Intervention de Jérôme Durain

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 avril 2019 à 9h00
Proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jérôme DurainJérôme Durain, auteur de la proposition de loi :

J'ai eu plaisir à entendre que vous partagiez nos constats sur ce problème démocratique planétaire.

Cette proposition de loi pose la question d'une incrimination pénale spécifique pour la criminalité environnementale. Au-delà, on peut s'interroger sur la nécessité de juridictions spécialisées sur les questions environnementales, avec des moyens dédiés. Mme le rapporteur reprend le point de vue des fonctionnaires de la Chancellerie ou des services du ministère du développement durable, pour qui le droit administratif est suffisant.

On constate quand même que, quand il y a des juridictions spécialisées, avec des magistrats formés, on avance plus vite. Je pense par exemple aux juridictions qui concernent le littoral. Il y a moins de dégazages maintenant. Par ailleurs, il y a de gros trous dans la raquette avec le droit administratif. Je vous renvoie au scandale Volkswagen, qui n'a pas été traité. Nous avons été obligés de nous en remettre à des laboratoires étrangers.

Le terme d'écocide n'est pas nouveau, puisqu'il remonte à 1948. Il a été utilisé par Olof Palme en 1972. Il était dans les premières versions du statut de Rome pour la Cour pénale internationale. La procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI), dans son discours de politique générale en 2016, a d'ailleurs mis en avant la vocation de la CPI à traiter ces questions.

Par ailleurs, le rapport d'Interpol de septembre 2018 indique que la criminalité environnementale est désormais la première ressource des organisations criminelles internationales : trafics d'espèces animales, de bois précieux, de déchets...

En cas d'atteintes à l'environnement qui auraient des effets sur la santé de la population, on nous dit toujours qu'il n'y a pas de danger, qu'il est difficile à prouver, qu'il n'y a pas de lien de causalité ou qu'il est plurifactoriel. Finalement, on ne va jamais au bout des choses et les crimes environnementaux prospèrent, notre arsenal pénal n'étant pas suffisant.

Quand nous exposons nos souhaits, nous sommes toujours accusés de faire preuve de naïveté et de nuire à l'attractivité économique du pays. Pourtant, 44 pays se sont déjà dotés de moyens dédiés et ont réussi, comme la Suède, à obtenir à la fois un allègement des procédures et un durcissement des sanctions. Vous le voyez, il n'y a pas d'incohérence. D'ailleurs, un certain nombre d'acteurs économiques préféreraient être jugés par des juridictions spécialisées pour éviter des incompréhensions.

Vous avez compris que notre texte vise les crimes les plus graves, qui portent atteinte de manière irréversible à la sécurité de la planète. Cette notion d'écocide marque l'interdépendance entre les écosystèmes et les conditions d'existence de l'humanité. Elle s'inscrit parfaitement dans les termes de la Charte de l'environnement.

Il faut placer la lutte contre les atteintes à l'environnement au premier rang de nos priorités. Il faut punir beaucoup plus sévèrement la criminalité environnementale. Je vous rappelle que le Sénat a été précurseur en la matière, avec la notion de préjudice écologique portée par notre collègue Bruno Retailleau. Nous ne revendiquons pas de perfection législative sur cette proposition de loi, qui doit certainement être retravaillée. Nous débattrons avec vigueur en séance, même si notre proposition ne devait pas prospérer. D'éminents juristes, comme Laurent Neyret et Valérie Cabanes, sont pourtant favorables à ce concept.

Je crois que le droit français comme la logique administrative ne sont pas suffisants.

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