Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, près de trois ans après l’adoption de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, nous examinons aujourd’hui le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, ainsi qu’un projet de loi organique complémentaire, portant sur l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Permettez-moi de rappeler que la loi biodiversité de 2016 a permis la création de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, à partir du regroupement de quatre organismes publics : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Onema, Parcs nationaux de France, l’Agence des aires marines protégées et l’Atelier technique des espaces naturels, l’ATEN.
L’objectif était alors de rassembler les opérateurs de l’État actifs en matière de biodiversité dans une seule et même entité, afin de simplifier et de renforcer les actions menées par l’État dans ce domaine. Lors de l’examen du projet de loi « biodiversité » en 2016, il était peut-être prématuré d’y intégrer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, ONCFS.
Ce délai supplémentaire a permis de poursuivre les échanges avec les parties prenantes, pour envisager aujourd’hui un rapprochement apaisé entre l’AFB et l’ONCFS.
De ce projet de réforme, nous partageons les principales orientations et dispositions, à savoir la mise en place d’un nouvel établissement public, le renforcement de la police de l’environnement et une responsabilisation accrue des acteurs du monde de la chasse en faveur de la biodiversité.
Il faut le rappeler, les chasseurs sont les premiers observateurs au quotidien de la biodiversité. Ils arpentent de long en large nos différents territoires. Ils sont les premiers à constater les changements de la nature ou les dépôts sauvages, par exemple. Dans certains territoires, la nature est rude, voire hostile. Elle a besoin d’être entretenue pour offrir les paysages époustouflants qu’admirent les nombreux touristes l’été. Les chasseurs contribuent bénévolement à la mise en valeur de cette biodiversité, à laquelle ils sont très attachés.
Néanmoins, le texte transmis par l’Assemblée nationale présentait certaines lacunes, qui appelaient des clarifications et un rééquilibrage général, en vue de répondre à des inquiétudes persistantes sur ce projet de fusion. Grâce à un débat de qualité, notre commission a adopté près de 80 amendements, ce qui a permis d’aboutir à un texte dont l’ambition et la cohérence sont sorties renforcées.
Je salue à cet égard Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, avec laquelle nous avons travaillé en bonne intelligence, ainsi que Jean-Noël Cardoux, président du groupe d’études Chasse et pêche, avec lequel nous nous sommes constamment concertés pour élaborer un texte riche et ambitieux concernant la chasse. Notre commission a donc apporté des modifications substantielles au projet de loi, en visant quatre objectifs principaux.
Nous avons tout d’abord souhaité améliorer la gouvernance du futur établissement public, afin de garantir une représentation plus équilibrée des différentes parties prenantes.
Sensible à la place particulière qu’occupe le monde cynégétique dans les politiques en faveur de la biodiversité, la commission a renommé l’Office français de la biodiversité : « Office français de la biodiversité et de la chasse ».
Elle a également modifié en profondeur son mode de gouvernance, dans le souci de lui assurer une représentativité et une efficacité renforcées. Ainsi, elle a supprimé la règle de la majorité acquise aux représentants de l’État, lui préférant un conseil d’administration moins pléthorique, mais rassembleur de toutes les parties concernées, dont certaines avaient été jusqu’alors oubliées.
Dans un second temps, notre commission s’est montrée soucieuse d’étoffer les pouvoirs de police judiciaire dont sont attributaires les inspecteurs de l’environnement, et plus généralement les fonctionnaires et agents publics chargés d’une mission de police de l’environnement. Elle a, pour ce faire, retenu une approche équilibrée : favorable à un renforcement de leurs pouvoirs de coercition, sur lesquels le texte initial était presque muet, elle s’est toutefois refusée à leur conférer des pouvoirs calqués sur ceux des officiers de police judiciaire.
Sans nier les difficultés auxquelles sont exposés les agents de police spéciale de l’environnement, il ne nous a pas semblé approprié de les doter de toutes les prérogatives d’officiers de police judiciaire, sans qu’ils aient préalablement reçu la formation nécessaire ou sans qu’ils disposent des locaux adéquats. La commission s’est donc attachée à étendre le périmètre de leurs pouvoirs de contrainte, tout en considérant que l’activité répressive devrait rester le dernier recours de cette police spécifique.
Le troisième objectif visé par notre commission a été d’enrichir les dispositions du texte relatives à la chasse.
Toutes les chasses doivent être prises en compte dans leur diversité. Dans nombre de territoires, la chasse reste une activité populaire, accessible à un large public, aussi bien à des jeunes ouvriers ou artisans qu’à des retraités aux revenus modestes.
Ainsi, compte tenu de leur rôle incontournable dans nos territoires, nous avons notamment conforté les missions des fédérations départementales en matière de gestion du patrimoine naturel et d’organisation des activités de chasse. Ces fédérations sont les piliers d’une bonne gestion patrimoniale des espaces naturels.
Notre commission a par ailleurs inscrit dans le projet de loi, Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, l’obligation pour l’État d’apporter 10 euros par permis validé aux fédérations des chasseurs, en complément de l’obligation incombant à chacune d’entre elles de dépenser au moins 5 euros par permis en faveur de la protection de la biodiversité.
Chaque fédération départementale recevra directement cette contribution à due concurrence du nombre de ses adhérents, tandis que la Fédération nationale des chasseurs sera chargée de gérer un fonds permettant d’assurer une péréquation complémentaire entre fédérations locales. Il s’agit d’un dispositif particulièrement équilibré, que nous avons élaboré conjointement avec la commission des affaires économiques.
Notre commission a également renforcé la lutte contre les dégâts de grand gibier, qui constituent un véritable fléau dans certains territoires, en particulier pour les agriculteurs et les forestiers.
À cette fin, nous avons accru les pouvoirs du préfet en matière de plans de chasse en cas d’augmentation des dégâts dans un département. Notre commission a par ailleurs décidé de mesurer avec certains critères le nourrissage des sangliers, ainsi que la vente et le transport de ces animaux, pour mieux maîtriser les populations et les risques sanitaires, lesquels sont d’actualité.
En matière de gestion adaptative, la commission a tenu à ce que le nouveau dispositif ne se traduise pas par des contraintes excessives pour les chasseurs, notamment en atténuant les sanctions encourues en cas de manquement à l’obligation de transmettre les données de prélèvement.
Par ailleurs, nous avons complété le projet de loi par plusieurs dispositions visant à améliorer la protection du patrimoine naturel. Outre l’introduction dans le code de l’environnement d’une définition de la géodiversité, nous avons élargi le périmètre des aires marines protégées et clarifié les critères de reconnaissance des zones humides.
Enfin, la sécurité liée à la pratique de la chasse doit être améliorée, notamment dans la visibilité des chasseurs. Renforcer les mesures de sécurité sera bénéfique à tous, et en premier lieu aux chasseurs eux -mêmes.
Au total, le texte adopté par notre commission présente un projet de réforme plus équilibré, qui permet de donner toute sa place aux différentes parties prenantes.
À ce titre, nous nous réjouissons que ce projet de fusion se présente dans une atmosphère constructive et apaisée. Chacun a compris qu’il était indispensable de sortir d’une opposition stérile et caricaturale entre de supposés défenseurs et de supposés opposants de la biodiversité. Il est nécessaire d’agir en privilégiant des solutions partagées, concrètes et pragmatiques, élaborées au plus près du terrain. C’est ainsi que nous assurerons une meilleure protection de la biodiversité.
Je conclurai mon propos par la question du financement du futur établissement public, qui suscite les plus vives inquiétudes de notre commission. En effet, à l’issue de la loi de finances pour 2019 et de plusieurs arbitrages complémentaires, le budget de l’établissement sera confronté à près de 40 millions d’euros de dépenses non couvertes.
Vous avez pris l’engagement devant notre commission, madame la secrétaire d’État, de financer une part importante de ce déficit par des crédits strictement budgétaires. Néanmoins, nous craignons que le reliquat ne soit in fine couvert par une nouvelle augmentation des contributions des agences de l’eau, laquelle se ferait au détriment des moyens de la politique de l’eau, pourtant essentielle aux collectivités territoriales.