Séance en hémicycle du 10 avril 2019 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • biodiversité
  • chasse
  • chasseur
  • concitoyens
  • démocratie
  • espèce

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie mardi 9 avril sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mercredi 10 avril 2019

À 14 h 30

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (procédure accélérée ; texte de la commission n° 425, 2018-2019) et projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 426, 2018-2019)

Ces textes ont été envoyés à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi.

Il a été décidé qu’ils feraient l’objet d’une discussion générale commune.

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 10 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

À 16 h 30

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, relative au Grand débat national, en application de l’article 50-1 de la Constitution

• Temps attribué aux orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe : 16 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe socialiste et républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste, 8 minutes pour les groupes La République En Marche, Rassemblement Démocratique et Social Européen, communiste républicain citoyen et écologiste, Les Indépendants - République et Territoires et 5 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 31 questions-réponses :

1 minute 30 maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Le soir

- Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mercredi 10 avril à 16 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (procédure accélérée ; texte de la commission n° 425, 2018-2019) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 426, 2018-2019)

Jeudi 11 avril 2019

À 10 h 30

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (procédure accélérée ; texte de la commission n° 425, 2018-2019) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 426, 2018-2019)

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 11 avril à 11 heures

À 16 h 15 et, éventuellement, le soir

- Suite de l’ordre du jour du matin

Suspension des travaux en séance plénière :

du lundi 15 au vendredi 26 avril 2019

SEMAINE DE CONTRÔLE

Lundi 29 avril 2019

À 17 heures

- Débat sur le projet de programme de stabilité (demande de la commission des finances)

• Temps attribué à la commission des finances : 15 minutes

• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 5 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 26 avril à 15 heures

Mardi 30 avril 2019

À 14 h 30

- Débat sur la zone euro (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 29 avril à 15 heures

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 30 avril à 12 h 30

À 17 h 45

- Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur le thème : « Transports aériens et aménagement des territoires »

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mardi 30 avril à 13 heures

- Débat sur le thème : « Quelle politique de lutte contre la pollution et le recyclage du plastique et, plus généralement, quelle utilisation du plastique en France ? » (demande du groupe SOCR)

• Temps attribué au groupe socialiste et républicain : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 29 avril à 15 heures

Jeudi 2 mai 2019

De 14 h 30 à 18 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe LaREM)

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé (procédure accélérée ; texte n° 417, 2018-2019)

Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 29 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 avril en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 30 avril à 15 heures

- Proposition de loi visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral (texte n° 385, 2018-2019) et proposition de loi organique visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, présentées par M. Alain Richard et les membres du groupe La République en Marche (texte n° 386, 2018-2019)

La proposition de loi et la proposition de loi organique ont été envoyées à la commission des lois.

Elles feront l’objet d’une discussion générale commune.

• Réunion de la commission des lois pour le rapport et les textes : mercredi 10 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 29 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 avril en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 30 avril à 15 heures

De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit

(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)

- Proposition de loi relative à l’affectation des avoirs issus de la corruption transnationale, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 406, 2018-2019)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 30 avril à 15 heures

- Proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, présentée par M. Jérôme Durain, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Marc Daunis, Patrick Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain (texte n° 384, 2018-2019)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 29 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 avril en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 30 avril à 15 heures

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 7 mai 2019

À 14 h 30

- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi tendant à renforcer les pouvoirs de police du maire dans la lutte contre l’introduction et la propagation des espèces toxiques envahissantes, présentée par Mme Agnès Canayer et plusieurs de ses collègues (texte n° 215, 2018-2019) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : jeudi 2 mai à 10 h 30

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 6 mai à 12 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mai à 15 heures

- Proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du Règlement, sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) (texte n° 316, 2018-2019) (demande de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 6 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mai à 15 heures

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 7 mai à 12 h 30

À 17 h 45

- Suite de la proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du Règlement, sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) (texte n° 316, 2018-2019) (demande de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes)

- Proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer les capacités de contrôle de l’application et de l’évaluation des lois, présentée par de MM. Franck Montaugé, Jean-Pierre Sueur, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Marc Daunis, Patrick Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain (texte n° 387, 2018-2019)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 3 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mai à 15 heures

Jeudi 9 mai 2019

À 10 h 30

- Débat sur le thème : « La caducité du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union européenne rendra-t-elle une autonomie budgétaire aux États membres ? » (demande du groupe CRCE)

• Temps attribué au groupe CRCE : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 7 mai à 15 heures

De 14 h 30 à 18 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)

- Proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires, présentée par M. Alain Marc et plusieurs de ses collègues (texte n° 285, 2018-2019)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 30 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 6 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 9 mai en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 7 mai à 15 heures

- Débat sur le mécénat territorial au service des projets de proximité

• Temps attribué au groupe Les Indépendants : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 7 mai à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 14 mai 2019

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 19 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 30 avril matin et après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 9 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 mai matin, début d’après-midi et à la suspension du soir et mercredi 15 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 mai à 15 heures

Mercredi 15 mai 2019

À 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)

Jeudi 16 mai 2019

À 10 h 30

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 16 mai à 11 heures

À 16 h 15 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 21 mai 2019

À 15 heures

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 20 mai à 15 heures

De 16 heures à 16 h 30

- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 21 mai à 12 h 30

À 16 h 30

- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 21 mai à 12 h 30

À 17 h 45 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (procédure accélérée ; texte A.N. n° 1737)

Ce texte sera envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 21 mai en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 20 mai à 15 heures

Mercredi 22 mai 2019

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française (texte A.N. n° 1695) et sur le projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française (texte A.N. n° 1696)

Ces textes feront l’objet d’une discussion générale commune.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 21 mai à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (procédure accélérée ; texte A.N. n° 1737)

- Sous réserve de son dépôt, projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse

Ce texte sera envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 10 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 mai à 15 heures

Jeudi 23 mai 2019

À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir

- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la coopération en matière de sécurité sanitaire entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco et de l’accord relatif à la coopération en matière de transfusion sanguine entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco (texte n° 340, 2018-2019)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Arménie relatif à l’emploi des membres de la famille des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre (texte n° 422, 2018-2019)

• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 21 mai à 15 heures

- Sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 28 mai 2019

À 14 h 30

- Débat sur l’avenir du cinéma français (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 27 mai à 15 heures

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 28 mai à 12 h 30

À 17 h 45

- Débat sur l’avenir de l’enseignement professionnel (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 27 mai à 15 heures

Mercredi 29 mai 2019

À 14 h 30

- Débat sur le thème : « La lutte contre la fraude à la TVA transfrontalière » (demande du groupe RDSE)

• Temps attribué au groupe RDSE : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 mai à 15 heures

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :

mercredi 15 mai 2019 à 19 h 30

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour une mise au point au sujet de votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Madame la présidente, lors du scrutin n° 48, du 5 février 2019, j’ai été considérée comme ayant voté contre, alors que je souhaitais m’abstenir.

En outre, lors du scrutin n° 54, du 12 février 2019, j’ai été comptabilisée comme ayant voté pour, alors que je souhaitais également m’abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (projet n° 274, texte de la commission n° 425, rapport n° 424, avis n° 411) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (projet n° 275, texte de la commission n° 426, rapport n° 424).

Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le grand plaisir de vous présenter cet après-midi le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, l’OFB, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.

La création de ce grand établissement par rapprochement des expertises complémentaires de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, est attendue depuis longtemps – près de dix ans – par beaucoup, et elle faisait partie des priorités fixées par le Gouvernement dans le cadre de la stratégie pour la biodiversité qui a été lancée en juillet 2018.

En effet, la France est riche de sa biodiversité, puisqu’elle recèle 10 % des espèces connues au niveau mondial, essentiellement grâce à nos outre-mer et à notre espace maritime. Mais cette biodiversité est en danger. Près de 30 % des espèces sont menacées ou quasi menacées sur notre territoire du fait d’activités humaines – pollutions, artificialisation des sols, fragmentation des habitats, surexploitation des espèces – et du développement d’espèces exotiques envahissantes.

Pourtant, nous le savons, la biodiversité nous rend des services inestimables : les milieux humides nous fournissent l’eau potable, les insectes pollinisent nos cultures, les dunes et les mangroves nous protègent des tempêtes, les océans régulent le climat… Le Gouvernement a donc lancé une action déterminée dans le domaine de la biodiversité.

Cette reconquête passe par la création d’un opérateur de premier plan permettant d’appréhender tous les aspects de la biodiversité sur tous les types de milieux – terrestres, aquatiques, marins, y compris ultramarins – et sur tous les territoires. Tel est l’objet du présent texte, en tout cas dans sa première partie.

Ce texte a déjà été largement enrichi lors de son examen à l’Assemblée nationale. Je voudrais saluer les travaux qui ont d’ores et déjà été menés par la commission au Sénat.

Je voudrais néanmoins revenir sur quelques points.

Je commencerai par le nom de l’établissement. Le Gouvernement avait proposé – son amendement en ce sens avait été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale – de l’appeler « Office français de la biodiversité ». La commission a souhaité y ajouter le mot « chasse ». Néanmoins, il ne me semble pas judicieux d’opposer la biodiversité et la chasse.

La biodiversité inclut la chasse, comme le prévoient les missions de l’opérateur. Par ailleurs, lorsque nous avons choisi ce nom, nous avons sollicité l’avis des agents des deux établissements fusionnés, lesquels avaient choisi le nom « Office français de la biodiversité ».

Pour ce qui concerne la taille du conseil d’administration, nous souhaitons tous, le Gouvernement et les assemblées, que le format retenu permette un fonctionnement efficace de cet établissement. Lors des discussions à l’Assemblée nationale, j’ai été amenée à donner un ordre de grandeur sur la taille de ce conseil, qui comprendra entre 30 et 40 membres.

Les travaux préalables ont permis de préciser la représentation des parties prenantes, avec un conseil d’administration équilibré. Un comité d’orientation adossé à ce conseil d’administration aura vocation à être plus largement ouvert.

Enfin, au vu de l’expérience de l’actuelle AFB, il semble important que ce conseil d’administration puisse, dans certains cas, donner des délégations à ces commissions. Nous défendrons donc le rétablissement de cette disposition.

S’agissant d’un établissement public de l’État auquel sont confiées des missions régaliennes de police, le Gouvernement est attaché à conserver la majorité au conseil d’administration dans le premier collège, celui qui regroupe les représentants de l’État et les personnalités qualifiées.

Afin de concilier une taille raisonnable du conseil d’administration, la diversité des parties prenantes et la nécessaire majorité accordée à l’État, le Gouvernement portera un amendement, que nous espérons de compromis, en vue de confier plusieurs voix aux administrateurs représentant l’État, donc de maîtriser la taille de cet organe.

La présence des outre-mer dans les instances de gouvernance de cet établissement représente un enjeu fort. La commission a d’ailleurs précisé, et je l’en remercie, que les parlementaires ultramarins seraient représentés à l’intérieur du collège des parlementaires, ce qui est un signal très important.

De nombreuses questions ont d’ores et déjà été posées pour ce qui concerne les moyens de l’office.

Cet établissement porte une ambition forte au service de la biodiversité dans toutes ses composantes, qui se traduit par l’établissement d’une police de l’environnement et de la ruralité, et par l’accompagnement et la transformation de la chasse et de la chasse durable, sera financé.

La question du financement de l’établissement, posée dans la réforme, sera traitée lors de l’examen du projet de loi de finances, dans l’équilibre global des comptes publics, à la fois, pour la partie fonctionnement stricto sensu de l’établissement – nous devons trouver 30 millions d’euros pour sécuriser le budget de fonctionnement de l’établissement fusionné – et pour la contribution annoncée qui abondera la contribution des chasseurs aux actions concourant directement à la biodiversité. En effet, chaque chasseur financera à hauteur de 5 euros par permis de chasse une contribution qui sera abondée par la puissance publique à hauteur de 10 euros, laquelle, je le répète, sera également financée.

Le calendrier de mise en œuvre de ce nouvel établissement est ambitieux, mais réaliste. L’établissement lui-même sera juridiquement créé au 1er janvier 2020.

En marge des travaux menés pour préparer le projet de loi, la préfiguration du nouvel établissement et bien engagée. Je dirige personnellement son comité de pilotage, qui associe le « préfigurateur », les deux directeurs généraux de l’AFB et de l’ONCFS, les deux ministères qui concourent à la tutelle, les services déconcentrés du ministère de l’écologie et les agences de l’eau.

Le dialogue social est également engagé avec les organisations syndicales, qui portent une demande légitime de requalification des inspecteurs de l’environnement de la catégorie C en catégorie B, et de reconnaissance plus grande des chefs de services départementaux. Après analyse approfondie, il apparaît que ces mesures ne relèvent pas du niveau législatif, mais qu’elles sont pertinentes. Nous y travaillons.

Le deuxième volet de ce texte traduit l’ambition d’une chasse plus durable.

Le Gouvernement considère, comme la Fédération nationale des chasseurs, la FNC, la sécurité à la chasse comme une priorité. On ne peut que se réjouir du bilan provisoire pour 2018 et 2019, qui montre un niveau historiquement bas d’accidents mortels, mais une hausse des accidents avec blessés – 130, contre 113 lors de la saison précédente – et des incidents avec des dégâts matériels.

Le projet de loi prévoit que l’accompagnateur d’un jeune chasseur devra suivre une formation spécifique. Nous souhaitons, en liaison avec le monde de la chasse, aller un peu plus loin. Le Gouvernement proposera donc deux amendements, qui tendent à prévoir, l’un des obligations minimales de sécurité pour homogénéiser les règles de sécurité à la chasse, l’autre, un dispositif de rétention-suspension du permis en cas d’accident ou d’incident matériel, sur le modèle du permis de conduire.

Une autre question importante, dont nous aurons largement l’occasion de débattre, concerne les dégâts de gibier.

L’enjeu est de mieux réguler le grand gibier, dont les populations s’accroissent fortement, afin d’enrayer l’augmentation des dégâts sur les cultures et les boisements. La perspective est avant tout de prévenir et de développer une approche globale, ce à quoi invite le rapport de la mission parlementaire du député Alain Perea et de votre collègue Jean-Noël Cardoux, deux grands spécialistes du sujet. Je les remercie de ce travail, qui s’est d’ores et déjà traduit par l’adoption de plusieurs amendements par la commission. Je pense, par exemple, à la limitation de l’agrainage ou aux lâchers de sangliers.

En outre, afin de renforcer la lutte contre ces dégâts, sont prévues la responsabilisation financière des fédérations départementales dans l’indemnisation des dégâts, qui est souhaitée par la FNC et qui fait partie de l’équilibre de la réforme, la suppression de la péréquation financière directe au niveau national et la généralisation d’un mécanisme d’incitation financière de chaque chasseur. La Fédération nationale s’est d’ores et déjà engagée à continuer à soutenir, via une contribution particulière, les fédérations départementales qui en auraient besoin.

Enfin, le projet de loi prévoit le transfert aux fédérations départementales de la gestion des associations communales de chasse agréées, les ACCA, et des plans de chasse, en leur donnant davantage de leviers pour agir. L’État interviendra en cas de défaillance grave des fédérations, et restera compétent pour fixer les objectifs de prélèvements d’espèces au niveau départemental.

Ces transferts de mission seront compensés financièrement dans le cadre du financement global de la réforme.

Cette réforme prévoit également la mise en place de la gestion adaptative des espèces.

Une chasse plus durable permet de mieux adapter le niveau de prélèvement d’une espèce à son état de conservation. Un comité d’experts scientifiques a été créé au début du mois de mars pour faire des propositions en la matière.

Le projet de loi précise la définition de cette gestion adaptative et renvoie à un décret le soin de préciser la liste des espèces concernées. Il met en place une obligation de déclaration des prélèvements et la fixation de quotas de prélèvement pour les espèces concernées.

Enfin, le projet de loi prévoit une contribution de 5 euros par permis de chasse et par an pour financer des actions concrètes en faveur de la biodiversité. Le Gouvernement s’est engagé à soutenir ces actions à hauteur de 10 euros par an et par chasseur.

La déclinaison des modalités de mobilisation de cette contrepartie fait l’objet d’un travail conjoint de l’AFB, l’ONCFS et la FNC, qui avance bien et qui devrait être formalisé sous la forme d’une convention-cadre nationale, à laquelle seront associées, en tant que de besoin, les agences de l’eau, afin que ces actions concourent directement à la biodiversité et financent des projets dans les territoires.

Le Gouvernement présentera enfin un amendement visant à préciser l’organisation du Fichier national du permis de chasser, qui sera composé d’une base des permis délivrés alimentée par l’ONCFS, et bientôt par l’OFB, et d’une base des validations de permis gérée par la FNC et alimentée par les fédérations départementales. Ces deux bases sont, depuis très récemment, opérationnelles et interconnectées grâce à un travail conjoint, que je salue, mené par les fédérations de chasseurs, l’ONCFS et l’AFB.

Le troisième volet de ce texte renforce la police de l’environnement, sous ses deux aspects de police judiciaire et de police administrative.

Pour la police judiciaire, le projet de loi procède à une extension significative des prérogatives des inspecteurs de l’environnement pour leur permettre de mener des enquêtes ordinaires en totalité, de la constatation de l’infraction jusqu’à l’orientation de poursuites une fois l’enquête achevée, sans qu’il y ait lieu de se dessaisir au profit d’un officier de police judiciaire, un OPJ.

Par ailleurs, de nouvelles procédures entrent en vigueur dans le cadre de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, notamment la cosaisine par le procureur des inspecteurs de l’environnement et de la gendarmerie lorsqu’une enquête nécessite les compétences et les moyens de ces deux corps.

Une mission sur la justice environnementale a par ailleurs été engagée conjointement par la chancellerie et par le ministère de la transition écologique et solidaire. Elle a identifié quelques évolutions utiles, qui conduisent le Gouvernement à proposer des amendements.

Cette mission ne recommande pas à ce stade d’affecter aux inspecteurs de l’environnement des pouvoirs de coercition, du type garde à vue, seule prérogative qui distinguera encore les inspecteurs de l’environnement des OPJ au regard des nouveaux pouvoirs qui leur seront conférés.

Au titre de la police administrative, le Gouvernement a souhaité également renforcer l’efficacité des mesures existantes. Il proposera des amendements de nature à compléter le dispositif actuel, tendant notamment à garantir l’exécution des décisions de suspension prises à titre conservatoire par l’autorité administrative compétente, dès lors qu’il y a un caractère d’urgence avéré.

Vous le voyez, ce texte est riche et équilibré. Je souhaite que les travaux se poursuivent au Sénat avec le même esprit constructif que celui qui avait présidé aux travaux de l’Assemblée nationale, ainsi qu’à ceux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques de votre assemblée.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Luche

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, près de trois ans après l’adoption de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, nous examinons aujourd’hui le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, ainsi qu’un projet de loi organique complémentaire, portant sur l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Permettez-moi de rappeler que la loi biodiversité de 2016 a permis la création de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, à partir du regroupement de quatre organismes publics : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Onema, Parcs nationaux de France, l’Agence des aires marines protégées et l’Atelier technique des espaces naturels, l’ATEN.

L’objectif était alors de rassembler les opérateurs de l’État actifs en matière de biodiversité dans une seule et même entité, afin de simplifier et de renforcer les actions menées par l’État dans ce domaine. Lors de l’examen du projet de loi « biodiversité » en 2016, il était peut-être prématuré d’y intégrer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, ONCFS.

Ce délai supplémentaire a permis de poursuivre les échanges avec les parties prenantes, pour envisager aujourd’hui un rapprochement apaisé entre l’AFB et l’ONCFS.

De ce projet de réforme, nous partageons les principales orientations et dispositions, à savoir la mise en place d’un nouvel établissement public, le renforcement de la police de l’environnement et une responsabilisation accrue des acteurs du monde de la chasse en faveur de la biodiversité.

Il faut le rappeler, les chasseurs sont les premiers observateurs au quotidien de la biodiversité. Ils arpentent de long en large nos différents territoires. Ils sont les premiers à constater les changements de la nature ou les dépôts sauvages, par exemple. Dans certains territoires, la nature est rude, voire hostile. Elle a besoin d’être entretenue pour offrir les paysages époustouflants qu’admirent les nombreux touristes l’été. Les chasseurs contribuent bénévolement à la mise en valeur de cette biodiversité, à laquelle ils sont très attachés.

Néanmoins, le texte transmis par l’Assemblée nationale présentait certaines lacunes, qui appelaient des clarifications et un rééquilibrage général, en vue de répondre à des inquiétudes persistantes sur ce projet de fusion. Grâce à un débat de qualité, notre commission a adopté près de 80 amendements, ce qui a permis d’aboutir à un texte dont l’ambition et la cohérence sont sorties renforcées.

Je salue à cet égard Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, avec laquelle nous avons travaillé en bonne intelligence, ainsi que Jean-Noël Cardoux, président du groupe d’études Chasse et pêche, avec lequel nous nous sommes constamment concertés pour élaborer un texte riche et ambitieux concernant la chasse. Notre commission a donc apporté des modifications substantielles au projet de loi, en visant quatre objectifs principaux.

Nous avons tout d’abord souhaité améliorer la gouvernance du futur établissement public, afin de garantir une représentation plus équilibrée des différentes parties prenantes.

Sensible à la place particulière qu’occupe le monde cynégétique dans les politiques en faveur de la biodiversité, la commission a renommé l’Office français de la biodiversité : « Office français de la biodiversité et de la chasse ».

Elle a également modifié en profondeur son mode de gouvernance, dans le souci de lui assurer une représentativité et une efficacité renforcées. Ainsi, elle a supprimé la règle de la majorité acquise aux représentants de l’État, lui préférant un conseil d’administration moins pléthorique, mais rassembleur de toutes les parties concernées, dont certaines avaient été jusqu’alors oubliées.

Dans un second temps, notre commission s’est montrée soucieuse d’étoffer les pouvoirs de police judiciaire dont sont attributaires les inspecteurs de l’environnement, et plus généralement les fonctionnaires et agents publics chargés d’une mission de police de l’environnement. Elle a, pour ce faire, retenu une approche équilibrée : favorable à un renforcement de leurs pouvoirs de coercition, sur lesquels le texte initial était presque muet, elle s’est toutefois refusée à leur conférer des pouvoirs calqués sur ceux des officiers de police judiciaire.

Sans nier les difficultés auxquelles sont exposés les agents de police spéciale de l’environnement, il ne nous a pas semblé approprié de les doter de toutes les prérogatives d’officiers de police judiciaire, sans qu’ils aient préalablement reçu la formation nécessaire ou sans qu’ils disposent des locaux adéquats. La commission s’est donc attachée à étendre le périmètre de leurs pouvoirs de contrainte, tout en considérant que l’activité répressive devrait rester le dernier recours de cette police spécifique.

Le troisième objectif visé par notre commission a été d’enrichir les dispositions du texte relatives à la chasse.

Toutes les chasses doivent être prises en compte dans leur diversité. Dans nombre de territoires, la chasse reste une activité populaire, accessible à un large public, aussi bien à des jeunes ouvriers ou artisans qu’à des retraités aux revenus modestes.

Ainsi, compte tenu de leur rôle incontournable dans nos territoires, nous avons notamment conforté les missions des fédérations départementales en matière de gestion du patrimoine naturel et d’organisation des activités de chasse. Ces fédérations sont les piliers d’une bonne gestion patrimoniale des espaces naturels.

Notre commission a par ailleurs inscrit dans le projet de loi, Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, l’obligation pour l’État d’apporter 10 euros par permis validé aux fédérations des chasseurs, en complément de l’obligation incombant à chacune d’entre elles de dépenser au moins 5 euros par permis en faveur de la protection de la biodiversité.

Chaque fédération départementale recevra directement cette contribution à due concurrence du nombre de ses adhérents, tandis que la Fédération nationale des chasseurs sera chargée de gérer un fonds permettant d’assurer une péréquation complémentaire entre fédérations locales. Il s’agit d’un dispositif particulièrement équilibré, que nous avons élaboré conjointement avec la commission des affaires économiques.

Notre commission a également renforcé la lutte contre les dégâts de grand gibier, qui constituent un véritable fléau dans certains territoires, en particulier pour les agriculteurs et les forestiers.

À cette fin, nous avons accru les pouvoirs du préfet en matière de plans de chasse en cas d’augmentation des dégâts dans un département. Notre commission a par ailleurs décidé de mesurer avec certains critères le nourrissage des sangliers, ainsi que la vente et le transport de ces animaux, pour mieux maîtriser les populations et les risques sanitaires, lesquels sont d’actualité.

En matière de gestion adaptative, la commission a tenu à ce que le nouveau dispositif ne se traduise pas par des contraintes excessives pour les chasseurs, notamment en atténuant les sanctions encourues en cas de manquement à l’obligation de transmettre les données de prélèvement.

Par ailleurs, nous avons complété le projet de loi par plusieurs dispositions visant à améliorer la protection du patrimoine naturel. Outre l’introduction dans le code de l’environnement d’une définition de la géodiversité, nous avons élargi le périmètre des aires marines protégées et clarifié les critères de reconnaissance des zones humides.

Enfin, la sécurité liée à la pratique de la chasse doit être améliorée, notamment dans la visibilité des chasseurs. Renforcer les mesures de sécurité sera bénéfique à tous, et en premier lieu aux chasseurs eux -mêmes.

Au total, le texte adopté par notre commission présente un projet de réforme plus équilibré, qui permet de donner toute sa place aux différentes parties prenantes.

À ce titre, nous nous réjouissons que ce projet de fusion se présente dans une atmosphère constructive et apaisée. Chacun a compris qu’il était indispensable de sortir d’une opposition stérile et caricaturale entre de supposés défenseurs et de supposés opposants de la biodiversité. Il est nécessaire d’agir en privilégiant des solutions partagées, concrètes et pragmatiques, élaborées au plus près du terrain. C’est ainsi que nous assurerons une meilleure protection de la biodiversité.

Je conclurai mon propos par la question du financement du futur établissement public, qui suscite les plus vives inquiétudes de notre commission. En effet, à l’issue de la loi de finances pour 2019 et de plusieurs arbitrages complémentaires, le budget de l’établissement sera confronté à près de 40 millions d’euros de dépenses non couvertes.

Vous avez pris l’engagement devant notre commission, madame la secrétaire d’État, de financer une part importante de ce déficit par des crédits strictement budgétaires. Néanmoins, nous craignons que le reliquat ne soit in fine couvert par une nouvelle augmentation des contributions des agences de l’eau, laquelle se ferait au détriment des moyens de la politique de l’eau, pourtant essentielle aux collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Luche

M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Les débats que nous aurons, ensemble, permettront, je l’espère, de clarifier ces incertitudes financières.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, souvent décriés, les chasseurs sont pourtant des acteursincontournables de la biodiversité. Fins observateurs de lanature, ce sont les premiers à constater les évolutions de notreenvironnement.

Je ne puis que regretter que leur rôle ne soit pas reconnu à sajuste valeur. Les chasseurs n’ont en effet pas attendu ce projetde loi pour conduire des actions en matière de biodiversité, et les montants engagés dépassent bien souvent les 5 euros par permis de chasser.

Le Gouvernement propose de leur transférer deux compétences : la gestion des plans de chasse et celle des ACCA, ce dont je me félicite.

Le rôle des ACCA n’est plus à démontrer, chacun en conviendra. Il faut cependant veiller au maintien de ces associations qui contribuent à la régulation du gibier et de la biodiversité en favorisant le regroupement de terrains morcelés de petite taille. Elles sont la garantie d’une chasse populaire.

L’OFB est issu de la fusion de l’AFB et de l’ONCFS. Il est vrai que cet établissement a mis du temps à voir le jour. Néanmoins, cette fusion fait aujourd’hui l’unanimité, y compris chez les chasseurs.

Comme vous, madame la secrétaire d’État, nous pensons que la dénomination d’un établissement est importante, qu’elle renvoie à son identité et à ses ambitions. Au regard de leur rôle en matière de biodiversité, nous avons estimé que les chasseurs devaient avoir toute leur place au sein de ce nouvel établissement. C’est pourquoi nous l’avons rebaptisé « Office français de la biodiversité et de la chasse ».

Nous avons également cherché à rééquilibrer son conseil d’administration en faveur des chasseurs, mais aussi de deux autres acteurs importants, dont le cœur de l’activité est lié à la nature. Je veux bien entendu parler des agriculteurs et des forestiers.

Sur un sujet aussi important que la biodiversité, l’État doit savoir convaincre ses partenaires et rechercher le consensus.

L’État n’a la majorité ni dans Parcs nationaux de France ni à l’ONCFS. Ces établissements n’en sont pas moins bien gérés. Il n’y a donc aucune raison que ce soit différent pour l’OFB. C’est pourquoi nous avons proposé que l’État n’ait pas la majorité, mais uniquement un droit de veto.

Tel est le sens des amendements que j’ai portés, et qui ont été adoptés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

La question des moyens, tant humains que financiers, du nouvel établissement nous a interpellés. En effet, alors même que nous allons renforcer les pouvoirs des inspecteurs de l’environnement, ceux-ci ne seront pas en nombre suffisant pour exercer une pression de contrôle minimale dans les territoires. Pis, les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous : il manque 41 millions d’euros dans le budget du nouvel établissement.

Les agences de l’eau participeront au financement hauteur de 258 millions d’euros. Elles devront en outre financer la promesse de l’État de mettre 10 euros pour 5 euros versés par les chasseurs, soit 11 des 41 millions manquants.

Une présence de l’État dans le financement de l’OFB à hauteur de 30 millions, on aimerait y croire, mais nous connaissons tous Bercy… Je crains que les agences de l’eau ne soient de nouveau mises à contribution, et ce aux dépens des communes et des EPCI.

Ces prélèvements sur les agences de l’eau sont intolérables. Ils sont contraires aux directives européennes relatives à l’eau et au principe selon lequel l’eau doit payer l’eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Comment les agences pourront-elles, demain, réaliser leurs investissements en matière d’eau potable et d’assainissement, si nous continuons à les ponctionner de la sorte ?

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Présenter des réformes non ficelées sur le plan budgétaire, cela devient une manie, une très mauvaise habitude.

En nous renvoyant au prochain projet de loi de finances, vous desservez, madame la secrétaire d’État, la réforme que vous proposez, et vous desservez la biodiversité que vous entendez défendre. Comme Jean-Claude Luche et Jean-Noël Cardoux, avec lesquels j’ai travaillé en bonne intelligence, et nos collègues sénateurs, nous serons au rendez-vous des débats budgétaires pour réexaminer le circuit de financement du nouvel établissement et revoir la contribution des agences de l’eau.

En conclusion, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi sous réserve des amendements qu’elle a adoptés et des réponses apportées aux interrogations que soulève une réforme dont la soutenabilité financière n’est pas assurée.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, « si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterai quand même un pommier ». Je reprends cette phrase de Martin Luther King à mon compte, tant il est primordial dans la lutte pour la préservation de la biodiversité de ne jamais baisser les bras.

Mon engagement est ancien dans ce combat. Il m’a mené sur de nombreux chemins, un peu partout dans le monde, à la rencontre de multiples institutions, organismes et personnes concernés. Je puis vous confirmer qu’il existe de très belles initiatives, dans tous nos territoires métropolitains et ultramarins : chaque action, même la plus anodine, compte, et contribue à ce combat.

Dans le contexte actuel du réchauffement climatique, enrayer l’effondrement de la biodiversité est plus que jamais capital. Le maintien de la biodiversité est une condition sine qua non de notre propre survie ; nous en sommes un des éléments essentiels.

La biodiversité est tout à la fois le tissu vivant de notre planète et notre pharmacie ; elle fournit en biens et services près de deux fois la valeur de ce que produisent les humains chaque année ; plus de 70 % des cultures que nous consommons dépendent d’une pollinisation animale.

Or la dégradation de la biodiversité n’est pas un mythe : les experts français – ceux du Muséum, du Centre national de la recherche scientifique et des ONG – et mondiaux – de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’IPBES – indiquent que la moitié des espèces vivantes pourrait disparaître d’ici à un siècle, compte tenu du rythme actuel de leur disparition, cent à mille fois supérieur au taux naturel d’extinction.

La crise d’extinction actuelle est bien plus rapide, et elle est quasi exclusivement liée aux activités humaines. Avec ses outre-mer, la France se situe parmi les dix pays abritant le plus grand nombre d’espèces mondialement menacées.

Les milieux naturels sont fragilisés ou détruits par les activités humaines : sur l’ensemble de la planète, 60 % d’entre eux ont été dégradés au cours des cinquante dernières années et près de 70 % sont exploités au-delà de leur capacité. Une superficie équivalente au département de notre rapporteure pour avis disparaît tous les dix ans et perd ses espaces cultivables.

J’ai récemment remis un rapport au Premier ministre sur les « zones humides ». Le constat est sans appel : ces terres d’eau, milieux dont les bienfaits sont inestimables pour l’homme, continuent de disparaître à un rythme accéléré.

Heureusement, le thème de la biodiversité et de sa préservation s’impose de plus en plus dans les débats publics ; les jeunes générations, à l’image de la Suédoise Greta Thunberg, sont de plus en plus réceptives à l’idée d’interroger notre place, notre rôle au sein de la biodiversité et l’impact de nos activités, en lien avec la problématique du changement climatique. Cela doit encore progresser. Il y a maintenant urgence à agir pour qu’un véritable changement de paradigme en faveur de la protection de la biodiversité ait lieu.

La France a pris part à de grands engagements internationaux, comme le Millenium Assessment pour 2030 et ses dix-sept objectifs de développement durable, ou ODD, sont essentiels. Les pays membres de l’ONU, les pays européens et l’Union européenne ès qualités se sont lancés dans cette formidable aventure dont le succès conditionne la réussite de l’accord de Paris.

Le plan Biodiversité lancé en 2018 répond en partie à cet objectif. Il faut aussi des opérateurs publics puissants et efficaces. La gouvernance est en effet un enjeu majeur de la préservation et de la gestion de la biodiversité.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires et moi-même nous félicitons donc de la création de l’Office français de la biodiversité, qui sera, nous en sommes certains, un opérateur clé pour restaurer et protéger la biodiversité de façon efficace.

À l’Assemblée nationale, j’avais été le promoteur législatif de l’Agence des aires marines protégées en 2005. J’avais soutenu le regroupement de cette agence avec l’Onema, l’ATEN et l’établissement public Parcs nationaux de France au travers de la création de l’Agence française pour la biodiversité ; j’avais eu l’honneur d’être le rapporteur du texte dans notre assemblée. J’approuve donc, et mon groupe avec moi, cette étape qui devrait faire de ce nouvel établissement public un outil pertinent, concret et complet, pour agir sur le terrain partout en France.

Il faudra, madame la secrétaire d’État, lui en donner les moyens – je souscris à l’avis des rapporteurs – humains et financiers : je partage à cet égard les inquiétudes exprimées sur les 40 millions d’euros manquants. L’office doit être doté des moyens d’agir.

Le projet de loi semble à première vue assez technique, mais il traduit en réalité un portage politique affirmé pour répondre aux enjeux de la biodiversité en France. Ce nouvel office devrait permettre d’accroître l’efficacité des politiques de l’eau et de la biodiversité par une meilleure connaissance, surveillance, préservation et gestion des espèces et milieux. Le renforcement de la police de l’environnement sur le terrain, au plus près des besoins, et l’adossement à une expertise scientifique et technique reconnue étaient bien sûr indispensables.

Je tiens à saluer le travail du rapporteur Jean-Claude Luche et de la rapporteure pour avis Anne Chain-Larché pour les améliorations déjà apportées à ce projet de loi par notre assemblée en commission.

Le travail en bonne intelligence avec toutes les parties intéressées – chasseurs, agriculteurs, acteurs économiques, organismes privés et publics, ONG, scientifiques – sera également primordial pour le bon fonctionnement de ce nouvel office. Leur présence dans les instances délibérantes avec un effectif qui devra, je le répète, car je l’ai déjà dit en commission, rester raisonnable – le conseil d’administration est une instance de décision, non de discussion – est une très bonne chose, tout comme l’association étroite des chasseurs à la préservation de la biodiversité.

Je conclurai mes propos en citant Platon et en évoquant le fameux kairos grec : « Si on laisse passer le temps de faire une chose, on la manque. » Ce moment est aujourd’hui arrivé. Chaque pierre sera utile pour fortifier l’édifice de la préservation et de la reconquête de la biodiversité. Espérons que ce nouvel office sera l’une de ces pierres !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, c’est un honneur pour moi d’intervenir après Jérôme Bignon dans cette discussion. Cela montre bien non pas la forme de consensus, mais la complémentarité qui a régné durant l’élaboration de cette loi et qui va perdurer pendant nos débats.

Ce texte est celui des engagements tenus, par le chef de l’État et le Gouvernement, par le monde de la chasse, mais aussi par les environnementalistes. C’est le texte de tous les acteurs de la protection des écosystèmes. À ce titre, il mérite d’être salué.

Voté à la quasi-unanimité à l’Assemblée nationale, le présent projet de loi va permettre d’envisager des pratiques plus rationnelles et une meilleure protection de l’environnement.

C’est un projet de loi à la fois ambitieux, courageux et visionnaire ; il est équilibré à l’égard de l’ensemble des partenaires du monde rural. Il s’inscrit dans un pari audacieux, auquel j’adhère totalement, car il s’agit d’assurer et d’assumer le développement de la chasse française dans tous nos territoires ruraux.

Il s’agit également de porter l’idée que la chasse doit s’adapter, se moderniser, s’ouvrir pour gérer plus efficacement la faune sauvage, responsabiliser les gestionnaires des territoires, partir à la reconquête de l’opinion publique et promouvoir une chasse durable.

Devant tous les dirigeants de la chasse française réunis à l’occasion de leur congrès en 2017, le chef de l’État Emmanuel Macron, qui était alors candidat et que j’accompagnais, avait affirmé avec bon sens et conviction : « La chasse n’est ni un sport ni un loisir, mais un mode de vie. » Mais, soyons clairs, mes chers collègues, et je tiens à le préciser ici, ce n’est pas une loi « chasse » !

Il y a près de vingt ans, à la suite d’une très grande consultation, j’ai écrit un rapport contenant 110 propositions pour une chasse apaisée et responsable. Il a abouti à la loi du 24 juillet 2000, qui a fait du droit de chasse un droit positif confortant toutes les pratiques de chasses, accordant à la Fédération nationale des pouvoirs dont elle ne disposait pas jusque-là et reconnaissant la responsabilité de chacun.

Cette loi a permis de nombreuses avancées, aujourd’hui reconnues par le monde cynégétique.

Madame la secrétaire d’État, j’en profite pour saluer votre engagement et celui de tous les partenaires – je remercie également la commission – sur ces sujets qui me tiennent à cœur, ainsi que votre prédécesseur Sébastien Lecornu, avec lequel nous avons travaillé.

La création de l’OFB répond à ces attentes, puisque cet office permettra de faire travailler ensemble le monde de la chasse et celui de l’environnement. Les expertises sont rapprochées, et les pouvoirs de la police de l’environnement renforcés.

Mme la secrétaire d’État les ayant évoqués, je ne m’attarde pas sur les cinq piliers sur lesquels repose l’office – je pense notamment aux pouvoirs de police, à la connaissance des espèces et à la politique de l’eau. Je veux en retenir que deux.

Le premier est la mission de police, qui correspond à un engagement du chef de l’État et à une demande très forte du Gouvernement, des maires, des territoires ruraux et des agents de l’environnement qui veulent une police rurale aux missions bien définies et disposant des moyens juridiques et financiers nécessaires à l’exercice de ses missions.

Je le redis, c’est une attente réelle des territoires et de leurs acteurs. Le monde de la chasse est très attaché à cette police. Il fait d’ailleurs preuve de responsabilité en termes de mission sur les espèces, de police et de sécurité. Tout le monde peut en convenir, la sécurité n’est pas absente de nos pensées. Nous pourrons d’ailleurs soutenir les amendements du Gouvernement qui vont en ce sens.

Mon deuxième point, moins facile à évoquer, concerne la gestion adaptative des espèces. J’entends déjà le bruit gronder en dehors de cet hémicycle. Il s’agit pourtant d’une notion de bon sens, nous le savons tous ici. Chacun veut la survie des différentes espèces, et personne ne souhaite mettre à mal les espèces menacées.

La gestion adaptative doit s’appliquer seulement aux espèces qui posent des problèmes, soit parce que les populations diminuent soit parce qu’à l’inverse elles augmentent en causant souvent des dégâts sur leur environnement, et plus globalement sur la biodiversité.

Il faut brise le tabou selon lequel les espèces, qu’elles soient protégées ou chassables, demeureraient pour toujours intouchables. Il faut mettre fin à l’effet cliquet, qui veut qu’une espèce non chassable aujourd’hui le soit indéfiniment.

La gestion adaptative doit s’appliquer autant à l’oie cendrée qu’au cormoran ou à la tourterelle des bois, une espèce actuellement menacée. J’ajoute que cette gestion doit concerner toutes les espèces en danger, et pas seulement les espèces chassables. Les États-Unis et le Canada gèrent parfaitement cette situation, avec une méthode adaptée et éprouvée depuis plus de vingt ans.

Madame la secrétaire d’État, je sais tous les efforts que vous avez déployés auprès de la Commission européenne. Il est regrettable que le Conseil d’État n’ait encore rien compris, alors que même le commissaire européen à l’environnement a écrit, pour la première fois en vingt ans, que l’on pouvait chasser les oies en février sans aucun problème.

Durant la discussion de ce texte, je sais que nous allons revenir sur de nombreux sujets : les dégâts de gibier, en forêts ou ailleurs, déjà très bien assumés aujourd’hui par de nombreuses fédérations, l’engrillagement, l’agrainage. Dans ces domaines, je tiens à le dire ici, les fédérations de chasse font des propositions que nous allons examiner dans un souci de sagesse, tout en gardant à l’esprit notre objectif de clarification, d’efficacité et de responsabilité.

Enfin, je souhaiterais aborder la question du financement, qui a déjà été évoquée. L’État doit se recentrer sur ses compétences régaliennes, et il est normal de faire confiance aux fédérations qui sont déjà chargées de missions de service public. Elles les gèrent pour un coût moins élevé et avec davantage d’efficacité que la puissance publique.

J’ai l’intime conviction que la réforme sera totalement financée et que l’État assumera ses choix. Mais comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, je pense que les flux croisés qui sont indispensables pour cette première saison doivent faire l’objet d’une renégociation rapide pour la prochaine loi de finances.

Pour être très clair, j’ai toujours pensé que l’argent de la chasse devait payer la chasse, que l’argent de l’eau devait d’abord payer l’eau et que les missions régaliennes de police rurale et d’expertise sur la biodiversité terrestre devaient être prises en charge de l’État.

En conclusion, mes chers collègues, alors que des esprits chagrins pensent encore que le Président de la République et le Gouvernement ne savent pas négocier les réformes avec les corps intermédiaires, notamment ruraux, nous avons la démonstration du contraire avec ce projet de loi qui a été bien négocié.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

M. François Patriat. Je sais que cela vous énerve que l’on touche à vos tabous, mais avouez que, en l’espèce, le Gouvernement a négocié avec les corps intermédiaires !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Je salue le président de la Fédération nationale des chasseurs, qui a présenté des propositions et a su être à l’écoute. J’en profite pour souligner le remarquable travail de concertation que vous avez mené, madame la secrétaire d’État. Vous avez su gérer le « en même temps » – le grand débat national et cette loi sur la biodiversité –, et avez réussi l’exploit d’amener les chasseurs à des compromis sans que personne perde son âme.

Pour cette raison, j’appelle mes collègues à ne pas dénaturer ce texte et à être à l’écoute de Mme la secrétaire d’État, notamment en soutenant les amendements du Gouvernement, qui ont fait l’objet d’intenses négociations, jusqu’à la dernière minute, avec le monde de la chasse et les parlementaires.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi qu ’ au banc des commissions. – MM. Jérôme Bignon et Franck Menonville applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’idée de rassembler au sein d’un opérateur unique l’ensemble des opérateurs de la biodiversité n’est pas nouvelle. Jérôme Bignon l’a rappelé, elle avait émergé, il y a déjà quelques années, avec le Grenelle de l’environnement. Ce n’est pas un hasard si le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.

En effet, de par leurs missions respectives, l’AFB et l’ONCFS sont complémentaires, et leur fusion permettra l’émergence d’un opérateur public cohérent et puissant, présent sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Cette fusion marque, en outre, un changement d’approche et la volonté affirmée de ne plus séparer gestion de la biodiversité et activités cynégétiques.

En effet, l’AFB a vocation à appuyer les services de l’État dans la gestion des espaces naturels et la police de l’eau. Elle organise la connaissance en matière de biodiversité, et elle fournit aux acteurs locaux les données et l’expertise dont ils ont besoin.

L’ONCFS, quant à lui, fait partie intégrante de la politique de préservation de la biodiversité, ne serait-ce que par ses activités « non cynégétiques » de connaissance et d’expertise, de police de l’environnement, de lutte contre le trafic d’espèces menacées, ou encore de suivi des espèces protégées comme le loup.

Dès lors, comment ne pas souscrire à l’objectif de rassembler et de renforcer les prérogatives des inspecteurs de l’environnement des deux opérateurs en un service unique, afin de permettre une action mieux coordonnée et mieux répartie sur le territoire ?

Notons cependant que, après l’Agence nationale de la cohésion des territoires, après la loi d’orientation des mobilités, ce gouvernement est devenu spécialiste en « plomberie administrative ». Regrouper des services, des administrations pour tenter d’améliorer les politiques publiques peut être utile et louable, mais tout bon plombier sait que la réparation de fuite, le colmatage, ne remplacera jamais un réseau régulièrement entretenu. En d’autres mots, on ne fait pas d’action publique de long terme sans moyens financiers.

Ainsi, alors que nous n’avons pas vu dans le dernier projet de loi de finances la couleur des 600 millions d’euros supplémentaires promis pour le plan Biodiversité, ce nouvel office est créé avec près de 40 millions d’euros annuels non financés.

L’État s’est purement est simplement désengagé progressivement du financement de l’AFB et de l’ONCFS, remplaçant ses contributions et subventions par des ponctions sur les agences de l’eau, comme cela a été rappelé. En plomberie, nous appelons cela du siphonnage ! Cette contribution des agences de l’eau est comprise entre 240 millions d’euros et 260 millions d’euros pour l’Agence française pour la biodiversité et entre 30 et 37 millions d’euros pour l’ONCFS.

Madame la secrétaire d’État, vous ne nous avez rassurés – c’est peu de le dire ! – ni lors de votre audition devant la commission ni lors de votre intervention. Nous sommes plus que jamais inquiets par la tentation de siphonner une nouvelle fois les agences de l’eau.

La seule fiscalité de l’eau, assise sur les redevances aux agences de l’eau, ne peut financer l’ensemble de la biodiversité. En revenant sur le principe selon lequel « l’eau paye l’eau », admis par l’ensemble de nos concitoyens, vous prenez le risque, une nouvelle fois, de créer de l’incompréhension.

Nous sommes passés de « l’eau paye l’eau », à « l’eau paye l’eau et la biodiversité » et maintenant à « l’eau paye l’eau, la biodiversité et la chasse ». Ponctionner les agences, c’est limiter les investissements en matière d’eau potable et d’assainissement, donc agir moins pour la biodiversité. C’est un comble, alors même que les Assises de l’eau ont mis en lumière d’importants besoins liés aux conséquences des changements climatiques sur l’état et la répartition des masses d’eau !

Encore une fois, si la question du financement est la principale faiblesse de ce texte, celui-ci fait naître une autre inquiétude, qui lui est directement liée : le déploiement de l’office dans les territoires.

Comme l’a souligné la rapporteure à l’Assemblée nationale, dans de nombreux départements, les effectifs planchers de l’office ne sont pas atteints… La présence des agents sur le terrain est pourtant la raison d’être d’une telle administration, qui ne pourra pas préserver la biodiversité depuis des bureaux parisiens.

Néanmoins, vous nous avez confirmé en commission une baisse continue de 2 % des effectifs. Je ne prendrai qu’un exemple qui me tient à cœur : celui de la « brigade loup ». Ses 11 agents, qui ont fait montre de toute leur efficacité, ont vu leurs CDD non renouvelés avant d’être prolongés, au bout d’un long suspense, via des contrats d’avenir…

Cette situation précaire n’est pas acceptable, tout d’abord pour ces agents et leurs familles, mais aussi au regard de la transmission de l’expérience qu’ils ont acquise, indispensable pour favoriser la cohabitation entre le prédateur et les activités d’élevage, alors que la population de loups est en croissance exponentielle.

Au-delà de ces deux écueils importants, l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale a permis de bâtir un bon compromis, dont je me félicite. Ce texte équilibré a permis de trouver un consensus entre les chasseurs et les associations de protection de l’environnement.

Ce compromis, cet équilibre fragile, a malheureusement été mis à mal lors de l’examen du texte ici en commission. Je le regrette, dans l’intérêt des activités cynégétiques et pour la préservation de la biodiversité. Il est utile de le rappeler, ce texte sur la biodiversité incluait la chasse comme partie intégrante de cette biodiversité. Briser cet équilibre n’est pas souhaitable, et c’est dommageable en premier lieu pour les chasseurs eux-mêmes. La transformation du nom de l’Office français de la biodiversité en Office de la biodiversité et de la chasse est assez symptomatique : cela revient à nier une reconnaissance pourtant si souvent souhaitée.

Dans le même sens, les amendements adoptés en commission et tendant à autoriser la chasse à la glu, la gestion des réserves naturelles par les fédérations de chasseurs ou encore l’extension de la chasse aux oiseaux migrateurs sont purement inacceptables. Nous tenterons, avec nos amendements, lors du débat, de retrouver le compromis de l’Assemblée nationale et de revenir à un texte plus équilibré.

Il faut sortir des postures caricaturales, comme le soulignait M. le rapporteur. Alors que notre planète connaît sa sixième extinction de masse, laquelle est directement liée aux activités humaines, j’espère que le Sénat, chambre des territoires, gardera raison et saura défendre notre patrimoine commun, la diversité de la vie.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Ronan Dantec et Éric Gold applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout le monde a conscience désormais du fait que la biodiversité fait partie du patrimoine commun de l’humanité, que sa préservation est essentielle, qu’elle est pour nous un devoir. En effet, nous avons pris acte que la biodiversité était menacée. On peut le souligner, il n’y a pas de « biodiversito-sceptiques ».

Cela a déjà été mentionné, la France héberge quelque 10 % de la biodiversité de notre planète, dont 90 % dans les territoires ultramarins. C’est dire la richesse de la nature outre-mer ! Pourtant, le constat de la disparition des espèces s’impose à tous. La communauté scientifique est unanime sur la gravité et l’urgence de la situation. La moitié des espèces vivantes pourrait disparaître d’ici à un siècle, compte tenu du rythme d’extinction des espèces animales.

Cette dégradation de la biodiversité et son rythme effréné trouvent très essentiellement leur origine dans les activités humaines : réduction et fragmentation des espaces naturels, déforestation, pollution de l’eau, des sols et de l’air, changement climatique, surexploitation des ressources, trafic d’espèces, etc. Il convient donc de nous doter des structures les plus adaptées, cohérentes et efficaces pour agir en la matière.

L’Agence française pour la biodiversité, née de la loi du 8 août 2016, avait déjà regroupé plusieurs établissements publics, comme cela a déjà été indiqué.

L’intégration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage à l’Agence française pour la biodiversité avait été envisagée lors les réflexions relatives à la création de cette dernière, puis abandonnée. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a donc pour objet de fusionner ces deux établissements sous l’égide d’un Office français de la biodiversité et de la chasse, ainsi que la commission vient de le renommer, et qui verra le jour le 1er janvier prochain.

La fusion de ces deux établissements, qui est d’ailleurs souhaitée par la majorité des acteurs de la biodiversité, nous apparaît cohérente. Elle s’inscrit dans la continuité de la Stratégie nationale pour la biodiversité. Elle conforte l’idée d’une culture commune, rapproche les expertises complémentaires de ces établissements, et renforce l’action territoriale, ainsi que la police de l’environnement.

Je tiens à souligner le travail de précision des missions du futur office auquel a procédé l’Assemblée nationale et l’esprit de concertation dans lequel l’examen du texte en commission s’est déroulé, permettant l’adoption d’avancées telles que le renforcement des pouvoirs des inspecteurs de l’environnement, ou encore l’inscription dans la loi de la contribution de 10 euros de l’État par permis de chasser.

Concernant la chasse, soulignons certaines dispositions de ce projet de loi, notamment le renforcement de la sécurité qu’il opère, l’amélioration de l’indemnisation des dégâts de gibier ou encore la gestion adaptative des espèces.

Cependant, nous resterons particulièrement vigilants sur certains points.

Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, la question du financement de ce nouvel office fusionné reste bien trop incertaine à nos yeux. Avec la baisse du prix du permis de chasser national, les charges supplémentaires correspondant aux nouvelles missions transférées, et l’abondement de l’État de 10 euros par adhérent ayant un permis de chasser validé dans l’année, ce sont 40 millions d’euros de financement pour 2020 qui restent en suspens.

Concernant l’organisation de l’office, nous souhaiterions aussi être assurés que cette fusion ne se résumera pas in fine à un moyen de faire des économies sous prétexte de mutualisation. N’oublions pas, par parallélisme, qu’au sein de l’ANCT, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le Cérema, l’un des organismes constitutifs, va subir une baisse importante de ses effectifs, puisqu’il perdra 105 postes par an jusqu’en 2022.

Par ailleurs, ce texte bouleverse un établissement particulièrement jeune, puisqu’il aura tout juste trois ans au moment de la fusion. Nous devons donc penser à l’ensemble des agents. Cette seconde fusion, à un intervalle si proche, pourrait susciter chez eux un sentiment d’instabilité dont nous devons être conscients.

Enfin, nous sommes convaincus qu’il existe entre le monde de la chasse et la protection de la nature une convergence des objectifs et une complémentarité justifiant la fusion de ces deux établissements. Nous devons donc garder à l’esprit que cela ne tombe pas sous le signe de l’évidence pour tous.

Nous espérons que cet office pourra être un outil pertinent et efficace de lutte contre le déclin de la vie sauvage.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Richard applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission, je me permets de commencer cette intervention par une exclamation de surprise : déjà !

Cette fusion, au sein d’un même office, des acteurs de la biodiversité et de la chasse semblait en effet encore totalement inaccessible il y a moins de trois ans, au moment de la discussion de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Nous étions pourtant déjà un certain nombre à considérer que ce regroupement des acteurs de la nature, et notamment des agents exerçant une fonction de police de l’environnement, était nécessaire à une véritable politique de protection de la nature, qu’elle allait dans le sens de l’histoire. On nous répondait que les choses n’étaient pas mûres, que les différences, les méfiances ataviques, le fossé culturel entre les acteurs étaient bien trop importants pour permettre ce rassemblement, et qu’il fallait donc laisser du temps au temps.

Nous ne pouvons donc que féliciter le Gouvernement et le Président de la République d’avoir réussi cette prouesse : avoir trouvé les arguments pour amener les uns et les autres à cette fusion.

La création de l’office, avec dorénavant 2 700 agents publics équivalents temps plein travaillés, dote les politiques de biodiversité d’un outil important. Je salue le travail du rapporteur Jean-Claude Luche sur le renforcement des missions de police de ces agents, avec un équilibre subtil, qu’il fallait préciser, entre attributions des services dédiés, comme l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’Oclaesp, dont nous avions renforcé les moyens d’investigation dans de précédentes lois, et les nouvelles prérogatives données aux inspecteurs de l’environnement.

Toutefois, cette rapidité de la fusion entre l’AFB et l’ONCFS suscite, vous le savez, beaucoup de questions et d’inquiétudes des deux côtés. « Quelle est la véritable nature du deal entre l’État et les chasseurs ? », s’alarment les associations de protection de la nature. « La chasse ne sera-t-elle pas la perdante à terme de cette intégration, synonyme de perte d’influence ? », s’inquiètent les fédérations.

Nous n’avons pas à ce stade, disons-le, la totalité de la réponse à ces questions. Mais il y a un pari, que j’assume avec beaucoup d’autres ici : celui que les intérêts communs des chasseurs et des non-chasseurs, unis dans la défense de notre patrimoine naturel et du fonctionnement des écosystèmes, sans lesquels il n’y a ni gibier ni espèces protégées, deviennent plus importants que les seuls débats sur les dates d’ouverture et le niveau des prélèvements autorisés.

Il y aura encore des confrontations, évidemment, mais espérons que cette culture commune s’imposera progressivement. Le Sénat en a d’ailleurs souvent donné l’exemple, et, sans vouloir mettre Jean-Noël Cardoux en difficulté, tant ces interventions seront scrutées par ses camarades, je voulais rappeler que, lors du débat sur la loi relative à la biodiversité, il nous est arrivé, à lui et à moi, de défendre les mêmes amendements – le rapporteur de l’époque, Jérôme Bignon, que je salue tout particulièrement pour son investissement sur ces enjeux, pourra en témoigner.

Je soutiens donc le rapporteur dans sa volonté d’élargir la gouvernance de l’office, car il faut que tout le monde échange et discute, et je ne doute pas de la capacité de l’État à équilibrer soigneusement les représentations.

Cette méfiance se cristallise notamment autour de la question de la gestion adaptative des espèces, concept qui peut recouvrir tout et son contraire ; certains chasseurs n’aident pas à la résolution du problème, il faut le reconnaître, quand ils envisagent, y compris à haute voix, d’inscrire le goéland dans les espèces chassables…

Il ne serait pas raisonnable de sortir la liste des espèces chassables issue de la directive Oiseaux de 2009 ; surtout, il va falloir arrêter de chasser les espèces en forte régression, comme le courlis cendré ou la tourterelle des bois – j’ai d’ailleurs bien noté la préoccupation de M. Patriat à propos de cette seconde espèce.

Néanmoins, quel plaisir partagé, vous l’imaginez déjà, quand ces chasses seront de nouveau autorisées, grâce à une politique ambitieuse, portée ensemble par les chasseurs et par les écologistes, pour la préservation des biotopes et la lutte contre les pollutions, notamment chimiques ! Tel est le sens, semble-t-il, d’une gestion adaptative des espèces et d’une chasse durable. Cela rejoint aussi les propos du ministre d’État François de Rugy : « Si une espèce voit son effectif augmenter, elle peut être chassée, et inversement. » Tout est dans le « et inversement »…

À propos de gestion adaptative des espèces, notre souci commun est quand même la démographie des chasseurs eux-mêmes. Plus de 2, 2 millions de chasseurs en 1975, moins de 1, 2 million en 2018, dont un tiers a plus de soixante-cinq ans et seulement 2, 2 % sont des femmes. Il s’agit d’un effondrement de l’espèce

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Considérez ainsi le cri d’alarme de la Fédération des chasseurs de l’Aveyron, qui organise le covoiturage, pratique écolo s’il en est, pour amener les chasseurs restants d’un point à l’autre du département, afin de faire nombre lors des battues au sanglier. Si je puis me permettre ce modeste conseil, le monde de la chasse, plutôt que de nourrir et d’élever quelques lobbyistes à l’action discutable, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

… doit investir dans une communication nouvelle, sans s’engluer dans la défense de pratiques anciennes, condamnées à disparaître.

Je voudrais vraiment vous convaincre que ces images d’oiseaux aux plumes collées

M. Michel Raison s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

et autres scènes contribuent à détourner les jeunes de cette activité, considérée comme d’un autre temps – pour ne pas employer de termes plus polémiques. Pour assurer son avenir, la chasse doit montrer son action bénéfique et souligner, avec l’appui de scientifiques et de données fiables, son impact positif sur l’évolution des espèces. Elle susciterait ainsi de nouvelles adhésions, tant il est illusoire de penser que les loups suffiront demain à réguler suidés et cervidés.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité s’inscrit dans un contexte de menaces et de pressions sans précédent pour la biodiversité. Ces pressions se traduisent dans tous les espaces naturels, agricoles et forestiers. Elles sont le fait de multiples phénomènes qui se conjuguent : changements climatiques, facteurs humains liés à la fréquentation grandissante, mais aussi fiscalité française sur le foncier défavorable aux espaces naturels et prolifération de gibiers.

La Fédération nationale des chasseurs a pris une part importante dans les débats préalables à ce projet de loi. De ce fait, les chasseurs constituent la pierre d’angle du dispositif prévu dans le cadre de ce nouvel office. Si ceux-ci sont bel et bien essentiels à la régulation des populations de gibiers, et donc au maintien d’un équilibre agro-sylvo-cynégétique, il convient que, dans un souci de légitimité et d’efficacité de l’institution, le projet de loi dont nous allons débattre appréhende le sujet de la biodiversité dans sa globalité, en posant les fondements d’une responsabilisation de l’ensemble des acteurs et d’une gestion partagée et équilibrée des espaces naturels, où chasseurs, agriculteurs, forestiers et usagers prendront en compte les réalités des uns et des autres.

C’est aujourd’hui indéniable, l’agriculture comme la sylviculture sont les victimes des dégâts de gibier, devenus insoutenables. Pour la saison de 2017, les chasseurs français ont versé plus de 37 millions d’euros aux agriculteurs, et le coût global atteindrait près de 60 millions d’euros en 2018. C’est dire le poids financier supporté par les chasseurs, mais aussi l’évolution et l’impact négatif des déséquilibres cynégétiques sur des exploitations agricoles parfois en survie.

Pour ce qui concerne la forêt, il n’existe pas de chiffres, car, puisqu’il n’y a pas d’indemnisation, il n’y a pas d’inventaire. Néanmoins, sur le terrain, les dégâts de gibier intégralement assumés par les forestiers sont considérables et augmentent. Ils fragilisent une forêt déjà assaillie par les attaques de parasites, déstabilisée par les changements climatiques et par les déficits hydriques récurrents, et vulnérable aux incendies. Ils attaquent une forêt dont les services écosystémiques en matière de biodiversité et de captation de carbone sont insuffisamment reconnus et soutenus, alors même que l’État et l’Europe envisagent zéro émission nette de carbone d’ici à trente ans.

Comme l’agriculture, cette forêt, gérée jusqu’à présent dans une logique multifonctionnelle, préservant la biodiversité et créatrice d’emplois, doit pouvoir s’appuyer sur des politiques publiques cohérentes.

Pour cela, il est essentiel que ce projet de loi accorde une place légitime à l’ensemble des acteurs de ces espaces naturels, et prenne en considération, à trois échelons, les réalités de la filière forêt et bois : dans la gouvernance – en accordant une meilleure représentativité aux forestiers et en assurant la cohérence entre plan de chasse et plan d’aménagement forestier, qu’il soit public ou privé –, dans le cadrage juridique – en réaffirmant la pertinence du code forestier, de la procédure pénale forestière, et en confiant des prérogatives ajustées aux inspecteurs de l’environnement, notamment pour lutter contre les dépôts sauvages en forêt –, et, enfin, dans les orientations politiques – en se fondant sur le cadrage national décliné notamment dans les plans régionaux de la forêt et du bois et dans les commissions sylvo-cynégétiques, et en préservant le droit d’arbitrage du préfet. Autant d’éléments d’équilibres essentiels, qui figurent, pour la plupart, dans l’excellent rapport de notre collègue Jean-Noël Cardoux, et que je vous proposerai d’intégrer au texte présenté aujourd’hui.

Nous souhaitons tous, mes chers collègues, parvenir à un compromis qui fera sens sur le terrain et qui permettra ainsi aux acteurs de la ruralité – chasseurs, agriculteurs, forestiers, mais aussi associations et élus – d’agir ensemble de manière vertueuse en faveur de la préservation de la biodiversité de nos territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce nouvel organisme, l’Office français de la biodiversité, sera-t-il une chance ou une menace pour la chasse ? C’est la grande interrogation à laquelle je vais essayer de répondre au travers d’une succession de questions. Je résumerai les principales interrogations.

La première interrogation a trait à la dénomination ; le mot « chasse » ne semble pas bienvenu dans la dénomination de l’office. J’y vois, plutôt qu’une tentative de marginalisation, la reconnaissance explicite que la chasse est un élément incontournable de la biodiversité, ce que nous avions déjà affirmé lors de la discussion de la loi de 2016.

Deuxième interrogation, le nouveau conseil d’administration, après la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’ONCFS, sera pléthorique et organisé en collèges ; l’État, principal financeur, y sera majoritaire, mais la place des chasseurs et des pêcheurs de loisir sera réduite à la portion congrue, alors que le monde de la chasse apportera à lui seul 45 millions d’euros au budget général de l’organisme.

Troisième interrogation, la technicité et l’excellence de l’ONCFS, en matière d’études et de contribution à la biodiversité, seront-elles sauvegardées ?

Quatrième interrogation, la création d’une police de l’environnement à direction unique avec ses inspecteurs spécialisés – nous avions beaucoup combattu pour cette direction unique lors de la discussion de la loi sur la biodiversité – permettra-t-elle de réprimer le grand braconnage et l’exploitation mercantile des espèces animales et végétales ?

La cinquième interrogation porte sur la gestion adaptative des espèces. Cette méthode révolutionnaire, mais encore inaboutie en France, provoquera-t-elle enfin un débat apaisé entre chasseurs et protecteurs ? M. Dantec le souhaite, moi aussi, mais ce n’est pas gagné, et cela me semble même mal parti, après la procédure engagée devant le Conseil d’État par trois associations de protection de l’environnement pour s’opposer au prélèvement, pourtant validé par la Commission européenne, de 4 000 oies en février dernier.

Le comité des experts, qui est en place depuis quelque temps et qui va devoir statuer sur le contenu des espèces soumises à la gestion adaptative, sera-t-il suffisamment impartial et, surtout, utilisera-t-il le relais des associations spécialisées de chasse – les chasseurs de gibier d’eau, de bécasses, de bécassines, ceux qui se consacrent journellement aux études, aux comptages, aux prélèvements d’ailes – afin de déterminer des sexe-ratios et des âge-ratios crédibles ? C’est la technique de pointe de gestion adaptative appliquée aux États-Unis et au Canada, et nous y souscrivons totalement, mais nous en sommes encore bien loin et il faudra beaucoup d’efforts et de discussions pour y parvenir dans un climat apaisé.

Sixième interrogation, le permis national à 200 euros permettra-t-il d’attirer de nouveaux chasseurs – c’est son objectif –, qui pourront ainsi découvrir de nouveaux modes de chasse sur l’ensemble du territoire ? Cela constituerait une réponse à la réduction du nombre de chasseurs observée depuis quelques années, et cela favoriserait une sorte de nomadisme cynégétique. Ce permis suscite beaucoup de problèmes, nous en avons encore eu la preuve précédemment, et il faudra trouver un équilibre financier pour répondre aux inquiétudes de certaines fédérations – j’y reviendrai dans quelques minutes.

Au sujet des dégâts de grand gibier – c’est ma septième interrogation –, un dialogue apaisé pourra-t-il s’établir entre les acteurs du monde rural que sont les agriculteurs, les chasseurs et les forestiers, avec comme toile de fond la menace de la peste porcine africaine ?

Vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, mon collègue député Alain Perea et moi-même avons établi, en quatre mois, un rapport préconisant des méthodes ou faisant des propositions – certaines sont un peu décapantes – pour répondre à ce problème. Notre constat est que, depuis quelques années, chacun des blocs en présence a ses certitudes, ses récriminations ; ils ne se parlent pas, ne se rencontrent pas, ne dialoguent pas, ce qui serait nécessaire pour sortir de cette spirale infernale. Un dialogue implique des concessions mutuelles, ce que nous préconisons. Si l’on n’y arrive pas, je crains que le coup de sifflet final ne soit donné par la peste porcine africaine, qui pourrait envahir l’ensemble du territoire français, avec les catastrophes économiques que cela pourrait engendrer.

Huitième interrogation, la taxe à l’hectare, qui est au cœur du problème, y compris sur les territoires non chassés, sera-t-elle suffisante pour faire face à cette charge ? Sera-t-elle supportable pour les petites fédérations ? J’ai introduit dans mon amendement à ce sujet un élément amortisseur pour établir un rapport entre la surface des territoires chassables et le nombre de chasseurs. Nous sommes là au cœur du débat, je suis encore en contact avec la Fédération nationale des chasseurs pour tenter d’apporter des solutions susceptibles d’apaiser les petites fédérations, qui craignent le déséquilibre financier.

Enfin, neuvième interrogation, cette réforme permettra-t-elle d’enrayer l’idéologie végane et antispéciste, ultra-minoritaire et irréaliste, ayant l’oreille complaisante des médias ? Le groupe Les Républicains a publié un opuscule, qui se veut humoristique, sous le titre Adieu, veau, vache, cochon, couvée, mais le problème est là. Voilà pourquoi nous avons déposé un amendement, que la commission a, me semble-t-il, accepté, visant à réprimer le délit d’entrave à une action de chasse.

Évidemment, tout le monde pense à la vénerie, problème principal dans les forêts franciliennes, mais il n’y a pas que cela, j’y reviendrai lors de la discussion de l’amendement. Il faut le savoir, dans certaines régions, en particulier dans les régions de tradition de chasse de grand gibier, comme l’est de la France, les installations fixes – miradors ou échelles de chasse – qu’utilisent les chasseurs sont régulièrement sabotées ou détériorées, au risque de provoquer des accidents quand on grimpe sans savoir que le matériel est saboté, par pure opposition à une activité pourtant légale. Autre exemple : les installations des chasseurs de gibier d’eau, qui pratiquent la chasse à la hutte sur le domaine maritime, sont régulièrement brûlées ou vandalisées. Ces actes ne sont pas acceptables. Nous sommes dans un État de droit, on ne doit pas pouvoir empêcher ce qui est autorisé.

Voilà les quelques interrogations, parmi beaucoup d’autres, que ce texte peut poser. Avec Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission du développement durable et Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, nous avons travaillé pour essayer d’apporter des solutions. Le groupe Les Républicains votera, dans sa grande majorité – il peut y avoir des oppositions –, pour le texte modifié par la commission.

Je veux conclure en insistant de nouveau sur l’enjeu de ce texte. Pour le Sénat, défenseur de la ruralité, de la vie à la campagne, l’enjeu est, ici encore, la survie du monde rural face à la métropolisation. Je ne reviendrai pas sur les sujets dont le Sénat a déjà beaucoup débattu – fermeture des commerces, mobilité, désertification médicale, absence de supports de communication –, vous les connaissez tous aussi bien que moi. Néanmoins, nombre de nos compatriotes acceptent de subir ces inconvénients pour vivre leur passion à la campagne, à savoir, la plupart du temps, la chasse et la pêche – et, pour beaucoup, la chasse traditionnelle, monsieur Dantec. Laissons donc ces gens, qui ont choisi de faire des sacrifices dans leur mode de vie pour assouvir leur passion, vivre librement, sans leur imposer des contraintes inacceptables. La survie de la ruralité que nous aimons en dépend.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Prince

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’Office français de la biodiversité n’a pas vu le jour dès 2016, au moment de la création de l’Agence française pour la biodiversité, c’est que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et la Fédération nationale de la chasse n’avaient alors pas assez de visibilité sur l’avenir de ce nouvel établissement.

Aujourd’hui, il semble que tout soit réuni pour réussir cette union. La lutte pour la sauvegarde de la biodiversité sur notre territoire métropolitain et ultramarin est au cœur des missions des deux organismes. La mise en commun de leurs compétences et leurs sensibilités complémentaires seront des atouts essentiels.

Avec la création de cet office, la répartition des équipes sur le terrain sera plus homogène, l’ONCFS ayant des effectifs plus importants déployés dans les départements. Les pouvoirs de police judiciaire des inspecteurs de l’environnement seront renforcés. Cette compétence, qui répond aux nécessités constatées sur le terrain, permettra de rendre la police de l’environnement plus efficace et plus rapide.

Concernant les fédérations de chasseurs, le financement de 5 euros par permis de chasse pour la protection de la biodiversité me paraît justifié, mais inscrivons dans la loi que l’État apporte une contribution équivalant au double de cette somme ; le dire, c’est bien, mais l’écrire, c’est mieux !

C’est une bonne décision de confier au responsable de la chasse le soin de fixer les plans de chasse de chaque territoire, avec, évidemment, la tutelle générale du préfet.

Je veux maintenant soulever le problème de l’engrillagement, très présent dans des régions forestières telles que la Sologne. Depuis quelques années, nous assistons à une prolifération des clôtures de deux mètres de haut autour de vastes propriétés de plus de mille hectares. Ces grillages sont non seulement une catastrophe visuelle, mais encore une aberration pour la mobilité des grands animaux et pour la préservation de la biodiversité.

En complément de l’article L. 424-3 du code de l’environnement, les communes et les intercommunalités ont la possibilité d’interdire, dans le règlement de, respectivement, leur plan local d’urbanisme ou leur plan local d’urbanisme intercommunal, la construction de clôtures supérieures à un mètre vingt, mais il sera toujours possible de clore une parcelle pour sa régénération ou pour une nouvelle plantation.

La gestion adaptative, fondée sur la communication des prélèvements de certaines espèces, en lien étroit entre les scientifiques et la Fédération nationale des chasseurs, permettra une meilleure gestion de la biodiversité. Le décret listant les espèces ouvertes à la chasse pourrait également être revu, à terme, pour y intégrer certains spécimens qui, par leur nombre, causent des nuisances et sont susceptibles de perturber les écosystèmes. Je pense en particulier aux cormorans ; on en compte des milliers sur la Loire, qui vont piller les étangs de Sologne, au grand désarroi des pisciculteurs.

Ce nouvel office de la biodiversité n’a pour l’instant pas de financement bien lisible. En l’état actuel, il semblerait qu’il manque encore environ 40 millions d’euros dans le budget, et ce ne sont pas les agences de l’eau, grandes contributrices au financement de l’ONCFS, qui devront supporter cette différence. Une réponse claire et précise de votre part serait la bienvenue, madame la secrétaire d’État.

Pour terminer, nous serons attentifs au devenir des agents des deux organismes, au changement de catégorie de certains d’entre eux – passage de la catégorie C à la catégorie B, et possibilité de bénéficier d’un accès à la catégorie A pour les encadrants. Ce rapprochement devrait également permettre une mutualisation des compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Prince

M. Jean-Paul Prince. Pour conclure mon propos, je réaffirme, en tant qu’élu de Sologne, l’importance que nous attachons, nous, les élus des territoires, à la préservation de la biodiversité. J’ajoute qu’il est positif que la chasse et la pêche soient intégrées à cette politique et qu’elles participent à la régulation et à la préservation des écosystèmes dans notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la logique de rationalisation qui préside au projet de création de l’Office français de la biodiversité ne doit pas conduire à sacrifier l’attention particulière que méritent les outre-mer en cette matière, et que l’organisation de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, a reflétée jusqu’ici de manière remarquable.

Le législateur de 2016, sans doute soucieux de sanctuariser cette place, avait inscrit dans la loi la création d’un « comité d’orientation réunissant des représentants des différentes parties concernées par la biodiversité ultramarine et de tous les départements et collectivités d’outre-mer ».

Je le concède volontiers, un tel comité aurait pu relever, toujours dans cette logique de rationalisation, de mesures d’organisation interne ; c’est pourquoi, dans le silence du projet de loi que nous examinons, il me semble impérieux de formuler une recommandation en ce sens, avec la plus grande insistance.

Madame la rapporteure, chère collègue, permettez que je m’associe à l’expression de vos regrets pour déplorer à mon tour que le Gouvernement n’ait pas concédé aux outre-mer leur juste place dans l’architecture du nouvel établissement, eu égard à la richesse, à l’ampleur et à la complexité de la biodiversité ultramarine.

Le rappel de quelques chiffres me semble opportun, même si nous finissons tous par les connaître : 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, qui placent la France au deuxième rang des puissances maritimes – c’est à l’outre-mer que la France le doit, est-il besoin de le rappeler ? –, 55 000 kilomètres carrés de récifs et de lagons – la barrière récifale néocalédonienne est la deuxième au monde et celle de Mayotte est un exemple unique de double barrière –, et 8 millions d’hectares de forêt guyanaise, une des dernières forêts primaires au monde.

Ces chiffres ne constituent pourtant qu’une énumération brève, bien qu’emblématique, de l’extrême richesse patrimoniale française située outre-mer, où il est traditionnel de considérer que se trouve plus de 80 % de la biodiversité nationale.

Cette immense richesse est aussi source de complexité et d’opportunités, tout en étant d’une grande vulnérabilité, ne l’oublions jamais.

Elle est source de complexité en raison du foisonnement tant de la faune que de la flore, avec un endémisme exceptionnel. La délégation aux outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, est très attentive à ces deux aspects, qui font l’objet d’une association avec l’Agence française pour la biodiversité, sous la forme d’un cycle triennal de colloques, avec une déclinaison par grand bassin océanique, contribuant ainsi à accroître la vigilance et à assurer la visibilité du patrimoine écologique ultramarin.

À ce titre, nous sommes les témoins, et les associés privilégiés, de l’immense travail accompli, du dynamisme et de l’implication de l’AFB pour la préservation et la valorisation de la biodiversité ultramarine. Comme le soulignait Christophe Aubel, directeur de cette agence, « “préservation” rime avec “valorisation” et “biodiversité” avec “développement soutenable” », ce qui fait des outre-mer des terres d’innovation et d’expériences, donnant l’impulsion à une dynamique particulière en matière écologique, et un objet d’étude très dense, comme en témoignent les actes du premier colloque organisé.

En outre, si la délégation aux outre-mer saisit chaque occasion de rappeler la place de sentinelle des outre-mer, elle n’oublie pas que ces territoires sont aussi les premières victimes du dérèglement climatique, conférant ainsi à la France une responsabilité particulière. Je sais que ces éléments constituent pour vous, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un rappel, mais ils me semblent toutefois étayer utilement, s’il en était besoin, mon propos. Celui-ci vise, vous l’aurez compris, à démontrer l’absolue nécessité d’une structure gardienne de la politique de préservation et de valorisation de la biodiversité ultramarine au sein du futur Office français de la biodiversité.

J’espère pouvoir obtenir vos assurances et votre extrême vigilance sur ce point, madame la secrétaire d’État, au moment de la déclinaison concrète du texte que nous examinons. Un des objets de ce dernier est d’ailleurs de conforter la place des chasseurs dans la biodiversité.

L’exemple de la chasse en Guyane, qui sera probablement évoqué dans nos débats, est une nouvelle illustration de la complexité ultramarine que j’évoquais. Cette pratique doit être appréhendée de manière à trouver l’équilibre entre l’encadrement et la préservation d’une activité de subsistance aux règles ancestrales. Dans cette optique, la réforme de la chasse guyanaise devra être conduite en concertation étroite avec les chasseurs, en gardant en mémoire qu’elle revêt une dimension de protection patrimoniale et de préservation de pratiques de subsistance pour les populations amérindiennes.

J’en terminerai par quelques mots sur le renforcement des pouvoirs des inspecteurs de l’environnement ; la collectivité de Saint-Barthélemy, compétente en matière d’environnement, sera certainement amenée à solliciter une extension, adaptée à ses particularités, de certaines dispositions du texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a souligné notre collègue Jean-Michel Houllegatte à la fin de son intervention, l’un des sujets à mettre en exergue de ce texte est bien la recherche de convergence entre deux mondes que l’on oppose souvent. Si l’on veut caricaturer, il y a, d’un côté, les défenseurs de l’écologie, qui ont forcément raison, car leur cause est noble, contre, de l’autre, les chasseurs, qui ont forcément tort, car leur objectif est de tuer des animaux. Il est donc pour le moins audacieux de les réunir, et même de les amener à fusionner au sein d’une même structure ; c’est comme marier la carpe et le lapin !

Le souhait d’une grande partie de mes collègues est d’ajouter au nom de l’Office français de la biodiversité la mention « et de la chasse ». Cela ne me semble pas être indécent ; c’est même plutôt légitime, puisque cet office va naître de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Votre majorité et vous, madame la secrétaire d’État, n’êtes pas favorables au rajout de cette mention relative à la chasse, comme s’il s’agissait d’un gros mot. Ce débat sur le nom pourrait n’être qu’un détail ; il est pourtant primordial. Il s’agit, en effet, d’un miroir de l’évolution de notre société, dans laquelle il est de bon ton de rester dans le « politiquement correct » et d’abonder dans le sens des réseaux d’influence. Or, contre cette réforme, ces réseaux sont nombreux. En effet, au travers du seul prisme de certains lobbies, la chasse est évidemment à bannir ; son image est réduite à des monstres qui abattent les animaux.

Pourtant, si l’on peut effectivement condamner ceux qui ont pour seule motivation le chiffre d’animaux abattus, on peut aussi, en étant honnêtes, considérer qu’il ne s’agit que d’une minorité de chasseurs. La grande majorité doit être vue comme un acteur important du maintien de la biodiversité. Carole Delga, présidente de la région Occitanie, dont je suis élu, déclare : « Chasse et pêche participent à notre culture du partage, du vivre ensemble, du bien manger et du bien vivre qui est l’âme de cette région. Sentinelles de la nature, les chasseurs ont toute leur place dans les campagnes et nos montagnes, comme les pêcheurs dans les lacs et rivières. »

On retrouve ce bain de nature avec Marcel Pagnol, qui relate, dans La gloire de mon père, les exploits de son paternel durant une partie de chasse dans les collines du massif du Garlaban.

Dans nos territoires ruraux, la chasse est effectivement une culture, une tradition qui rend service à l’environnement. Chaque année, en France, les chasseurs entretiennent et plantent plus de 20 000 kilomètres de haies et bosquets, pérennisant ainsi les atouts de ces architectures naturelles.

Des milliers de mares, naturelles ou créées par l’homme, parfois alimentées par des fossés ou des canaux, sont entretenues par les chasseurs, qui assurent ainsi leur préservation. Ces micro-milieux offrent un intérêt écologique incontournable.

Les chasseurs ont également une action forte de régulation du gros gibier. La prolifération des cervidés et des sangliers cause d’énormes dégâts pour l’agriculture et les forêts.

Dans l’Hérault, les indemnisations des dommages causés par les sangliers sont passées, en quelques années, de 120 000 euros à 360 000 euros ; dans le Gard, elles oscillent entre 500 000 euros et 800 000 euros selon les années. Ces chiffres sont toutefois très loin de la réalité, les difficultés à se faire indemniser et les faibles montants obtenus décourageant les agriculteurs à faire la moindre déclaration.

Là encore, la filière doit trouver les moyens de travailler avec les représentants des chasseurs pour atteindre des objectifs communs, notamment en matière de prévention.

Le bénévolat des chasseurs équivaut à 11 000 emplois, auxquels s’ajoutent 1 500 professionnels.

J’assistais, samedi dernier, à l’assemblée générale des chasseurs de l’Hérault. À la tribune, le président Jean-Pierre Gaillard avait invité des agriculteurs, des forestiers touchés par des dégâts importants dus au grand gibier, des élus de la métropole montpelliéraine, le vice-président des randonneurs de l’Hérault… soit beaucoup de personnes qui sont souvent opposées. La volonté du président, partagée par tous, est de bâtir une stratégie pour cohabiter sur les mêmes territoires. C’est la solution : n’opposons pas les genres, mais construisons ensemble.

Dans une société où il est plus facile de porter des jugements que de se comprendre, les chasseurs veulent qu’on leur reconnaisse le droit d’exister.

Les chasseurs vont, certes, voir le tarif de leur permis national baisser, mais ils vont contribuer au fonds de protection de la biodiversité à hauteur de 5 euros par permis.

Madame la secrétaire d’État, vous vous êtes engagée à une contribution de l’État à hauteur de 10 euros qui doit être votée dans le projet de loi de finances. Or nous savons que ce qui est voté aujourd’hui peut ne pas l’être demain. C’est pourquoi, au même titre que pour les 5 euros, nous aimerions que cette contribution soit inscrite dans la loi.

Que dire des 41 millions d’euros de financement manquants ? Comment allez-vous trouver les budgets ? Une nouvelle ponction sur les agences de l’eau sera-t-elle programmée ?

Enfin, des zones d’interrogation demeurent en ce qui concerne la gouvernance et la représentativité des collèges. J’espère que le débat vous donnera l’occasion, madame la secrétaire d’État, de nous éclairer sur ce sujet.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Je voudrais saluer et remercier le rapporteur, la rapporteure pour avis, ainsi que toutes celles et tous ceux qui se sont exprimés, non seulement pour la richesse de leur propos, mais aussi pour avoir témoigné de leur intérêt pour ce texte.

Nous aurons l’occasion de revenir longuement, au cours de l’examen des articles, sur plusieurs questions centrales. Je pense notamment à la gouvernance et au financement, deux sujets dont je ne doute pas que nous discuterons de manière approfondie.

Je voudrais simplement vous dire mon optimisme. Je pense que l’équilibre dont il a été beaucoup question est à notre portée. Ce texte est en effet le résultat d’une grande concertation, comme l’ont souligné les sénateurs François Patriat, Jérôme Bignon, Ronan Dantec et Henri Cabanel.

Monsieur le sénateur Cardoux, vous me posiez la question rhétorique de savoir si ce texte était une chance ou une menace pour la chasse. Il s’agit bien d’une chance et nous aurons l’occasion de le démontrer.

Nous avons déjà très largement rapproché les points de vue. Nous sommes tous d’accord sur l’urgence à agir, l’urgence à préserver la biodiversité, comme l’ont rappelé la sénatrice Catherine Loisier ou le sénateur Michel Magras.

Je voudrais rassurer ce dernier : comme je l’ai souligné dans mon propos introductif, l’outre-mer est très largement représenté dans la gouvernance. L’Assemblée nationale a même voté la présence d’un représentant de chacun des cinq écosystèmes ultramarins au sein du conseil d’administration, dispositif complété en commission par l’équilibre de la représentation parlementaire.

Le sénateur Gontard s’est interrogé sur les effectifs. L’objectif de cette réforme n’est pas de faire des économies supplémentaires. Au contraire, il s’agit de réunir deux établissements, dans le respect – bien évidemment – de l’évolution des effectifs des fonctions publiques.

Je voudrais saluer le travail réalisé par le sénateur Bignon sur les zones humides, avec son rapport Terres d ’ eau, terres d ’ avenir. Une partie de ses préconisations a déjà été intégrée au texte au travers d’un amendement adopté en commission.

Nous reviendrons également sur le sujet important des dégâts de gibiers, souligné par le sénateur Cardoux, notamment avec l’idée de lutter contre les maladies, en particulier la peste porcine africaine. Il en sera de même pour la question de l’engrillagement, évoquée par le sénateur Prince. Il s’agit d’un sujet délicat qui a déjà été traité en commission.

Je crois que le consensus qui s’est assez largement exprimé en dehors de cet hémicycle entre des parties prenantes que nous n’avons pas besoin d’opposer, sans échange de gros mots, ni d’un côté ni de l’autre, peut également être atteint au sein de cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La discussion générale commune est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi.

I. – Le livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° A

« On entend par géodiversité la diversité géologique, géomorphologique, hydrologique et pédologique ainsi que l’ensemble des processus dynamiques qui les régissent, y compris dans leurs interactions avec la faune, la flore et le climat. » ;

1° L’intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre III est ainsi rédigé : « Office français de la biodiversité et de la chasse » ;

2° Les articles L. 131-8 à L. 131-13 sont remplacés par des articles L. 131-8 à L. 131-11, L. 131-11-1, L. 131-11-2, L. 131-12 et L. 131-13 ainsi rédigés :

« Art. L. 131 -8. – Il est créé un établissement public de l’État dénommé : “Office français de la biodiversité et de la chasse”.

« Art. L. 131 -9. – I. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse contribue, s’agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi qu’à la gestion équilibrée et durable de l’eau. Il assure les missions suivantes :

« 1° Contribution à l’exercice de la police administrative et judiciaire relative à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche, ainsi que la police sanitaire en lien avec la faune sauvage ;

« 1° bis

« 2° Développement de la connaissance, recherche et expertise sur les espèces, sur les milieux, leurs fonctionnalités et leurs usages, sur les services écosystémiques, sur les liens entre les changements climatiques et la biodiversité ainsi que sur les risques sanitaires en lien avec la faune sauvage. L’office pilote ou coordonne les systèmes d’information sur la biodiversité, l’eau, les milieux aquatiques et les milieux marins ;

« 3° Expertise et assistance en matière d’évaluation de l’état de la faune sauvage et de gestion adaptative des espèces mentionnée à l’article L. 425-15-1 ;

« 4° Appui à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de l’eau et de la biodiversité, notamment à l’échelon territorial :

« a) Soutien à l’État pour l’élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité définie à l’article L. 110-1 et suivi de sa mise en œuvre ;

« b) Contribution à la lutte contre la biopiraterie et suivi du dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation ;

« c) Appui à la mise en œuvre du principe mentionné au 2° du II du même article L. 110-1 et suivi des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité ;

« d) Appui au suivi de la mise en œuvre des règlements et directives européens et des conventions internationales ainsi qu’aux actions de coopération ;

« e) Appui à l’État et à ses établissements publics chargés de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels, notamment en matière de lutte contre les pressions qui s’exercent sur la biodiversité, de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, de gestion de la faune sauvage, d’amélioration de ses habitats et de pratiques de gestion des territoires ;

« f) Appui, en lien avec les comités de bassin, aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux établissements publics chargés de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels, notamment en matière de lutte contre les pressions qui s’exercent sur la biodiversité, de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, de gestion de la faune sauvage, d’amélioration de ses habitats et de pratiques de gestion des territoires ;

« g) Appui aux acteurs socio-économiques dans leurs actions en faveur de la biodiversité ;

« h) Soutien financier, à travers l’attribution d’aides financières à des projets en faveur de la biodiversité et de la gestion durable et équilibrée de la ressource en eau et la garantie de la solidarité financière entre les bassins hydrographiques ;

« 5° Gestion, restauration et appui à la gestion d’espaces naturels, notamment de zones littorales comprenant des récifs coralliens et des écosystèmes associés ;

« 6° Communication, sensibilisation du public, accompagnement de la mobilisation et formation :

« a) Accompagnement de la mobilisation citoyenne, de la société civile et des acteurs des secteurs économiques sur les enjeux de biodiversité, notamment le lien entre l’homme et la nature ;

« b) Formation, notamment en matière de police, et appui aux actions de formation initiale et continue, en particulier dans le cadre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’enseignement agricole ;

« c) Contribution à la structuration des métiers de la biodiversité et des services écologiques ;

« 7° et 8°

Supprimés

« Il est chargé pour le compte de l’État de l’organisation matérielle de l’examen du permis de chasser ainsi que de la délivrance du permis de chasser.

« II. – L’intervention de l’Office français de la biodiversité et de la chasse porte sur l’ensemble des milieux terrestres, aquatiques et marins du territoire métropolitain, des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que des Terres australes et antarctiques françaises.

« Il peut aussi mener, dans le cadre de conventions, des actions à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie et dans ses provinces, à la demande de ces collectivités.

« III. – L’office et les collectivités territoriales coordonnent leurs actions dans les domaines d’intérêt commun. Les régions ou les collectivités exerçant les compétences des régions et l’office peuvent mettre en place conjointement, dans le cadre d’une convention signée entre les parties, des offices régionaux de la biodiversité auxquels peuvent notamment s’associer les départements et les collectivités exerçant les compétences des départements. Ces offices exercent leurs missions dans le champ des missions de l’office, à l’exception des missions de police et de délivrance du permis de chasser.

« Art. L. 131 -10. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse est administré par un conseil d’administration qui comprend :

« 1° Un premier collège constitué par des représentants de l’État, des représentants d’établissements publics nationaux œuvrant dans le champ des compétences de l’office et des personnalités qualifiées ;

« 2° Un deuxième collège comprenant des représentants des secteurs économiques concernés, des représentants d’organisations professionnelles agricoles et forestières, d’associations agréées de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement, de gestionnaires d’espaces naturels, des instances cynégétiques et des instances de la pêche de loisir ;

« 3° Un troisième collège comprenant des représentants des comités de bassin ainsi que des collectivités territoriales et de leurs groupements ;

« 4° Un quatrième collège composé des représentants élus du personnel de l’office ;

« 5° Un cinquième collège composé de deux députés dont un représentant des territoires ultramarins, et deux sénateurs dont un représentant des territoires ultramarins, désignés, respectivement, par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat.

« Les ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture désignent un commissaire du Gouvernement, qui appartient au collège mentionné au 1°. Un décret précise les conditions dans lesquelles ce commissaire du Gouvernement peut demander l’inscription d’un point à l’ordre du jour du conseil d’administration, provoquer la convocation d’un conseil d’administration extraordinaire ou s’opposer à une décision du conseil d’administration et solliciter une nouvelle délibération.

« Les représentants de la Fédération nationale des chasseurs, des fédérations départementales des chasseurs et de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique représentent au moins 10 % des membres du conseil d’administration.

« Le conseil d’administration est composé de manière à comprendre au moins un représentant de chacun des cinq bassins écosystémiques ultramarins.

« Il est composé de manière à ce que l’écart entre le nombre d’hommes, d’une part, et le nombre de femmes, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. Lorsqu’un organisme est appelé à désigner plus d’un membre du conseil, il procède à ces désignations de telle sorte que l’écart entre le nombre des hommes désignés, d’une part, et le nombre des femmes désignées, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. La même règle s’applique à la désignation des personnalités qualifiées.

« Le président du conseil d’administration est élu au sein du conseil d’administration par ses membres.

« Le conseil d’administration peut constituer en son sein des commissions spécialisées.

« Art. L. 131 -11. –

Supprimé

« Art. L. 131 -11 -1. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse est doté d’un conseil scientifique, placé auprès du conseil d’administration.

« Ce conseil scientifique comprend une part significative de spécialistes de la biodiversité ultramarine.

« Art. L. 131 -11 -2. – Un comité d’orientation réunissant des représentants des différentes parties concernées par les missions de l’Office français de la biodiversité et de la chasse mentionnées à l’article L. 131-9 est placé auprès du conseil d’administration de l’établissement, qui en détermine la composition et le fonctionnement. Le conseil d’administration peut lui déléguer certaines de ses compétences.

« Art. L. 131 -12. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse est dirigé par un directeur général, nommé par décret.

« Art. L. 131 -13. – Les ressources de l’Office français de la biodiversité et de la chasse sont constituées par :

« 1° Des subventions et contributions de l’État et de ses établissements publics ainsi que, le cas échéant, des gestionnaires d’aires marines protégées et des collectivités territoriales et de leurs groupements ;

« 2° Les recettes des taxes affectées ;

« 3° Toute subvention publique ou privée ;

« 4° Les dons et legs ;

« 5° Le produit des ventes et des prestations qu’il effectue dans le cadre de ses missions ;

« 6° Des redevances pour service rendu ;

« 7° Les produits des contrats et conventions ;

« 8° Les revenus des biens meubles et immeubles ;

« 9° Le produit des aliénations ;

« 10° D’une manière générale, toutes les recettes autorisées par les lois et règlements. » ;

3° L’article L. 131-14 est abrogé ;

3° bis

4° À l’article L. 131-16, les mots : « Agence française pour la biodiversité » sont remplacés par les mots : « Office français de la biodiversité et de la chasse ».

II. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le financement de la politique de l’eau et de la biodiversité pour la période 2019-2022. Ce rapport aborde notamment les modalités de création du futur fonds consacré à la protection de la biodiversité pour lequel chaque titulaire d’un permis de chasse versera cinq euros et pour lequel l’État s’est engagé à verser une contribution annuelle au moins égale à 10 euros par permis de chasser national ou départemental validé dans l’année.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, interpellés par de nombreux élus locaux, les sénateurs ont pointé, en commission, les similitudes entre les missions conférées aux six agences de l’eau et les compétences du nouvel office français de la biodiversité, l’OFB, détaillées dans cet article 1er.

On y retrouve de nombreuses références relatives aux milieux aquatiques et à la gestion de l’eau. Il s’agit de savoir, en pratique, comment vont s’articuler les missions de l’OFB et celles des agences territoriales de bassin. Les missions des fonctionnaires en charge de ces politiques vont-elles se télescoper ?

Je suis bien consciente que l’Agence française de la biodiversité, jeune ancêtre de l’OFB, revêtait déjà une large partie des compétences allouées dans ce texte.

Toutefois, l’étendue des missions conférée à l’AFB ne lui aura peut-être pas permis de les déployer entièrement, eu égard à sa jeunesse. A-t-on pu dresser un bilan des éventuels enchevêtrements de compétences entre AFB et agences de l’eau ?

Par ailleurs, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a substantiellement étoffé les missions du nouvel établissement.

Elle a également précisé les contours de la mission relative aux politiques de l’eau et de la biodiversité en réaffirmant leur ancrage à l’échelon territorial et en déclinant leurs diverses composantes, au 4° de l’alinéa 12. Cette réaffirmation de l’ancrage territorial des missions interpelle véritablement les acteurs de terrain. Pouvez-vous préciser vos intentions ?

En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement de l’OFB, vous avez déclaré en commission souhaiter que son financement soit budgétaire et ne sollicite pas les agences de l’eau. Toutefois, les arbitrages n’étant pas rendus, vous n’êtes pas allée plus loin à ce stade.

Quand on voit qu’il manque déjà 40 millions d’euros pour financer ce nouvel office et que les budgets des agences de l’eau sont continuellement ponctionnés, c’est inquiétant. Et cela soulève surtout une question simple : quelle est la volonté du Gouvernement sur la pérennité des agences de l’eau ?

S’il s’agit d’une stratégie préparée et argumentée, madame la secrétaire d’État, le Sénat est prêt à l’entendre. Nous annoncez-vous, à terme, la fin programmée des agences de l’eau ?

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’importance de la biodiversité française se trouve dans nos outre-mer, comme vous l’avez rappelé en discussion générale.

Madame la secrétaire d’État, je souhaite profiter de la discussion de cet article 1er pour vous poser trois questions.

Tout d’abord, cet article prévoit que le futur office français de la biodiversité et de la chasse puisse, dans le cadre de conventions, mener des actions dans les collectivités d’outre-mer comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. De quelle manière ces conventions pourront-elles être concrètement mises en œuvre entre l’office et lesdites collectivités ? Et surtout, impliqueront-elles un financement ou cofinancement de la part de ces dernières ?

Par ailleurs, la France a pris, dans le cadre du One Planet Summit, une initiative remarquée pour l’adaptation, la biodiversité et la résilience dans le Pacifique. De nouveaux projets ou de nouveaux financements sont-ils à l’ordre du jour au titre de cette initiative ? Les collectivités françaises, éminemment concernées, seront-elles éligibles à ces projets comme le seront les États insulaires du Pacifique ?

Enfin, où en sommes-nous de l’« équivalent fonds vert » pour les outre-mer du Pacifique ? Notre biodiversité, dans le Pacifique, est formidablement riche. Elle est aussi incroyablement fragile et nécessite d’être protégée. Pour cela, nous avons besoin de l’aide et de l’engagement déterminé de la France à nos côtés.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’effondrement massif de la biodiversité sur terre est une réalité malheureusement de plus en plus visible pour chacun d’entre nous : moins d’oiseaux moins d’insectes, moins de vers de terre…

Or la biodiversité, c’est la vie, tout simplement. La biodiversité, c’est un vaste tissu d’interactions constantes entre les espèces, nous compris. Sans le maintien de la biodiversité, nous pourrions être confrontés à une crise alimentaire mondiale.

Dans notre malheur, nous avons une chance inouïe : la nature possède une capacité de résilience extraordinaire, proprement incroyable, pour peu qu’on évite d’intervenir.

Par ailleurs, je tiens à attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la France métropolitaine possède la plus grande biodiversité d’Europe. Nulle part ailleurs, ni en Europe ni dans le monde, on ne peut observer, en parcourant un même département, autant de paysages variés.

Nous devons faire en sorte que cette richesse ne meure pas. La France compte 5 000 espèces différentes de plantes, alors qu’il en existe moins de 3 000 en Grande-Bretagne et autour de 2 000 en Pologne. Sur les 114 espèces de libellules dénombrées en Europe, 100 sont présentes en France.

Ce sont nos terroirs, qui sont nés de notre histoire géologique, de la fragmentation lors des précédentes glaciations, qui ont créé des foyers d’endémisme à l’origine de cette fabuleuse biodiversité.

Aussi profitons-nous d’un foisonnement d’espèces. Je citerai, par exemple, le goujon occitan, le goujon d’Auvergne, le goujon d’Adour… Or, malgré cette fabuleuse biodiversité, seulement 1 % de notre territoire national est protégé par des parcs ou des réserves – et encore, il y a de nombreuses dérogations. En Italie, 10 % du territoire national est protégé.

Nos voisins européens, même avec des territoires plus petits, plus denses en population, connaissent un plein essor de la faune sauvage, marquant une reconquête bénéfique sans précédent : on dénombre ainsi 2, 5 millions de chevreuils en Allemagne contre seulement 1, 5 million en France ; de même, l’Espagne compte 24 000 vautours fauves contre seulement 2 000 en France ; les phoques gris sont 120 000 en Grande-Bretagne et 500 en France… Les exemples sont légion. Nous sommes en retard.

L’équation est la suivante : nous avons une très grande biodiversité, la plus grande en Europe, spécifiquement française, mais une faune sauvage très en deçà de ce qu’elle pourrait et devrait être, et qui compte également des espèces menacées. La solution est évidente : protéger plus, prélever moins.

Il est donc temps, après l’immense avancée de la loi de 1976, d’aller de l’avant, en conscience, en responsabilité. Ne sommes-nous pas homo sapiens sapiens, c’est-à-dire l’homme sage ? Il faut donner à la nature la possibilité d’une renaissance…

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Mme Angèle Préville. … du sauvage, si nécessaire à notre survie sur terre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en matière de biodiversité, rien n’égale la Guyane.

Ce territoire amazonien compte une immense forêt de 5, 3 millions d’hectares et présente une biodiversité exceptionnellement riche, faisant partie des écosystèmes les plus importants au monde avec 5 500 espèces végétales, 684 espèces d’oiseaux, 177 espèces de mammifères et plus de 500 espèces de poissons.

Le paradoxe est établi en voyant l’indigence des moyens que l’État, acteur décisionnel, affecte à l’étude de cette biodiversité. Néanmoins, je salue la création de l’agence régionale de la biodiversité de la Guyane, première entité régionale installée en juillet 2018 – soit, deux ans après l’Agence française de la biodiversité – et dont on espère la poursuite des missions sans entrave de la part du nouvel office français de la biodiversité.

En effet, cette agence contribue d’ores et déjà à la structuration de filières locales en matière de faune et de flore. À cet égard, permettez-moi de mettre en garde contre une transposition à la Guyane de dispositions qui ne lui sont pas adaptées.

Lorsqu’on parle de faune, notamment sauvage, on parle aussi de chasse. Et sur cette thématique, je rejoins mon collègue Antoine Karam, qui souhaite des dispositions particulières pour la chasse en Guyane, eu égard à l’existence de longues traditions locales ininterrompues et bien établies sur le territoire.

En effet, la conception de la chasse en Guyane diverge de celle de l’Hexagone, dans la mesure où il ne s’agit pas seulement d’une chasse de loisir, mais, pour bon nombre, d’une chasse vivrière, ancrée dans des pratiques ancestrales raisonnées et nécessaires à la survie de populations occupant le territoire.

Les chasseurs de Guyane jouent d’ailleurs un rôle social incontournable dans le cadre du maintien de la biodiversité et de la connaissance de la faune en contribuant à l’aménagement des espaces naturels et des lieux de vie des espèces.

En cela, ils sont de véritables gestionnaires de la protection de la nature. C’est à ce titre qu’ils mériteraient d’être entendus dans leurs revendications.

Ce faisant, la législation cynégétique hexagonale, même étendue à la Guyane à des fins sécuritaires, est inadaptée à ce contexte amazonien. La Guyane est un territoire sur lequel il n’existait aucune législation en matière de chasse jusqu’à la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dite loi ÉROM, qui a tout de même fixé, eu égard à ce contexte particulier, des dispositions transitoires qui se révèlent insuffisantes.

Il faudrait que ce projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité maintienne l’équilibre existant et évite un choc des cultures.

C’est la raison pour laquelle je soutiendrai les amendements présentés par mon collègue Antoine Karam qui s’inscrivent dans la droite ligne des travaux produits lors des assises de la chasse en Guyane.

Pour terminer, de façon plus globale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

M. Georges Patient. … il faudrait éviter que, pour des raisons liées à la préservation de la biodiversité, on ne mette la forêt guyanaise sous cloche, créant un « écolonialisme » qui entraverait un développement économique devenu urgent en raison d’une expansion démographique inégalée qui ne pourra plus être ignorée dans un avenir proche.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons eu le déplaisir de voir deux de nos amendements jugés irrecevables par la commission des finances.

Ces amendements ne visaient pourtant qu’à préciser la troisième mission de l’office : l’expertise en matière d’évaluation de la faune sauvage et de gestion adaptative.

Nous précisions ainsi que cette mission incluait le contrôle de la collecte, la centralisation, le traitement de la valorisation des données relatives à tous les prélèvements des espèces chassables. Du coup, on ne comprend pas bien quelle serait la charge financière supplémentaire. Cela devient – hélas ! – une question récurrente.

Je prends donc la parole pour insister, à l’occasion de l’examen de cet article 1er, sur la nécessité de préciser en toutes lettres dans la loi la mission de contrôle de la collecte et de centralisation, par l’office, des données relatives à l’état de la faune sauvage, et notamment en matière de prélèvements.

Il s’agit d’un point essentiel. À défaut, les missions de l’office deviennent caduques. Comment protéger la biodiversité, comment réguler les activités de chasse, si l’on ne connaît pas l’état de la faune dans notre pays ?

Dans les faits, contrairement à nos voisins, la France est pour l’instant incapable de produire ces données. Les chasseurs sont censés tenir le compte de leurs prélèvements et transmettre les données à la Fédération nationale des chasseurs, qui agit trop souvent comme une boîte noire dont rien ne sort, ou presque.

En conséquence, l’ONCFS produit des estimations hautement imparfaites et sporadiques de l’état de la biodiversité. Ainsi, la dernière enquête date de 2016 et concerne la saison de chasse 2013-2014.

La gestion adaptative consiste à chasser de manière durable, en s’autorisant à prélever sans porter atteinte à l’état maximal de conservation de chaque espèce. C’est ainsi qu’elle est pratiquée en Amérique du Nord.

Pour connaître les quotas acceptables, il faut suivre les prélèvements sur le long terme afin d’évaluer finement non seulement l’état de conservation, mais surtout l’évolution des populations.

Les pêcheurs fournissent des chiffres de prélèvements. C’est ainsi que l’on peut décider de limiter ou de stopper la pêche au thon. Pourquoi ne pourrait-on appliquer ces mêmes pratiques à la chasse ? Des outils existent comme, par exemple, l’application Chassadapt, qui facilite les renseignements des espèces prélevées.

Cela semble facile à mettre en place, un tel dispositif étant déjà prévu pour quelques espèces. Par rapport aux études lourdes et ponctuelles, ce suivi constituerait une réelle économie et fournirait des données beaucoup plus fiables d’un point de vue scientifique et technique.

Tout le travail du futur office, toute la notion de gestion adaptative, repose sur ces données. Madame la secrétaire d’État, merci de bien vouloir nous rassurer sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, résultat de la fusion des deux agences étatiques chargées de la protection de la faune et de la flore, le nouvel office est censé être un opérateur plus fonctionnel, plus puissant dans la mise en œuvre des politiques publiques de la biodiversité.

Hélas, il ne devrait pas être plus économe. Les premiers à devoir payer une nouvelle fois le prix de cette fusion seront les territoires.

En effet, si les moyens alloués au nouvel établissement ne doivent pas être discutés avant l’examen du prochain projet de loi de finances, le Gouvernement annoncerait déjà un besoin de financement de 340 millions d’euros.

Or il manquait déjà plusieurs millions d’euros – environ 200 – à l’AFB pour lui permettre de mener à bien les missions qui lui avaient été confiées par la loi de 2016.

La plupart des ressources de ces deux établissements provenaient des agences de l’eau. Il semble utile de rappeler que l’État a demandé à ces agences, en 2018, de prendre une part active dans le combat pour la biodiversité en finançant le budget de l’AFB à hauteur de 260 millions d’euros et en donnant 37 millions d’euros à l’ONCFS.

Il y a donc fort à parier que l’État continue son hold-up sur la politique de l’eau. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, plusieurs amendements plaidaient en faveur de la suppression de cette ponction de l’État sur les agences. Ces résolutions allaient dans le sens des territoires dont les recettes provenant des redevances de l’eau ont toute leur importance et doivent financer en priorité l’eau.

Avec la création de l’OFB, ces établissements vont continuer de subir des coupes budgétaires, ce qui est inacceptable. À l’heure où les réseaux d’eau et d’assainissement de nombreuses communes rurales sont obsolètes, le budget des agences de l’eau doit être impérativement consacré en priorité, sinon de façon exclusive, à la politique de l’eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, relative au grand débat national, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

Cette séance s’organisera en deux temps.

Après la déclaration du Gouvernement, la parole sera donnée à un orateur de chaque groupe, puis au Premier ministre pour leur répondre.

Puis, après une courte suspension, nous procéderons à un débat interactif de trente questions-réponses.

Je donne la parole à M. le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le grand débat national s’est achevé lundi. Pendant trois mois, les Français ont renoué avec le goût de la discussion politique. Les débats se sont tenus, la plupart du temps, dans des salles polyvalentes, des salles municipales ou dans le bureau d’accueil des mairies, où des « cahiers citoyens » se trouvaient à disposition.

Même si cela peut surprendre, je voudrais commencer par rappeler que ce grand débat national a été l’occasion, pour bon nombre de nos concitoyens, de se réapproprier un espace de discussion.

Nos concitoyens aiment la politique ou, plus exactement, ils aiment leur pays. Dans notre vieille nation française, dont on dit souvent, à juste titre, qu’elle est une nation politique, on aime parler politique. Toutefois, observons-le tous ensemble, les espaces où l’on peut échanger, entre concitoyens, sur l’orientation qu’il convient de donner aux affaires du pays ne sont pas si nombreux. Sans doute le rôle et l’importance des partis politiques ont-ils évolué, sans doute la politique locale a-t-elle parfois considérablement « désensibilisé » le débat national, ou déconnecté le débat local de la politique nationale.

Le grand débat a ainsi permis à nos concitoyens d’échanger de nouveau sur ce qu’ils souhaitent et pensent de l’avenir de notre pays. Mes premiers mots seront donc pour remercier les maires de France, qui, avec cet esprit républicain qui les caractérise, ont facilité la tenue du débat. Parfois, ils étaient favorables à l’idée du grand débat ; parfois, ils ne l’étaient pas. Cependant, ils ont considéré qu’il existait un besoin d’expression dans leur commune et ont choisi de l’accompagner. Ils ont voulu faire en sorte que ce grand débat constitue un élément de réponse à la crise que nous connaissions.

De nombreux maires ont pris eux-mêmes la parole, en particulier lors des rencontres qu’ils ont eues avec le Président de la République. Ils ont relayé leurs propres attentes et propositions, ainsi que celles de leurs administrés. Ils ont évoqué les difficultés qu’ils rencontraient dans l’exercice de leur mission, difficultés que nous devons entendre si nous voulons répondre à celles de nos concitoyens.

Je voudrais également adresser aux élus municipaux qui ont dû faire face, samedi après samedi, à une violence intolérable, un message de totale solidarité avec les commerçants et les petites entreprises, auxquels le Gouvernement apporte et apportera son soutien, parce qu’ils ont souffert et souffrent encore des conséquences de comportements inqualifiables. Les scènes de violence que nous avons connues contrastent singulièrement avec le calme et l’écoute qui ont régné durant les trois mois du grand débat et ont fait son succès.

En effet, lorsque l’idée de ce grand débat a émergé, dans le cadre d’un dialogue mené avec nos concitoyens, les associations d’élus, les organisations syndicales et patronales et les associations en général, beaucoup pensaient que le débat ne pourrait pas se tenir compte tenu de l’effervescence du pays. Ils craignaient de transférer la tension des ronds-points dans les salles municipales, ce qui aurait été la pire des choses à faire.

J’observe, mesdames, messieurs les sénateurs, en m’en réjouissant, que nos concitoyens ont su, pendant trois mois, discuter et débattre avec une qualité d’écoute et de respect des positions des uns et des autres tout à fait remarquable. Je rappelle à quel point une telle attitude tranche avec les comportements que nous observons et déplorons, samedi après samedi.

Avec près de 1, 5 million de participants, ce grand débat s’est apparenté à un exercice inédit. Quels que soient nos accords ou nos désaccords, nous pouvons saluer ensemble l’image d’une démocratie vivante, innovante et respectueuse.

Toutefois, l’expression de ce respect a été précédée par celle de la colère. Cette dernière est née à la suite de la hausse d’une taxe, qui s’est ajoutée à une hausse du prix des carburants.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Au-delà, la crise a surtout été l’expression d’un profond malaise que nul sur ces travées n’ignore, car il vient de loin, s’amplifiant au fil des années, des élections et des quinquennats.

Les causes en sont nombreuses. La première, c’est la baisse du pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens depuis la crise financière de 2008, crise dont nous subissons encore, dix ans après, les effets : la dette s’est accrue, le chômage a progressé, la croissance a stagné et les impôts n’ont cessé d’augmenter.

Eh oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

La deuxième cause, c’est la conviction terrible, pour des millions de Français, que leurs enfants vivront moins bien qu’eux, que les inégalités s’accroissent, se figent et se transmettent, que la réussite de leurs enfants dépend plus du milieu de naissance ou du lieu de résidence que des mérites propres de chacun et que, à l’égalité des chances, notre société aurait peu à peu substitué l’inégalité des destins.

Enfin, la dernière cause de cette colère, c’est un éloignement, même si ce terme n’exprime pas toute la réalité du phénomène. Il s’agit d’un éloignement géographique, bien sûr, parce que, ici ou là, des lignes de train ont fermé ; ici ou là, des routes estimées nécessaires n’ont pas été construites ; ici ou là, des médecins n’ont pas été remplacés ; ici ou là, des services publics ont été fermés ou ont déménagé. Enfin, nos modes de vie, nos règles d’urbanisme, nos choix publics, mesdames, messieurs les sénateurs, y compris les choix locaux, ont contribué à l’étalement urbain, à la dé-densification des centres-villes et à leur désertification commerciale. Bien évidemment, il est plus facile d’apprécier l’opportunité de certains choix publics trente ans ou quarante ans plus tard. Néanmoins, nous pouvons le reconnaître, l’urbanisme commercial qui a prévalu en France a contribué à créer les problèmes auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés.

Outre l’éloignement physique, nos concitoyens ont souvent le sentiment que ceux qui décident pour eux sont loin d’eux, à la fois différents et indifférents.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces causes ne sont pas, selon moi, propres à la France. En revanche, la forme prise par la colère lui est propre, notre pays étant, comme le disait M. Claude Malhuret en décembre à cette tribune, « le plus révolutionnaire des pays conservateurs ». §On retrouve en effet ces mêmes causes à l’œuvre au Royaume-Uni, en Italie et peut-être même aux États-Unis. Parce que ces causes n’ont pas disparu et parce que nous avons engagé un certain nombre de réformes, parfois en suscitant des malentendus ou des oppositions, les Français ont exprimé leur colère.

Cette colère, c’est celle de citoyens qui, par pudeur, parce qu’ils estimaient que certains vivaient des situations encore plus difficiles, avaient pris l’habitude de taire leur ressentiment, d’encaisser.

Ces citoyens demandent non pas la charité, mais la justice, celle qui permet de vivre et d’élever ses enfants grâce à son travail. Nous avons entendu leur indignation. Nous avons commencé à y répondre en annulant la hausse de la taxe carbone et en corrigeant la hausse de la CSG pour les retraités modestes.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Nous avons également pris des mesures d’urgence en faveur du pouvoir d’achat, pour que le travail paie davantage. Mais nous avons été au-delà : le Président de la République nous a demandé de prendre le risque d’organiser ce débat, pour expliquer ce que nous faisions, pour rendre des comptes sur le terrain et offrir aux Français la possibilité inédite de s’exprimer dans ces conditions.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Le grand débat a permis de mettre en lumière un certain nombre de vérités. Avant de les évoquer, permettez-moi de m’arrêter quelques secondes sur l’exercice de restitution qui s’est tenu lundi matin. Dans le rapport qu’ils ont publié hier, les garants ont indiqué que cette restitution avait été « fidèle et loyale ». Cette fidélité et cette loyauté nous permettent d’identifier dans ces matériaux d’une très grande richesse les préoccupations et les attentes de nos concitoyens et de les apprécier dans leurs nuances, ce qui nous aidera à placer le curseur au bon endroit pour répondre à des questions complexes. Par exemple, devons-nous construire une transition écologique fondée sur la norme et l’obligation ou bien sur l’incitation ? Jusqu’à quel point devons-nous numériser les services publics ? Comment pouvons-nous revivifier nos outils démocratiques ?

Les Français ont joué le jeu du grand débat et, par sa qualité, la restitution donne tout son sens, toute son utilité, à leur engagement. Je le disais, ce grand débat a permis de faire ressortir un certain nombre de vérités. Je pense notamment à l’exaspération fiscale qui a gagné notre pays. Je serai très clair, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque je parle d’exaspération fiscale ou de ras-le-bol fiscal, je ne fais pas référence au consentement à l’impôt. Les Français savent qu’ils paient des impôts pour financer des biens communs qui sont indispensables. Leur exaspération fiscale, qu’ils expriment très clairement, est liée non pas à l’idée même de l’impôt, mais à l’augmentation de leurs impôts, à l’augmentation des prélèvements obligatoires qui les frappe directement. Certes, il arrive qu’ils soient moins exaspérés par l’augmentation des impôts concernant d’autres redevables. Néanmoins, ils formulent de façon très claire l’idée que le niveau des prélèvements obligatoires est, à bien des égards, trop élevé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut bien le reconnaître, au cours des dix dernières années, si l’on additionne tous les prélèvements, les pouvoirs publics ont choisi de faire supporter aux foyers et entreprises de France une charge supplémentaire de plus de 217 milliards d’euros de 2007 à 2017.

Nous avions conscience de cet état de fait. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu baisser les cotisations salariales. C’est également la raison pour laquelle nous avons engagé la suppression de la taxe d’habitation. Sans doute l’avons-nous fait trop lentement et pas assez clairement. Nous avons corrigé ce qui devait l’être.

Je crois que le grand débat nous invite maintenant à aller plus loin dans la baisse des impôts, mais pas à n’importe quel prix. Les Français ont été très clairs s’agissant de la nécessité de ne pas augmenter les impôts et très clairvoyants sur les conditions s’attachant à cette priorité : la baisse des impôts ne doit pas s’effectuer au prix du creusement d’une dette qui est en réalité un impôt pour les générations futures. Nous devons donc baisser la dépense publique, comme nous le faisons depuis deux ans, même si c’est difficile.

Nous avons réduit le déficit public, qui est passé de 3, 5 % en 2016 à 2, 5 % en 2018, puis à 2, 3 % en 2019, si on exclut le coût du basculement du CICE, qui ne sera applicable qu’une seule année. Nous avons réduit, en 2018, les dépenses publiques en volume de 0, 3 %, ce qui signifie que, pour la première fois depuis 1970, les dépenses ont progressé moins vite que l’inflation. Nous avons mis en œuvre cette politique de baisse de la dépense en faisant des choix de politique publique et en les assumant.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

On peut sans doute relever, dans la façon de mettre en œuvre la transition écologique, des erreurs de méthode. Mais on ne peut certainement pas reprocher au Gouvernement un manque d’ambition. Nous conserverons donc l’ambition et changerons la méthode, en nous appuyant sur les très nombreuses initiatives observées dans les territoires. Nous le savons, la transition écologique est très souvent une transition locale.

La troisième vérité concerne la manière dont les Français perçoivent leurs institutions et leurs représentants. J’ai parlé hier, à l’Assemblée nationale, d’un mur de défiance et, à certains égards, d’un mur de haine. Si l’on excepte les maires, cette défiance concerne tout le monde, qu’il s’agisse des élus, des syndicats, des hauts fonctionnaires ou des journalistes. Elle s’enracine dans des échecs collectifs. Si j’en prends bien évidemment ma part, reconnaissons ensemble qu’ils sont parfois anciens. §Elle s’enracine aussi dans des pratiques auxquelles les lois sur le financement de la vie politique, puis la loi pour la confiance dans la vie politique de septembre 2017 ont mis fin. Nous devons regarder les choses en face et ne pas oublier.

Même si ces lois font honneur à celles et ceux qui les ont proposées et soutenues, quelle que soit d’ailleurs leur sensibilité, la défiance demeure. Nous allons devoir entamer le long et difficile chemin de la réconciliation des Français avec leurs institutions – je ne parle pas uniquement des institutions politiques – et leurs représentants. De ce point de vue, le grand débat nous invite d’abord à construire une démocratie plus délibérative, parce qu’on ne peut plus discuter de l’avenir du pays uniquement tous les cinq ans, parce que le temps médiatique, politique et social s’accélère, parce que nos compatriotes veulent du respect et de la considération. À l’évidence, l’une des manières de témoigner de ce respect et de cette considération consiste à les associer aux décisions au moment où elles sont prises.

Tous les maires le savent, indépendamment des campagnes municipales, certains projets et événements nécessitent la consultation et le débat avec la population. Cette forme de démocratie existe et se développe au niveau local et produit souvent d’excellents résultats. En vérité, elle reste largement à construire au niveau national, le grand débat nous offre à cet égard de précieux enseignements.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

En la matière, il me semble difficile de ne pas entendre le message pour le moins assourdissant que nous adressent nos concitoyens. Le Président de la République y répondra.

La quatrième et dernière vérité concerne nos territoires, et je m’attarderai un peu sur cette question. Le grand débat national a aussi été un grand débat local sur la justice territoriale, l’équilibre à l’intérieur de nos territoires, les relations entre les collectivités et le rôle de l’État. Permettez-moi à cet égard d’évoquer avec vous deux paradoxes qui m’ont particulièrement frappé durant ces trois mois.

Premier paradoxe, la défiance envers l’État, son action et son organisation, est immense. Toutefois, les Français ne cessent de se tourner vers lui, pour lui demander de garantir toujours plus de droits et pour les protéger. La défiance et l’attente sont donc considérables. L’État devrait ainsi proscrire et inciter fortement, alors même que l’appétence des Français pour les normes supplémentaires se révèle assez faible. Ce paradoxe opposant la défiance et l’espérance est sans doute très français. Il appelle de notre part une réflexion dense et profonde.

(Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Dans l’histoire de notre République – je ne parle pas seulement de la Ve République –, l’organisation de notre pays n’a jamais été aussi décentralisée, si l’on considère le nombre d’agents publics territoriaux, ainsi que les compétences et les budgets des collectivités territoriales par rapport à l’ensemble des budgets publics.

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

C’était vrai voilà deux ans et même voilà cinq ans ! J’espère avoir été clair. Aussi pouvons-nous nous accorder sur l’idée selon laquelle la République est plus décentralisée aujourd’hui qu’elle ne l’était voilà vingt, quarante ou cent ans.

Nouvelles protestations sur les mêmes travées. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Deuxième paradoxe, notre République n’a jamais été, dans notre histoire, aussi décentralisée. Jamais les collectivités territoriales n’ont bénéficié d’autant de moyens financiers et humains. §

Pourtant, nous connaissons aujourd’hui une vraie crise de proximité, à laquelle il faut répondre. Durant ces trois mois, les Français ont exprimé des besoins très précis. Ils veulent pouvoir accéder aux services que l’on pourrait qualifier d’« essentiels » : la santé, l’éducation, le numérique, les transports. Ils ont également exprimé un besoin de simplicité et de proximité dans leurs relations avec les pouvoirs publics.

Quant aux maires, ils souhaitent bénéficier d’une plus grande liberté d’action, fondée sur la confiance de l’État. Ce dernier doit être présent, mais pas omniprésent.

Si ces besoins sont simples à formuler, le défi à relever est immense et les chantiers sont nombreux. Il s’agit tout d’abord de réconcilier les métropoles avec les territoires qui leur sont proches ou un peu plus lointains. Notre pays a réussi l’exploit – c’est une bonne nouvelle – de rééquilibrer la relation entre Paris et ce que l’on appelait la province lorsque j’étais enfant et qu’on désigne désormais sous le terme générique de « région ». Nous avons tous constaté le développement de ces métropoles, qui a été progressif. Ce mouvement puissant a permis de réorganiser le territoire national, grâce à la création d’ensembles urbains comparables aux grandes métropoles européennes et, parfois, mondiales. Ne nous en plaignons pas, il s’agit d’une bonne nouvelle pour notre pays.

Toutefois, n’oublions pas qu’au moment où ce phénomène se réalisait, les territoires éloignés des métropoles subissaient le choc de cette accélération. La relation entre les métropoles et les autres parties du territoire doit à l’évidence être rééquilibrée ou repensée. Dans certaines régions et certains lieux, ce rééquilibrage est plus naturel. Ce n’est pas moi qui le dis, mais les études de flux, les études économiques et les études de solidarité. Ces dernières montrent que, dans un certain nombre d’endroits, la relation entre les métropoles et les territoires qui les entourent est plus harmonieuse que dans d’autres. Il est indispensable, me semble-t-il, si nous voulons répondre à la question de la justice territoriale, que nous sachions imaginer des mécanismes, qui, sans remettre en cause la dynamique des métropoles, soient capables de créer et de développer une telle solidarité. Il s’agit de faire en sorte que les communes, les villes moyennes, les petites villes et les territoires ruraux puissent bénéficier de ce dynamisme.

Nous devrons aussi apporter une réponse s’agissant de la complexité du millefeuille politique et administratif, qui fait l’objet de critiques unanimes et répétées.

Nos concitoyens accordent une prime à la proximité. Plus leurs élus et les fonctionnaires qui font vivre le service public sont proches, plus ils les respectent et leur font confiance.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Avec les associations d’élus, nous prendrons des initiatives concernant le fonctionnement des communes et des intercommunalités, l’articulation entre les régions et les départements et le juste équilibre entre l’État central et l’État local. À cet égard, nous devrons également redéployer des fonctionnaires sur le terrain, en leur donnant le pouvoir et les moyens d’agir localement. On gère bien ce que l’on connaît bien, j’ai donc tendance à penser que l’on gère bien ce que l’on connaît de près.

Nous avons commencé à engager ce chantier avec la loi Essoc, la loi pour un État au service d’une société de confiance, que les parlementaires ont beaucoup enrichie. Nous devons à l’évidence aller beaucoup plus loin. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous accélérerons tous les chantiers ayant pour but de garantir à nos territoires les services essentiels que j’évoquais. Je pense au développement du très haut débit pour tous d’ici à 2022. Je me trouvais à Mirande, dans le Gers, le 22 mars dernier, pour faire le point sur la couverture numérique de nos territoires. J’avais eu l’occasion d’évoquer devant vous, au mois de décembre dernier, les tronçons de routes nationales que nous avions décidé de mettre en chantier après parfois plusieurs décennies de pause. Je pourrais également citer le plan Action cœur de ville.

Je m’arrêterai quelques minutes sur trois sujets qui se sont invités dans le grand débat.

Le premier sujet concerne l’avenir de notre système de santé. Si la question n’était pas posée en tant que telle, elle s’est imposée, car les Français considèrent à juste titre qu’elle est essentielle. L’angoisse de nos concitoyens peut se résumer en quelques questions : qui remplacera le médecin de famille qui part à la retraite ? Dans certains territoires, l’âge moyen des médecins tourne autour de soixante-trois ans ou de soixante-cinq ans. §Dans quel hôpital accoucher ?

Le deuxième sujet est la prise en charge de la dépendance – il s’est lui aussi imposé pendant le débat. C’est la question des Ehpad et celle de la formation des personnels soignants. §Comment protégeons-nous nos aînés ? Quel soutien efficace leur accordons-nous contre les risques de la dépendance ?

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Comment trouvons-nous les justes sources de financement pour diminuer le reste à charge dont doivent s’acquitter ceux qui ne gagnent que le SMIC pour la prise en charge de leurs parents ou de leurs grands-parents ? Ce sont des questions que les Français nous ont adressées.

Le troisième sujet qui s’est imposé dans le débat est celui de l’éducation et de la formation. Les Français nous ont invités à adopter des approches adaptées à la diversité des territoires, qu’il s’agisse des zones rurales ou des quartiers en difficulté. Ils formulent un plaidoyer qui me réjouit, puisqu’il concerne l’apprentissage, que nos concitoyens perçoivent à juste titre comme la meilleure voie d’entrée dans la vie active.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes attachés à la contractualisation, aux solutions sur mesure. Depuis mai 2017, nous avons engagé un grand nombre de contrats territorialisés à l’échelle départementale, avec la Nièvre, avec la Creuse, où je me trouvais le 5 avril, avec les Ardennes, avec le territoire Sambre-Avesnois-Thiérache. Nous avons signé deux contrats d’accessibilité avec les régions Pays de la Loire et Bretagne – le pacte breton engage la région dans la voie de la différenciation. Cette différenciation figurait dans le projet de loi de révision constitutionnelle.

J’ai la conviction que, si l’on veut répondre aux attentes formulées par nos concitoyens, nous allons devoir faire en sorte que les réponses de l’État, et de l’action publique en général, soient mieux adaptées aux spécificités des territoires.

Cela passe – je le disais – par le principe de différenciation, qui était contenu dans le projet de révision constitutionnelle, mais cela passe aussi par la capacité pour l’État, demain, d’accompagner les projets locaux, exactement dans l’esprit de ce que nous avons fait dans la Creuse – la tonalité et les équilibres politiques qui y gouvernent l’action engagée montrent toute la diversité des champs à prendre en compte, mais témoignent aussi de la capacité de l’État, lorsqu’il sort d’une logique normative, de s’adapter aux projets formulés par les territoires eux-mêmes et de les accompagner.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Il y a là un exemple qui doit nous inspirer pour la suite.

Un mot, maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, sur quelques sujets qui ont été peu évoqués.

Le chômage a été très peu évoqué pendant le grand débat. Son ombre surplombait, certes, l’ensemble des prises de parole ; mais il a été peu évoqué, de même, d’ailleurs, que les questions d’emploi. Cela traduit sans doute une forme de résignation quant au haut niveau de chômage qui règne depuis longtemps dans notre pays ; or je ne crois pas que nous puissions nous y résigner.

Un deuxième thème a été très peu présent, et ne s’est pas imposé : celui de la défense, du monde et de ses dangers. Il ne s’est pas imposé ; en revanche, lorsque la question a été posée à nos compatriotes de savoir comment ils envisageaient la réduction des dépenses – « où faudrait-il couper ? », leur était-il en substance demandé –, leur première réponse a consisté à dire que nous devions réduire notre effort de défense – leur deuxième réponse a été de proposer une réduction de notre effort en matière de politique du logement.

Je veux le dire : nous n’avons pas fait le choix de réduire nos dépenses en matière de défense, bien au contraire. Le monde dans lequel nous vivons est un monde dangereux. Et je crains – nous pouvons en faire le pari – que ce danger n’ait plutôt tendance à s’accroître au fil du temps. Nous devons savoir nous défendre et défendre nos intérêts, et tout ce qui permet de mobiliser plus de policiers et de magistrats, et de mettre plus de moyens à la disposition de nos armées, est nécessaire pour notre pays – c’est l’engagement que nous avons pris, et nous n’y renoncerons pas.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ces exigences et ces ambitions formulées par les Français nous invitent à corriger la méthode, à prendre en compte de nouvelles priorités, à changer d’échelle, peut-être à accélérer parfois – nous devons le reconnaître.

Sur d’autres points, elles rejoignent des transformations que nous avons engagées. Mais nous devons rendre ces transformations plus claires, ou, en tout cas, nous concentrer sur les mesures les plus efficaces, pour qu’elles puissent bénéficier directement aux Français.

Le Président de la République présentera, le moment venu, ces orientations. §Dans certains domaines, il fera état des choix qu’il aura faits ; dans d’autres, il fixera le cap et les éléments de méthode qui nous permettront d’avancer.

Je voudrais conclure sur un point relatif à la méthode. Il est assez facile de reconnaître les consensus qui prévalent chez nos concitoyens. Mais passer du consensus sur le diagnostic, ou même du consensus sur l’objectif, aux compromis démocratiques et aux choix qui font les grandes et les bonnes solutions est un exercice délicat.

Avec les élus locaux, quand il s’agit de l’avenir de nos territoires, avec les organisations syndicales et patronales, quand il s’agit de faire vivre la démocratie sociale, avec les associations, dont le grand débat a rappelé le rôle essentiel dans notre vie citoyenne, avec le Parlement, bien entendu, car rien ne peut se faire de grand ni de durable sans le respect des institutions

Ah ! sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Nous serons tous jugés sur notre capacité de construire ensemble ces solutions, dont beaucoup devront être sur mesure, dans la continuité de la République contractuelle voulue par le Président de la République. C’est un très grand défi que nous adressent les Français, avec de très grandes attentes et de très grandes exigences. Il nous appartiendra d’être à la hauteur de ces attentes.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – M. Jean Bizet et Mme Fabienne Keller applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement. Nous allons maintenant procéder au débat sur la déclaration du Gouvernement.

Dans le débat, la parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Et pourtant, depuis trente ans, nous en avons tous pas mal entendu !

Si, comme disait Talleyrand, la politique est l’art d’agiter les peuples avant de s’en servir, alors nous avons pris une grande leçon de politique de la part de quelques gouverneurs de rond-point, qui ont réussi à transformer en fureur la colère de quelques dizaines de milliers de personnes et à leur faire croire qu’ils sont, à eux seuls, le peuple français.

Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Il ne reste plus aujourd’hui dans les rues, le samedi, que quelques acharnés d’un mouvement sans but et sans programme, zigzaguant le long des boulevards comme des canards décapités

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

, s’enivrant de selfies sur fond de poubelles en feu en répétant « on nelâche rien », sans que l’on sache d’ailleurs ce qu’ilstenaient.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Le spectacle est navrant ; et pourtant, beaucoup d’inquiétudes sont réelles. L’objectif du grand débat, si j’ai bien compris, est d’y répondre.

Sa principale vertu, c’est qu’il a remplacé les révoltés des braseros, plus centrés sur eux-mêmes qu’un trou noir et refusant tout dialogue, par des élus locaux et leurs concitoyens dans les mairies.

Ceux-ci ont un immense avantage : ils n’ont pas honte d’employer deux mots qu’on n’avait pas entendus jusque-là, même s’ils l’ont fait timidement : l’intérêt général. Pour parler en termes freudiens, les « gilets jaunes », c’était le ça ; le grand débat, c’est l’ébauche du surmoi – mais l’ébauche seulement, car il reste la profusion et la dispersion des milliers de contributions écrites ou orales. Il reste le fait que beaucoup de propositions entraîneraient, si elles étaient adoptées, un résultat terriblement français : l’explosion des dépenses publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

La conclusion du grand débat, c’est un peu une lettre au père Noël, et si le président ne veut pas passer pour le père Fouettard, il va devoir réussir à expliquer que la différence entre le grand débat et le Gouvernement, c’est que le Gouvernement ne peut s’affranchir du réel.

Et le réel, c’est que nous sommes les champions du monde de la dépense publique et des prélèvements obligatoires. §Emmanuel Macron l’avait expliqué lors de la campagne de 2017, tout comme d’ailleurs son adversaire de la droite républicaine. Ni le constat ni les remèdes n’ont changé depuis. Ils s’appellentréforme des retraites – la vraie –, réforme de la fonctionpublique, de l’assurance chômage, du code dutravail, de l’éducation et de la formation, urgenceclimatique, etc.

Si l’issue du grand débat devaitêtre de l’oublier, de céder à tous ceux qui demandent « des annonces fortes », c’est-à-dire, en clair, encore plus de dépenses, alors tout estperdu. En un mot, le président a promis d’entendrele grand débat – c’est heureux –, mais il va falloir aussi, pour une part, qu’il lui résiste, et qu’il résiste, avant tout, à la désespérante tendance de ce pays à toutattendre de l’État, ce qui ne conduit ni à l’optimismeni à l’initiative.

J’en veux pour preuve les enquêtes qui nousapprennent qu’une majorité des jeunes Français ontpeur de l’avenir, ce qui n’est jamais arrivé nulle partdans l’histoire, pourtant infiniment plus ingrateenvers toutes les générations qui nous ont précédésqu’envers la nôtre. Ce ne sont pas les temps qui sontdevenus plus durs ; c’est nous qui nous sommesamollis.

Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Il y a un autre sujet sur lequel il va nous falloir résister tous ensemble : celui des nuages qui s’amoncellent sur notre démocratie.

Les populistes ont tous un point commun : ils prétendent toujours démocratiser la démocratie, rendre le pouvoir au peuple et chasser les élites responsables du mal.

Le problème n’est pas français ; il est global. La crise des « gilets jaunes » est la version hexagonale d’un péril qui s’appelle ailleurs Brexit, Salvini, Erdogan ou Bolsonaro.

Bravo ! sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Elle est aggravée par une technologie numérique dont nous pensions qu’elle serait un formidable outil de dialogue, de transparence, d’information et de raison et qui s’est révélée un redoutable instrument d’intolérance, un cauchemar orwellien dans les pays totalitaires et un déni de la vie privée chez nous, le plus grand vecteur de désinformation jamais inventé et le porteur du pire de l’émotion et de l’indignation.

« Nul ne ment autant qu’un homme indigné », disait Nietzsche. Et nous sommes aujourd’hui atteints d’indignationnisme.

Et c’est le moment où certains, monsieur le Premier ministre, vous demandent de remplacer la démocratie représentative par la démocratie directe.

Parce qu’on peut aujourd’hui se procurer d’un clic un costume, une voiture d’occasion ou même un partenaire d’un soir, certains pensent que l’on peut faire la loi ou révoquer le président en un clic. Ils ne voient pas que cette démocratie directe, c’est ce que nous avons sous les yeux depuis six mois : la démocratie des réseaux antisociaux, avec, au nombre de followers, Fly Rider comme président.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

« La foule est traître au peuple », disait Victor Hugo, et la démocratie directe proposée par les populistes est le triomphe de la foule. Nous voyons bien, déjà, que derrière le masque avenant du référendum d’initiative citoyenne se cache le visage plein de ressentiment du référendum révocatoire.

Je comprends que l’on souhaite une démocratie plus participative, dans cette Ve République si… – comment dire ? – jupitérienne. Et il va nous falloir trouver un équilibre. Mais ce n’est pas au moment où tout semble glisser, déraper, devenir incontrôlable, qu’il faut affaiblir la démocratie représentative. Entre Montesquieu et Tocqueville, d’un côté, Drouet et le boxeur du pont des Arts, de l’autre, je choisis les premiers, même s’ils n’ont pas d’amis sur Facebook.

Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Cela m’amène à la réforme constitutionnelle. Le dégagisme a contribué à l’élection du Président de la République. Il en a joué, comme les autres candidats d’ailleurs, en promettant de dégraisser le Parlement – promesse étonnante, quand on sait que la France compte deux fois moins de parlementaires par habitant que la moyenne européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Personne n’a dit cette vérité aux Français pendant le grand débat ; dans le cas contraire, l’approbation serait peut-être moins massive.

Mais c’est une promesse de campagne, et il est logique de s’attendre à ce que le Gouvernement veuille la tenir. Le président du Sénat l’a bien compris, qui avait accepté le verdict des urnes avec discipline républicaine et avec fermeté, en disant au chef de l’État que le Parlement était prêt à envisager un plan social, mais pas une hécatombe. Les deux n’étaient pas loin de toper.

Récemment, j’ai cru comprendre que les relations du Sénat et de l’exécutif s’étaient… rafraîchies.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

M. Claude Malhuret. En ce qui me concerne, j’avoue n’avoir pas été transporté par le signalement de hauts fonctionnaires à un procureur. Mais, d’un autre côté, mesdames, messieurs les ministres, ce n’est tout de même pas la faute du Sénat si M. Benalla est le seul éléphant au monde qui se promène avec son propre magasin de porcelaine.

Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Il faut sortir de cette crise qui fait tant de mal à la France et à son image. Ce sera difficile, parce que nous avons tous compris que le dégagisme ne s’adresse pas qu’aux parlementaires, mais à toute la classe politique, Président de la République compris, à toute l’administration, haute ou pas, et même, pour la première fois, jusqu’à certains élus locaux. Il faut en sortir ensemble, sans démagogie et sans faiblesse ; sinon, c’est ensemble que nous serons balayés par les démagogues et les faibles, par tous ceux qui combattront les réformes courageuses dont la France a besoin et qui soutiendront celles qui continueraient à nous faire plonger.

C’est le défi qui nous attend.

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 10 décembre dernier, au pic de la crise et de la colère – vous avez vous-même employé ce mot, monsieur le Premier ministre –, face aux Français, Emmanuel Macron a avancé deux propositions. La première était un paquet de mesures d’urgence, la seconde, ce grand débat national.

Le paquet de mesures d’urgence, nous l’avons voté en un temps record, et nous l’avons voté conforme. Nous l’avons voté sans enthousiasme, avec un sens aigu de la responsabilité – sans enthousiasme, parce que nous savions bien qu’une sortie de crise ne pouvait pas s’opérer uniquement par la voie traditionnelle, rituelle, des concessions financières massives payées par toujours plus d’endettement. Nous savions bien que ce mouvement, fortement soutenu par les Français à ses origines, traduisait beaucoup plus qu’une demande de simple amélioration de l’ordinaire. Ce qui était en cause, c’était les perspectives d’existence de chacun et le destin de tous, mes chers collègues.

Mais nous l’avons voté, avec le sens de la responsabilité qui est le nôtre, parce qu’alors la République était fragilisée, parce qu’alors la Nation était profondément divisée. Et elle l’est toujours – tel sera le prochain et principal défi des mois à venir.

La seconde proposition consistait dans l’organisation du grand débat. Je voudrais simplement observer, monsieur le Premier ministre, que l’exercice d’aujourd’hui est un peu vain : nous ne votons sur rien et vous ne nous avez pas proposé de solutions, puisque vous attendez celles de Jupiter. Je vous plains, d’ailleurs, puisque vous en êtes, depuis lundi, à la troisième séquence de restitution.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

En revanche, parce que nous avons fait preuve de notre sens de la responsabilité, nous nous croyons autorisés à porter une appréciation juste et équilibrée sur le grand débat.

Pour porter cette appréciation, il faut se demander si deux promesses ont été remplies. Deux questions, donc : premièrement, ce débat a-t-il vraiment été « grand » ? Deuxièmement, a-t-il vraiment été un débat ?

A-t-il été grand ? On dénombre 500 000 contributions, mais certaines copiées-collées. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas tout. Ce sont des contributions de Français, et non pas la contribution des Français : les contributeurs représentent bien moins de 1 % du corps électoral.

Était-ce un vrai débat ? Sans doute les échanges, les dialogues, ont-ils été nombreux ; mais, trop souvent, le dialogue, en tout cas sa restitution médiatique, a tourné au monologue. Le Président de la République a très vite confisqué ou monopolisé la parole, au point qu’il semblait dire que le débat c’était lui, lui seul, tombant ainsi dans une ornière qui l’avait déjà précipité dans les difficultés face à ce mouvement spontané des Français.

De ce constat, je pense que l’on peut déjà tirer une conclusion en matière démocratique. La démocratie participative est évidemment intéressante, mes chers collègues. Mais là n’est pas l’essentiel, pour deux raisons. D’abord, la démocratie participative fait certes entendre des paroles, mais pas toutes les paroles. Ensuite, elle ne crée pas les conditions d’une parfaite égalité, car il y a des paroles qui portent plus que d’autres : certains, certaines minorités, manient mieux la parole que d’autres. Seul le suffrage réalise l’égalité : un homme, une femme, une voix.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Le général de Gaulle avait pour habitude de dire que la parole du peuple est la parole du peuple souverain, celle qui a été, en France, trop souvent contournée, du référendum constitutionnel de 2005 jusqu’à celui – il ne s’agissait certes que d’une consultation publique – de Notre-Dame-des-Landes.

Monsieur le Premier ministre, ma conviction est que vous ne soignerez pas la blessure faite à la souveraineté populaire avec de simples groupes de parole. Il faudra beaucoup plus ! Ce qui est en cause, en effet, c’est bien sûr le pouvoir d’achat, mais, au-delà, c’est le pouvoir tout court, mes chers collègues : le pouvoir de chaque Français et du peuple français de peser sur sa destinée et de la maîtriser. C’est la grande question démocratique ! Et je pense, avec beaucoup d’autres, que vous ne pourrez sortir de ce grand malaise sans une consultation nationale.

Je voudrais maintenant faire quelques remarques.

Premièrement, prendre les institutions de la Ve République comme victimes émissaires serait trop commode.

Au premier tour de la dernière élection présidentielle, que nous sommes plusieurs, ici, à avoir vécu, plus ou moins bien, d’ailleurs

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

, aux premières loges, les extrêmes ont fait 45 % des voix. En Italie, ils ont fait à peine le même score. Voyez le résultat : la France est gouvernable ; l’Italie, difficilement. Une démocratie stable et gouvernée, c’est un bien public important. Alors, de grâce, si vous voulez momentanément vous sauver, touchez avec parcimonie aux institutions françaises !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Franck Menonville applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Bien sûr, il faudra recourir au référendum. Nous sommes opposés au RIC, le référendum d’initiative citoyenne, qui serait la démocratie de l’extrême, la démocratie radicale. Et ce n’est évidemment pas moi qui donnerai raison à Robespierre disant, le 16 janvier 1793, que le mot de « représentant » ne peut s’appliquer à aucun mandataire du peuple, parce que la volonté générale ne se représente pas ! Je préfère moi aussi Tocqueville à M. Drouet, même lorsqu’il campe devant les portes du Sénat, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pour ce qui concerne le référendum, nous devrons bien sûr y avoir plus fréquemment recours – c’est une évidence. Lorsque l’on est gaulliste, on se souvient de l’article 3 de la Constitution de la France, qui dispose que la souveraineté nationale s’exerce par la voie des représentants du peuple, mais aussi par la voie du référendum. Il faut, de temps en temps, recourir à la démocratie directe ! Il n’y a pas de contradiction, de ce point de vue, entre démocratie représentative et démocratie directe.

Il faudra, en quelque sorte, à un moment ou à un autre, que vous sachiez rendre la parole aux Français. C’est nécessaire, mais ce ne sera pas suffisant. Ce qu’attendent les Français, en effet, ce qu’ils veulent entendre, c’est une parole de vérité – et, en la matière, mon propos fait écho à celui de Claude Malhuret.

Je pense moi aussi que ce malaise est une accumulation de malaises, parfois anciens. Mais le Président de la République, et vous avec, ne saurait s’affranchir de la responsabilité qui est la sienne. Vous entendez les Français dire que les élus, les fonctionnaires, la démocratie, tout cela fonctionne mal. Quant à moi, j’ai beaucoup entendu aussi remettre en question le Président de la République. Qui parle de cette remise en cause, dans la restitution ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce malaise a agglutiné tant de faux-fuyants, tant de faux-semblants, tant de mensonges ! On a bel et bien menti aux Français, en effet, lorsque l’on a voulu leur faire croire qu’ils pourraient, en travaillant moins, améliorer leur sort, augmenter leur niveau de vie et préserver un modèle social extrêmement exigeant.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Oui, mes chers collègues, on a menti aux Français lorsqu’on leur a dit que le niveau de la dépense publique était la même chose que le niveau de qualité des services publics. Il n’y a, bien sûr, rien de plus faux ! Si tel était le cas, mes chers collègues, nous serions un vrai paradis en matière de services publics, nous qui sommes champions du monde de la dépense publique ! Mais, alors, l’hôpital serait-il saturé, la médecine de proximité fragilisée, l’école profondément ébranlée, elle qui reproduit désormais tant d’inégalités affectant la condition sociale des familles et de leurs enfants ?

Il faut refermer très vite ce grand débat : le grand débat a assez duré, et le temps des décisions est enfin arrivé. §Mais il n’y aura pas de sortie de crise sans un langage de vérité sur les voies d’amélioration des conditions de vie des Français.

Au moment où se nouait, au sein des classes moyennes, trop souvent oubliées, l’angoisse du déclassement, vous survalorisiez trop souvent un tout petit nombre, celui des heureux de la mondialisation ; quant au trop grand nombre des pauvres et des exclus, il bénéficiait d’attentions, mais cette attention était inefficace, car réduite aux acquêts, caritative. La classe moyenne s’est sentie broyée, déclassée, pour elle-même et pour ses enfants. L’ascenseur social s’est complètement bloqué : pendant les trente glorieuses, il fallait trois générations à une famille modeste pour atteindre le niveau de vie moyen ; il en faut désormais six ! Peut-on s’en contenter ? C’est là le vrai problème !

Ce langage de vérité que nous appelons de nos vœux consistera à dire aux Français – il faut avoir le courage de le faire – que notre économie et nos entreprises ne créent pas suffisamment de richesses, parce qu’elles ne sont pas suffisamment compétitives, pour améliorer durablement leur niveau de vie. Nous devrons leur dire qu’il faudra mettre plus de travail sur la table si nous voulons préserver un modèle social auquel nous tenons.

Mesdames, messieurs les ministres, vous devriez dire aux Français la vérité suivante : soit on applique – c’est ce que vous êtes en train de faire – un modèle anglo-saxon, avec un filet de sécurité pour les plus pauvres – quant aux classes moyennes, qu’elles se débrouillent, mais les retraités ont très bien vu quel appauvrissement résultait d’un tel modèle. Soit, si l’on veut garder notre modèle social, on ne peut évidemment pas dire aux retraités que l’on garantira leurs pensions sans toucher – surtout pas ! – à l’âge légal de départ en retraite. Sur ce point, vous aviez raison, madame la ministre : le Sénat vous donne raison.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Nous appelons de nos vœux, également, un langage de vérité sur les impôts. Taxer moins ! Vous avez reconnu que c’était nécessaire. Il a fallu vingt et une semaines de manifestations, des centaines d’heures de débats, pour que vous vous disiez : « Mince, la France paie trop d’impôts ! »

Mêmes mouvements. – M. Alain Cazabonne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Mais il ne suffira pas de dire que les Français paient trop d’impôts. Il va falloir dire maintenant quelles sont les dépenses publiques qu’il faut baisser, parce qu’il n’y aura pas de baisse de la fiscalité s’il n’y a pas demain de baisse de la dépense publique – et vous avez déjà renoncé, monsieur le Premier ministre, dans la trajectoire définie, à rééquilibrer les comptes publics à l’horizon de 2022. Vous avez cédé, sur la dépense publique, quelle que puisse être la communication parfois habile des uns ou des autres, sur les plateaux de télévision ou devant les micros.

Langage de vérité, également, sur l’écologie et le climat – les Français le demandent. Je me suis souvent trouvé devant des étudiants, devant des jeunes. On sait bien qu’ils ressentent cette urgence climatique encore plus vivement que nous, et c’est normal : leur avenir sera vraisemblablement plus long que le nôtre.

Mais, de grâce, abandonnons cette idée selon laquelle une politique énergétique et climatique écologique serait un mélange de leçons de morale et de fiscalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Les Français n’en peuvent plus, de cela ! Ce qu’il faut, c’est un effort de recherche massif au niveau européen, une taxe écologique aux frontières de l’Europe – c’est ce que nous allons proposer –, la confiance dans les territoires. C’est fondamental !

Un mot sur un sujet que vous avez évoqué, monsieur le Premier ministre, car les territoires ont eux aussi droit à la vérité. Vous avez été maire ; c’est donc paradoxal, mais les propos que vous avez tenus sur les territoires sont trop statistiques. Je ne m’y reconnais pas. Et, vraiment, dussé-je le compromettre, mais très momentanément, vous devriez passer quelques jours aux côtés du président Gérard Larcher.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Vous dites que jamais les moyens mobilisés pour les collectivités n’ont été aussi importants, que jamais celles-ci n’ont bénéficié d’autant d’agents. Mais, monsieur le Premier ministre, jamais les maires n’ont été si découragés ! Comment l’expliquez-vous ? §Jamais les collectivités n’ont, pour les compétences qui leur ont été attribuées, disposé de si peu de moyens !

Jamais en France il n’y a eu de révision si autoritaire des structures territoriales : le grand remembrement !

Je reprends à mon compte le terme d’« éloignement », que vous avez utilisé. Nous avons créé la société territoriale de l’éloignement. Je voudrais vous montrer comment le malaise social, territorial et démocratique s’est finalement noué.

Le lieu, c’est le lien ! Je sais que, pour un « progressiste », l’enracinement est un obstacle au changement. Mais le lieu, c’est l’enracinement où l’on va créer du lien dans une communauté humaine ! Chacun le sait confusément, et on le sait vraiment quand on a été élu local. Mais nous avons créé une société de l’éloignement, avec des régions toujours plus grandes, des cantons toujours plus grands, des communes toujours plus grandes, des intercommunalités toujours plus grandes.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

D’ailleurs, mes chers collègues – que nous soyons de droite ou de gauche, nous pouvons nous rejoindre sur ce point, puisque nous sommes le Sénat de la République –, nous avons tellement étiré le lien géographique que nous avons brisé le lien civique ! Nous avons voulu la loi du nombre au lieu de la loi humaine. Je me souviens d’un extrait de La France contre les robots, très bon ouvrage dont je vous recommande la lecture, dans lequel Georges Bernanos écrivait : « Un monde dominé par la Force est un monde abominable, mais le monde dominé par le Nombre est ignoble. » Nous y sommes. La loi du nombre n’est pas la loi des hommes. Entre la distance et la confiance, la relation est inversement proportionnelle. À distance, vous perdez la confiance ; à proximité, vous la gagnez ! C’est ce qui explique que les maires, plus que les sénateurs, plus que le Premier ministre, plus que le Président de la République, aient encore la confiance des Français !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il va falloir en tirer les conséquences, des conséquences radicales sur la décentralisation, sur les compétences, sur les niveaux de subsidiarité, mais aussi sur l’action de l’État. Cassez-nous ces grandes administrations régionales reconcentrées sur les administrations centrales ; je connais parfaitement ce sujet, dont je pourrais vous parler pendant des heures ! Amenez l’action de l’État dans la proximité, dans les départements ! Ne pensez pas décentralisation sans penser action territoriale de l’État !

(Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous lui reconnaissons une forme de résistance. Mais parlera-t-il clair ? Parlera-t-il vrai ?

Marques de scepticisme sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le Premier ministre, je vais conclure pour abréger vos souffrances. §Dans quelques jours, le Président de la République prendra vraisemblablement la parole. Parlera-t-il bien ? Sans doute. Nous lui reconnaissons un talent oratoire. Parlera-t-il longtemps ? Peut-être… §Sans courage de dire, il n’y a pas de courage de faire. Je pense que les Français en ont marre des subtilités, des habiletés, des ruses, du « en même temps », d’une « pensée complexe ». Ce qu’ils veulent, c’est non pas de la complexité, mais de la clarté à l’égard d’une vision de l’avenir, et de la simplicité dans les convictions !

Vous avez parlé d’« espérance ». Je vous propose de fermer vite le grand débat pour ouvrir un vrai chemin, celui de l’espérance pour la France, celui de la vérité pour tous les Français ! Je vous l’assure, si vous avez cette audace, vous trouverez ici, auprès de nos collègues siégeant sur toutes les travées…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. … et auprès du président du Sénat

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

, l’appui nécessaire pour relever notre pays ! Redonnons cette confiance et cette espérance à nos concitoyens, au nom de la République et au nom de la France !

Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent et applaudissent vivement. – Plusieurs sénateurs du groupe Union Centriste applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, j’imagine la difficulté qui est la mienne à intervenir après deux orateurs de talent pour faire entendre une musique différente de celle de la majorité sénatoriale. Je m’en tiendrai à mon rôle avec courage et humilité.

La France qui critique, la France qui dénigre, ce n’est pas celle qui prend son destin en main. La France qui débat, c’est la République qui avance.

Jamais les Français ne se sont autant pris à discuter, à argumenter, à échanger, à débattre, à se rassembler autour du bien commun. Oui, mes chers collègues, les citoyens français font honneur à notre pays lorsqu’ils se saisissent de leur avenir ! En apportant leur pierre à l’édifice de notre idéal républicain, ils ont prouvé à tous leur volonté de ne pas baisser les bras.

Ce n’est pas une surprise : les Français sont coutumiers du fait. Ils ne se dérobent pas devant l’Histoire. Ils n’évitent pas le débat. Partout, ils se rencontrent. Partout, ils s’en emparent.

Le grand débat, n’en déplaise à certains, a été utile et fécond.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Il a donné les moyens aux Français de s’exprimer sur la situation du pays, sur les grands enjeux de notre avenir, comme sur les difficultés du quotidien. Le grand débat est un succès de participation ; vous l’avez rappelé. C’est aussi un succès de propositions.

Les Français se sont exprimés en toute liberté. Ils se sont largement mobilisés. Nombreux sont ceux qui doutaient de l’utilité de cet exercice et de l’appétence qu’il suscitait chez les Français. Comme le succès est maintenant reconnu, les mêmes doutent de sa portée. Ce sont les mêmes qui parlent aujourd’hui de « faux débats » et de « déballages » et qui n’ont pas été capables par le passé d’entendre et de répondre à ces attentes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

M. François Patriat. Moi, j’ai fait mon mea culpa, monsieur Sueur.

Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Chacun a son analyse de la crise que nous vivons. Certains pensent que le malaise exprimé, la défiance à l’égard de toute forme de pouvoir et le procès en illégitimité des dirigeants sont dus à la politique de l’actuel gouvernement. Ceux-là font preuve d’une amnésie, d’une hypocrisie et d’une cécité qui laissent bien peu de place à la modestie et au devoir de responsabilité, alors que cette crise – chacun le reconnaît – vient de loin.

D’autres, comme nous, pensent que la France a besoin d’être réparée, de retrouver son dynamisme, sa capacité d’innovation renouvelée, un esprit de concorde et un espoir nouveau. Nous aussi, nous voyons que des Français souffrent. Nous entendons leurs attentes, parfois leur désespoir, leur incompréhension. Nous percevons aussi les injustices.

Le Gouvernement y a d’ores et déjà répondu, par avance et pour partie.

Exclamations ironiques sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Dois-je rappeler les mesures économiques, sociales et environnementales qui ont été prises depuis deux ans ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Elles viennent pour partie répondre aux doléances exprimées. Certains feignent de les ignorer aujourd’hui, alors même qu’ils en connaissent l’importance.

J’en veux pour preuve le rapport de l’OCDE, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Un rapport ? C’est tout ce que vous avez comme preuve ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

C’est l’OCDE qui le dit, pas un simple sénateur !

Quelles sont les principales attentes évoquées à l’occasion de ce grand débat ?

Monsieur le Premier ministre, vous l’avez dit hier, les Français attendent de la justice, une plus grande défense de l’intérêt général et de l’efficacité ; j’y souscris totalement. Ils souhaitent une juste affectation de l’argent public, une juste contrepartie de leurs efforts envers la collectivité. Ils comprennent que chacun doit œuvrer dans le sens de l’intérêt général, à commencer par ceux qui ont un devoir d’exemplarité, c’est-à-dire nous-mêmes. L’intérêt général n’est pas la somme d’intérêts particuliers ; il doit guider l’action de chacun.

C’est l’efficacité de l’action publique qui est en jeu. Je pense notamment à la lutte contre les inégalités scolaires, au taux de chômage, encore trop élevé, ou à la désertification médicale, pour prendre quelques exemples.

Ce sont les promesses non tenues qui alimentent une rancœur exprimée en grogne permanente, explosant parfois en bouffées de colère. C’est une revendication quotidienne. Nous devons y répondre. C’est pourquoi le Gouvernement tient ses engagements.

Si nous devons faire davantage, beaucoup a déjà été fait ; je l’ai souligné. S’il y a une impatience quant aux résultats, chacun ici sait bien que les meilleures réformes et les meilleures lois n’agissent pas dans l’instant, comme le feraient croire les incantations de magiciens sans scrupules.

Pour retrouver la confiance, il faut apporter des réponses aux trois exigences qui émergent des consultations : la justice fiscale, la justice sociale et la justice territoriale.

La demande de justice fiscale est un sentiment normal face à un système complexe et parfois illisible. C’est pourquoi le Gouvernement et sa majorité se sont engagés sur des mesures fortes : la suppression de la taxe d’habitation, qui représente plus de 20 milliards d’euros. La justice fiscale, c’est aussi la taxe GAFA, sur les géants du numérique.

M. Gérard Longuet ironise.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Pourtant, la classe moyenne nous dit : « C’est nous qui payons pour tout le monde. » Elle s’interroge : « Où va donc l’impôt ? » C’est en l’orientant vers elle que l’action de l’État prendra tout son sens.

La France est le pays qui redistribue le plus, et les Français ne le ressentent pas. D’où vient cette incompréhension ? Il faudra aussi y apporter des réponses.

Le Gouvernement entend baisser les impôts. Il le fait déjà. Pour qui ? Pour les entreprises, pour créer de l’emploi ; pour les ménages, pour le pouvoir d’achat. Cessons de penser que l’on peut toujours dépenser plus sans jamais économiser ; oui, monsieur Retailleau, vous avez raison de le dire !

Les Français ont aussi exprimé une demande forte de justice sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

M. Rachid Temal. D’où la suppression de l’ISF ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Le Gouvernement a lancé le plan pauvreté, pour un milliard d’euros.

Cette exigence se retrouve aussi à travers l’investissement dans l’apprentissage, la formation et l’insertion.

Et ne l’oublions pas, lutter contre la pauvreté, c’est d’abord lutter contre le chômage. C’est l’action première que mène le Gouvernement depuis deux ans.

Enfin, les Français réclament avec force l’urgence d’une justice territoriale. Nous sommes, au Sénat, les premiers observateurs de la montée de nouvelles inégalités et d’une fracture entre la France rurale et la France urbaine, source de marginalisation et d’isolement. Là, nous devons aller plus loin, monsieur le Premier ministre.

Une première étape a été franchie avec des dotations de fonctionnement stabilisées, des dotations d’investissement augmentées et des clés données aux administrations pour adapter leur action aux territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Il faut redéfinir le lien entre les communes et l’intercommunalité et rouvrir intelligemment le chantier de la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe.

Monsieur le Premier ministre, nous avons entendu l’engagement et la fermeté du Gouvernement pour répondre à ces urgences. Nous devons poursuivre les réformes pour que l’action aboutisse.

Oui à la baisse des impôts ! Oui à la proximité des services publics !

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Oui à l’urgence de santé ! Mais oui aussi à la baisse de la dépense publique !

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Oui aussi à une société du travail, un travail qui paie mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

C’est l’objectif fondamental.

Mais comment interpréter – vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre – des injonctions contradictoires ? Plus de proximité, et moins d’élus ; des économies sur la défense et le logement, alors que l’urgence sécuritaire et le besoin de logements n’ont jamais été aussi flagrants et primordiaux.

Si les Français ressentent que les injustices se creusent, il faut mieux indiquer le sens des mesures qui sont prises pour y remédier.

Monsieur le Premier ministre, nous avons perçu votre capacité d’écoute et votre détermination à répondre aux attentes des Français. Dès que le chef de l’État se sera exprimé, nous serons à vos côtés pour mettre ces nouvelles orientations en action. Progresser, ce n’est pas s’entêter ; ce n’est pas critiquer. Progresser, c’est écouter, comprendre et agir.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la première année du quinquennat d’Emmanuel Macron, marquée, au-delà du « tout pour la finance », par le choix d’un libéralisme sans frein, de la casse du droit du travail à la sélection renforcée pour entrer à l’université en passant par la déstructuration de la SNCF, semblait, coup après coup, consolider un grand fatalisme, une sensation que, dans un paysage politique explosé, la résistance ne pouvait pas s’organiser. La voie semblait libre pour les apprentis sorciers du CAC40, ces partisans d’un nouveau monde sans droits, sauf pour les plus forts.

Mais l’attitude jupitérienne du Président de la République, son arrogance et son jusqu’au-boutisme libéral, symbolisé par la suppression de l’ISF, ont provoqué l’explosion de la colère populaire qui s’exprime depuis maintenant cinq mois.

Les discours sans fin, les « en même temps » permanents et les petites phrases méprisantes à l’égard du peuple ont accompagné cette politique de démolition méthodique des derniers vestiges du modèle social français issu du programme du Conseil national de la Résistance.

Depuis des décennies, la solidarité recule en France. Les droits les plus fondamentaux, pourtant reconnus par la Constitution, comme le droit au travail, le droit au logement, le droit à la santé, à l’éducation ou à une retraite digne, sont aujourd’hui bafoués.

Des décennies de renoncement ont amené à la profonde crise économique et sociale, mais aussi démocratique, que connaît notre pays, comme l’ensemble du monde occidental.

La clé du renoncement, l’alpha et l’oméga du libéralisme, c’est la primauté de l’argent sur l’être humain.

Élu Président de la République, Emmanuel Macron a prôné un « nouveau monde », qui, bien vite, est apparu pour ce qu’il est : un régime libéral à l’autoritarisme croissant, usant et abusant de « coups de com’ » pour masquer les grands bonds en arrière sur le plan social et économique.

La colère est venue. Elle a éclaté. Depuis vingt et une semaines, la France vit au rythme du mouvement social et citoyen le plus long de son histoire. La longueur de cette secousse souligne la profondeur de la souffrance.

Vous avez peiné, monsieur le Premier ministre, à juguler la violence qui, inévitablement, accompagne ces colères. Aux actes illégaux de quelques-uns, que nous avons condamnés avec force, vous avez répondu par une répression systématique et démesurée du mouvement.

Jamais vous n’évoquez ces centaines de blessés, ces dizaines de mutilés et d’éborgnés. « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » écrivait le poète. Est-ce ainsi que ceux qui relèvent la tête, ceux qui osent dire « non » doivent être considérés ? Cette violence, vous ne l’avez pas évoquée, même d’un souffle, ni au Grand Palais ni ici, à mille lieues des ronds-points.

Ce grand débat, monsieur le Premier ministre, n’est pas celui de nos concitoyens.

Tous les chiffres le montrent. Sur 45 millions d’électeurs inscrits, auxquels s’ajoutent des millions de jeunes en mesure de comprendre et d’agir, comme ils le font sur le climat, seuls 500 000 personnes, soit 1 % à peine du corps électoral, ont élaboré des contributions, ce chiffre étant lui-même fortement contesté. Et 1, 5 million de personnes auraient participé à des débats, ce chiffre n’étant pas contrôlable. Quant aux conférences régionales, huit à neuf Français sur dix tirés au sort ont refusé d’y participer.

Pourtant, ce grand débat aurait pu rassembler et être autre chose qu’une tentative de contournement de la colère populaire. Mais Emmanuel Macron a dès le départ écarté les thèmes de justice sociale et de justice fiscale qui fondaient la mobilisation : pas question de rétablir l’ISF ; pas question d’augmenter le SMIC ; pas question d’imaginer une nouvelle démocratie symbolisée par le référendum d’initiative citoyenne, le RIC. D’ailleurs, monsieur le Premier ministre, votre réaction au RIC ou au référendum d’initiative partagée apparaît surtout comme symptomatique d’une crainte de l’expression populaire.

Je ne suis pas née de la dernière pluie, mais quand même… §L’opération à laquelle nous assistons – faire passer ce grand débat pour l’expression du peuple – est sidérante. « Plus c’est gros, plus ça passe » pourrait être votre adage et celui de M. Macron.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

La France qui souffre, la grande majorité de la population, n’a pas été représentée, ou si peu. Ce sont les diplômés, les classes les plus favorisées et les plus âgés qui ont participé, alors que les jeunes étaient carrément absents.

La belle photographie que vous voulez nous vendre comme une reproduction parfaite pour légitimer votre fuite en avant libérale est totalement faussée. La preuve : alors que 77 % des Français demandent le rétablissement de l’ISF, 10, 3 % des contributeurs au grand débat y seraient favorables ; 90 % des sondés souhaitent un abaissement de la TVA sur les produits de première nécessité contre 13 % seulement des contributeurs ; plus de 80 % des Français sont favorables au RIC contre 5, 8 % des contributeurs. Quel décalage ! Ces chiffres montrent bien que ce grand débat tourne à la grande entourloupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Emmanuel Macron et vous-même prenez un grand risque. Non seulement vous tentez une grossière manipulation pour justifier le non-reniement et un entêtement dangereux, mais vous masquez la poursuite des coups bas contre les intérêts populaires, semaine après semaine, mois après mois.

Quelle hypocrisie à parler d’écoute alors que vous vous obstinez à brader au privé Aéroport de Paris, ADP, et la Française des jeux ! Écoutez le peuple, et une bonne fois pour toutes !

Si vous avez un doute sur ADP, acceptez le référendum ! Pourquoi quelques conseillers financiers ou grands argentiers auraient-ils raison face à la volonté de millions de femmes et d’hommes ? Avec les 240 premiers parlementaires signataires de la proposition de loi référendaire, je mets au défi Emmanuel Macron de lancer une telle consultation populaire.

De même, vous affirmez avec des trémolos dans la voix la nécessité de rapprocher les services publics de la population. Mais, monsieur le Premier ministre, vous venez de déposer un projet de démolition du statut de la fonction publique en confirmant la suppression de 120 000 fonctionnaires. §Et vous asphyxiez toujours et encore les collectivités locales. C’est la même logique avec votre annonce d’une augmentation de 5, 6 % de l’électricité dès cet été.

Monsieur le Premier ministre, le piège s’est refermé sur vous.

M. le ministre d ’ État, ministre de la transition écologique et solidaire fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

J’en veux pour preuve que la petite musique de la nécessaire réduction des dépenses publiques est déjà là. Mais jamais vous n’évoquez la scandaleuse évasion fiscale et l’enrichissement sans fin des détenteurs de capitaux. C’est logique : vous êtes là pour les servir ; ce sont vos soutiens indéfectibles.

Vous maquillez le désir de justice fiscale en volonté de baisse des impôts et avant tout pour les plus riches et les entreprises. Quant à la justice sociale, salaires ou retraites, seule votre règle d’or, celle de l’austérité, prévaut.

Monsieur le Premier ministre, avec Emmanuel Macron, vous prenez le risque de multiplier la colère. Ces derniers mois montrent que l’histoire n’est pas écrite. Vous prenez le risque non seulement de décevoir, mais aussi de susciter le désarroi ; pire, de susciter la haine !

L’Histoire aurait pu retenir le souvenir d’un pouvoir qui aurait choisi l’écoute et la raison. Malheureusement, tout montre que vous vous apprêtez à faire le choix de l’entêtement, celui des privilèges au détriment de l’humain, de cette humanité qui a forgé dans les épreuves l’histoire de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Mais n’oubliez pas qu’une idée devient une force lorsqu’elle s’empare des masses. Et, aujourd’hui, les masses ont beaucoup d’idées !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, notre pays a connu ces derniers mois deux phénomènes inédits : d’abord, les « gilets jaunes » ; puis, le grand débat. Ces deux moments sont liés entre eux et indissociables : sans les « gilets jaunes », qu’il ne faut pas mépriser, il n’y aurait pas eu de dialogue avec les Français.

Je veux d’abord saluer ce moment qu’a été le grand débat. Un risque a été pris de qualifier de « grand » un débat qui n’avait pas encore eu lieu. Mais il faut reconnaître aux Français leur goût de la démocratie, leur plaisir à débattre, leur volonté de se faire entendre. Nous regrettons suffisamment l’abstention aux élections pour ne pas saluer cette envie de proposer dans le cadre du grand débat.

Nous-mêmes, socialistes, partageons ce sens démocratique du débat. C’est pour cette raison que nous avons participé dans nos territoires aux réunions qui s’organisaient. C’est dans cette même philosophie que nous avons répondu aux invitations officielles du Président de la République lors de sa tournée médiatique en seize dates. C’est aussi dans cet état d’esprit que nos sénatrices et sénateurs représentant les Français établis hors de France ont organisé partout dans le monde une consultation auprès de nos concitoyens, recueillant plus de 16 500 réponses remises au Gouvernement, et dont les premiers éléments font ressortir des préoccupations similaires à celles exprimées dans les débats de l’Hexagone.

Seulement, monsieur le Premier ministre, ce débat aurait pu ne jamais avoir lieu. Si vous l’avez organisé, c’est sous la contrainte ; il faut bien le rappeler.

Sans les « gilets jaunes », il n’y aurait pas eu davantage les mesures annoncées le 10 décembre. Sans cette poussée de fièvre des Français, la taxe carbone serait toujours en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Les retraités qui touchent moins de 2 000 euros paieraient encore la CSG au prix fort.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Des centaines de milliers de Français n’auraient pas bénéficié du coup de pouce à la prime d’activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Il aura fallu que les Français vous les arrachent.

Nous sommes donc à un moment charnière aujourd’hui. Les 10 milliards d’euros du mois de décembre, d’ailleurs essentiellement financés par la solidarité nationale et très peu par les employeurs, ont permis de traiter quelques symptômes sans guérir le pays de toutes les injustices de votre politique. Le grand débat a fait office de palliatif au manque d’écoute de ce début de quinquennat – vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même – sans mettre un terme à la fièvre et à la colère d’une France abandonnée. Cette France attend désormais des réponses. Allez-vous la décevoir ?

Car le constat du grand débat est posé. Notre pays subit une fracture sociale à cause de la crise du pouvoir d’achat et de la diminution des services publics. Ce que vous refusez d’entendre, c’est la demande des Français d’avoir accès à des services publics performants, partout sur le territoire. Ce besoin est renforcé par les fractures dans l’emploi, liées au chômage notamment. Le tout aggravé par des fractures territoriales du fait des différences géographiques, qui se creusent, et du sentiment d’éloignement, qui s’accroît. Ces évolutions de la société en viennent à isoler encore plus les familles monoparentales, les personnes seules ou âgées et les Français qui sont éloignés des grands centres urbains.

Face à ce constat, la question peut être résumée ainsi : comment redonner confiance aux Français alors que votre politique a perdu toute crédibilité ? Nous vous avions fait une proposition pour y répondre : organiser une grande conférence sociale, environnementale et territoriale pour traiter et trier ce qui est remonté du terrain avant de décider.

Monsieur le Premier ministre, cette conférence s’impose, d’autant que l’absence de règles du jeu au départ du grand débat obère les résultats et montre un grand décalage avec l’objectif initial. D’ailleurs, les seules règles du jeu que nous connaissons sont celles d’Emmanuel Macron, qui est en même temps le sélectionneur, l’arbitre, le gardien de but, l’avant-centre et le commentateur.

Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

C’est une raison supplémentaire qui devrait vous pousser dans les bras des corps intermédiaires pour mieux agir, ce que nous ne voyons toujours pas.

Écoutez-nous, monsieur le Premier ministre ; personne dans cet hémicycle n’a intérêt à ce que vos conclusions provoquent une nouvelle crise sociale, en confondant ce que vous souhaitez décider et ce qui est réellement remonté des Français. Écoutez-nous, car, comme sur la privatisation d’ADP, vous ne pouvez pas toujours avoir raison tout seul, tout le temps et contre tout le monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Malheureusement, nous avons peur, à vous entendre, que vos choix ne soient déjà faits depuis des semaines. Si le Président de la République a peut-être gagné un peu de temps, j’espère qu’il ne nous a pas fait perdre le nôtre.

Parmi les sujets qui sont remontés figure tout d’abord la question des services publics.

Dès le départ, nous avons estimé que votre questionnaire était extrêmement mal posé, voire orienté, le service public n’étant interrogé que sous le prisme du coût budgétaire et des économies à réaliser, jamais sous celui de l’intérêt social, économique et environnemental.

Le débat a permis de révéler aux yeux de tous combien le désert des services publics dans notre pays était central dans les préoccupations de nos compatriotes, provoquant même souvent ce sentiment d’abandon que chacun a pu commenter. Cela fait des années que cette problématique est évoquée, mais nous devons bien remarquer cette tendance de fond à la disparition des services publics dans les zones éloignées des grands centres. Il est urgent de rompre avec une telle logique, d’abord guidée par des préoccupations budgétaires court-termistes. Pour nous, le service public est au contraire ce qui permettra de retisser les liens d’une société fracturée et malmenée.

La question des services de santé, particulièrement des maternités, a animé les réunions dans de nombreux départements. Je veux notamment évoquer ici les outre-mer, territoires trop souvent oubliés, qui ont tiré la sonnette d’alarme sur l’accès aux soins. Il est urgent d’inverser le processus de disparition des établissements de santé et de réimplanter dans tous les territoires un accès aux urgences, aux maternités et aux soins quotidiens. Lorsque nous constatons sur un plan statistique que l’éloignement et le faible accès médical augmentent les risques de santé, il est déjà trop tard.

J’ai pris l’exemple de la santé, mais j’aurais pu évoquer aussi les mobilités, l’accès à une justice pour tous les Français ou l’éducation, qui sont synonymes de puissance publique, pas de désengagement budgétaire. C’est sans doute là que nos points de vue divergent. Oui, les services publics ont un coût ! Mais nous disons également qu’ils ont une valeur ! De la même manière, vous ne pouvez pas expliquer aux Français que vous voulez réaliser des économies en raison de l’accès aux services publics au travers de plateformes électroniques. Savez-vous combien de Français n’ont toujours pas accès à internet ou ne bénéficient pas d’une couverture digne de ce nom ? En raisonnant comme cela, vous aggravez la fracture entre nos concitoyens !

Le besoin de plus de proximité est, selon nous, un des enseignements premiers du débat, sur tous les plans, y compris le plan démocratique. Nous voulons nous faire ici les porte-voix de ceux qui, parmi nos concitoyens et les élus locaux, ont exprimé le besoin d’une meilleure répartition des pouvoirs dans notre pays.

Cette vision de redistribution des pouvoirs a deux faces.

La première est celle de la décentralisation, avec un nouvel acte attendu qui redonnerait des compétences et des moyens d’action, notamment budgétaires, aux élus locaux. Donnons aux collectivités un pouvoir accru de fiscalité. Décentralisons notre économie via les régions. Donnons des capacités d’investissements dans le logement et les infrastructures de mobilité, y compris aux communes, sans oublier les très grands projets structurants : permettez-moi d’évoquer le canal Seine-Nord Europe, pour lequel nous n’avons toujours pas de certitude quant au financement de l’État. Défendons aussi la capacité de formation et de soutien à l’apprentissage dans les collectivités et par les collectivités ; vous avez vous-même prôné cette idée hier devant l’Assemblée nationale, en contradiction avec la loi que vous avez fait voter l’été dernier.

Notre objectif de décentralisation s’oppose à votre souhait de contractualisation, qui est le projet d’un État toujours plus centralisé qui ne fait pas confiance à l’intelligence des élus locaux.

La deuxième face de la décentralisation, c’est la redistribution des pouvoirs entre les citoyens. Même si nous pensons que la démocratie représentative est le système le plus équilibré pour faire face aux crises, notre démocratie est aussi mûre pour mieux impliquer nos concitoyens dans les décisions, qu’elles soient nationales ou locales. Les mécanismes de consultation et d’interpellation existent et ne passent pas forcément par le référendum à caractère binaire. Nous avons déjà fait des propositions en ce sens dans le cadre du débat constitutionnel.

Cette démocratie décentralisée est pour nous exclusive des fausses solutions que sont la réduction du nombre de parlementaires, la recréation du conseiller territorial sans réflexion sur l’organisation préalable des collectivités, l’affaiblissement du bicamérisme. Ces propositions aventureuses n’apporteraient rien de mieux à notre démocratie, bien au contraire, puisqu’elles réduiraient encore un peu plus la place des élus et des citoyens face aux administrations centrales !

Enfin, j’en viens à mon troisième thème, qui préoccupe notre siècle, celui de l’écologie. Notre époque doit prendre des décisions fondamentales pour les prochaines générations. Ce poids de la décision ne doit plus nous tétaniser. C’est le sens du message envoyé par les grands absents du débat, que sont les jeunes de notre pays. Plutôt que de venir s’exprimer dans un débat trop peu centré sur ces questions, ils ont préféré battre le pavé à leur tour !

Nous devons entendre, nous devons agir pour transformer notre économie, pour plus de coopération et moins d’émissions carboniques. Là encore, l’Europe est à mobiliser, en soustrayant les investissements écologiques des critères de déficit pour que notre pays puisse, enfin, adapter sa production et sa consommation d’énergie. En matière de protection de l’environnement, les technologies existent, les moyens existent, le soutien populaire existe. Ce qui manque aujourd’hui, c’est la volonté politique, votre volonté politique, monsieur le Premier ministre ! C’est, bien sûr, sur ce sujet que vous serez le plus attendu, particulièrement par la jeunesse de notre pays.

J’aurais pu aborder bien d’autres sujets qui ont structuré ce grand débat, celui du logement qui pèse de plus en plus dans le portefeuille des ménages par manque de soutien public, celui de la justice fiscale que vous confondez avec la baisse générale de la fiscalité. Vous continuerez à nous trouver pour demander le rétablissement de l’ISF et à nous trouver aussi pour que cette contribution soit mise à jour au profit de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Monsieur le Premier ministre, un jour, nous ferons le bilan des mauvaises mesures fiscales qui ont été les vôtres au début du quinquennat.

Enfin, j’aurais pu aborder le sujet des salaires dont la stagnation durable mériterait une conférence salariale urgente entre syndicats et patronat.

Ces trois axes, logement, justice fiscale et niveau des salaires, sont pour nous les trois composantes de la question centrale de ce débat. C’est sur ces trois leviers qu’il faut appuyer, sans se limiter à la baisse indifférenciée des impôts, qui exprime une vision simpliste, de court terme. Elle profitera toujours à ceux qui ont les moyens et n’enrayera pas la pauvreté !

Pour conclure, monsieur le président, mes chers collègues, si les sujets portés dans ce débat sont infinis, nous le savons tous, les réponses ne pourront pas être infinies. C’est pour cette raison que vous devez aujourd’hui apaiser, monsieur le Premier ministre, en vous appuyant sur tous les partenaires sociaux, collectivités, élus, pour que le débat ne reste pas sans lendemain et pour que la confiance soit retrouvée.

( Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales s ’ exclame.) anxiogènes pour nos libertés publiques, anxiogènes pour la préservation de la loi de 1905, anxiogènes pour le financement des aides au logement. En un mot, je voudrais ainsi utiliser vos propres termes pour résumer un message de ce débat : continuez d’écouter, pour bien entendre, et sachez entendre ! Pour qu’il y ait de la paix sociale dans ce pays, il faut aussi de la justice sociale !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Je voudrais vous le dire très simplement, monsieur le Premier ministre, votre politique, vos dits et vos non-dits restent anxiogènes, anxiogènes pour l’âge de la retraite et sa fixation, anxiogènes pour le statut des cinq millions et demi de fonctionnaires, anxiogènes pour les ressources des collectivités locales, §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, le temps de la démocratie n’est certainement pas celui des médias. Pas plus qu’il ne saurait être réduit aux expressions de la rue dont la légitimité ne se substitue pas à celle des urnes. Comme le disait le président Malhuret à cette tribune : « On ne légifère pas sur les ronds-points ! »

Bien au contraire, notre République se nourrit du principe fondamental selon lequel la volonté générale s’exprime à la fois par la voix du peuple souverain et par celle de ses représentants. Cette construction politique, héritage de notre histoire, garde toute sa force à l’heure où les populismes veulent nous imposer leur idéologie mortifère.

Or nous avons vécu ces derniers mois au rythme des samedis de manifestations, puis de violences intolérables. Nous avons subi l’irresponsabilité de certains médias, pour qui le sensationnel fait figure de ligne éditoriale, au risque d’attiser des feux qui ne demandaient qu’à s’embraser.

Nous avons subi la lie de la désinformation, des rumeurs, pointant du doigt une catégorie de population, défiant la raison que nous tenons des Lumières, provoquant même parfois des réactions collectives que nous pensions réservées aux périodes obscurantistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Il est certain que ce que traverse notre pays doit inciter à la retenue et à la modestie. De façon plus générale, il souffle en Occident des vents mauvais qui veulent détruire l’héritage des Lumières. Ce qui se passe aux États-Unis, en Italie, en Pologne, en Hongrie nous concerne directement. Le devenir de l’Union européenne en est à un moment clé, qui exige que nous soyons collectivement responsables.

Oui, des colères se sont exprimées, parfois avec véhémence. C’est le propre d’une démocratie ! Parfois aussi, hélas, avec des visées clairement factieuses, rappelant des époques de sédition que nous pensions révolues. Nous ne cesserons de les condamner de toutes nos forces.

Monsieur le Premier ministre, à l’évidence, votre Gouvernement a le devoir de résoudre une situation dont les gouvernements successifs, depuis plusieurs décennies, portent chacun une responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Nous mesurons la difficulté de votre tâche. Nul, parmi les membres du RDSE, ne souhaite votre échec, car les conséquences pour notre pays, son avenir, celui de nos enfants, seraient dramatiques.

Nous nous réjouissons donc que cette colère ait pu être transformée en mots partout dans le pays, sous la forme de conférences citoyennes ou d’agoras plus spontanées et moins formalisées. Nous saluons la réussite d’un exercice complexe. La confrontation apaisée des idées est inhérente à la démocratie, puisque c’est aussi de ce concept que procède in fine le Parlement.

Pour notre part, nous sommes convaincus qu’aucune méthode n’était parfaite pour organiser ce grand débat.

Les biais méthodologiques ne peuvent être éliminés d’un exercice aussi inédit dans son ampleur. La critique est un mal nécessaire et inévitable. Les quelque deux millions de contributions enregistrées sont pour nous un échantillonnage de l’état d’une certaine partie de l’opinion, celle qui s’est mobilisée. Pour autant, nous n’avons finalement rien appris que nous ne sachions déjà.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

En particulier pour des élus, comme nous qui avons été élus locaux, qui ont l’expérience de l’empathie et de l’écoute. De ces trois mois de débats, il ressort, dans les grandes lignes, de fortes demandes tendant à une fiscalité plus juste et plus lisible ; à une transition écologique moins punitive, mais adaptée à chaque territoire ; à une démocratie plus transparente, plus inclusive ; à des services publics mieux répartis, pour renforcer la cohésion des territoires. Monsieur le Premier ministre, le plus dur est à venir, vous le savez ! Tous ces échanges suscitent de l’impatience. Il est maintenant l’heure de les concrétiser par des décisions politiques, pour le court terme et pour le long terme, afin que notre pays retrouve le chemin de la fierté et de l’harmonie.

Mais comment répondre à des demandes multiples, parfois incohérentes entre elles ? On ne peut pas réclamer simultanément la baisse des impôts et davantage de services publics !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

On ne peut pas demander davantage à l’impôt et moins au contribuable. On ne peut pas promettre de réduire le poids de la fiscalité sans parler de notre politique de redistribution, un ferment de notre modèle social !

Comment ne pas surajouter de la déception aux espoirs nés ? Vous l’avez dit vous-même : « Hésiter serait pire qu’une erreur, ce serait une faute. Tout conservatisme, toute frilosité seraient à mes yeux impardonnables. »

Nous voulons donc vous prendre au mot, dans l’attente évidemment des prochaines annonces du Président de la République.

Ne rien faire serait bien sûr une faute. Mais continuer comme avant serait encore pire ! Nos concitoyens l’ont clairement dit, ils ne veulent plus d’un pouvoir vertical et déconnecté, qui fait fi des corps intermédiaires. Ils souhaitent, au contraire, que leur voix porte, au-delà des échéances électorales, ce qui n’est pas incompatible avec notre démocratie représentative.

Monsieur le Premier ministre, vous nous trouverez donc à vos côtés lorsqu’il s’agira de réintroduire partout les « services publics de contact » – pour reprendre votre expression –, c’est-à-dire qui privilégient le contact humain plutôt que la chimère de la dématérialisation, de réduire les fractures territoriales, notamment en rapprochant les métropoles et les territoires périphériques, de construire une transition écologique responsable, durable et non punitive, de créer les conditions d’une meilleure répartition des richesses, par la dignité du travail.

Ces combats, le groupe du RDSE les porte depuis très longtemps. Nous n’avons en tout cas jamais dévié de nos principes, dès lors que l’urgence est d’empêcher certains territoires de mourir, littéralement. Vous connaissez nos initiatives en matière de désenclavement, d’égal accès aux services publics, aux soins et au numérique, ou de développement économique des territoires. Notre engagement est constant, car nous estimons que redonner de la dignité à ceux qui se sentent oubliés exige des mesures simples, pragmatiques, adaptées au quotidien. Aussi brillante et utile soit-elle, notre technocratie n’aura jamais le ressenti du terrain des élus de proximité que nous sommes !

Monsieur le Premier ministre, l’heure est à l’action. Toutes les bonnes volontés doivent se mobiliser avec un seul objectif : mettre à jour notre logiciel démocratique, dans le respect de nos principes républicains. Pour cela, les institutions de notre démocratie représentative vont maintenant exercer leurs missions, à savoir débattre, confronter les idées, faire des propositions et voter, ce qui est le propre d’une démocratie mature.

Le Sénat continuera, j’en suis sûr, de faire entendre son pluralisme et sa singularité. Mon groupe, dans toutes ses expressions et sa diversité, y prendra naturellement, avec beaucoup de détermination, toute sa part !

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, je dois avouer que, au début, à l’annonce du grand débat, j’étais extrêmement perplexe, j’avais un certain nombre de doutes.

Nous avons eu l’occasion de voir non un seul grand débat, mais plusieurs débats. Cela a commencé avec les « gilets jaunes » et leurs revendications totalement contradictoires. Ensuite se sont déroulées les rencontres du Président de la République, ce qui a donné lieu à quelques questions, à des réponses, mais ce n’était pas ce que j’appelle un débat. Des interventions directes se sont exprimées via internet, qui a recueilli des contributions, sans qu’on puisse parler d’échanges ni de débat. Des cahiers de doléances ont été déposés dans les communes, ce qui n’était pas non plus un débat.

Et il y a eu les réunions, qui ont vraiment donné lieu à un débat, lequel ne représentait pas la totalité des citoyens de notre pays. Comme il y avait ceux qui les organisaient, suivis de ceux qui en faisaient la modération, il est difficile de considérer que ce débat était vraiment représentatif des attentes des Français.

Monsieur le Premier ministre, je ne peux pas laisser dire qu’avant le grand débat l’attente de nos concitoyens n’aurait pas été prise en compte. Chacun d’entre nous ici est un élu, toutes les semaines, nous rencontrons nos concitoyens, toutes les semaines, nous échangeons et débattons avec eux !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

M. Philippe Adnot. La vérité, c’est que si on nous avait un peu plus écoutés, par exemple, si le Gouvernement avait prêté plus d’attention au sens de notre vote sur le projet de loi de finances qui s’opposait à l’augmentation des carburants, eh bien, vous n’auriez pas donné le prétexte à ce qui s’est passé ensuite ! Donc, si vous voulez un vrai débat, reconnaissez que nous, les élus, nous le conduisons toute l’année, toutes les semaines ! Cela, je pense qu’il nous faut le revendiquer !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Ce qui fait la qualité d’un débat, c’est, à mon sens, son caractère contradictoire, sa recherche de la cohérence face à des attentes exprimées qui sont, pour la plupart, totalement incompatibles. Les propositions formulées doivent, pour permettre l’ouverture d’un débat, rester dans le domaine du possible, qu’il s’agisse de l’esprit dans lequel la demande s’exprime ou de la capacité à la financer. Il est vain d’ouvrir un débat sur des demandes si leurs auteurs sont dans l’incapacité de formuler des pistes de financement.

Il est très facile de demander plus de services publics, d’exiger de payer moins d’impôts et de taxes, tout en acceptant des hausses d’impôts, si elles sont supportées par les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Je trouve nécessaire de prendre en compte les problématiques budgétaires, européennes et internationales. Autant d’aspects dont je ne suis pas sûr qu’ils aient été très présents dans le débat.

Mon scepticisme – et vous m’en excuserez, peut-être vais-je vous choquer, monsieur le Premier ministre – venait du sentiment que j’éprouvais, me donnant à penser que l’on n’arriverait jamais à faire la synthèse d’une expression très large et très contradictoire. Il me paraissait vraisemblable qu’avant même de lancer l’idée du grand débat, on en avait déjà écrit les réponses et que l’on se préparait à nous servir une solution qui attendait dans les tiroirs.

Si nous devions nous rendre compte que mon intuition était juste, eh bien, ce sera un mauvais coup pour la démocratie réelle !

Ce matin, je lisais le journal Libération.

M. Bruno Sido s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Tout cela n’est pas, selon moi, digne de l’esprit de responsabilité qui incombe aux personnes engagées comme nous au quotidien auprès de nos concitoyens. Il faut cesser de faire croire que la parole de ceux qui sont tirés au hasard est plus valable que celle de ceux qui bossent tous les jours ! Pourquoi la parole de nos maires, de nos conseillers municipaux, régionaux et départementaux, des élus en responsabilité au quotidien, des représentants syndicaux, des membres des organisations professionnelles, pourquoi la parole de tous ceux qui travaillent tous les jours pour les autres aurait-elle moins de valeur que celle de ceux qui, d’un jour à l’autre, seraient tirés au sort ? Je pense qu’il faut être raisonnable ! Je crois que la démocratie du hasard ne peut pas remplacer la véritable démocratie !

J’attends, monsieur le Premier ministre, les propositions que va nous faire le Président de la République. Je les attends avec intérêt. Nous aurons l’occasion de voir si ces propositions correspondent bien…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

… aux attentes de nos concitoyens. J’attends, surtout, de voir s’il ne va pas chercher à habiller différemment les propositions qu’il avait déjà faites, trouvant ainsi un nouveau moyen de les exprimer.

J’espère que cela ne désespérera pas ceux qui bossent, ceux qui assument, ceux qui créent, ceux qui font la France.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la République est fragile, on vient de s’en apercevoir.

Comment quelques milliers de casseurs ont-ils pu saccager, samedi après samedi, des quartiers entiers de Paris, Toulouse, Bordeaux, allant jusqu’à saccager la tombe du Soldat inconnu ?

Comment quelques milliers d’individus ont-ils pu bafouer une démocratie ancienne de 67 millions d’habitants ?

Comment en sommes-nous arrivés à une inversion des valeurs qui voit la violence des manifestants régulièrement « comprise » et les forces de l’ordre systématiquement soupçonnées ? Ces questions ne figuraient pas à l’agenda du grand débat. Elles auraient pourtant constitué un point d’entrée stimulant pour saisir les maux de notre société.

Ce grand débat ausculte un malaise, une colère venus de loin et du plus profond de nos territoires, dont le mouvement initial des « gilets jaunes » a été un impitoyable et juste révélateur.

Aura-t-il eu une utilité s’il n’aborde pas aussi quelques questions mises sous le tapis depuis cinquante ans ? Par exemple, sur le respect dû à autrui, sur le sens de l’autorité, sur la prééminence de l’intérêt général ?

Servira-t-il à quelque chose si la montée de la violence, sous toutes ses formes, n’est pas traitée ? Servira-t-il à quelque chose si le délitement du civisme et de la responsabilité individuelle n’est pas abordé ? Servira-t-il à quelque chose si la norme, le traité et le juge asphyxient la volonté politique ?

Le Gouvernement nous dit que le grand débat est un succès, c’est vrai. Permettez-moi d’apporter toutefois quelques nuances. Les manifestants sincères de novembre ont rarement rejoint les salles de réunion.

Quant aux manifestants « professionnels », ils n’ont évidemment pas joué le jeu d’un dialogue qu’ils méprisent. Ils nous le disent chaque samedi, pavé à la main ! Il faut naturellement remercier les nombreux Français qui ont fait la démarche d’échanger et de s’écouter.

Je veux aussi remercier à mon tour les milliers d’élus locaux, les maires qui ont organisé et animé ces réunions, ce sont les grands gagnants du débat, ils ont enfin été réhabilités. Ils ont rendu possible une photographie de l’opinion à un moment important. Cette photographie est cependant partielle.

Partielle, car ces contributeurs ne constituent pas un échantillon représentatif. Toutes les classes d’âge, toutes les classes sociales, tous les types de territoires n’étaient pas également présents dans les salles de réunion ou dans les contributions, tant s’en faut.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Il en résulte ainsi des idées parfois innovantes, stimulantes. Néanmoins, elles n’ont pas la légitimité à s’imposer en tant qu’opinions dominantes. Des Français se sont exprimés. Ils ne sont pas tous les Français, ils ne sont pas la France, comme vient de le dire Claude Malhuret avec talent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La légitimité démocratique est à l’Élysée, à l’Assemblée nationale, ici au Sénat, et dans les mairies. Elle peut être dans des référendums ou des consultations populaires plus nombreux et plus ouverts que nous appelons de nos vœux, elle n’est nulle part ailleurs.

Le droit de pétition, oui, le mandat impératif, non !

La photographie du grand débat est également partiale. Les sujets qui avaient été sélectionnés sont fondamentaux. Le Gouvernement a eu raison de provoquer une réflexion collective autour d’eux. Mais comment justifier que d’autres n’aient pas été traités ?

Quasiment aucune question sur notre rapport à l’Europe, sur l’innovation, sur l’impact des nouvelles technologies, sur l’immigration et l’intégration, sur le fonctionnement de la justice, sur la sécurité, sur le terrorisme. Ces sujets ne sont pas moins importants.

Je note d’ailleurs qu’il ressort de la consultation les préoccupations que les sénateurs, ancrés dans la terre fertile de leurs départements, signalaient de longue date, l’accès aux soins, à la formation, à internet, à la mobilité.

Pour autant, les élites vilipendées, auxquelles certains Français nous associent, auraient mauvaise grâce de pointer les seules lacunes ou contradictions.

En effet, si un seul élément ressort du débat, c’est notre perte de crédibilité, notre indispensable introspection et le besoin d’agir différemment.

À ce titre, deux aspects de la crise sociale de l’automne restent cruciaux : d’abord, les sentiments de mépris et d’abandon, particulièrement ressentis dans les villes moyennes et nos campagnes ; ensuite, le sentiment d’injustice à l’égard des efforts à fournir pour faire avancer le lourd char de l’État, conduisant nos concitoyens à s’interroger sur le niveau des impôts et sur leur affectation. Le manque de considération, voilà l’un des maux de notre époque, vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre. Il est façonné par la conviction que les élites parisiennes prennent des décisions déconnectées.

Notre groupe est historiquement convaincu des bienfaits de la logique de subsidiarité. Cela s’appelle décentraliser et différencier.

Décentraliser, parce que plus la chaîne d’analyse, de décision et d’évaluation est courte, plus la probabilité que l’action publique soit appropriée est élevée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Nous appelons ainsi à un acte III de la décentralisation et à un terme, enfin, aux doublons insupportables.

Nous appelons à une « clarification » et à de « vrais choix », comme le dirait le Président de la République.

Mais décentraliser ou déconcentrer ne sont plus suffisants, il faut ouvrir des espaces, des espaces de différenciation.

Il ne suffit plus de dire que telle collectivité gérerait mieux que l’État telle politique publique, il faut lui donner la capacité d’adapter cette politique à son territoire.

On ne structure pas nécessairement de la même façon les dispositifs d’insertion dans la Creuse et dans le Val-de-Marne. Nous sommes nombreux à être ouverts à ce bon sens.

Si ce n’est que nous allons vite ouvrir un débat très français : sera-t-il juste que l’allocation de parent isolé soit de 20 euros moins élevée en Lozère qu’en Essonne ? Sera-t-il juste qu’un ascenseur soit obligatoire dans les immeubles de trois étages en région parisienne quand il ne le sera pas en province ?

Nous devons pouvoir assumer ces disparités, dès lors qu’elles sont encadrées par le législateur, avec le souci de l’unité républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Pour notre part, nous faisons confiance aux élus locaux et nous appuierons cette orientation.

Mais renforcer les marges d’action des élus locaux suppose que les citoyens puissent mesurer l’efficacité de leurs actions. L’article 72 de notre Constitution doit ainsi être précisé. Les élus doivent s’appuyer sur une réelle autonomie financière. Les citoyens doivent être confrontés à une fiscalité redevenue simple et lisible.

L’injustice est le maître mot depuis décembre. Il ne l’était pas en novembre, lorsqu’il s’agissait de dénoncer de nouvelles taxes.

Le logiciel des quarante dernières années s’est remis en marche et a souvent transformé le débat sur le trop-plein d’imposition en débat sur l’injustice fiscale, permettant ainsi de ne pas s’interroger sur l’efficacité de la dépense publique à la française, pourtant triste championne du monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Dans notre pays passionné d’égalité, le sentiment d’injustice est omniprésent et facile à alimenter.

Cela ne doit pas empêcher de dénoncer les incohérences qui minent notre contrat social. Il est évident que certaines entreprises ne paient pas leur dû. Il est évident que certaines optimisations fiscales n’ont guère de légitimité. Il est évident que la fraude sociale est trop importante. Il est évident que la confusion règne entre assistance et assurance. Il est évident que la lenteur de la justice alimente le sentiment d’impunité.

Se focaliser sur les seules inégalités est une voie sans issue. Notre énergie gagnerait à se concentrer simultanément sur deux dimensions, créer de la richesse et faire mieux fonctionner les services publics.

En créant de la richesse, nous nous dotons de la capacité à réformer dans le sens d’une plus grande justice. Dans notre pays attaché aux positions acquises, seules des évolutions au temps long avec des sorties par le haut sont réalistes. Elles ont un coût. Seules des ressources nouvelles peuvent les financer. Pour cela, il faut de la croissance.

Le moment venu, chacun devra faire des propositions précises. Notre groupe a ainsi d’ores et déjà apporté sa contribution en matière fiscale – notamment par la voix de Vincent Delahaye –, contribution qui répond d’ailleurs à l’exaspération des Français.

Des services publics ambitieux sont, par ailleurs, le meilleur outil de lutte contre les inégalités.

Savoir lire et compter dès l’âge de six ans, être protégé des délinquants où que l’on habite, être vite et bien soigné à l’hôpital sont les meilleurs services à rendre aux plus démunis. Encore faut-il que ces services soient performants.

Nous demandons ainsi au Gouvernement de se concentrer sur la poursuite de réformes maintes fois anéanties par le conservatisme. Cela sera beaucoup plus efficace !

Monsieur le Premier ministre, les conditions de l’élection présidentielle nous ont privés d’un réel débat. Ce débat, nous venons de l’avoir parce qu’un débat vaut mieux qu’une émeute, c’est évident ! Mais un débat n’est qu’un outil d’aide à la décision. Après la restitution vient le moment des choix. Les institutions républicaines doivent reprendre leur place. La rivière doit rentrer dans son lit.

Il appartient aujourd’hui au Président de la République et à votre gouvernement d’exprimer ses conclusions.

C’est ici que le débat devra se prolonger, monsieur le Premier ministre. C’est ici, à l’Assemblée nationale et au Sénat, que nous devrons discuter des propositions. Monsieur le Premier ministre, c’est avec impatience que nous vous attendons pour un prochain rendez-vous, un rendez-vous utile, le rendez-vous des solutions.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de remercier l’ensemble des orateurs qui se sont succédé à cette tribune pour la qualité et la mesure de leurs propos.

Les critiques peuvent être vives, mais il me paraît que nous avons eu un échange de qualité. Je le dis, parce que j’ai connu non pas des assemblées, mais des moments où les débats étaient moins respectueux que celui-ci et je voulais en remercier le Sénat.

J’ai peu de choses à ajouter, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce qu’a dit avec un immense talent et une très grande lucidité le président Malhuret. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je voudrais remercier le président Patriat pour son extraordinaire soutien.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

M. Édouard Philippe, Premier ministre. J’ai appris à mesurer que, lorsque les temps sont difficiles, avoir des soutiens fidèles est quelque chose d’utile !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Je veux le dire, je me retrouve dans beaucoup des éléments qui viennent d’être développés par le président Marseille.

Permettez-moi d’insister sur quelques mots évoqués par plusieurs des orateurs, notamment sur ce grand débat : était-il vraiment grand ? Était-ce vraiment un débat ? Au fond, faut-il en être fier ou faut-il être méfiant ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais le rappeler, lorsque nous avons commencé à réfléchir à ce que pourrait être ce grand débat, beaucoup de gens doutaient de l’intérêt que lui porteraient les Français. Beaucoup de gens doutaient de la capacité à organiser ce débat dans des conditions d’ordre public satisfaisantes.

Nous avons fait le choix d’une organisation « foisonnante » – le terme a été défini et assumé très tôt. En effet, nous savons parfaitement – certains d’entre vous l’ont dit avec raison – que chaque fois que l’on utilise un moyen, chaque fois que l’on propose à nos concitoyens une façon de s’exprimer, il y a un biais. Oui, bien entendu, dans une réunion où l’on peut prendre publiquement la parole, il y a des gens, c’est vrai, qui viennent plus spontanément que d’autres. Oui, bien sûr, quand on propose à nos concitoyens de s’exprimer par la voie d’une saisie numérique, certains y vont assez spontanément et d’autres n’ont ni l’accès à cet instrument ni l’envie de s’en saisir.

De même, nous savons aussi, parfaitement, dans toutes nos communes, que, lorsque nous mettons à la disposition de nos concitoyens un cahier dans le hall de la mairie pour qu’ils viennent y écrire, se saisir de cet instrument, certains d’entre eux ne viendront jamais y rédiger quoi que ce soit.

C’est bien parce que nous savons tout cela que nous avons souhaité que les voies d’accès au grand débat soient les plus diversifiées possible, de façon à réduire, globalement, les biais.

Je crois que c’est ce que nous ont dit les garants du grand débat, même si je ne veux pas parler pour eux – je salue à cette occasion l’un de ces garants, qui est présent dans vos tribunes. Ils nous ont dit, si je ne me trompe, que la volonté d’organiser ce débat de façon foisonnante avait permis, en quelque sorte, de lui donner réalité et intérêt.

Je veux évoquer à présent un deuxième élément.

Nous avons tous, dans cette enceinte, organisé des réunions publiques, du moins localement. Parfois, nous avons été chargés d’opérations ou de campagnes nationales. Nous savons, bien sûr, ce qu’implique l’organisation d’une, de cinq, de dix réunions. Or, en deux mois, plus de dix mille réunions se sont tenues ! Plus de dix mille ! Elles se sont tenues dans de grandes villes comme dans de toutes petites communes. Elles ont pu réunir trente personnes comme cinq cents personnes.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Ces dix mille réunions traduisent une mobilisation qu’on peut saluer : un très grand nombre de Français s’y sont rendus. J’insiste, parce que deux millions de Français qui s’expriment…

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

… sont au moins aussi légitimes, et probablement plus encore, que trente mille personnes qui, le samedi après-midi, viennent manifester avec pour seule revendication la violence.

Il me semble que nous devons à tout le moins assumer le fait que nos concitoyens ont voulu se saisir d’un espace démocratique pour dire ce qu’ils souhaitaient. Cela a été, de ce point de vue – je le dis et je l’assume –, un grand succès.

Je suis pleinement en accord avec le président Retailleau quand il déclare son attachement aux institutions de la Ve République. J’y suis tout autant attaché que lui. Ces institutions prévoient que le Président de la République a un rôle éminent, qu’il est la clé de voûte des institutions ; il lui reviendra donc d’annoncer les décisions prises à l’issue de ce grand débat. Cela suscite de très grandes attentes ; j’ai entendu le sénateur Adnot affirmer qu’il n’avait pour sa part que des espoirs limités, et c’est la seule différence que j’ai avec lui : pour ma part, ces espoirs sont immenses !

Je voudrais par ailleurs indiquer mon désaccord avec une formule qu’a employée le président Retailleau, ou plus exactement avec la façon dont il interprète la politique que nous avons conduite. Nous devrions, selon lui, placer le travail au cœur de notre politique ; mais, monsieur le président Retailleau, c’est très exactement ce que nous faisons ! Cette ambition est au cœur même de l’engagement du Gouvernement et de la majorité de l’Assemblée nationale : nous entendons faire en sorte que le travail paie plus, et en tout cas plus que l’inactivité ; nous voulons faire en sorte, au travers de toutes les réformes que nous menons, qu’il s’agisse des ordonnances relatives au droit du travail ou de l’assurance chômage, que l’activité et le retour à l’activité soient systématiquement plus rémunérateurs et plus avantageux que la non-activité. Nous sommes en effet convaincus qu’une société s’élève par le travail et que l’épanouissement individuel passe lui aussi par le travail.

Vous avez rappelé, monsieur le président Retailleau, que j’ai eu l’honneur d’être maire d’une grande et belle commune, celle du Havre. Je vous en remercie : je ne l’ai pas oublié du tout, et je ne crois pas que je pourrais un jour l’oublier. J’ai d’ailleurs un souvenir si clair de la période où j’ai été maire que je me souviens bien d’un certain nombre d’événements qui l’ont ponctuée. J’ai le souvenir d’une réforme, adoptée, si je ne m’abuse, en décembre 2010, dont l’objet était d’inciter et, parfois, d’obliger – vous le savez parfaitement – les communes à se regrouper dans des intercommunalités.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Convenez avec moi que certaines communes regrettent aujourd’hui ces regroupements forcés. Peut-être ne regrettent-elles que ceux qui sont intervenus plus tard, mais quelque chose me laisse à penser que le mouvement avait été engagé alors.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

De même, je me souviens de la réforme d’août 2015. La façon dont le pouvoir central a, cette fois-là, envisagé la réorganisation territoriale me semble assez éloignée de ce que nous avons nous-mêmes déclaré : la nécessité de ne pas procéder à des big bang…

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

… et de respecter les communes et les intercommunalités, afin de leur laisser le temps, si vous me pardonnez l’expression, de « digérer » les transformations massives et, parfois, brutales qui leur avaient été imposées dans les années précédentes. Je le rappelle très respectueusement au président Kanner aussi, parce que je me souviens bien de cette réforme.

De la même façon, monsieur le président Kanner, lorsque vous affirmez que l’attitude du Gouvernement à l’égard du financement des collectivités territoriales est anxiogène, là encore, ma mémoire ne m’a pas encore fait défaut. Je me souviens de l’annonce, une semaine après les élections municipales de 2014, d’une diminution massive et régulière des subventions aux collectivités territoriales. Je m’en souviens parfaitement : ce n’était pas anxiogène, monsieur le président Kanner ; c’était mortifère !

Vifs applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Après des années de diminution massive de la DGF, nous avons fait le choix, que nous assumons, d’arrêter cette pente mortifère. Quant aux dotations qui ont été notifiées à l’ensemble des communes cette année…

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Pas du tout ! Elles sont marquées par une très grande stabilité, et elles augmentent même ; vous le savez parfaitement.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Je voudrais à présent remercier le président Requier de ses encouragements et de la profondeur de jugement dont il a fait preuve lorsqu’il a relevé l’ancienneté de la colère et de ses causes et qu’il a souligné ce que nous savons tous, à savoir le caractère contradictoire d’un certain nombre d’expressions des Français.

Le consensus peut intervenir sur des objectifs généraux, il peut intervenir sur des sujets précis, mais notre pays n’est pas un pays de consensus : c’est un pays de débats, c’est un pays d’oppositions. Au fond, c’est ainsi qu’on l’aime ! Ce ne serait pas une démocratie, ce ne serait certainement pas notre République s’il venait à changer.

Il serait intéressant – vous l’avez dit, monsieur le président Requier – de faire en sorte que, sur les éléments de consensus, nous soyons capables de construire les compromis démocratiques qui s’imposent. Je veux insister sur cette expression, qui a beaucoup à voir avec la méthode à employer.

M. le président Kanner nous a indiqué qu’il souhaitait de grandes conférences. Certes, elles sont souvent utiles, mais je ne crois pas que le renvoi à une grande conférence soit de nature à répondre, à lui seul, aux exigences et aux demandes que les Français ont exprimées pendant le grand débat. J’ai le souvenir, là encore, de grandes conférences qui, au fond, n’ont pas débouché sur des solutions majeures.

Je suis toutefois convaincu, avec vous, sans doute, monsieur le président Kanner, et avec beaucoup d’entre nous, que, pour aboutir à ces compromis, nous devons travailler non seulement, bien entendu, avec les parlementaires, mais aussi avec les corps intermédiaires…

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

… pour élaborer ce qui pourra ensuite être mis en œuvre, dans le temps, avec constance et soutien.

Cet exercice prend du temps ; c’est un fait. Il est assez largement contraire aux exigences médiatiques de notre époque. Lorsque nous travaillerons à l’élaboration de compromis démocratiques, nous le ferons sous la pression et face à l’insatisfaction de ceux qui nous observent. Nous le savons tous ici. Pourtant, je suis convaincu que nous devrons construire ces compromis et travailler avec les corps intermédiaires pour atteindre les objectifs qui ont été exprimés par les Français et que définira le Président de la République le moment venu.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Ah ! Tout passe toujours par le Président !

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie encore une fois. Je répondrai volontiers à l’invitation que vous m’avez adressée afin que nous ayons une discussion sur les compromis à faire et les solutions retenues, après que le Président de la République se sera exprimé.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Vous n’avez pas répondu à Éliane Assassi !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le Premier ministre, si vous voulez reprendre la parole pour compléter votre réponse, je vous en prie !

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Monsieur le président, je vous remercie mille fois : vous me permettez de corriger…

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

… plus qu’une erreur, une faute. J’ai en effet oublié d’évoquer l’intervention de Mme la présidente Assassi, sinon pour la remercier en termes généraux, et je m’en veux.

Je voudrais la remercier de son discours vigoureux, qui ne m’a pas surpris du tout.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Cela n’a surpris personne ici.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Je voudrais vous dire, madame la présidente Assassi, que je pensais aussi à votre intervention quand j’ai déclaré que nous avions eu un réel grand débat et que cela a été un grand succès. Je ne suis toutefois pas sûr que vous partagiez cette opinion.

Je voudrais aussi revenir sur la question de la conjugaison entre la démocratie représentative et d’autres formes de démocratie qui sont nécessaires, telles que la participation et, peut-être, l’expression directe. Vous avez évoqué le pouvoir et les masses. Le pouvoir est dans les masses, comme disait un responsable chinois à une certaine époque.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Cela a été repris.

Sur ce sujet, nous allons aborder des éléments qui sont compliqués. En effet, si nous voulons défendre la démocratie représentative – et nous devons la défendre en permanence ! –, nous devons lui donner le dernier mot, mais nous devons aussi lui permettre d’entendre d’autres paroles et de se nourrir d’autre chose que de sa seule expression. C’est une question de conjugaison : l’équilibre est difficile, il est délicat.

Nous aurons l’occasion d’en redire un mot, madame la présidente Assassi, notamment à propos de l’initiative qui a été prise récemment en matière de référendum d’initiative partagée. Le texte qui fait l’objet de cette initiative a lui aussi fait l’objet d’un très long débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. Défendre la démocratie représentative, dans ce contexte, prendra donc, à mes yeux, une dimension très particulière, mais je suis certain, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous aurons l’occasion d’en reparler.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Emmanuel Capus et Jean-Marc Gabouty applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La conférence des présidents a fixé les modalités de ce débat interactif. Chaque orateur disposera d’une minute et trente secondes – je serai intraitable – pour poser sa question. Le Gouvernement disposera de la même durée pour apporter sa réponse – je serai non moins intraitable.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Philippe Mouiller.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

S’il y a un sujet que la crise des « gilets jaunes » a remis en lumière, c’est bien celui de notre modèle social.

Les Français ont manifesté leur mécontentement et leurs inquiétudes. Aujourd’hui, notre modèle social, qui était la base de notre pacte national, est attaqué de toutes parts. Son financement est déséquilibré : certains paient toujours plus, car la base contributive diminue sans cesse du fait du vieillissement de la population et du chômage. Pourtant, les besoins n’ont jamais été aussi forts. Les attentes exprimées lors du grand débat national sont importantes.

La paupérisation de ceux qui ont travaillé toute leur vie n’est ni digne ni tolérable. La régulation des soins par la pénurie ne l’est pas non plus. Lorsqu’on évoque les grands sujets que sont la dépendance ou le handicap, le financement est renvoyé à plus tard.

Madame la ministre des solidarités et de la santé, pensez-vous toujours pouvoir faire en sorte que les Français puissent bénéficier d’un haut niveau de solidarité ? Les premières mesures portées par le Gouvernement concernant les retraités et la santé ne vont pas forcément dans ce sens. Or le Gouvernement ne sortira de la crise que si elle est l’occasion, pour lui, de faire œuvre de vérité. Cela passe par la valeur travail, et non par l’augmentation de la dette et des déficits. La valeur travail est essentielle, nous devons la porter ; c’est là l’enjeu.

Dès lors, ma question est la suivante : le Gouvernement est-il prêt à porter ce discours sur le travail et à se poser des questions autour des 35 heures et de l’âge de départ à la retraite, de manière à éviter que ses annonces ne relèvent que de la communication, au détriment de notre modèle social ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur. Il est effectivement très important de rassurer les Français sur notre modèle social. Il est exceptionnel, c’est notre bien commun, et nous ne souhaitons en aucun cas le dégrader ; nous avons même l’ambition de l’améliorer encore, par la couverture d’un nouveau risque dont nous avons largement parlé et qui a émergé du grand débat : celui du grand âge, de la perte d’autonomie et de la dépendance. Cela recouvre les problèmes de nos Ehpad et des professionnels qui y travaillent.

Nous avons le devoir d’affronter en face la réalité d’une population qui vieillit et qui va avoir des besoins supplémentaires. Il s’agit de besoins liés à la dépendance, mais aussi de besoins de santé ; en effet, eux aussi augmentent.

Je ne peux pas, à cet égard, vous laisser dire qu’il y a en ce domaine une dégradation des soins ou une gestion par la pénurie. Un tel choix a certes été fait dans les années 1990 : on a alors réduit le nombre de médecins pour résorber la dette de la sécurité sociale. On en voit le résultat aujourd’hui ! Ce n’est pas le modèle que nous choisissons : nous allons, par notre réforme de la santé, ouvrir le numerus clausus et augmenter les dépenses de santé pour répondre aux besoins. C’est ce que traduit déjà le taux de 2, 5 % auquel nous avons fixé cette année l’Ondam.

Je peux donc rassurer les Français : nous sommes en chemin pour améliorer la protection sociale. Les retraites et la branche famille sont à l’équilibre, la branche maladie l’est presque. La dépendance sera un enjeu que nous couvrirons !

M. Julien Bargeton applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

M. Julien Bargeton. Le prix du livre des députés – pardonnez-moi, mes chers collègues

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Le mouvement des « gilets jaunes » traduit une fracture territoriale liée aux conséquences de la numérisation de l’économie. Celle-ci favorise les métropoles, lesquelles ont du mal à loger les travailleurs qu’elles attirent, au détriment d’autres territoires qui souffrent.

Le numérique, c’est ce que nous avons tous dans nos poches, avec le smartphone. C’est ce qui permet le traitement massif des données, la géolocalisation, la création de services en permanence, mais aussi l’interaction directe sur les réseaux sociaux. On l’a bien vu : vidéos, pétitions, appels à manifester de façon masquée, tout cela représente une révolution qui a, elle aussi, rendu possible le mouvement des « gilets jaunes » tel qu’il s’est déroulé.

Alors, comment mener des politiques publiques dans un monde numérique ? Comment faire que cet outil, dont certains craignent qu’il puisse parfois s’avérer cauchemardesque, réponde aussi à un certain rêve et représente, au niveau local comme au niveau national, un levier permettant d’inventer une nouvelle façon de faire de la politique ? Bref, comment l’utiliser pour rêver tous ensemble ?

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique, dont c’est la première prise de parole dans notre hémicycle. Je lui souhaite la bienvenue.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Je vous remercie de votre accueil, monsieur le président.

Il est certain que le numérique peut être un outil utile au service de la démocratie. C’est d’ailleurs ce qu’on constate dans les collectivités territoriales, qui ont en la matière une longueur d’avance sur l’État. Il peut s’avérer utile, parce qu’il permet d’associer un certain nombre de citoyens, en libérant la parole de certains, qui auraient eu du mal à s’exprimer dans d’autres cénacles.

Deux prérequis sont néanmoins nécessaires pour que cela fonctionne. D’abord, certaines règles doivent encadrer cette expression : des règles de décence et d’expression normale, des règles qui peuvent être liées à la manipulation de l’information. Il faut faire en sorte que les règles qui s’appliquent dans la vie de tous les jours s’appliquent aussi sur internet. Ensuite, pour qu’internet soit un outil au service de la démocratie, encore faut-il que les gens y aient accès ! Il faut donc réduire la fracture numérique, qui s’est creusée depuis quelques années dans notre pays. C’est notamment la mission que se sont assignée Jacqueline Gourault et Julien Denormandie, de manière à ce que tous nos territoires puissent bénéficier d’un bon débit.

Il convient également d’organiser la présence de l’État dans les territoires afin de donner accès à ces outils numériques, de former les gens qui ne savent aujourd’hui se servir ni d’un clavier ni d’une souris ; ils sont beaucoup plus nombreux qu’on ne peut le penser.

Ainsi, in fine, internet sera un outil au service de la démocratie, mais il est nécessaire pour cela que l’État pose le cadre.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Depuis plus de cinq mois, les citoyennes et les citoyens de ce pays se mobilisent contre une mesure fiscale injuste. Nos compatriotes nous disent que l’impôt doit être juste et progressif. Ils nous interpellent notamment sur l’ISF et sur la TVA, sujets qui ont été totalement absents de votre intervention devant nous, monsieur le Premier ministre. Les Françaises et les Français veulent le retour de l’ISF ; ils ont raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Vous faites un cadeau aux plus riches et vous privez le budget de l’État de 3, 2 milliards d’euros. Surtout, ne nous dites pas que l’IFI que vous proposez fera œuvre de justice sociale ! En effet, 80 % du patrimoine des ménages les plus aisés est composé de capital mobilier. Les richesses d’aujourd’hui, ce ne sont plus l’usine à papa et les grands domaines ; ce sont des sommes immenses, des actions, des obligations volatiles qui s’accumulent dans les poches de quelques-uns, particulièrement à l’heure du numérique. Monsieur le Premier ministre, allez-vous écouter les Français et enfin rétablir l’ISF ?

Alors qu’il n’était que candidat, votre ami Emmanuel Macron déclarait : « La TVA, c’est injuste. » Pour ma part, je pense à Corinne, ma concitoyenne d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Elle me demande de vous interpeller, parce que des produits aussi importants que le savon, le dentifrice ou les pâtes sont trop chers. C’est aussi le cas des protections hygiéniques, taxées à 5, 5 %. Les femmes sont contraintes à un nombre de dépenses considérablement plus élevé et vivent avec 20 % de salaire en moins !

Monsieur le Premier ministre, fixer à 0 % le taux de la TVA sur les produits de première nécessité n’est pas seulement, pour reprendre votre propos, intellectuellement possible ; c’est urgent ! Que répondez-vous à Corinne et, à travers elle, à l’ensemble des citoyens de ce pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

M. Pascal Savoldelli. Comptez-vous donner un calendrier pour la réalisation de cette mesure, demande incessante de nos concitoyens ?

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

La première mesure de justice fiscale, quand on voit le niveau d’imposition dans notre pays, consiste à baisser les impôts. C’est ce que Gérald Darmanin et moi-même avons commencé à faire, avec le Premier ministre et le Président de la République.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Depuis dix ans, en France, les impôts ont augmenté en moyenne de 10 milliards d’euros par an. Ils n’ont cessé d’augmenter, pour les ménages, de manière continue, de 2009 à 2017. Pour les entreprises, c’est un peu différent : à partir de 2014, le CICE les a fait diminuer.

Notre politique, c’est de récompenser le travail. Nous avons donc voulu baisser les impôts, en particulier pour les personnes qui travaillent : suppression des cotisations d’assurance maladie et d’assurance chômage, défiscalisation des heures supplémentaires, tout ce qui permet de dire aux Français qui travaillent qu’ils vivront mieux de leur travail.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

C’est ce que j’ai engagé avec Gérald Darmanin.

Le Premier ministre l’a indiqué : nous souhaitons baisser davantage les impôts et, pour cela, baisser davantage la dépense publique.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre. S’agissant de la TVA, je vous répondrai avec beaucoup de simplicité : aujourd’hui, l’intégralité des produits de première nécessité est taxée au taux le plus bas, soit 5, 5 %. Faut-il aller plus loin ?

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

J’ai parfaitement entendu les demandes qui ont pu s’exprimer au cours du débat. Reste que baisser la TVA coûte très cher aux finances publiques et ne représente que quelques centimes d’euro de plus dans le porte-monnaie des Français.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Je ne suis pas certain que ce soit le meilleur moyen de redonner du pouvoir d’achat aux Français…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre : vous faites de la TVA sur le temps !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

… et de mieux rémunérer le travail en espèces sonnantes et trébuchantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Ce que nos concitoyens demandent, c’est d’être en mesure de vivre décemment de leur travail, c’est de ne pas avoir à compter chaque euro lorsqu’ils remplissent leur caddie, c’est de ne pas être tous les mois systématiquement à découvert, c’est de ne pas s’endetter pour payer des factures liées au logement et à l’électricité, c’est de ne pas avoir à renoncer aux loisirs.

Les inégalités sociales se creusent et sont le reflet d’un partage des richesses profondément injuste. Les mobilisations citoyennes que nous connaissons depuis plusieurs mois parlent d’elles-mêmes. La réponse que le Gouvernement doit apporter à ces mouvements sociaux inédits consiste à résoudre l’équation de l’impératif de justice sociale et du défi de la transition énergétique.

Aujourd’hui, 8, 8 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec 1 026 euros par mois. Dès lors, comment vivre dignement et comment exiger de ces Français une participation aux défis qui s’imposent aux décideurs, alors qu’ils sont écrasés par les dépenses liées au logement ?

Les locataires modestes sont les premières victimes des coupes budgétaires sur les allocations logement et de la hausse du prix de l’électricité qui s’annonce. Ils subissent une double peine : l’impossibilité de s’acquitter des dépenses courantes et une assignation à des logements moins-disants et plus énergivores. Ainsi, 7, 4 millions de foyers vivent dans des logements mal isolés, ils subissent les conséquences d’un marché insuffisamment réglementé et supportent des dépenses qui devraient être à la charge du bailleur.

La justice consiste à anticiper les problèmes et non pas à panser les plaies d’une société encore trop inégalitaire. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages et venir en aide aux familles les plus en difficulté ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Le logement en France est un problème essentiel : il peut représenter jusqu’à 40 % à 50 % des dépenses mensuelles d’un ménage.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Il faut donc agir sur deux plans.

D’une part, il faut absolument ancrer notre politique vers plus de logements abordables en en construisant plus et en faisant en sorte que l’accent soit mis sur les logements accessibles. Je pense aux logements intermédiaires, aux logements sociaux et, au sein de cette dernière catégorie, aux logements très sociaux plutôt qu’à ceux de la tranche la plus haute, problématique que vous connaissez très bien, madame la sénatrice.

D’autre part, il faut faire baisser le niveau des charges liées aux logements. L’efficacité énergétique est l’un de ces éléments. Aujourd’hui, des aides existent pour accompagner les ménages et leur permettre d’adapter leur logement, mais elles sont si nombreuses que l’on s’y perd. J’ai demandé à mes services d’en dresser la liste sur une page : ils sont revenus, quarante-huit heures après, avec un document de quatre pages ; or ces aides étaient toutes plus nécessaires les unes que les autres.

En fait, on demande à nos concitoyens de s’adapter à la complexité des aides que l’on a inventées année après année. Cela n’est plus possible : c’est aussi ce message que nous envoient aujourd’hui les Français. C’est pourquoi le ministre d’État, François de Rugy, et moi-même avons pris en compte cette contrainte et décidé que ce serait à l’État, aux entreprises et aux agences de simplifier ces aides.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Nous avons donc lancé la plateforme www.faire.fr, accessible aussi au 0 808 800 700, qui aide nos concitoyens à se retrouver dans la complexité des aides. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Depuis la royauté, la France s’enorgueillit d’accorder l’asile à tous les persécutés. Depuis la République, elle conduit une politique d’assimilation, puis d’intégration, pour que les nouveaux arrivants participent à l’unité de la Nation et s’approprient les principes de la République. Or ces deux modèles sont à bout de souffle. Le droit d’asile est détourné par des filières d’immigration économique ou sanitaire et l’intégration des nouveaux arrivants se heurte au problème du nombre et du communautarisme, qui s’oppose aux principes républicains.

Le Sénat a adressé plusieurs propositions au Gouvernement, pour réformer le droit d’asile, mieux maîtriser l’immigration, mieux intégrer par une politique de quotas, une politique européenne plus affirmée, une politique de contrôle des frontières et un ensemble de mesures garantissant que les étrangers qui arrivent en France respectent les droits et devoirs de la République. En contrepartie, nous mettrions les moyens de les intégrer, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Monsieur le Premier ministre, défendre la République, c’est aussi défendre l’unité de la Nation et cette vision de la société française. Allez-vous oui ou non mettre en place une politique ferme, mais juste, qui intègre sans faire courir de risques à la République ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Monsieur le sénateur Karoutchi, l’asile, que vous avez replacé dans sa dimension historique, fait la singularité de la France, au-delà des clivages politiques, et protège ceux qui ont besoin de l’être.

Vous avez établi une distinction entre les migrants économiques et les réfugiés. C’est essentiel, car cela nous permet d’avoir une politique ferme envers celles et ceux qui n’ont pas vocation à venir ou à rester en France et généreuse aux fins d’intégrer les autres.

Je partage votre opinion sur celles et ceux qui ont besoin d’être protégés. Pendant trop longtemps, nous nous sommes opposés, selon les clans politiques, sur la question du nombre sans jamais nous préoccuper de savoir si cette intégration était réussie. Avons-nous réussi l’intégration ces trente dernières années ? La réponse est clairement non.

L’année dernière, près de 36 000 personnes se sont vu accorder le statut de réfugié par la France. Il nous faut nous donner les moyens de garantir cette intégration. Cela passe d’abord par l’apprentissage et la maîtrise de la langue française, essentiels pour éviter le repli sur soi et le communautarisme, que vous avez dénoncé et que je dénonce bien volontiers avec vous.

Depuis le 1er mars dernier, nous avons doublé le nombre d’heures de français financées pour que, dans certains cas, jusqu’à 600 heures puissent être dispensées.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Cela représente une augmentation du budget, qui a été votée, de 37 % pour l’intégration, soit une hausse de 137 millions d’euros pour atteindre les objectifs fixés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Depuis le mois de novembre dernier, le mouvement des « gilets jaunes » a rendu visible la défiance que nos concitoyens nourrissent à l’égard de nos mécanismes démocratiques. Animés par le sentiment d’être déconnectés de l’élaboration des politiques publiques, ils s’insurgent aux fins d’être plus régulièrement consultés et intégrés dans le process des décisions.

Dans le grand débat national, le Gouvernement a confié à près de 700 médiateurs, facilitateurs de parole, la lourde tâche de transformer une contestation violente en une concertation constructive, la responsabilité d’animer et de réguler au plus près du terrain ces participations de citoyens aspirant à devenir bien plus que de simples administrés.

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Nous disposons d’outils originaux qui ne demandent qu’à être développés, notamment les médiateurs territoriaux, qui constituent souvent le maillon manquant entre les administrations locales et leurs résidents. C’est pour cette raison que, avec des collègues du RDSE et au nom de 57 sénateurs de différentes sensibilités politiques de la Haute Assemblée, j’ai déposé une proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales. Ce texte sera prochainement examiné dans le cadre d’une niche parlementaire.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à engager votre gouvernement et votre majorité en soutenant cette démarche et en émettant un avis favorable sur cette proposition de loi, qui a pour seule ambition de renforcer nos outils locaux de proximité ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Madame la sénatrice Delattre, vous posez la question de l’importance de la citoyenneté dans notre démocratie et de la façon d’en accentuer la vitalité de l’exercice. La question de la citoyenneté est essentielle depuis 1789, et notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen l’instaure pour la première fois pleinement. Depuis, elle s’est exercée diversement, mais de manière toujours manifeste dans notre démocratie.

Ce qui vient de se passer ces derniers mois dans notre pays témoigne de la volonté de revivifier l’expression de la citoyenneté. Cela peut se faire de mille et une manières, par exemple en associant des citoyens au principe de l’élaboration de la loi ou de l’évaluation des textes ; cela peut se faire à l’échelon national ou local, ainsi que vous nous le suggérez avec votre proposition de loi.

Il nous faut engager un travail pour instiller des éléments de démocratie participative dans notre vie politique et dans notre vie démocratique. Cela peut prendre différentes formes. Celle que vous proposez en est une, même si je ne sais pas si cela doit être imposé par la loi – en tout cas, cette pratique mérite d’être développée.

L’important, me semble-t-il, est que, comme le précise la dernière phrase du préambule de la déclaration de 1789, « les réclamations des citoyens, […], tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous ».

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

La crise dite des « gilets jaunes » a été déclenchée par une hausse de la fiscalité écologique : la taxe carbone. Cette hausse forte, trop forte, n’a été ni expliquée à nos concitoyens ni accompagnée socialement ou territorialement. Elle était destinée non pas à assurer la transition écologique ou à aider les collectivités en la matière, mais uniquement à remplir les caisses de l’État.

Très tôt, nous avons appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que cette approche n’était pas bonne. Très vite, nous avons rappelé que la fiscalité écologique devait être incitative et non punitive et demandé que cette mesure soit suspendue. Malheureusement, on ne nous a pas écoutés, et il a finalement fallu renoncer purement et simplement à cette hausse. Ce n’était plus suffisant pour calmer la colère populaire : on le sait très bien, en cas d’incendie, plus on tarde à intervenir, plus il est difficile d’être efficace.

Ma question est très simple : à la lumière de cet épisode et des propos de M. le Premier ministre et face à l’exaspération fiscale, dans la mesure où certains pays ont réussi à mettre en place une fiscalité écologique acceptée et efficace, quelle est la vision du Gouvernement sur l’avenir de la fiscalité écologique, sans laquelle il ne peut y avoir de véritable transition écologique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
François de Rugy

Monsieur le sénateur Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je répondrai à votre question en tirant les leçons non seulement de ce grand débat, mais aussi de la crise qui l’a précédé.

Je ne partage pas votre analyse. La crise a été déclenchée non par la fiscalité écologique, mais par les prix du pétrole à la pompe.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
François de Rugy

Je vous rappelle que la crise a démarré au mois d’octobre, alors que la fiscalité n’avait pas encore augmenté. Vous le savez bien, la fiscalité augmente toujours au 1er janvier. D’ailleurs, vous l’avez vous-même souligné, la suspension de la hausse de la taxe carbone n’a pas suffi : les revendications des « gilets jaunes » et pas seulement d’eux portaient sur le pouvoir d’achat, les revenus et la fiscalité dans son ensemble.

La taxe carbone, qui a été créée en 2013, a été mise en œuvre en 2014 et a augmenté un peu tous les ans. Le problème, c’est qu’elle est venue s’ajouter à d’autres impôts que les Français trouvent légitimement trop élevés.

Nous avons interrompu cette trajectoire. Si nous devions la reprendre un jour, considérant qu’il s’agit d’une réponse efficace, il faudrait revoir complètement la transparence, …

Debut de section - Permalien
François de Rugy

… l’affectation des recettes et l’accompagnement social.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

« Marche du siècle », grève scolaire pour le climat : il est temps de passer du débat aux actes. L’inscription dans les programmes scolaires dès le primaire de cours de sensibilisation à la transition énergétique serait un début.

Alors que l’urgence climatique et environnementale nous commande de revoir entièrement notre modèle énergétique, toute l’attention est focalisée sur la production. Or un problème majeur semble avoir été sous-estimé, celui de la refonte énergétique du parc de logements français, notamment du parc ancien.

L’un des moyens les plus efficaces est de diminuer les consommations énergétiques à la source, c’est-à-dire au sein même des foyers. Environ 4 milliards d’euros sont mobilisés chaque année pour l’habitat sous des formes multiples. Ces fonds publics et privés sont censés aider à la rénovation de 550 000 logements privés et autour de 100 000 maisons et appartements. Ces chiffres figuraient dans la loi de 2015, avec l’ambition de rendre le parc immobilier vertueux d’ici à 2050, avec une éradication des passoires thermiques d’ici à 2025. Malheureusement, du retard a été pris, et il faudrait presque aller deux fois plus vite.

Et que dire des ménages qui se sentent perdus entre les soutiens des collectivités locales et les aides de l’État ? Parfois, ce sont des avances, d’autres fois des remboursements sur devis ou sur factures…

Au-delà du site www.faire.fr, quelles actions concrètes le Gouvernement compte-t-il engager pour simplifier et rendre plus lisibles les outils et aides actuels en matière de rénovation énergétique dans le logement et ainsi les rendre réellement incitatifs et attractifs pour tous les ménages ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
François de Rugy

Madame la sénatrice, nous partageons totalement votre analyse : l’énergie la moins chère et la moins polluante, c’est celle que nous ne consommons pas.

Il y a concrètement des gains de pouvoir d’achat possibles par la transformation écologique, notamment celle de nos logements, qui permet notamment de réduire les factures de chauffage. Cela suppose de mobiliser des moyens et d’accompagner les Français.

Quand on conduit une transformation, on obtient des résultats : il n’est qu’à prendre l’exemple de l’éclairage. Voilà vingt ans, nous utilisions des ampoules à incandescence, nous nous sommes ensuite tournés vers les ampoules basse consommation et, aujourd’hui, vers les LED. En quinze ans, la consommation d’électricité pour l’éclairage a baissé de 25 % à l’échelle nationale. On le voit, l’effet peut être massif.

Julien Denormandie l’a souligné à l’occasion d’une autre question : il va falloir clarifier et simplifier les différents dispositifs. Nous avons commencé ce travail. Au 1er janvier dernier, nous avons lancé l’opération « la chaudière à 1 euro ». Évidemment, tous les Français n’auront pas une chaudière neuve contre 1 euro, mais les ménages qui ont les plus faibles revenus pourront bénéficier de cette aide. Il s’agit d’un test grandeur nature pour voir si nous pourrons étendre ce type de procédure à l’ensemble de la rénovation, …

Debut de section - Permalien
François de Rugy

… en permettant aux opérateurs d’aller au-devant des Français, avec les aides et l’ensemble des démarches à accomplir.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

La santé s’est imposée dans le débat, alors que, de l’aveu même de M. le Premier ministre, le Gouvernement ne l’avait pas prévu.

Nous partageons tous le même constat : l’hôpital connaît une crise existentielle, notamment liée à des coupes budgétaires qui n’ont fait qu’empirer, couplées à une désorganisation due aux 35 heures ; les soins de ville, quant à eux, souffrent d’une désertification médicale, le secteur libéral ayant été affaibli sans alternative durable.

Nous partageons également tous l’objectif que les patients puissent tous avoir un médecin traitant, accéder à un médecin spécialiste dans des délais raisonnables et être accueillis dans des hôpitaux mieux organisés avec des personnels plus sereins.

Or force est de constater que le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé ne va pas dans ce sens. Le projet territorial de santé, mesure phare du texte, aggrave le millefeuille administratif et est sans doute inopérant, probablement inutile.

Quant aux communautés professionnelles territoriales de santé, elles sont un modèle d’organisation uniforme. C’est un modèle centralisateur, qui ne correspond en rien à la diversité de nos territoires.

Madame la ministre, pourquoi le Gouvernement s’obstine-t-il à poursuivre des mesures qui augmentent le temps administratif des médecins et ne libèrent pas de temps médical ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Monsieur le président de la commission des affaires sociales Alain Milon, nous aurons l’occasion d’en débattre, mais vous savez bien que ce projet de loi a pour objectif de rendre du temps médical aux médecins, de mailler le territoire national d’une médecine de proximité, qui ne soit pas constituée que de médecins. Nous savons aujourd’hui que de nombreuses pathologies nécessitent des soins de proximité, qui peuvent être dispensés par d’autres professionnels que les médecins. Il s’agit donc d’une juste répartition des tâches entre les professionnels sur le territoire. Les communautés professionnelles territoriales de santé visent justement à ce que ces professionnels se coordonnent pour une meilleure prise en charge des patients.

Contrairement à votre lecture du projet de loi, tout vient des initiatives locales. Nous sommes là au cœur de la différenciation, prônée par M. Retailleau. Ainsi, chaque territoire dresse son diagnostic en matière de besoins de santé : le projet territorial de santé est à l’initiative des territoires et des professionnels, qui s’organisent pour répondre aux besoins de la population.

Ce projet de loi n’est en rien un texte normatif ou administratif. C’est au contraire de la confiance redonnée aux territoires et aux professionnels pour qu’ils répondent aux besoins de santé des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

La question du millefeuille administratif est souvent revenue dans les réunions du grand débat national, associée à la volonté de supprimer un échelon. Nous avons aussi senti un fort attachement aux communes et aux départements et un ressentiment à l’égard des grandes régions ou des très grandes intercommunalités.

Parmi les pistes étudiées, la création du conseiller territorial, qui partage ses fonctions entre les départements et la région, est l’une des plus intéressantes. Dans un récent entretien à La Tribune, le ministre Sébastien Lecornu a mis en avant cette proposition, qui permettrait notamment de réaliser des économies, en diminuant le nombre d’élus sans remettre en cause l’existence du conseil régional et du conseil départemental, à la différence de ce qui a été imaginé en son temps par le gouvernement Fillon.

Je partage cette proposition. Chacun sait bien que le conseiller régional n’a jamais connu la même légitimité que le conseiller départemental, qui est beaucoup plus reconnu par les acteurs locaux et plus engagé localement sur un territoire bien identifié. Cependant, je m’interroge sur le mode d’élection de ce futur conseiller territorial. Faut-il l’élire en s’appuyant sur le périmètre des cantons actuels ? On imagine ce que cela pourrait donner dans certaines régions : par exemple, une assemblée de 346 membres dans la région Auvergne-Rhône-Alpes ! Faut-il que l’assemblée départementale désigne ses représentants à la région, avec un risque de dilution de cette dernière ?

Par ailleurs, la nouvelle fonction de conseiller territorial serait très exigeante : cela reviendrait à exercer l’équivalent de deux mandats locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

M. Didier Rambaud. Dans le cadre de la loi organique sur le non-cumul des mandats, la fonction de conseiller territorial sera-t-elle compatible avec un mandat municipal ou intercommunal ?

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Monsieur le sénateur, il me sera plus facile d’évoquer avec vous le constat que de répondre précisément à toutes les questions détaillées que vous avez posées.

Vous avez raison de souligner que nos concitoyens ont le sentiment que notre organisation administrative – État et collectivités locales – est trop complexe, au point qu’il arrive que l’on ne puisse avoir accès aux services auxquels on a droit et que l’on ne sache pas trouver le bon interlocuteur. Voilà d’où vient l’idée du guichet unique. Doit-il être dans la commune, la communauté de communes, la communauté d’agglomération ou la métropole ? Comment trouver un responsable à même d’accompagner chacun de nos concitoyens dans son parcours administratif ?

Pour le département et la région, c’est la même chose. Les Français ont le sentiment que la région est trop éloignée et que le département ne peut pas apporter toutes les réponses en raison des conventions avec la région. Il faut trouver les moyens de simplifier la vie administrative à l’égard tant des collectivités que de l’État.

Le conseiller territorial est une réponse possible. Ainsi, une ou plusieurs personnes identifiées pourront passer le message, transmettre le dossier, assurer son instruction et faciliter les échanges entre le département et la région.

Cela soulève un certain nombre de questions – vous en avez posé beaucoup. Si nous devions travailler sur ce sujet, il faudrait veiller à préserver la parité, à éviter une explosion de la taille des assemblées régionales, à affirmer l’ancrage local de tous les élus locaux, …

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

… et ce dans le respect de la règle d’égalité pour représenter un territoire dans une assemblée, qu’a posée le Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Notre devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » est remplacée progressivement par « libéralisation, concurrence, privatisation ». Pourtant, les « gilets jaunes », comme une majorité de Français, refusent qu’on confie au privé nos biens communs.

Les libéraux avaient promis que la concurrence conduirait à une baisse des prix et à un meilleur service. Or les Français observent chaque jour que les prix augmentent pour les usagers devenus des clients – 6 % pour l’électricité l’été prochain –, que les salariés sont la variable d’ajustement et que les profits s’envolent au bénéfice des actionnaires.

Les Français sont majoritairement contre la privatisation des barrages hydroélectriques et pour une renationalisation des autoroutes, ce qu’a défendu notre groupe le mois dernier et que vous avez refusé.

Enfin, les Français s’opposent à la future privatisation d’Aéroports de Paris, monopole naturel au regard de ses 100 millions de passagers par an. C’est une question de souveraineté nationale, de sécurité, d’aménagement du territoire, mais aussi une question économique, sociale et environnementale. L’an dernier, ADP a versé 180 millions d’euros à l’État en tant qu’actionnaire. Nous refusons que cet argent aille engraisser les actionnaires de Vinci, car cet argent serait plus utile à nos hôpitaux et nos écoles.

Pourquoi vous entêtez-vous à privatiser ADP au profit des riches, plutôt que de défendre nos biens communs qui sont le patrimoine de celles et ceux qui n’en ont pas ? Si vous êtes si sûr de vous, donnez la parole au peuple par référendum et nous verrons le résultat !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre de l ’ économie et des finances. Monsieur le sénateur Fabien Gay, nous avons consacré des dizaines d’heures de discussion à cette privatisation. Grâce au travail qui a été accompli au Parlement – au Sénat et à l’Assemblée nationale –, nous avons renforcé les garanties sur les tarifs, l’environnement, la récupération du foncier, la manière dont l’entreprise sera gérée, les investissements nécessaires et le cahier des charges, qui vous a été fourni. Nous avons désormais des garanties solides – plus solides même, comme l’a dit le président-directeur général d’ADP – qu’avant le projet de privatisation.

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre. Vous avez pris l’initiative de demander un référendum d’initiative partagée, dans un attelage étrange qui est peut-être la première étape d’un programme commun entre Les Républicains et le parti socialiste.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne fais que constater que ce projet…

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Je n’y arrive pas, monsieur le président…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, laissez parler monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Après m’être exprimé pendant des dizaines d’heures sur le fond de l’opération, je redis que cette initiative baroque pourrait être la première étape d’un programme commun entre Les Républicains, le parti socialiste et les communistes.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre. Je constate d’ailleurs que, dans leur grande sagesse, ni le président du groupe Les Républicains au Sénat ni le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale ne se sont associés à cette initiative, sans doute parce qu’ils la trouvaient surprenante, voire déplacée.

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Ce que je constate, monsieur Gay, c’est que vous affaiblissez la démocratie représentative en contestant les dizaines d’heures de travail de nos représentants – sénateurs et députés – sur la privatisation d’ADP et, avant même que le projet de loi ne soit voté, en demandant la consultation populaire par référendum.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Je constate que les mêmes qui soutenaient les privatisations voilà quelques mois s’y opposent aujourd’hui et se sont joints à ceux qui s’y opposent depuis toujours.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

J’attends maintenant sereinement la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Le Gouvernement a lancé ce grand débat en posant la question du niveau des prélèvements obligatoires. Or nous pensons que la question qui est posée par les Français, c’est celle de la justice fiscale. Ce n’est pas la même chose !

Les principales raisons des contestations qui s’expriment vivement depuis novembre proviennent de l’accroissement des inégalités, devenues insupportables après les premières décisions budgétaires que vous avez prises dès 2017.

L’abaissement des mécanismes de redistribution est multiforme : baisse des APL, réduction des emplois aidés, hausse de la CSG pour tous les retraités, plan Pauvreté en deçà des attentes. Vos choix ont ainsi abouti à une remise en cause de notre pacte social dans des proportions jamais vues sous la Ve République.

La fin de l’ISF a eu des effets désastreux en matière d’acceptabilité de l’impôt. Cette suppression, couplée à la mise en place de la flat tax, a permis à chacun des cent premiers contribuables français d’économiser 1, 5 million d’euros par an en moyenne, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

… ce qui représente 5 milliards d’euros de recettes fiscales annuelles en moins, alors que, dans le même temps, vous aviez prévu une hausse de la fiscalité écologique impactant fortement nos concitoyens de condition modeste.

La pratique du « en même temps », chère à notre Président, est dans les faits clairement déséquilibrée en faveur des contribuables les plus fortunés. Nous nous interrogeons sur vos ambitions en matière de lutte contre les inégalités fiscales. Si vous continuez à nous dire, comme M. le ministre de l’économie, que, pour lutter contre l’injustice fiscale, il faut réduire l’impôt, c’est pour nous un aveu clair : vous refusez de traiter la question essentielle de l’équité contributive !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le président Éblé, cela ne vous surprendra pas : nous ne partageons pas votre constat. Reste que vous posez une question de société très importante. À quoi sert l’impôt ? Est-il un outil juste de redistribution ? La réponse est oui. Les 10 % de Français qui paient le plus d’impôts sur le revenu en paient l’essentiel, soit 70 % de son produit. Pour autant, seuls 43 % des contribuables sont imposables.

Cela étant, vous le savez mieux que personne, monsieur le président la commission des finances, il existe d’autres impôts que les impôts directs. Les cotisations sociales sont les impôts les plus payés par nos compatriotes – et nous en avons supprimé –, puis la TVA. La question se pose de son équité et de son acceptabilité, selon ses moyens contributifs. Nous n’avons pas, dans un premier temps, posé la question de la TVA. D’autres la posent, y compris d’ailleurs dans votre famille politique désormais.

Quant à la CSG, nous avons considéré que c’est un impôt juste, parce qu’il est proportionnel aux revenus. Évidemment, un certain nombre de discussions sont nées à la suite de la suppression des cotisations, sur lesquelles nous sommes en partie revenus.

Enfin, monsieur le président de la commission des finances, la redistribution ne se fait pas que par l’impôt. Il faut aussi prendre en compte le grand niveau de redistribution sociale dans notre pays. Certes, notre système est celui où le niveau des prélèvements obligatoires est le plus élevé, notamment sur les plus riches, mais c’est aussi celui qui est le plus redistributif. C’est cela, le système français !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le Premier ministre, ce grand débat aura finalement été utile, très utile même, car il vous aura permis d’ouvrir les yeux. Pourtant, cela fait deux ans que les élus locaux, le Parlement – inlassablement –, votre opposition, celle de l’ancien monde, et même quelques-uns de vos ministres depuis quelque temps vous le disent : les Français sont des exaspérés fiscaux ! Avec 45 % de prélèvements obligatoires en 2018, la France porte le bonnet d’âne !

À cette lourde charge s’ajoutent l’injustice et, pour le moins, la maladresse de vos mesures. Vous avez supprimé l’ISF, comme vous l’aviez annoncé, et, en même temps, vous avez baissé les APL et augmenté le taux de la CSG des retraités. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les Français ne ressentent pas une profonde amertume ? Que de temps perdu, alors que la réalité sautait aux yeux !

Les Français ne se satisferont plus des grandes envolées en bras de chemise et des punchlines sur Twitter.

Mentir aux Français en déclarant avec aplomb, et quelquefois avec talent, que « jamais les impôts n’ont autant baissé depuis vingt ans », …

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

… ce n’est pas respecter nos concitoyens. Qui regarde les comptes publics sait que c’est faux !

Instaurer une taxe carbone et baisser les budgets consacrés à l’environnement ne trompent pas nos concitoyens. Annoncer que vous baissez les impôts en comptabilisant ceux que vous aviez prévus et auxquels vous renoncez, c’est incroyable !

Ce que nos compatriotes attendent maintenant, ce sont des faits et des chiffres clairs de baisses d’impôts. Alors, allez-vous supprimer l’augmentation de la CSG pour tous les retraités ? Quels impôts va-t-on voir enfin baisser ? Et quand ? Quel niveau de prélèvements obligatoires vous fixez-vous comme objectif ?

Plus votre réponse sera précise, plus elle sera convaincante. Les Français nous regardent !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Je vais vous répondre précisément, madame la sénatrice Primas : notre objectif est de baisser les impôts de plus de 1 point de PIB d’ici à la fin du quinquennat. Objectivement, factuellement, ce sera la baisse d’impôts la plus importante des dix dernières années, dans la stabilité et dans la continuité. Je rappelle que, en dix ans, ce sont les ménages français qui ont payé le prix de la crise financière et qui ont vu exploser leur niveau de prélèvements, qu’il s’agisse d’impôts ou de taxes.

Nous avons amorcé une décrue. On peut toujours faire mieux, on peut toujours aller plus vite, mais le fait est que nous l’avons amorcée. Selon l’OFCE, les impôts baisseront en 2019 de 440 euros en moyenne pour deux tiers des ménages. C’est factuel. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’OFCE !

Notre philosophie, pour vous répondre sur le type d’impôts que nous souhaitons baisser, c’est d’aider d’abord ceux qui travaillent. Je pense que vous serez d’accord avec nous sur ce point, comme un bon nombre de vos collègues sur les travées du Sénat : il faut aider principalement ceux qui travaillent pour que le travail paie davantage et que tous ceux qui ont un emploi aient le sentiment qu’ils peuvent en vivre dignement. C’est tout de même le premier message que nous ont adressé les « gilets jaunes » : « Nous voulons vivre dignement de notre travail ! » La suppression des cotisations chômage et maladie, la défiscalisation des heures supplémentaires, l’augmentation de la prime d’activité : toutes ces mesures vont dans ce sens.

Enfin, je sais que la fiscalité sur le capital est très critiquée. Pour ma part, je constate une seule chose, c’est qu’elle soutient l’attractivité, l’innovation et les entreprises dans notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Il y a une semaine, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, plaidait pour une « loi Macron des territoires ». Il a exprimé le souhait que le rôle des préfets soit renforcé et, en même temps, que soient octroyées plus de libertés locales et plus de souplesse aux collectivités en matière d’organisation afin de leur permettre de s’adapter plus efficacement aux réalités des territoires.

Ce souhait, nous ne pouvons que le partager. Il est temps de redonner de la cohérence à une organisation territoriale profondément abîmée et déstructurée par les réformes antérieures, notamment par la loi NOTRe. Il est nécessaire de restaurer une meilleure lisibilité de la carte territoriale, mais également de donner aux collectivités les moyens de leurs compétences.

En parallèle, l’État doit assumer son rôle dans nos territoires, notamment dans les plus fragiles d’entre eux, où les habitants considèrent souvent qu’ils sont traités comme des citoyens de seconde zone. C’est la raison pour laquelle je pense en effet que les préfets doivent voir leur pouvoir de décision renforcé et surtout – surtout ! – adapté aux territoires dont ils ont la charge. Il est également nécessaire de donner à ces territoires, qui font la fierté de notre pays, les moyens de leur développement économique.

Madame la ministre de la cohésion des territoires, comptez-vous lancer le chantier d’une grande réforme territoriale ?

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la sénatrice, je suis absolument d’accord avec tout ce que vous avez dit. Le grand débat a aussi eu le mérite de montrer que les Français qui se sont exprimés étaient attachés à la proximité. C’est pour cela que le maire est plébiscité, car il est l’élu de proximité par excellence.

Le Président de la République l’a souvent dit : déconcentration et décentralisation ne sont pas antinomiques. On peut imaginer des transferts nouveaux vers les collectivités territoriales et conserver une organisation territoriale de l’État forte. Nous savons combien les élus et la population sont attachés à la présence des services de l’État sur le territoire. C’est pourquoi nous avons créé de nombreuses maisons de services au public, qui remplacent un certain nombre de services de proximité qui ont disparu depuis une dizaine d’années. Nous allons essayer de renforcer cette présence sur les territoires d’une autre manière.

Mon temps de parole étant achevé, je terminerai ma réponse sur ce sujet à l’occasion de mon intervention sur une autre question.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Le mouvement social de ces derniers mois a permis au Président de la République de prendre connaissance de la détresse du monde rural, du sentiment d’abandon qu’il a maintes fois exprimé et du découragement des maires.

Dans les petites communes, au-delà de la fermeture sans négociation des services publics – écoles, hôpitaux, agences du trésor public, bureaux de poste, etc. –, il existe sur le plan financier une injustice aussi fondamentale qu’insupportable ; je veux parler de la répartition de la dotation de base de la dotation forfaitaire des communes. Aux yeux de l’État, un habitant d’une commune de 200 000 habitants vaut deux fois plus qu’un habitant d’une commune qui en compte moins de 500 ! Avant 2005, il en valait même deux fois et demie plus, cette différence s’expliquant par les charges de centralité exercées par les grandes villes… Certes ! Mais l’intercommunalité ne serait-elle pas passée par là ? Et n’exercerait-elle pas aujourd’hui ces compétences transversales ? Quels que soient les montants de la DSU, de la DSR et des péréquations, l’État peut-il concevoir qu’un Français vaille deux fois plus à un endroit qu’à un autre ?

Dès son élection, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe d’habitation au motif qu’elle était un impôt injuste. Monsieur le Premier ministre, la dotation de base de la DGF est-elle juste ? Allez-vous rendre justice au monde rural et aux petites communes ?

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Madame la sénatrice, on peut en effet se demander si le calcul des dotations aux collectivités locales est juste et s’il prend en compte les questions sensibles que vous posez concernant le monde rural, mais aussi celles, très importantes, sur les villes, certaines ayant des quartiers qui relèvent de la politique de la ville, et sur les intercommunalités, en plein développement. Or je constate que tous ceux qui ont essayé de réformer la DGF et toutes les dotations depuis le gouvernement Barre ont échoué. Il appartient sans doute à la Haute Assemblée de s’y intéresser particulièrement – je sais que vous le faites –, mais aussi aux élus locaux et au Comité des finances locales.

Depuis la fin du gouvernement Jospin, qui est le dernier à avoir touché aux quarante variables de la DGF, et, pour simplifier, la distinction entre l’euro donné à la ville et l’euro donné au village, il y a une différence entre les dotations, en raison des charges de centralité. Il est vrai par ailleurs que les intercommunalités n’étaient pas aussi développées qu’aujourd’hui.

Si le Comité des finances locales, notamment son président M. Laignel, la Haute Assemblée, l’Association des maires de France souhaitent redistribuer différemment une enveloppe qui, pour la première fois depuis dix ans et pour la troisième année consécutive, ne baisse plus, Mme Gourault et moi sommes tout à fait prêts à en discuter. Cependant, vous l’aurez constaté, il y a parmi les associations d’élus, parmi les élus eux-mêmes, que ce soit les représentants des collectivités locales que vous êtes ou les représentants élus directement par le peuple, des gens qui ont des visions différentes.

Les charges de centralité des très grandes villes et les pertes d’habitants des communes rurales sont des questions très importantes. Peut-être pourrions-nous y travailler ensemble, sous l’autorité de la ministre de la cohésion des territoires ?

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je veux évoquer ces territoires où certains services publics s’éloignent, où l’emploi agricole a diminué des deux tiers en trente ans, où il faut avoir une voiture pour se déplacer, où les Français à faibles revenus ne peuvent circuler ou se chauffer en raison de l’augmentation du prix du gazole. Le Gouvernement a débloqué 11 milliards d’euros pour le pouvoir d’achat, c’est positif.

Il faut faire évoluer l’organisation de l’État et des services publics pour plus d’efficacité et un meilleur rééquilibrage. Il faut renforcer les dotations aux communes, soutenir l’aménagement des centres-bourgs, développer internet et la téléphonie mobile, restructurer le réseau ferroviaire et les lignes Intercités secondaires, maintenir les écoles, les gendarmeries, les sapeurs-pompiers volontaires, car ils sont indispensables, développer l’emploi par les entreprises par l’intermédiaire d’un préfet développeur, grâce à des zones franches et des ZRR efficaces. De plus, il faut implanter ou maintenir des maisons de services au public pérennes, avec des permanences efficaces des services publics de l’État, pour les élus et les citoyens.

Enfin, il faut faire en sorte que tous les professionnels de santé soient présents dans les maisons de santé. Pour les médecins, l’abolition du numerus clausus et le plan Santé vont dans le bon sens, même si leurs effets ne se feront pas sentir avant longtemps. Nous devons aussi fortement améliorer la prise en charge de la dépendance, à domicile et dans les Ehpad.

J’en viens à mes questions : comment, dans ces territoires hyper-ruraux, adapter le rôle de l’État pour le rendre plus efficace, pour l’emploi et le service public, pour y maintenir la vie ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour supprimer les zones blanches en matière de santé et maintenir les centres de secours ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, cher docteur

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Il est vrai que les problèmes de désertification médicale sont une réalité, et vous êtes bien placé pour le savoir. Il est vrai également que certains services publics ont disparu des territoires. Le Président de la République a l’habitude de dire qu’on a considérablement réduit le nombre de fonctionnaires depuis une dizaine d’années, essentiellement dans les territoires, beaucoup moins dans les administrations centrales, et qu’il aurait peut-être fallu faire le contraire. C’est la raison pour laquelle il faut effectivement remettre des permanences des services publics dans les territoires et développer les MSAP.

Cela étant, je le dis comme je le pense, il faut aussi garantir des services de qualité dans ces MSAP, les services que certaines d’entre elles rendent étant parfois un peu justes. Nous projetons donc la création d’une sorte de label, attestant de la fourniture dans ces maisons d’un nombre minimum de services, afin de garantir un certain niveau de qualité.

Certains territoires ont mis en place des MSAP mobiles, qui passent de village en village, et c’est une réussite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Enfin, j’indique que, dans le cadre de l’ANCT, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, nous prévoyons une aide de l’État aux élus locaux.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Mesdames, messieurs les ministres, si vous n’êtes pas responsables de tous les maux de nos communes, il est un échec dont vous portez l’entière paternité, c’est à l’évidence celui de la Conférence nationale des territoires. Cette conférence, dont le Président de la République lui-même attendait des propositions concrètes, n’a pas été capable de corriger ce que vous appelez vous-mêmes « les irritants » de la loi NOTRe.

Il a fallu que le Sénat fasse des propositions, notamment sur les questions de l’eau et de l’assainissement, pour que, enfin, soient apportées les corrections que les élus appelaient de leurs vœux. Aucune disposition n’a été prise non plus, alors que s’amorce une réforme fiscale, afin de mettre en œuvre les péréquations nécessaires à l’instauration d’une plus grande solidarité entre territoires urbains et territoires ruraux.

Durant deux années, le Sénat n’a cessé de faire des propositions sur la revitalisation de l’échelon communal, sur les conditions d’exercice des élus locaux, sur la limitation de vitesse à quatre-vingts kilomètres à l’heure, de proposer des mesures susceptibles de permettre aux territoires de retrouver la voie de l’espérance.

Au cours du grand débat national, le Président de la République a avancé un nombre incroyable de pistes. J’ai envie de dire : finies les paroles, place aux actes ! Il est temps pour vous de conjuguer le « dire » et le « faire » et de reprendre les propositions du Sénat. Il n’y a, comme disait Churchill, aucun mal à changer d’avis, pourvu que ce soit dans le bon sens !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le sénateur, cher Mathieu Darnaud, c’est vrai qu’il faut parfois savoir changer d’avis.

La Conférence nationale des territoires est un lieu de dialogue très important. Je sais que le Sénat n’y a jamais été très favorable, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

… mais il est nécessaire que l’ensemble des élus locaux et, bien sûr, le Sénat y participent.

En matière de fiscalité, je tiens à rappeler que nous avons tout de même consacré cette année 180 millions d’euros à la péréquation en faveur des quartiers en difficulté et de la ruralité, où la DGF a fortement augmenté dans la mesure où elle ne subit plus de plein fouet, comme l’année dernière, les modifications de la carte intercommunale. Je suppose que vous l’avez vu sur la carte interactive disponible sur le site de la DGCL.

Par ailleurs, je connais bien le travail sur le statut de l’élu local qui a été réalisé, sous la présidence de Jean-Marie Bockel, par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, avec laquelle mon ministère et moi avons beaucoup travaillé. Nous allons bien sûr intégrer les propositions du Sénat, sans aucune difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Nous avons fait un travail permanent et constructif. Nous sommes bien sûr ouverts pour travailler avec vous sur bien d’autres sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je souhaiterais que nous n’oubliions pas les Français établis hors de France. Ils sont plus de 3 millions à vivre dans tous les pays du monde, ce chiffre augmentant de 3 % à 4 % par an.

Ces Français ont participé au grand débat, ce qui n’a pas toujours été facile pour eux. Quand vous habitez à Conakry, c’est évidemment plus difficile que lorsque vous vivez en banlieue parisienne. Ils ont ainsi fourni 1 500 contributions écrites et participé à 300 réunions organisées dans près de 80 pays à travers le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

C’est un travail collectif, je n’ai aucun mérite particulier.

Ils ont donné leur opinion sur les quatre grands thèmes du débat. Vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’ils ont placé les questions fiscales et les questions de transition écologique en tête de leurs souhaits. Ils demandent en particulier à être traités de manière égale et juste en matière fiscale.

Je soulèverai à cet égard un point particulier. La CSG a été supprimée pour celles et ceux qui adhèrent à un régime d’assurance maladie dans un pays membre de l’espace économique européen et en Suisse. Ils cotisaient en effet à la CSG de façon inutile, puisqu’ils étaient déjà couverts par un système de sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je conclus, monsieur le président.

Le gouvernement précédent a appliqué une décision de la Cour de justice de l’Union européenne et supprimé la CSG pour les ressortissants établis à l’intérieur de l’Union, mais il ne l’a pas fait pour les Français vivant en dehors de l’Union. Il s’agit là d’un traitement différencié et injuste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Monsieur le sénateur Richard Yung, il existe en effet des différences de traitement entre les Français établis au sein et en dehors de l’Union européenne. Cette différence résulte de traités européens, qui garantissent un certain nombre de droits. Pour les résidents européens, ces droits sont la libre circulation des personnes et des marchandises dans l’Union. Il n’y a rien d’anormal à ce que les traités créent des régimes juridiques différents pour les résidents européens et extra-européens.

En l’occurrence, la différence de traitement que vous mentionnez trouve une traduction en matière sociale avec l’exonération de la CSG et de la CRDS sur les revenus du capital, qui ne concerne en effet que les résidents de l’Union européenne. Il faut toutefois préciser que, en l’espèce, c’est non pas le critère de résidence qui joue, mais celui de l’affiliation. L’assujettissement aux cotisations et aux contributions sociales dépend du système social d’affiliation. Toutes les personnes affiliées au système français de sécurité sociale sont soumises aux mêmes règles. Inversement, la coopération européenne et la coordination en matière de sécurité sociale imposent que les affiliés aux autres systèmes sociaux européens puissent n’être soumis qu’aux règles de ces autres systèmes.

Ces garanties existent entre systèmes européens en raison d’objectifs convergents et comme contrepartie à la coordination qui existe entre eux. En dehors de l’Union européenne, il est normal que le principe de territorialité s’applique en l’absence de coordination entre les systèmes sociaux, sauf lorsqu’il existe des conventions spécifiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Les Français ont fait surgir la santé dans le grand débat. Il n’y a rien de surprenant à cela. Nos concitoyens vivent en effet douloureusement la destruction conjuguée des deux piliers de notre système d’accès aux soins que sont la médecine de ville – les déserts médicaux progressent de manière très inquiétante – et l’hôpital public, lequel est aujourd’hui à l’os et ne tient plus que grâce à l’exceptionnel engagement de ses personnels.

Personne n’acceptera que l’examen de la loi Santé se poursuive comme si de rien n’était. Personne n’acceptera qu’après avoir fait les questions de ce grand débat, vous en fassiez aussi les réponses !

Le conventionnement sélectif des médecins doit être décidé pour commencer à corriger au plus vite la démographie médicale en dissuadant de nouvelles implantations dans des zones surdotées. Des propositions ont été travaillées ici même en ce sens, elles peuvent rapidement voir le jour. Le système libéral étant incapable de se réguler, il est nécessaire que la puissance publique intervienne pour développer les unités employant des médecins salariés. Il faut donc aussi soutenir les centres de santé, portés notamment par les collectivités locales.

Il est enfin urgent non seulement de mettre fin aux fermetures de maternités et d’hôpitaux de proximité, mais également de rouvrir un certain nombre d’entre eux.

Comptez-vous prendre en compte ces propositions ? Si vous ne le faisiez pas, je pense que les Français ne croiraient définitivement plus à la sincérité de votre démarche.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Madame la sénatrice Céline Brulin, je connais vos positions sur le système de santé français. Il se trouve que ce cri des territoires, je l’ai entendu dès mon arrivée au ministère. La loi Santé répond exactement à la demande et aux besoins des Français aujourd’hui. Elle coordonne et structure une médecine et des hôpitaux de proximité. Telle est exactement la démarche que j’ai suivie. La seule question que je me suis posée est : comment rendre service à nos concitoyens, qui, aujourd’hui, s’inquiètent de ne pas trouver de médecin ?

Vous proposez une solution simpliste, toujours la même : la coercition des médecins.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Il n’y a qu’à faire le tour des hôpitaux pour se rendre compte qu’elle n’est pas simpliste !

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Je rappelle que seuls 15 % des médecins veulent s’installer en libéral aujourd’hui…

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Et quand on dit que les femmes ne peuvent plus accoucher dans les maternités, c’est simpliste aussi ?

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Nous aurons l’occasion d’en débattre.

Il est certain qu’il n’y a plus de zones surdotées en France. J’aimerais savoir quel sénateur ici accepterait de se départir d’un médecin…

Il nous faut organiser le territoire en imaginant une autre solution que celle qui consiste à déshabiller Paul pour habiller Pierre. Or c’est malheureusement la seule solution que vous proposez.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Enfin, j’ai bien augmenté le budget des hôpitaux cette année. Pour la première fois depuis dix ans, leurs budgets et leurs tarifs sont en hausse. Je redonne du souffle à nos hôpitaux publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

En matière de transition écologique comme de volontarisme institutionnel, on attendait du Gouvernement des propositions plus éclatantes que le recyclage du conseiller territorial, avec ses justifications managériales d’efficacité et d’économies. Encore une incompréhension majeure sur ce que doit véritablement être la démocratie de proximité !

Recentrons-nous plutôt sur une fonction curieusement absente du grand débat : la fonction présidentielle.

Je comprends bien qu’affaiblir les assemblées, cultiver l’antiparlementarisme, supprimer les contre-pouvoirs, des corps intermédiaires jusqu’aux représentants du personnel, offre un confort incomparable. C’est d’ailleurs ainsi que l’ultralibéralisme produit mécaniquement des dérives autoritaires, sous couvert de neutralité technicienne.

En dépit de ce qu’on essaie de faire dire aux Français après le grand débat par un exercice de ventriloquie déconcertant de candeur, ce n’est pas ce qu’ils attendent pour la France ni d’ailleurs pour l’Europe.

Ma question porte sur cet angle mort que l’exécutif n’aborde pas, malgré quatre-vingt-dix heures – quatre-vingt-dix heures ! – de contribution présidentielle au grand débat : celle de la place de la fonction présidentielle dans notre édifice démocratique.

Monsieur le Premier ministre, comment entendez-vous prendre en considération le grand débat dans le cadre d’une révision institutionnelle sans cesse reportée ? Allez-vous transformer ce qui est un projet de technocratie plébiscitaire et de domestication du Parlement en une opportunité pour rééquilibrer notre architecture institutionnelle en faveur d’une meilleure représentation des citoyens et des corps intermédiaires ? Allez-vous accepter de mettre en place de nouveaux mécanismes délibératifs…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

M. Éric Kerrouche. … et représentatifs pour revitaliser une Ve République épuisée par une présidentialisation excessive ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Monsieur le sénateur, votre question est assez paradoxale. Le Premier ministre l’a dit, le grand débat a fait émerger des questions fortes, il a également été marqué par un certain nombre de thématiques qui n’étaient pas abordées – on pense au chômage, à la mondialisation –, mais personne n’a évoqué la place de la présidence de la République dans notre architecture institutionnelle.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Non ! Cette question n’a pas été abordée au cours du grand débat. Personne n’a remis en cause l’article 5 de la Constitution, qui prévoit que le Président de la République « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics », ni notre architecture institutionnelle.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je ne crois donc pas qu’il y ait lieu de le repositionner.

En revanche, je vous rejoins assez aisément lorsque vous soulignez une demande d’évolution de la démocratie telle qu’elle s’exerce aujourd’hui pour y introduire, je le disais, des éléments de démocratie participative. C’est une demande forte à laquelle nous devrons répondre. Le Président de la République s’est engagé à apporter des réponses puissantes sur ces sujets.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

C’est ce qu’il fera. Dans les textes qui suivront ce grand débat, des éléments de réponse permettront, aux niveaux national et local, de répondre à cette demande accentuée de démocratie participative.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

La crise des « gilets jaunes » a été le cri de colère et de désespoir des territoires ruraux méprisés, voire ignorés par le pouvoir technocratique parisien. Ce cri correspondait à la fracture territoriale illustrée par les problèmes de mobilité, l’absence de services publics, la fiscalité, les 80 kilomètres à l’heure, le pouvoir d’achat et des revenus « inadmissiblement » bas. Dans ma commune comme ailleurs, la moyenne mensuelle des retraites agricoles est inférieure à 600 euros. La France devrait avoir honte.

Cependant, le problème le plus dangereux pour la survie de la ruralité est la santé, très souvent citée dans le grand débat. Les médecins généralistes arrivent à la retraite et ne sont pas remplacés. Pour une visite chez un spécialiste, il faut attendre un an et parcourir cent kilomètres aller-retour en voiture en l’absence de transports en commun. La ruralité attirait de plus en plus de retraités lassés de la ville, mais ceux-ci ne viendront plus sur un territoire sans médecin, sans dentiste, avec la pharmacie fermée et les cabinets d’infirmiers partis.

Dans ma question d’actualité du 30 octobre dernier, j’appelais l’attention sur le mouvement du 17 novembre. Bien entendu, le Gouvernement n’avait pas compris et il a été sourd à cet appel au secours. On a vu la suite… M. de Rugy n’a d’ailleurs toujours pas compris !

Les propositions homéopathiques contenues dans la loi Santé ne changeront rien, comme tout ce qui a été fait depuis de très nombreuses années. Il convient de prendre des décisions énergiques, autoritaires et en partie coercitives pour ne pas laisser sans soins des millions de Français. Les ruraux ne veulent pas de soins palliatifs, mais des soins curatifs. La ruralité a la jaunisse, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

… vous ne la soignerez pas avec un cachet d’aspirine et des belles paroles.

Madame la ministre de la santé, que comptez-vous faire pour que des millions de Français puissent encore se faire soigner ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Monsieur le sénateur Genest, j’entends votre question. J’ai pris le problème à bras-le-corps, et il est faux de dire que la loi Santé ne contient que des mesures homéopathiques : c’est une loi extrêmement structurante qui va être débattue par votre assemblée en juin.

Cette loi vise à structurer la médecine de proximité en donnant une nouvelle responsabilité aux professionnels de santé en dehors de la responsabilité de leur patientèle : la responsabilité territoriale. Tous les professionnels de santé d’un territoire s’engagent à s’organiser en groupe pour couvrir une population donnée et permettre l’accès aux soins, à un médecin traitant, à des soins non programmés, à la prévention. Des organisations nouvelles vont se mettre en place dans les territoires.

Nous allons doubler les maisons de santé et les centres de santé pluriprofessionnels, car c’est l’avenir de la médecine. C’est ce qui se fait dans tous les pays du monde aujourd’hui. La médecine en cabinet isolé est vouée à disparaître, parce qu’elle n’est plus adaptée pour soigner les pathologies chroniques.

Nous allons structurer des hôpitaux de proximité qui rendront un service de proximité autour de la gériatrie, de la médecine polyvalente, de plateaux techniques. Nous allons réinvestir dans ces hôpitaux. Nous allons y favoriser des consultations avancées de spécialistes, comme dans les maisons de santé. C’est ce qui se passe dans les GHT, où des professionnels de santé spécialistes…

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

… dispensent du temps médical.

Cette loi structurante va rapprocher notre système de santé des besoins des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

À la suite du grand débat, au-delà des réformes structurelles dont la mise en œuvre prendra nécessairement du temps, nos concitoyens attendent du Président de la République et du Gouvernement des mesures concrètes susceptibles d’avoir une traduction effective à court terme. Dans l’esprit des Français, il s’agit essentiellement de mesures à caractère fiscal et en faveur du pouvoir d’achat.

Le Premier ministre a lui-même évoqué « une immense exaspération fiscale », mais si cette exaspération porte sur le niveau global des prélèvements, elle s’adresse aussi à la répartition de l’effort fiscal. Pouvez-vous imaginer une réforme fiscale sans que celle-ci concerne aussi la TVA ? L’institution d’une TVA à taux zéro sur certains produits de première nécessité, les produits alimentaires non transformés par exemple, et l’application d’un taux réduit à une gamme plus large de produits incluant en particulier des produits d’hygiène concourant à des objectifs de santé publique sont une réponse en termes de pouvoir d’achat.

Je connais les objections récurrentes du ministère de l’économie et des finances sur de telles propositions. L’argument selon lequel le différentiel de TVA serait capté par une majoration de la marge des producteurs et des distributeurs me paraît infondé, car nous sommes bien dans une économie de marché, donc concurrentielle, et cela prouverait par l’absurde que les taux intermédiaires et réduits de TVA actuellement en vigueur n’ont aucune incidence sur le prix TTC, donc aucune utilité.

La deuxième objection concerne la directive européenne sur la TVA, mais dont il est sans doute possible d’utiliser les souplesses dérogatoires ou d’obtenir quelques révisions à la marge.

La troisième objection est le coût budgétaire de telles mesures, mais ce manque à gagner ne pourrait-il pas être compensé, au moins partiellement, par l’instauration de droits d’accises sur certains produits de luxe ?

Fiscalité et pouvoir d’achat étant intimement liés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

… la modulation des taux de TVA est-elle une option envisageable par le Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le sénateur, votre interpellation porte sur la fiscalité, largement abordée dans les contributions de nos concitoyens. Qu’il s’agisse des débats, des cahiers de doléances, des interrogations, des envois de courriers ou des contributions sur la plateforme, la question de la fiscalité est arrivée en premier.

Évidemment, il y a beaucoup d’impôts en France, de nature très différente entre les ménages et les entreprises.

Le Président de la République souhaite baisser la fiscalité. Je me suis permis de faire passer à votre collègue sénatrice un petit graphique assez révélateur de la montée de la fiscalité, parfois qualifiée d’overdose fiscale, composée par deux gouvernements. Nous devons effectivement répondre à cette baisse de la fiscalité souhaitée par nos compatriotes. La question est de savoir où, avec des comptes publics que vous savez dégradés.

Il appartient au Président de la République de choisir les impôts qu’il proposera éventuellement à la représentation nationale et à la population de baisser. La question de la TVA est posée. Vous savez bien qu’elle soulève un problème de recettes, puisque c’est l’impôt, non social, qui rapporte le plus d’argent dans les caisses de l’État.

La TVA applicable aux produits de première nécessité fait l’objet d’interrogations. Il est vrai, comme l’a dit M. le ministre de l’économie et des finances, que ceux-ci sont déjà soumis à un taux très réduit de 5 %. Faut-il aller plus loin ? La Commission européenne répond « non », mais nous pourrions tout à fait négocier avec elle. En tout cas, ce ne sera pas automatique et immédiat, contrairement à d’autres impôts que nous maîtrisons totalement.

Par ailleurs, il convient de prendre en compte le rôle du distributeur. La baisse de la TVA sur la restauration n’a pas créé autant d’emplois que nous le pensions tous, même si elle a sans doute permis d’en créer une part et d’augmenter les marges, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… comme l’ont démontré les rapports du Parlement et de l’Inspection générale des finances. Elle représente des pertes de recettes fiscales et, pour autant, peu de pouvoir d’achat donné à nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Le grand débat, à mon sens réussi, apporte une preuve supplémentaire de la volonté des Français de participer à la décision publique. La manière de décider a changé : nous sommes passés d’une légitimité de position à une légitimité de décision, à une « démocratie délibérative », pour reprendre les termes de M. le Premier ministre.

Le Sénat a fait, sous votre autorité, monsieur le président, dix propositions pour une démocratie plus participative renforçant la démocratie représentative et sans s’y substituer. Ces propositions portent sur le renforcement du référendum local, une rénovation du droit de pétition, à travers un droit de tirage citoyen, un droit d’initiative législative, un mécanisme de questions posées par des citoyens et, enfin, un assouplissement du référendum d’initiative partagée.

Ma question porte sur ce dernier point : l’exécutif a-t-il le projet de reprendre la révision constitutionnelle ? Si oui, le fera-t-il par la voie parlementaire ? Proposerez-vous un nouveau texte ou comptez-vous sur le Parlement pour l’enrichir, notamment sur le référendum d’initiative partagée, qui pourrait ainsi s’inscrire dans la République contractuelle évoquée par M. le Premier ministre ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Monsieur le sénateur Bonnecarrère, votre question reflète bien ce qui ressort clairement des résultats du grand débat. Je ne prétends pas à moi seule les interpréter, mais sous le chapitre « mieux associer les citoyens à la décision publique », quatre items ressortent prioritairement : le référendum, qu’il s’agisse du référendum national, mais surtout local, comme vous le disiez vous-même dans votre propos ; repenser le rôle des élus et des institutions, avec plus de disponibilité et plus d’exemplarité, cela vaut d’ailleurs également pour le Gouvernement ; développer la participation citoyenne et faire évoluer le système électoral. Le fait de mieux mobiliser les corps intermédiaires et la société civile vient plus loin.

Ces résultats disent évidemment que nous ne pourrons pas reprendre la révision constitutionnelle telle qu’elle était écrite, …

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

… encore qu’elle comprenait des éléments allant vers davantage de démocratie participative, de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Il me semble néanmoins que ce serait ne pas entendre ce qui a été dit dans le grand débat que de laisser les choses en l’état. Il appartiendra au Président de la République de préciser la manière dont il entend travailler sur ce sujet. En tout cas, et c’est essentiel, il ne s’agit absolument pas de substituer la démocratie participative à la démocratie représentative…

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

… ni même d’ailleurs de créer de la confusion entre l’une et l’autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lagourgue

Lundi, le Premier ministre a présenté la synthèse du grand débat national. Pour ce qui concerne la fiscalité, un constat s’est imposé : l’exaspération est à son comble. Les Français ont ainsi appelé de leurs vœux une baisse massive de la fiscalité. Cette baisse devra concerner les particuliers autant que les entreprises, avec un objectif clair : augmenter le pouvoir d’achat de tous nos concitoyens.

Cette baisse globale de la pression fiscale, pour concerner tous les Français, ne devra pas laisser de côté les outre-mer. Certes, des dispositions spécifiques existent déjà. Pourtant, elles se révèlent encore insuffisantes pour combler le différentiel de compétitivité de ces territoires par rapport à la métropole et à leur environnement géographique.

Comment la baisse massive et rapide des impôts concernera-t-elle les outre-mer, notamment les entreprises ? Qu’est-ce que le Gouvernement prévoit d’apporter aux dispositifs existants, notamment pour ce qui concerne les TPE et les PME ? Le Gouvernement envisage-t-il d’élargir les aménagements fiscaux propres à certains secteurs d’activité à l’ensemble des entreprises ultramarines ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué « l’exaspération » fiscale et l’attente fortement exprimée par les Français, en métropole comme dans les outre-mer, de voir diminuer cette pression fiscale. C’est ce à quoi nous nous employons : nous avons comme objectif de diminuer le taux global de prélèvements obligatoires de 1 point de PIB à l’échelle du quinquennat.

Cette baisse doit profiter à tous les territoires. Elle doit aussi être l’occasion d’améliorer la lisibilité de notre système fiscal. Nous aurons à travailler sur la fiscalité locale dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation ; ce sera très certainement l’occasion d’améliorer cette lisibilité. Nous aurons à travailler sur les impôts des ménages, comme sur ceux des entreprises. Vous savez les débats qui animent tant le Sénat que l’Assemblée nationale en matière de rationalisation des niches fiscales, de recherche d’économies et de lisibilité. Nous aurons à veiller à ce que les territoires ultramarins bénéficient, comme la métropole, des mêmes dispositifs d’exonération. La baisse de l’impôt sur les sociétés mise en œuvre par le Gouvernement profite d’ailleurs à l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur localisation.

Concernant la fiscalité plus spécifique des outre-mer, ces dispositifs dérogatoires ou particuliers de fiscalité qui peuvent d’ailleurs varier d’un territoire ultramarin à l’autre, je puis vous assurer que Mme la ministre des outre-mer, en liaison avec Gérald Darmanin et moi-même, veillera à ce qu’elle soit adaptée dans le même sens qu’en métropole et sur l’ensemble des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Ma question s’adresse au ministre de la transition écologique et solidaire.

Monsieur le ministre, quelles leçons tirez-vous du grand débat en matière de transition énergétique ? D’une part, la fiscalité écologique ne fonctionne qu’avec de la transparence, de la progressivité et de l’acceptabilité sociale. C’est d’ailleurs ce que le Sénat vous avait rappelé à la fin de 2017. D’autre part, nos compatriotes attendent de la politique une réflexion sérieuse sur ce qu’on veut faire effectivement pour construire une écologie authentique.

En guise de réponse, vous proposez une loi de programmation écologique qui serait soumise par voie de référendum. Quelle serait la question posée ? Faut-il, oui ou non, sauver la planète ?…

Nos politiques publiques environnementales manquent, depuis trop d’années, de cohérence et, surtout, de réalisme. Les Français ont le sentiment que les lois sur l’environnement, comme celle sur la transition énergétique de 2015, sont inconsistantes. Soit les objectifs sont fixés sur le très long terme et ne nous engagent pas réellement, soit ils le sont sur du très court terme et donc irréalistes, discréditant ainsi la parole publique. L’objectif intenable de 50 % de la part d’électricité issue du nucléaire d’ici à 2025 en est le meilleur exemple. Votre programmation pluriannuelle de l’énergie va d’ailleurs repousser l’échéance à 2035 et entrer ainsi en contradiction avec la loi de 2015. Nous attendons d’ailleurs toujours avec impatience le décret relatif à la PPE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Avez-vous vraiment une vision pour une écologie rationnelle qui aurait des effets bénéfiques concrets pour notre environnement et la biodiversité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Monsieur le sénateur, la transition écologique a été très présente dans le grand débat, puisque c’était le deuxième thème d’expression après la fiscalité. L’un des points extrêmement positifs est que nos concitoyens ressentent l’urgence à agir. Ils considèrent le changement climatique et la préservation de la biodiversité comme des sujets importants. Sur la plateforme, ils se disent à 62 % directement touchés et sont 86 % à penser qu’ils peuvent agir en personne. Enfin, ils n’opposent pas écologie et économie, écologie et solidarité, puisqu’ils pensent que les politiques écologiques peuvent leur permettre de réaliser des économies.

Nous sommes prêts à avancer sur les sujets qui leur tiennent particulièrement à cœur, les deux premiers étant les transports - le Sénat a débattu du projet de loi d’orientation des mobilités présenté par Mme Borne - et la transition agricole. Nous tenions ce matin, Didier Guillaume, Agnès Buzyn, Frédérique Vidal, François de Rugy, Brune Poirson et moi-même, le comité Écophyto II+, qui va nous permettre d’avancer dans la transition agricole vers l’objectif ambitieux que nous nous sommes donné de réduction des pesticides de 25 % en 2020, de 50 % en 2050, de sortie du glyphosate en trois ans, en accompagnant les filières.

Les Français nous demandent d’agir au plan national et sur les territoires ; ils sont prêts à agir eux-mêmes. N’opposons pas les Français et le Gouvernement sur la transition écologique !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

Que de la rue aux salles de réunions la question de l’accès à des services publics de proximité soit ces derniers mois un thème récurrent n’est pas fortuit. Nos concitoyens savent bien que les services publics constituent le seul bien de ceux qui n’ont rien, et ils y sont légitimement très attachés.

Aussi, quand l’école ferme, quand les options se réduisent comme peau de chagrin dans le lycée rural, quand les gendarmeries sont regroupées au chef-lieu de canton, quand l’hôpital public le plus proche est à plus d’une heure de route et que l’attente aux urgences peut durer des heures par manque de personnel, le sentiment d’abandon s’installe inexorablement, et c’est toute la perception d’appartenance à la communauté nationale qui se délite. Cette situation n’est évidemment pas brutalement apparue avec ce gouvernement, mais force est de constater son exacerbation ces derniers mois.

Le numérique, s’il peut apporter des réponses partielles, ne sera jamais une solution globale et ne peut remplacer des agents compétents au contact des administrés. Comme l’a souligné le Défenseur des droits, il peut même, dans certaines circonstances, exacerber la fracture et le sentiment de relégation.

Alors que la récente réforme de la justice éloigne le justiciable des lieux de justice, alors que la future loi pour l’école fait planer de lourdes hypothèques sur le maillage territorial du service public d’éducation, allez-vous faire évoluer la logique gouvernementale et tenir compte de l’attente de nos concitoyens, qui ne demandent pas une remise en cause de la fonction publique, mais des services publics, certes modernisés, parfois plus réactifs, bien présents à leurs côtés tant en milieu rural que dans les quartiers urbains ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame la sénatrice Perol-Dumont, je vous remercie de cette question embrassant l’ensemble des services publics présents sur nos territoires et d’avoir rappelé que l’existence de territoires oubliés ou qui se sentent comme tels ne date pas de ce gouvernement et s’est installée au fil des années ; cela témoigne, personne n’en doutait, de votre connaissance des territoires, notamment ruraux.

Nous avons comme objectif d’inverser cette logique en matière de santé. Mme la ministre des solidarités et de la santé a rappelé les efforts que son ministère mettait en œuvre avec la loi Santé pour assurer un maillage territorial.

Nous avons comme objectif, avec Gérald Darmanin, de l’inverser en matière de finances publiques. Nous avons en tête que 1 200 points de contact ont été fermés en dix ans et que nous devons en réinstaller, peut-être en regroupant certaines fonctions support, mais en garantissant de la proximité, une présence physique sur le territoire.

Nous avons aussi la volonté d’accompagner la numérisation des services. Nous nous sommes engagés à ce que l’ensemble des services soit numérisé d’ici à 2022, parce que c’est un moyen d’accès pour beaucoup de nos concitoyens. Nous gardons en tête que 13 millions de Français accèdent difficilement aux services numérisés, soit par défaut de couverture en dépit des efforts du Gouvernement et des acteurs locaux pour améliorer le débit, soit pour des raisons d’usage de cette technologie ; il faut donc veiller à la médiation.

Nous essayons d’apporter une réponse en termes de services publics sur chacun des territoires avec une présence humaine, en veillant à réformer aussi la manière dont nous gérons les femmes et les hommes qui servent l’intérêt général, les fonctionnaires, en les mettant au contact du public et en leur donnant…

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

… plus d’autonomie et de responsabilités au quotidien.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Nous sommes plusieurs à le dire ce soir : les Français sont viscéralement attachés à leurs services publics, mais ils sont aussi très nombreux à critiquer la façon dont ceux-ci sont organisés sur le terrain. Cette responsabilité incombe à l’État et aux collectivités territoriales. Certes, nous avons fait des efforts, et la Cour des comptes a récemment noté que l’implantation des services publics dans les territoires ruraux résiste encore tant bien que mal, mais elle a aussi appelé l’État à améliorer la cohérence de ses services dans les territoires et à renforcer sa concertation avec les acteurs locaux.

Il est évident que les récentes lois d’organisation territoriale n’ont pas vraiment clarifié le partage de responsabilité entre l’État et les collectivités. Dans nos travaux au Sénat, nous touchons du doigt cette réalité et en mesurons les effets délétères. Une partie du dynamisme et de la réactivité des pouvoirs publics locaux se perd inutilement dans les labyrinthes des circuits décisionnels.

Pour corriger ces failles du maquis français, améliorer l’accès aux services publics, nous devons effacer les doublons, alléger les normes, libérer les initiatives. Le Président de la République s’est déclaré disposé à rouvrir la loi NOTRe pour améliorer ce qui ne fonctionne pas. Au-delà de ces corrections, avez-vous le projet, madame la ministre de la cohésion des territoires, d’ouvrir une nouvelle étape de la décentralisation centrée sur une subsidiarité réelle, des espaces de différenciation par lesquels les citoyens, les collectivités et l’État seront en mesure de construire une meilleure gouvernance de notre pays, du sommet à la base ?

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le sénateur Jean-Marie Bockel, nous avons effectivement plusieurs projets visant à réorganiser la présence de l’État sur les territoires, que nous avons l’intention de mener avec les collectivités territoriales.

Il importe bien sûr de supprimer les doublons, source de clarté pour nos concitoyens. Il convient également de faire en sorte que les services publics soient présents d’une manière moderne sur les territoires. Nous savons bien que nous ne disposerons pas des services publics d’autrefois. Nous savons aussi que le numérique est un outil utile pour les services publics, mais que ceux-ci ne peuvent pas passer uniquement par l’outil numérique, ne serait-ce que parce qu’il faut accompagner environ 30 % de la population pour l’encourager à utiliser le numérique.

Par ailleurs, nous proposerons la réalisation d’un agenda rural permettant de décliner sur les territoires les services publics dont nos concitoyens ont besoin. J’ajoute, bien sûr, qu’il ne faut pas opposer le rural à l’urbain. Il faut prévoir la présence de maisons de services au public dans les quartiers.

Pour conclure, j’indique que 95 % des gens qui se sont exprimés dans le grand débat sur ce sujet sont tout à fait d’accord avec le regroupement des services publics en un guichet unique sur les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Depuis plus de vingt-deux semaines, notre pays connaît une crise sociale sans précédent. Depuis deux ans, le pouvoir se résume à un homme, seul, à l’Élysée, qui décide de tout. Pour autant, impuissant face à cette crise, il a lancé son grand débat national. L’instrumentalisation des contributions le transforme en « grand bluff national ».

En vingt-deux semaines, toutes les solutions n’émanant pas de l’Élysée ont été rejetées. Les propositions de lois et d’amendements socialistes : rejetées ! Le Pacte pour le pouvoir de vivre porté par dix-neuf organisations autour de MM. Berger et Hulot, que vous connaissez bien : rejeté également !

Ma question est simple : le Président de la République va-t-il suivre les conseils de la porte-parole du Gouvernement, qui a prophétisé que « rien ne sera plus comme avant », ou va-t-il continuer à prendre et à imposer ses décisions seul ? Pour sortir de la crise, va-t-il enfin entendre la demande d’une grande conférence sociale, environnementale et territoriale associant l’ensemble des Français au travers de leurs représentants légitimes, à savoir les trois assemblées, les élus locaux, les partenaires sociaux et l’exécutif, afin que chacun prenne publiquement des engagements et s’y tienne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, qui est notamment chargée du grand débat.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Monsieur le sénateur, ce grand débat a été un moment de démocratie inédit auquel plus de 1, 5 million de personnes ont participé : un tiers par des contributions en ligne, un tiers dans 10 000 réunions partout sur le territoire et un tiers dans des cahiers citoyens. Nous pouvons bien sûr tous considérer que la parole de 1, 5 million de personnes n’a pas d’importance, mais il me semble que cette parole a de la valeur et doit être entendue.

Ce grand débat n’a pas opposé les Français et les corps intermédiaires : les organisations syndicales et patronales y ont beaucoup participé ; elles ont été incitées à produire des contributions. Nous avons monté des conférences nationales thématiques regroupant les organisations syndicales et patronales, les grandes associations, les associations de protection de l’environnement, de solidarité, les associations d’élus, qui ont émis des propositions. Leurs quarante propositions ont servi de base aux conférences régionales citoyennes, composées de citoyens tirés au sort qui, eux-mêmes, ont réagi. Par ailleurs, les contributions de ces organisations sur le site du grand débat ont été rendues publiques.

Vous nous interrogez aujourd’hui sur les suites de ce processus. Le Président de la République l’a dit, c’est le moment de refonder le quinquennat, de revoir le projet national et européen.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Le Premier ministre a annoncé la mise en œuvre de décisions puissantes. Le temps des décisions est proche et celles-ci, j’en suis sûre, ne nous décevront pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Dans sa lettre aux Français, le Président de la République n’a pas identifié l’éducation comme un sujet essentiel. Pourtant, la plupart des Français sont particulièrement inquiets pour l’avenir de leurs enfants. Plus personne n’ose dire aujourd’hui que l’école va bien. L’ascension sociale et la confiance dans l’institution scolaire sont compromises, car il y a un renoncement évident au principe de la méritocratie républicaine.

Dans ce contexte difficile, à travers le déracinement des savoirs, le nivellement, la création des inégalités, l’école n’a plus d’identité et ne fait qu’aggraver les fractures territoriales, sociales et culturelles dans notre pays. L’école républicaine a cessé d’être nationale ; elle a même cessé, plus grave encore, de former des citoyens éclairés et patriotes plus instruits que leurs aïeux.

Cet appauvrissement intellectuel et cet abandon culturel produisent, dans un certain nombre de territoires et de quartiers laissés en marge, échec scolaire, violence, chômage, discrimination et un malaise dans lequel tant d’enseignants, d’élèves et de familles sont plongés.

Il est urgent de réaffirmer l’autorité du maître et la primauté de la transmission des savoirs sur tout pédagogisme.

Monsieur le ministre, vous avez ouvert beaucoup de chantiers sur l’école.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Mme Dominique Estrosi Sassone. Vous avez commandé des rapports, créé des comités Théodule, présenté le projet de loi pour une école de la confiance… Mais qu’attendez-vous pour rétablir le lien entre la Nation et l’école, garante des valeurs républicaines ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Notre stratégie pour l’école est claire, et j’ai souvent eu l’occasion de l’exposer devant vous. Elle tient en deux grands objectifs : élever le niveau général et garantir la justice sociale.

Le Président de la République a abordé l’éducation dans sa lettre aux Français, même si elle ne constitue pas l’un des quatre axes. Il ressort également du grand débat que l’éducation apparaît comme une solution, et non comme un problème : les Français lui demandent de renforcer le lien avec la vie professionnelle, de traiter de la transition écologique et de former à l’éducation civique et morale.

Je ne pourrai pas résumer en une minute l’ensemble de la stratégie, que par ailleurs vous connaissez, madame la sénatrice, mais la définition de l’école est claire : transmettre des connaissances et des valeurs.

Je suis en désaccord avec vous sur deux points.

Premièrement, votre description beaucoup trop catastrophiste n’aide pas à la construction de l’école de la République. Celle-ci va mieux que ce que vous dites, et moins bien que ce que l’on voudrait. Évidemment, nous avons une stratégie à long terme, mais l’impatience et les mots excessifs ne la servent en rien.

Deuxièmement, votre remarque sur les comités Théodule est inutilement désobligeante. Nous avons créé un grand conseil scientifique de l’éducation nationale, présidé par Stanislas Dehaene, qui a débouché sur des mesures très concrètes, comme les évaluations au CP et au CE1, véritable stratégie pour ancrer les savoirs fondamentaux chez nos élèves.

La réforme du lycée est également extrêmement concrète.

On ne peut pas nous faire le procès de rester dans la théorie ou l’abstraction. Nous agissons, selon une stratégie claire et exposée. Il faut simplement du courage, et peut-être aussi une relative unité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Le sujet de la santé a été largement évoqué par nos concitoyens lors du grand débat.

Je commencerai par saluer l’initiative de la ministre et du Premier ministre d’avoir lancé, dès octobre 2017, un plan pour l’accès aux soins. La stratégie Ma santé 2022 a également été largement plébiscitée lors de sa présentation en septembre dernier. Le projet de loi Santé, dont nous allons débattre dans cet hémicycle d’ici à quelques semaines, décline cette ambition.

Je voudrais à présent profiter de mon expérience de déléguée à l’accès aux soins pour vous faire part de quelques réflexions et vous proposer quelques outils, madame la ministre.

Il faudrait une boussole pour se repérer dans la forêt d’acronymes et de dispositifs existants, notamment pour favoriser l’installation des médecins ou la coordination des initiatives… Les élus et nos concitoyens ne s’y retrouvent pas. La culture de la simplification doit véritablement devenir une exigence.

Il faudrait aussi clarifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Il faut penser à poser votre question, ma chère collègue…

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Le projet de loi Santé prévoit un large recours aux ordonnances, et certaines de ses mesures sont très floues.

Le dernier outil que je vous propose, c’est un baromètre.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Nous avons besoin d’une déclinaison par territoire, et il est très important, notamment, que les élus locaux puissent diffuser les résultats des mesures qu’ils effectuent.

Pourriez-vous apporter les clarifications nécessaires et faire confiance aux élus locaux, notamment aux élus départementaux, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

… qui s’investissent beaucoup dans les politiques de santé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Madame la sénatrice Élisabeth Doineau, j’ai écouté vos remarques avec attention. Vous parcourez tout le territoire pour voir comment s’organise le plan d’accès aux soins, et les propositions que vous nous soumettez sont issues de votre expérience.

Je suis d’accord avec vous : une relation de confiance doit se nouer avec les élus locaux pour déployer notre stratégie de transformation du système de santé. Nous avons d’ores et déjà créé, pour l’examen du projet de loi Santé, un groupe de contact avec les grandes associations d’élus – AMF, ARF, ADF –, chargé d’examiner les étapes de la discussion du texte et sa future mise en œuvre.

Je veux également que les élus locaux soient beaucoup plus impliqués qu’ils ne le sont aujourd’hui dans les décisions de santé. Lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, les députés ont prévu une participation des élus locaux aux conseils territoriaux de santé. Les parlementaires, députés et sénateurs, siégeront également au conseil de surveillance des ARS, et ils seront impliqués dans les décisions de santé territoriales.

C’est aujourd’hui le contrat que je veux conclure avec les citoyens : rien ne se fera sans les élus locaux. Je rencontre tous les mois les directeurs généraux des agences régionales de santé et leur rappelle que la transformation de notre système passera par une concertation avec les territoires et une compréhension de leurs besoins, tout en tenant compte des contraintes liées à la sécurité des soins. C’est mon unique boussole en tant que ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, je vous remercie d’avoir assisté nombreux à ce débat qui a duré plus de quatre heures.

Je remercie M. le Premier ministre, Mmes et MM. les ministres, et je félicite tout particulièrement M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, dont j’ai pu apprécier le rôle de chef d’orchestre tout au long de l’exercice.

Ce débat n’est qu’une étape d’une réflexion à laquelle il m’apparaît indispensable que le Sénat soit associé, avec sa préoccupation particulière pour les territoires et les citoyens.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures dix.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.