Intervention de Jacques Mahéas

Réunion du 14 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Article 1er

Photo de Jacques MahéasJacques Mahéas :

Mon explication de vote vaudra également pour l'article 1er.

Les maires, qui sont bien évidemment au plus près du terrain, jouent un rôle essentiel dans l'animation et la coordination des actions de prévention de la délinquance.

Le texte que vous nous présentez va, doucement, faire glisser cette animation de la prévention vers une responsabilité de la sécurité, l'une étant la conséquence logique de l'autre : une mauvaise prévention entraîne de mauvais résultats, donc une mauvaise sécurité.

En outre, vous ne prévoyez pas de crédits supplémentaires. Les maires devront donc travailler à moyens constants.

Permettez-moi d'insister sur un point qui nous a profondément opposés à M. Sarkozy, à savoir les chiffres de la délinquance.

Si un maire ne dispose pas de données exactes, il travaillera dans le flou. Il pourra croire que la situation de sa commune s'est améliorée alors qu'elle s'est au contraire détériorée.

Je prendrai l'exemple de ma commune. J'ai bien conscience que les plaintes n'y sont pas toutes répertoriées. Malgré cela, la délinquance sur la voie publique augmente de 14 % alors qu'elle aurait dû diminuer de 24 %.

Les chiffres traduisent-ils la réalité de la délinquance sur le plan national ? Est-ce que l'on nous trompe ? Eh bien ! oui, manifestement, on nous trompe !

À l'appui de mon affirmation, permettez-moi de faire état d'un rapport sur les modalités d'évaluation de la qualité de l'accueil dans les services de police et de gendarmerie, qui a été établi par des responsables : contrôleur général de la police, inspecteur général de l'administration, inspecteur de l'administration, colonel de la gendarmerie nationale.

Je vous donne lecture de ce rapport : « L'illustration la plus flagrante en est indiscutablement la propension des services à ne pas systématiquement prendre de plaintes pour des faits apparemment avérés.

« Les dysfonctionnements à ce sujet sont au coeur de doléances itératives relayées par plusieurs canaux :

« selon la DGPN, le thème majeur des courriers relatifs à l'accueil adressés au cabinet du ministre traite de refus de prise de plainte ;

« et, selon les principales associations de victimes, le refus de prise de plainte est la question qu'elles placent sans hésitation, compte tenu de son acuité, au premier rang de celles auxquelles il convient à présent de s'attaquer. »

L'Observatoire national de la délinquance, dont je suis membre, a conduit une enquête de victimation, que j'ai suivie avec intérêt. Celle-ci a permis d'obtenir une première mesure globale.

Permettez-moi de vous donner également lecture de ses observations, car elles valent leur pesant d'or.

« L'analyse des chiffres publiés au mois d'octobre dernier par l'Observatoire national de la délinquance montre qu'en 2004, parmi les faits signalés aux services de police et de gendarmerie, ont été classés en main courante - donc pas comptés dans les chiffres de la délinquance, puisque le maire ne reçoit pas d'informations concernant les mains courantes - notamment :

« près d'un quart des vols et tentatives de vols (23, 2 %), soit près de 400 000 faits ;

« près d'un tiers des violences physiques (31, 8 %), soit plus de 92 000 faits ;

« et près d'un quart des vols avec violence (24, 8 %), soit plus de 36 000 faits ».

« Ainsi, s'agissant des vols ou des tentatives de vol de téléphones portables (qu'ils soient avec ou sans violence), ce sont plus de 158 000 faits déclarés aux services compétents qui auraient donné lieu à une seule inscription sur le registre de main courante, soit entre un cas sur 4 et un cas sur 5 des vols signalés. »

Et le rapport conclut en ces termes : « L'ampleur de ces chiffres surprend. »

Si j'insiste sur ce point, c'est parce que votre raisonnement est trop facile. Vous affirmez que vous avez fait baisser la délinquance - moins 9 % s'agissant de la délinquance générale et moins 24 % pour celle de voie publique - et vous en tirez argument pour justifier la poursuite de votre politique de répression.

Or la réalité est tout autre ! Le refus de déclarer les plaintes, qui sont simplement inscrites sur le registre de main courante, est devenu un sport national.

Tant que les mains courantes des commissariats n'auront pas été supprimées, les chiffres de la délinquance ne seront pas fiables. Vous me répondrez que, du temps du gouvernement de Lionel Jospin, il en allait déjà de même.

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