Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 avril 2019 à 9h00
Bilan de l'application des lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2017-2018 — Communication

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

C'est faux en effet : le Gouvernement est très lent dans la publication des ordonnances qu'il a sollicitées, pour ne pas dire qu'il est parfois enclin à ne jamais les publier. À titre d'exemple, aucune des deux habilitations prévues aux articles 52 et 70 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie n'a été prise, sept mois après la promulgation de la loi, et surtout 15 mois après le dépôt du projet de loi initial qui prévoyait déjà de solliciter le recours auxdites ordonnances.

Moins acceptable encore est l'habilitation sollicitée dans le vide : aucune des quatre habilitations à légiférer par voie d'ordonnance prévues par la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique n'a eu de suites.

Il peut sembler pour le moins paradoxal d'encombrer l'ordre du jour législatif des assemblées de textes d'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance, de le justifier par la technicité des dispositions ou la nécessité de faire vite, et d'en rester là.

Enfin, l'inflation législative, mal bien connu que nous dénonçons, est restée forte. Plusieurs textes examinés au fond par la commission des lois y ont été confrontés.

La loi précitée du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale après échec de la commission mixte paritaire, comporte 72 articles. Marque d'une inflation normative devenue courante, le projet de loi initial, qui comprenait 41 articles, a ainsi vu ses dispositions augmenter de moitié dès son passage en première lecture à l'Assemblée nationale (+ 21 articles).

Le coefficient multiplicateur de certains textes, c'est-à-dire le rapport entre le nombre d'articles en fin et en début de navette, est particulièrement révélateur de cette tendance : 8 des 19 textes examinés en 2017-2018 ont connu une multiplication au moins par deux du nombre d'articles au cours de la navette.

Je voudrais plus particulièrement évoquer trois des douze mesures d'application non prises au 31 mars pour 2019 pour les lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2017-2018. En premier lieu, rappelons que l'article 11 de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles supprime les principaux régimes de formalités préalables obligatoires, remplacés par le mécanisme directement prévu par le RGPD en cas de risque pour la vie privée. Par exception certains traitements d'une sensibilité particulière restent soumis à des régimes particuliers. À ce titre, un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) doit définir les catégories de responsables et les finalités pour lesquelles pourront être mis en oeuvre, pour le compte de personnes publiques ou privées, des traitements de données parmi lesquelles figure le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques « NIR ». Ce décret n'a toujours pas été pris. Néanmoins, selon les informations fournies par le Gouvernement, un projet de décret a été soumis pour avis à la CNIL à la mi-mars, examiné par le Conseil d'État à la fin du même mois, et devrait donc pouvoir être prochainement publié.

En second lieu, il est regrettable, comme le soulignaient nos collègues Alain Marc et François Grosdidier, que deux décrets prévus par la loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique n'aient toujours pas été pris. La loi renvoyait à trois décrets en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la CNIL, la définition des modalités d'utilisation des caméras mobiles et des enregistrements visuels collectés. Au 31 mars 2018, seul un des trois décrets prévus avait été pris. Il s'agit du décret du 27 février 2019 qui fixe le régime applicable à l'usage des caméras mobiles par les agents de police municipale.

En revanche, pour l'heure, les décrets relatifs à l'expérimentation des caméras mobiles pour les sapeurs-pompiers et les surveillants de l'administration pénitentiaire n'ont pas été pris. La CNIL a été saisie d'un projet de décret relatif à l'usage des caméras-mobiles par les sapeurs-pompiers. Aucune procédure n'a en revanche été engagée s'agissant des surveillants de l'administration pénitentiaire.

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