour les jeunes filles qui pratiquent ou qui voudraient pratiquer le football. Vous incarnez par ailleurs une évolution positive en matière de féminisation de la gouvernance du football français. Nous savons bien que tous les lieux de pouvoir restent difficiles à atteindre pour les femmes.
Nous aimerions donc que vous nous parliez de votre parcours de joueuse de football au plus haut niveau et de votre reconversion. Comment avez-vous concilié les exigences du haut niveau sans avoir pour autant de statut professionnel, le football féminin dépendant en France de la ligue amateur ? Notre délégation devra d'ailleurs s'intéresser à ce paradoxe dans son rapport. De façon plus générale, comment devons-nous progresser pour aider les joueuses à concilier les exigences du sport de haut niveau avec un statut et une rémunération qui ne sont pas toujours à la hauteur de ces exigences ?
En outre, quelles sont vos ambitions, en tant que secrétaire générale de la FFF en ce qui concerne le développement et la promotion du football féminin et de la mixité dans le football ? Pouvez-vous nous parler en détail de votre mission sur la féminisation de l'arbitrage ?
Enfin, comment vous investissez-vous dans la préparation de la Coupe du monde à venir ? En tant qu'ancienne joueuse, comment appréhendez-vous cette compétition qui aura lieu dans notre pays un an après la victoire de l'équipe masculine ?
Nous vous remercions chaleureusement pour votre présence. Je vous cède la parole sans plus tarder. À l'issue de votre présentation, je laisserai mes collègues vous poser des questions à leur tour.
Bonjour à toutes et à tous, je suis particulièrement ravie d'être présente ici au Sénat. C'est un réel plaisir de venir pour la première fois dans votre institution. Je me réjouis que vous puissiez mener des travaux sur le football féminin. En effet, nous organisons cette année la Coupe du monde féminine de football. Les joueuses et les membres de la Fédération sont donc extrêmement sollicités pour parler du sport et du Mondial féminin, mais aussi de la place de la femme dans la gouvernance et dans le sport. J'espère que cela n'est pas juste une mode. Je tiens à vous remercier en tout cas de réaliser ces travaux autour du football féminin. J'espère qu'ils mèneront à une avancée ou à une médiatisation supplémentaire de notre pratique.
Vous m'avez demandé de parler de mon parcours. J'ai eu la chance d'être joueuse professionnelle pendant vingt-et-un ans et de faire partie de la sélection en équipe de France pendant dix-sept ans. J'ai donné plus de la moitié de ma vie au football.
Comment suis-je venue au football ? J'ai débuté à l'âge de douze ans. On m'a repérée dans la cour du collège et on m'a proposé de venir m'entraîner au PSG. J'ai grandi dans le parc du château de Versailles et le club le plus proche qui avait une section sportive féminine à l'époque était le PSG. J'y ai donc débuté ma carrière en 1996.
J'ai eu la chance d'intégrer rapidement le centre de formation de Clairefontaine, où se trouve l'Institut national du football. Cet Institut a pris le pari de créer une élite féminine en 1998 sous l'impulsion d'Aimé Jacquet. J'y ai passé cinq ans afin de pouvoir jouer dans les meilleures conditions tout en étudiant. En effet, lorsque je jouais au football au PSG, nous nous entraînions à 19 heures parce que mes coéquipières travaillaient. Le seul moment durant lequel elles pouvaient s'adonner au football était le soir après leur activité professionnelle. Étant en centre de formation, j'ai pu étudier et bénéficier d'horaires corrects pour m'entraîner l'après-midi.
À l'issue de ces cinq ans, j'ai été recrutée par le Boston College, une université américaine qui était venue en spring break en France et qui avait joué contre le PSG. À la fin du match, les responsables du club américain m'ont demandé si je parlais anglais et si j'étais intéressée pour jouer aux États-Unis. Je leur ai répondu que j'étais évidemment motivée. J'avais toujours été intéressée par l'anglais. Pour moi, le football a été un passeport pour financer mes études. J'ai passé le Test of English as a Foreign Language (TOEFL) et fait traduire l'ensemble de mes cours de management. En effet, j'avais intégré à 19 ans le pôle de management de la Défense, créé sous l'impulsion de Valéry Giscard d'Estaing. Cela me permettait d'étudier dans une autre filière que les sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). J'ai donc été initiée au marketing et au management.
Je suis partie aux États-Unis et je suis devenue une étudiante américaine. J'ai passé trois ans dans cette université et j'ai obtenu un diplôme de bachelor en communication tout en pratiquant le football. J'ai également eu la chance de rencontrer un psychologue connu et reconnu dans le milieu sportif, George Mumford, qui a notamment travaillé avec Michael Jordan. Durant ces années aux États-Unis, je n'ai pas joué dans une meilleure équipe qu'en France. Le niveau footballistique universitaire américain n'est pas meilleur qu'en France, mais je suis partie pour bénéficier d'une meilleure formation et pour vivre une expérience unique. J'ai grandi humainement et j'ai amélioré mon estime de moi.
En rentrant en France, j'ai découvert le haut niveau à l'Olympique lyonnais, qui souhaitait gagner la Ligue des Champions. Ils connaissaient mon tempérament en équipe de France puisque j'étais internationale senior lorsque je vivais aux États-Unis. J'avais débuté avec l'équipe de France senior à l'âge de 17 ans. À mon retour en France, j'avais l'ambition de devenir professionnelle et de gagner la Ligue des Champions. Jean-Michel Aulas a fait le pari de professionnaliser le football féminin et d'y attribuer les moyens nécessaires, car il ne suffit pas de créer une équipe féminine. L'OL a proposé un salaire à ses joueuses. Il nous a offert les meilleures conditions pour jouer, comme des terrains de qualité et un suivi médical. Grâce à ce salaire, nous pouvions nous consacrer pleinement à notre passion. J'avais terminé mes études et obtenu un master 2 en Marketing, communication et stratégie commerciale. Je me suis lancée entièrement dans l'activité de joueuse professionnelle. Je bénéficiais d'un contrat fédéral, même si nous n'étions pas considérées comme des joueuses professionnelles d'un point de vue juridique.
Après quelques échecs, j'ai gagné la Ligue des Champions. Ensuite, l'entraîneur a décidé de me faire quitter le club en raison de la concurrence internationale. L'OL a recruté une joueuse japonaise à mon poste. J'ai quitté Lyon après six saisons, deux victoires en Ligue des Champions, six titres de championne de France et trois titres de Coupe de France.
Je suis alors rentrée « à la maison », en quelque sorte, et j'ai retrouvé le PSG. Il était compliqué de concurrencer l'OL et je n'ai gagné aucun titre avec le PSG. J'ai toutefois joué lors de deux finales de Ligue des Champions. Puis l'entraîneur de l'OL est arrivé au PSG. Au bout de deux ans, il a décidé de me faire jouer en équipe réserve. J'ai donc quitté le PSG en décembre 2017 pour le Bayern de Munich. J'y suis restée six mois avant de prendre la décision d'arrêter ma carrière.
Entre-temps, j'étais devenue secrétaire générale de la FFF en mars 2017, alors même que je jouais pour le PSG. L'un de mes dossiers concerne le développement de l'arbitrage féminin. Mais en tant que joueuse, j'étais confrontée à des arbitres du championnat français sur le terrain. Cette double fonction posait des problèmes d'éthique. Il était compliqué d'être à la fois secrétaire générale et joueuse. Cela ne s'était d'ailleurs jamais vu. J'avais accepté d'être secrétaire générale, car il me semblait trop facile de critiquer les instances sans m'impliquer personnellement. Lorsque vous avez l'opportunité de faire partie d'un comité exécutif, il est temps de prendre vos responsabilités pour faire avancer les mentalités. Après une discussion avec mon président, j'ai décidé d'arrêter ma carrière de joueuse pour me consacrer pleinement à ma fonction de secrétaire générale.
Comment cette nomination s'est-elle passée ? Comment une joueuse est-elle amenée à intégrer un comité exécutif et à devenir secrétaire générale ? Pendant ma carrière au PSG, le président de la Fédération, Noël Le Graët, m'a contactée. Il m'a convoquée afin d'échanger. Lorsqu'il m'a demandé si je savais pourquoi il souhaitait me voir, j'ai répondu que je l'ignorais. Je pensais qu'il voulait me confier des dossiers concernant les outre-mer.
Lors de notre rencontre, le président m'a expliqué qu'il était en pleine période d'élection et qu'il était en train de former son comité exécutif. Quand il m'a proposé d'intégrer le comité, je lui ai immédiatement demandé s'il me proposait ce poste parce que j'étais une femme et une personne de couleur. Il était important pour moi de lui poser la question et d'être transparente sur mes interrogations. Il m'a répondu qu'il savait que j'étais investie dans ma discipline et que le fait que je sois une personne de couleur n'était pas un critère. Un président a besoin d'être représenté par des personnes qui sont intelligentes et qui savent s'exprimer. Il avait confiance en moi. Il savait que j'aimais parler des sujets qui me tiennent à coeur.
Suite à cette proposition, j'ai réfléchi et j'ai mesuré les avantages et les inconvénients. J'étais encore joueuse et il y avait la perspective de jouer la Coupe du monde. Je me demandais si mes performances sportives ne seraient pas entravées par la fonction de secrétaire générale de la FFF. In fine, j'ai décidé d'accepter la proposition de Noël Le Graët. En effet, ce genre d'opportunité ne se présente pas souvent. Elle me permettait de porter un regard et une parole pour les femmes et pour ma discipline. J'ai décidé un an plus tard d'arrêter ma carrière pour me consacrer totalement à ma fonction au sein de la Fédération.
Le rôle de secrétaire générale d'une fédération consiste généralement à donner les orientations stratégiques. A la FFF, nous avons une directrice générale, comme dans une entreprise, qui assume les responsabilités de la vision stratégique. En ce qui me concerne, je représente notre président sur le territoire et à l'international. Je suis régulièrement invitée par les ligues et les districts pour intervenir sur quelque sujet que ce soit. Je suis bien identifiée sur la question du football féminin, mais il m'arrive d'intervenir également pour remettre des récompenses à nos licenciés ou à nos bénévoles, pour évoquer l'arbitrage féminin ou pour encourager les femmes à s'investir dans le football. J'ai aussi pour mission de développer et de promouvoir l'arbitrage féminin. De plus, en cette année de Coupe du monde, je suis ambassadrice auprès du comité d'organisation de la Coupe du monde féminine.
S'agissant de ma mission de développement de l'arbitrage féminin, il est vrai que je n'ai jamais été arbitre. En tant que joueuse, j'ai toujours respecté les arbitres, même si j'étais une défenseure rugueuse. J'ai eu la chance d'être traductrice lors de matchs de la Ligue des Champions. À ce titre, j'étais proche des arbitres hommes internationaux, qui sont des professionnels reconnus. Je me suis toujours intéressée à cette fonction. Cette mission de développement et de promotion de l'arbitrage m'a été assignée, car elle représente un réel défi pour la Fédération. Actuellement, nous avons plus de 160 000 joueuses sur le territoire. Pour la saison 2017-2018, nous comptions 867 arbitres, soit un chiffre inférieur à l'objectif de l'année 2016, qui était fixé à 1 000 arbitres. J'ai donc pris la responsabilité d'augmenter le nombre de licenciées et de donner une autre vision à l'arbitrage féminin afin d'atteindre cet objectif.
Je me suis posé la question suivante : comment amener les filles à l'arbitrage ? Aujourd'hui, il est simple d'être une joueuse, il suffit de prendre une licence. Les arbitres, pour leur part, doivent suivre une formation de deux ou trois jours et passer un examen. Ensuite, il faut être capable d'aller sur le terrain et de faire face à des équipes masculines ou féminines qui peuvent manifester des signes d'hostilité. À 13, 14 ou 15 ans, certaines filles se rendent compte que l'arbitrage n'est pas fait pour elles et elles abandonnent. Ce dossier constitue donc un réel défi, car il faut changer l'image de l'arbitrage auprès des jeunes filles, mais aussi des jeunes garçons. L'image de l'arbitrage n'est pas bonne à l'heure actuelle, même si la fonction est respectée.
Chaque année, lors des Journées nationales de l'arbitrage, La Poste, qui est notre sponsor principal et national pour l'arbitrage, réalise un sondage. Les questions qui sont posées portent sur l'image des arbitres. Les réponses montrent que l'arbitre est considéré comme un leader qu'il faut respecter. J'ai suggéré à La Poste d'ajouter une question visant à savoir qui voudrait être arbitre de football, car cette question n'est pas posée. Il serait intéressant de savoir combien de personnes assumeraient la responsabilité de prendre le sifflet. Il semble probable que peu de gens en auraient envie et nous devons nous demander pourquoi. Les gens ont peur d'être insultés ou remis en question. Ils ont peur également de prendre des responsabilités. Certes, il est compliqué de manager des hommes et des femmes durant un match. Cela requiert du courage. Souvent, il peut être difficile d'arbitrer des hommes ou de suivre des formations avec des jeunes garçons pour une jeune fille qui commence à pratiquer le football.
J'ai donc proposé un plan de développement à notre comité exécutif. Ce plan sera présenté à nos cadres techniques régionaux lors de notre séminaire en avril. Nous devons changer l'image de l'arbitrage et le mettre au coeur de nos écoles. Il est indispensable aujourd'hui que les jeunes soient formés à l'arbitrage, car cela exige de prendre des responsabilités et de faire face à des décisions et à des situations de crise. Les jeunes s'amusent quand ils pratiquent un sport, mais nous ne leur demandons jamais de prendre des responsabilités ni de faire face à des personnes qui ne sont pas d'accord avec eux.
Je suis intervenue dernièrement dans une école proche de la Fédération, lors des Journées olympiques en vue de Paris 2024. J'ai parlé de ce dossier aux jeunes que j'ai rencontrés. Pour eux, l'arbitre est celui qui met des cartons jaunes ou des cartons rouges. Il est celui qui a le sifflet. Ils ne considèrent pas l'arbitre comme un leader. Cela est normal, car ils sont jeunes. J'ai fait venir une petite fille au milieu de la classe et j'ai demandé à deux groupes de contester une décision qu'elle avait prise et de se plaindre. La petite fille reculait, se rétrécissait. Elle ne pouvait pas parler. Je lui ai dit qu'il fallait qu'elle prenne une décision, mais elle ne savait pas comment faire. Pourtant, les conflits surviennent quotidiennement, notamment dans la vie professionnelle. Nous devons argumenter, expliquer, convaincre. Par conséquent, le fait de donner de telles responsabilités à nos jeunes pourra les préparer pour leur avenir. Cela les aidera à respecter l'autorité et les personnes qui prennent les décisions. Voilà pourquoi il est important de mettre l'arbitrage dans nos écoles.
Sur le territoire, la Fédération accompagnera les ligues et les districts pour maintenir la présence des arbitres. Il est important pour cela de prévoir un accompagnement après les matchs difficiles. Nous lancerons donc une campagne de recrutement de référents et de volontaires qui accompagneront nos arbitres et seront disponibles pour eux après les matchs. Il s'agit là de solidarité, mais nous ferons également évoluer nos statuts. Parfois, il est nécessaire d'imposer certaines avancées. Nous avons par exemple imposé le fait de nommer trois femmes dans les comités exécutifs. À travers les statuts de l'arbitrage, nous inciterons les ligues et les districts à se doter d'arbitres féminines. S'ils investissent dans l'arbitrage féminin, nous les aiderons par le biais de dotations et de nouvelles recrues. Nous ferons en sorte qu'ils aient envie de s'investir et de recruter des arbitres. Nous souhaitons également que nos territoires puissent travailler sur la communication autour de l'arbitrage en déconstruisant les stéréotypes sur cette fonction. Les arbitres eux-mêmes doivent s'approprier cette campagne de communication. La Fédération leur demandera quelle est leur vision de l'arbitrage et les accompagnera dans cette démarche.
Ces mesures concernent le sport amateur, mais nous avons également développé un projet pour l'élite. À nouveau, il faut donner envie à nos jeunes de faire de l'arbitrage et de s'y investir. Cela nécessite de leur donner des perspectives de carrière. Par conséquent, dès septembre 2019, les arbitres seront semi-professionnalisées. La France sera la première nation à proposer des contrats aux arbitres féminines. Je ne peux pas vous indiquer le montant du salaire qui leur sera proposé. Il s'agira d'une indemnité fixe et de primes de matchs. Cette semi-professionnalisation donnera donc des perspectives à nos arbitres. Nous pourrions proposer des salaires plus importants, mais il faut se souvenir que nous parlons d'un championnat amateur féminin. À l'inverse, les équipes masculines font partie d'un championnat professionnel et les arbitres sont rémunérés par la Ligue de football professionnel (LFP). La Fédération affiche donc une volonté politique de rémunérer en partie les arbitres féminines.
Ces dernières auront désormais six camps d'entraînement annuels, alors qu'elles n'en avaient que deux auparavant. Elles bénéficieront d'un suivi médical. Dès le mois d'avril, elles passeront leurs tests physiques durant une journée pour préparer leur saison suivante. Un préparateur physique et un manager supplémentaire les accompagneront. Nous pourrions faire mieux, mais cela est un commencement. Elles seront également équipées de kit oreillettes pour pouvoir communiquer durant tout le match, ce qui évitera des incompréhensions. Dans le championnat actuel, les arbitres ne peuvent pas communiquer entre elles. Nous faisons donc en sorte de les doter matériellement, de les accompagner médicalement et de les aider financièrement pour qu'elles puissent s'adonner à leur discipline.
Dans notre championnat féminin amateur, certains clubs comme le PSG, l'OL ou le Montpellier Hérault ont professionnalisé leurs équipes. Les joueuses sont rémunérées et jouent des coupes du monde. Les arbitres, de leur côté, sont des mamans. Elles travaillent toutes et pratiquent l'arbitrage en parallèle. Le nouveau statut leur permettra de bénéficier de nouvelles conditions et de se sentir plus respectées dans le championnat.
Merci pour cette présentation très complète. Je passe la parole à Victoire Jasmin, qui est co-rapporteure et aura certainement des questions à vous poser. Je salue également l'arrivée de notre collègue, M. Claude Kern, vice-président du groupe d'études « Pratiques sportives et grands événements sportifs ».
Bonjour à tous, merci, Madame Laura Georges, d'avoir répondu à notre invitation. Merci à nos collègues pour leur présence.
Madame Georges, je suis ravie d'avoir découvert votre parcours. Je suis très fière, en tant que femme, de constater que des femmes se sont autant investies dans leur discipline. Je suis aussi contente de savoir que M. Noël Le Graët a souhaité vous intégrer dans son équipe dirigeante et je comprends maintenant pourquoi. Il savait de quoi vous étiez capable. La démonstration que vous venez de faire en évoquant votre parcours et vos objectifs ne peut que valoriser davantage le football féminin, les femmes, mais aussi les hommes. En effet, M. Le Graët a su faire preuve de compétence en vous recrutant et j'en profite pour le remercier.
J'aimerais vous poser plusieurs questions. Tout d'abord, j'aimerais savoir comment vous conciliez l'ensemble de vos missions. Je vous félicite d'ailleurs pour votre parcours. Nous avons eu l'occasion d'auditionner Audrey Keysers et j'aimerais savoir si vous connaissez son livre Football féminin. La femme est l'avenir du foot, qu'elle a coécrit avec Maguy Nestoret, avec une préface de Lilian Thuram. Quand je vous vois aussi épanouie, je me dis que les femmes sont réellement l'avenir du sport.
Concernant la professionnalisation des joueuses, nous avons souvent rencontré lors de nos déplacements des femmes qui ont un double projet. Au Paris Football Club, nous avons vu des femmes déterminées qui concilient leur vie professionnelle et le football. Elles sont épanouies, mais désirent réussir et inciter d'autres jeunes femmes à pratiquer le football.
S'agissant de l'arbitrage, j'aimerais savoir s'il existe des manquements dans les différents clubs. Les dirigeants du PFC, par exemple, nous ont fait part de leur satisfaction, car l'ambiance au sein des équipes féminines est plus apaisée et les femmes acceptent plus facilement les décisions des arbitres. Je constate également que la dimension managériale est importante pour l'avenir du football féminin. Votre formation professionnelle vous permet ainsi de prendre des décisions, ce qui est essentiel.
Vous avez évoqué le Mondial. Je me demande si les équipes sont prêtes. Êtes-vous satisfaite des préparations et des infrastructures qui accueilleront la compétition ?
En matière de football amateur, estimez-vous que vos déplacements dans des écoles peuvent susciter l'envie des jeunes, et des jeunes filles en particulier ? Vous leur montrez que vous occupez cette place parce que vous êtes compétente, et non parce que vous êtes une femme.
Enfin, de nombreuses jeunes filles qui ont souhaité dans le passé faire du football ont souvent rencontré des difficultés dans leur famille ou dans les instances. Nous observons aujourd'hui un engouement pour le football féminin. Des pionnières comme vous suscitent certainement des vocations. J'imagine que les médias jouent également un rôle important dans ce domaine. Quelles relations avez-vous eues avec les médias en tant que sportive de haut niveau ?
Je regrette d'ailleurs qu'aucun journaliste ne soit présent ce matin alors que notre audition est ouverte à la presse. Cela pose question.
En outre, je suis attentive au fait que vous effectuiez un travail afin de repérer des jeunes et de susciter des vocations. Vous avez dit que vous aviez également changé les statuts de la Fédération. Lorsqu'il s'agit de promouvoir les femmes, il est souvent nécessaire de fixer des quotas, comme cela est le cas avec la parité en politique. Je remarque toutefois que la question de la compétence est toujours soulignée lorsqu'il s'agit des femmes, alors qu'elle n'est jamais évoquée s'agissant des hommes.
En effet, la question du double projet constitue l'un des éléments les plus compliqués pour les joueuses de très haut niveau. Le championnat de football français féminin est amateur, mais les joueuses s'entraînent comme des professionnelles. Les matchs ont lieu en semaine et le week-end pour les équipes du PSG et de l'OL, qui jouent en Ligue des Champions. Pour les dix autres clubs, les matchs ont lieu le week-end.
Dans les plus grands clubs français, il reste difficile de s'entraîner en journée tout en ayant une scolarité. Je manque de chiffres sur le sujet, mais certaines filles arrêtent leurs études parce qu'elles sont frustrées de mener deux projets de front. Certaines joueuses suivent des formations qui sont proposées par leur club. À l'OL par exemple, des professeurs de management viennent certains jours de la semaine pour dispenser des cours étalés durant l'année. Au PSG, des cours d'anglais sont proposés aux filles.
Il me semblerait pertinent que des personnes dédiées proposent des formations aux filles et les accompagnent dans leur projet professionnel au sein de chaque club féminin. En Allemagne, il est possible de jouer à haut niveau et de suivre des hautes études également, notamment grâce au e-learning. J'ignore combien de joueuses françaises de haut niveau se forment en e-learning aujourd'hui, mais cela n'existait pas dans les clubs où j'ai joué. Il faudrait donc organiser un rapprochement entre les universités et les clubs féminins. À l'heure actuelle, certains établissements refusent d'accueillir des sportives qui sont régulièrement absentes. Le milieu scolaire peut avoir une image du footballeur ou de la footballeuse comme étant un sportif qui ne veut que gagner de l'argent. Certaines de mes coéquipières m'ont fait part de réactions négatives de la part de directeurs d'établissement en raison de leurs absences répétées.
Je ne dirais pas que le système américain est parfait, mais le milieu universitaire aux États-Unis encourage les athlètes qui veulent étudier. Les universités sont fières de les accueillir. Nos mentalités doivent donc évoluer. Au ministère, la volonté politique est affirmée pour que les athlètes puissent étudier au plus haut niveau, mais je ne sais pas comment cela se décline dans les universités. Nous devons convaincre et envisager des solutions au cas par cas. Certains athlètes sont découragés d'étudier parce qu'on leur rétorque qu'il sera trop compliqué de cumuler leurs études avec leur pratique de haut niveau. Il faudrait au contraire adapter les programmes plutôt que de décourager les athlètes.
Ces derniers doivent au moins être écoutés lorsqu'ils manifestent l'envie de suivre une formation. La vie de sportif de haut niveau est parfois en décalage avec les rythmes scolaires, mais il est important d'accompagner les sportifs. J'encourage en tout cas les joueuses à étudier en parallèle de leur pratique sportive. Nous savons que les formations à distance mènent souvent au décrochage, mais elles peuvent constituer une solution intéressante. Le fait de ne pas être dans une classe reste néanmoins préjudiciable pour la motivation. Certaines écoles de management proposent du e-learning, mais cela n'est pas le cas des universités. Par conséquent, certaines joueuses se voient obligées d'arrêter soit leurs études, soit le football. Nous devons donc accompagner les établissements pour qu'ils s'adaptent, qu'ils proposent une écoute aux athlètes et qu'ils cherchent une adaptation pour les sportives de haut niveau.
Par ailleurs, l'objectif des mille arbitres femmes a été atteint durant cette saison. Nous continuerons à progresser, notamment grâce à un séminaire lors duquel nous inviterons les directeurs de l'Union nationale du sport scolaire, les responsables de l'Union sportive de l'enseignement du premier degré (USEP) et de l'Union générale sportive de l'enseignement libre (UGSEL) ainsi que le corps militaire. Nous devons développer une relation de proximité avec les acteurs de l'éducation si nous voulons continuer à développer l'arbitrage féminin.
S'agissant du Mondial, il est vrai que l'équipe de France subit une forte pression. Les conditions de préparation sont exceptionnelles pour les joueuses. Elles iront dans les meilleurs hôtels et bénéficieront d'un staff élargi, et notamment de préparateurs physiques et d'assistants vidéo.
La Coupe du monde se déroulera dans neuf villes : Valenciennes, Reims, Le Havre, Grenoble, Paris, Lyon, Montpellier, Nice et Rennes. Les terrains sont ceux des stades de la Ligue 1 masculine. Ils sont de haute qualité. Ces villes ont été choisies en fonction de leur volonté et de leur implication. Nous voulions organiser le Mondial avec des villes qui ont à coeur de mettre des moyens pour remplir les stades, car cela est notre premier objectif. Certaines villes, comme Nice, souhaitent relancer le sport dans leur territoire. Paris a comme objectif d'accueillir le monde. L'OL souhaite mettre en oeuvre une politique de diversité.
De notre côté, nous voulons avoir des stades pleins pour l'ensemble de la compétition, pas uniquement pour les matches de l'équipe de France. La Jamaïque, par exemple, ne fait pas partie des grandes nations du football, mais nous souhaitons que les spectateurs soient ouverts à l'ensemble des équipes présentes. Les premières ventes sont encourageantes. Nous sommes en avance sur nos objectifs, ce qui montre que les spectateurs ont une réelle considération pour le football féminin. Nous voulons bien sûr que notre équipe gagne le titre, mais nous aimerions surtout que ce Mondial soit l'occasion d'offrir une belle fête sur le territoire. La Coupe du monde ne concerne pas uniquement les pratiquants du football, mais elle concerne tout le monde, comme cela était le cas en 1998. Par conséquent, nous ne voulons pas que ce Mondial soit considéré comme une compétition féminine, mais comme une compétition que la France organise.
Enfin, nous avons des programmes sur l'arbitrage dans le milieu scolaire, tels que la Quinzaine du football dans les collèges et les lycées. Les jeunes font une restitution vidéo à l'issue d'une saison de football. Des lauréats du concours sont ensuite invités à rencontrer les joueurs professionnels et à assister à des matchs nationaux et internationaux. Nous initions également les jeunes à l'arbitrage. Ils peuvent avoir l'occasion de rencontrer des arbitres lors des matchs de l'équipe de France, par exemple.
Merci d'avoir convié à cette audition notre groupe d'études « Pratiques sportives et grands événements sportifs », présidé par Michel Savin.
Je remercie Laura Georges pour son exposé. Je l'ai suivie dans sa carrière sportive, mais je ne connaissais pas sa carrière « administrative ».
L'arbitrage féminin doit en effet être développé. J'ai peut-être mal compris, mais il m'a semblé que vous vouliez limiter l'arbitrage féminin de haut niveau aux championnats féminins. Or je pense pour ma part qu'il faut que les femmes arbitres puissent arbitrer des matchs de football masculin. En effet, j'ai l'impression que la présence d'un arbitre féminin a un bon impact sur les joueurs masculins. Ils n'osent pas l'attaquer frontalement comme ils le feraient pour un arbitre masculin. L'arbitrage féminin dans le football masculin ne peut être que positif selon moi.
En outre, pourriez-vous préciser de quelle manière vous comptez aider les ligues, les districts et les clubs ? Ces derniers doivent mettre en place des petites écoles de formation des arbitres. Cela peut apporter beaucoup aux clubs, mais aussi à certains joueurs qui n'auraient pas le niveau d'évoluer dans des équipes 1 ou 2, mais qui pourraient devenir de bons arbitres.
Par ailleurs, l'accompagnement des sportifs pour la formation est un sujet délicat. Cela fait partie des recommandations que nous avons émises avec Jean-Jacques Lozach dans notre rapport sur la gouvernance dans le football professionnel. Je pense que le système de formation français serait à revoir, notamment dans les universités. Il est vrai que dans le système anglo-saxon, les bons sportifs sont recherchés par les universités. Il reste un travail important à mener sur ce point avec le ministère de l'Éducation nationale et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche.
Personnellement, j'ai une grande considération pour le football féminin. Il s'agit selon moi d'une pratique pure, sans triche et d'un beau jeu. Les personnes qui estiment que les filles ne doivent pas jouer au football pourront revoir leur position grâce à la Coupe du monde.
En effet, je n'ai pas précisé en quoi consisterait la formation des arbitres d'élite. Je souhaite que les stages soient mixtes, car il faut côtoyer les meilleurs pour progresser. Aujourd'hui, les meilleurs arbitres sont ceux de Ligue 1 et de Ligue 2 du football masculin. Les filles ne doivent pas rester cantonnées entre elles, même s'il peut être compliqué pour elles d'être la seule fille dans un stage d'arbitre ou sur le terrain. L'augmentation de nos licenciées nous permet désormais de proposer des stages exclusivement féminins dans lesquels les filles se sentent plus à l'aise. Toutefois, il est indéniable que notre objectif est que des arbitres femmes puissent arbitrer des équipes d'hommes et travailler avec des arbitres masculins.
Le plan de semi-professionnalisation que j'évoquais comprend six stages, dont des stages mixtes avec les meilleurs professionnels. Cela aidera également les hommes à se rendre compte que les femmes ont des qualités. Ils le savent, mais ils n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. Il faut que les arbitres français de haut niveau, hommes et femmes, deviennent une famille prête à s'entraider.
Durant la Coupe du monde, les arbitres bénéficieront de l'assistance vidéo, qui sera assurée par les hommes, car les femmes n'ont pas pu être formées sur cette technique. Toutefois, les femmes arbitres prendront les décisions sur le terrain. Notre volonté est que les hommes et les femmes travaillent ensemble dans la mixité. J'encourage donc cela, mais il est important pour les filles les plus jeunes de se sentir en confiance entre elles.
Comment encouragerons-nous les clubs, les ligues et les districts à recruter des femmes arbitres ? Nous leur offrirons des récompenses. Les clubs qui recruteront le mieux recevront des dotations. Les districts seront récompensés sous des formes qui restent à définir (invitations ou dotations d'équipement). Ce point sera abordé lors de notre séminaire. De plus, la Journée de l'arbitrage doit devenir un événement de portée nationale. Nous pourrons organiser un challenge lors de cette journée. Les ligues et les districts qui organiseront les plus beaux événements autour de l'arbitrage seront récompensés. Comme vous le savez, il est indispensable de valoriser les personnes qui s'investissent. Nous espérons encourager le recrutement d'arbitres féminines de cette manière.
Le 19 janvier dernier, lors du match France-États-Unis au Havre, une convention a été signée avec le HAC (Le Havre Athletic Club), qui ouvrira une section arbitrage. Le club de Laval a également une section arbitrage. Nous aimerions développer ces écoles d'arbitrage dans les clubs, avec des infrastructures dédiées. Les jeunes apprendraient dans de meilleures conditions. Ils bénéficieraient de préparateurs physiques et de terrains d'entraînement. La ligue de Normandie réalise également un très bon travail en matière de section arbitrage. Ces sections pourraient être intégrées dans les collèges ou les lycées, comme cela est le cas à Auxerre ou à Metz. Ce développement doit se poursuivre.
Je suis très heureux de vous accueillir, Madame Georges.
J'étais présent lors du déplacement de la délégation aux droits des femmes au Paris Football Club. Le PFC, qui est un club populaire, a investi sur une équipe féminine. Dans ce club de haut niveau, les hommes jouent en Ligue 2 et les femmes en Division 1. La section féminine est très importante dans les racines du club.
Je suis passionné de longue date par ce sport. J'estime que le football est un art et que les femmes y ont toute leur place pour cette raison. Je mesure évidemment la difficulté pour les femmes de trouver leur place dans les lieux de pouvoir. Toutefois, j'ai l'impression que la place des femmes évolue plus rapidement dans le monde du football. Je constate que la Ligue de football professionnel a une présidente, Nathalie Boy de la Tour. La FFF a pour sa part une vice-présidente en la personne de Brigitte Henriques et une secrétaire générale. N'oublions pas Florence Hardouin, qui est directrice générale de la FFF. Le président de la Fédération française de football a su s'entourer et il a fait oeuvre utile en choisissant ces femmes.
J'aimerais citer Albert Camus, qui a dit : « Tout ce que je sais de la morale, je l'ai appris au football et sur les planches. » Votre parcours montre de manière limpide, comme vous l'avez dit, que le football est un passeport.
La place des femmes doit être prépondérante dans le football. Toutefois, il n'est pas facile pour des femmes d'arbitrer des matchs d'hommes, lorsque nous savons que les arbitres masculins ont parfois peur face aux spectateurs, aux joueurs et aux enjeux financiers de certains matchs.
Je me pose une question concernant le rôle que le football peut jouer dans la société. Le football est le sport le plus pratiqué au monde. La France est championne du monde. Que peut apporter le football à notre pays sur la vie collective, le respect d'autrui et l'émulation ? Comment pouvons-nous nous rapprocher des meilleurs ?
De qui parlez-vous lorsque vous dites qu'il faut se rapprocher des meilleurs ?
Lorsque nous voyons quelqu'un jouer, faire un beau geste, nous avons envie de l'égaler. Dans ma carrière d'élu, j'ai commencé comme maire de la commune dans laquelle je suis né. Je suis devenu président de la communauté de communes parce que j'avais besoin d'aller plus haut et d'apporter ma vision au territoire. Je suis maintenant parlementaire.
Au moment où nous voyons de nombreuses manifestations dans notre pays, je pense que le football peut jouer un rôle de modèle. En 1998, nous avons parlé de Black, Blanc, Beur. Il ne s'agissait que d'un slogan de communication qui n'a rien apporté à notre pays en termes de cohésion. J'aimerais que le football puisse être utile à notre pays en illustrant des thématiques fondatrices de notre société.
Pendant la Coupe du monde, Didier Deschamps a fait des choix. Si nous n'avions pas eu un manager d'hommes et de femmes, nous n'aurions pas obtenu le même résultat. Nous avons besoin d'un leader qui montre le chemin. Nous devons suivre des exemples de réussites.
Nous ne pouvons pas forcer les gens à nous suivre, mais nous essayons de montrer le chemin, notamment à la Fédération. Des femmes peuvent s'imposer dans des postes à responsabilités. Je pense que nous ouvrons la voie au-delà du milieu sportif.
En effet, la France a gagné la Coupe du Monde, mais l'effet n'a pas perduré. Avons-nous vraiment une culture du sport en France ? La question reste ouverte. Je ne pense pas que nous soyons leaders en termes de considération pour le sport français. Pourtant, nous avons des ambitions élevées, par exemple pour Paris 2024. Le sport apporte énormément à la société. Le football a démontré qu'il pouvait rassembler un peuple et calmer les confrontations. La Côte d'Ivoire, par exemple, a remporté la Coupe d'Afrique. Lorsque Didier Drogba s'est adressé à son peuple en tant que capitaine de l'équipe de football, les conflits internes ont cessé momentanément. Le sport peut donc faire évoluer les mentalités.
Pouvons-nous changer la mentalité française autour du sport et montrer que le sport est vecteur d'ascension sociale ? Ou voulons-nous garder l'idée que le sportif est une personne issue des banlieues qui devient riche du jour au lendemain et qui n'a pas de valeurs ? Il nous revient de choisir, de mettre en avant nos sportifs et nos politiques sportives et de montrer ce que le sport est capable de faire pour notre société.
La Fédération s'investit énormément dans des projets sociétaux. Nous nous rendons dans les écoles pour parler du football et inspirer les jeunes. Nous leur disons qu'ils peuvent faire du football non pas pour gagner de l'argent, mais pour devenir de meilleurs citoyens. Ils apprennent à travailler et à habiter ensemble. Nous menons des projets sur la citoyenneté, notamment avec le Fondaction du football. Dans les clubs, nous parlons d'homophobie ou de nutrition. Nous initions nos jeunes à la musique, nous les ouvrons à la société. Certains de nos jeunes interviennent auprès de la Croix-Rouge.
Il est vrai que nous devrions communiquer davantage sur ces sujets, car cela donnerait une autre image de notre sport. Toutefois, les médias ne s'y intéressent pas. Ils se concentrent sur les transferts de joueurs et les sommes d'argent phénoménales qui sont engagées. Il nous incombe donc de montrer ce que nous faisons pour les jeunes au quotidien. N'oublions pas que le sport est un vecteur d'ascension sociale. J'allais aux États-Unis pour passer un bachelor, mais j'ai finalement obtenu un master parce que j'ai vu de jeunes sportifs bénéficier de bourses d'études grâce au sport. Durant leur parcours, certains jeunes réalisent qu'ils ne sont pas d'assez bons sportifs et décident de poursuivre leurs études. Le sport leur a permis d'aller plus loin.
Ma mère est femme de service dans un établissement et mon père travaille à la sécurité du château de Versailles. Sans le football, j'aurais peut-être eu comme seule option d'aller à l'université et de travailler dans l'administration. C'est grâce au football que je suis arrivée là où je suis aujourd'hui.
Le football m'a permis de développer mes ambitions. Je suis ambassadrice à l'UEFA et j'interviens à l'international. J'ai la chance de parler plusieurs langues, comme l'anglais, l'espagnol et le portugais, puisque j'ai eu l'opportunité de côtoyer des joueuses brésiliennes. Je fais également partie des FIFA Legends. Grâce à l'UEFA, je me suis rendue récemment dans des camps de réfugiés en Jordanie. Tout cela, je le dois au football et au sport. Parmi les sportifs, il y a des gens qui font du bien. Le football a permis à certains de s'élever au niveau social. Toutefois, les budgets qui sont alloués au sport diminuent. Pourtant le sport nous rassemble. Il permet à la société de souffler à certains moments, mais cela n'est pas valorisé en France.
La Fédération française de football est active dans la société et nous devons le montrer davantage. Nous devons aussi montrer l'exemple aux autres fédérations. Cela constitue l'un de nos axes de travail.
Au travers de votre exposé, vous avez abordé non seulement le football féminin, mais aussi l'apport du sport dans l'épanouissement individuel. Le sport peut aider à prendre confiance en soi. Il donne envie de partager davantage, qu'il s'agisse de moments difficiles ou heureux.
Vous montrez à la fois la responsabilité de la Fédération, votre engagement et le rôle du politique. Vous êtes une formidable ambassadrice du football féminin, mais il nous revient de soutenir et de faire connaître les projets dont vous nous avez parlé. Nous devons également faire en sorte que le sport ne soit pas asphyxié financièrement. Je trouve personnellement que les économies ne sont pas toujours réalisées dans les bons domaines. Le sport a besoin du soutien de l'État et du gouvernement. Les enfants ont besoin de pratiquer le sport de manière régulière dans les écoles. Des actions formidables ne sont pas médiatisées alors qu'elles compensent les manquements de l'État.
J'espère que notre rapport contribuera à mieux éclairer ce qu'est le football féminin et à mieux faire connaître les personnes que nous avons auditionnées. Merci à vous pour cette belle rencontre.